Dernière rose | Sekmêt

Widar était assise dans l'ombre, à observer le campement éteint et silencieux. Elle ne manqua pas de voir l'ombre de son père approcher, ni le court dialogue entre sa demie-soeur et Both. Jalouse de la complicité émanant du Zélote blanc et de Varkyrith, la brune se tapit dans l'obscurité, boudeuse. La promesse de promenade familiale aurait habituellement fait bondir la jeune louve couturée, mais elle se contenta de grommeler à l'intention de son père, qui déjà s'éloignait de la tanière parentale.

« Jvois pas pourquoi j'aurais envie de vous voir plus. »

Puis elle rejoignit son frère, seul mâle de la portée, en grimaçant pour aller se chamailler au fond de la petite grotte.

Dans la nuit, Sekmêt s'attendait à passer inaperçue, elle aurait voulait se couler discrètement au fond d'une grotte vide pour éviter les petites guérillas habituelles du coucher des gamins. Bien sûr la femelle chocolat appréciait la présence de ses petits, ou du moins, elle les supportait relativement bien par rapport aux autres loups de la meute, mais de plus en plus le manque de sommeil et l'impatience qu'elle ressentait en les entendait continuellement crier ou se battre, la rendait plus irritable qu'a l’accoutumée. Elle déprimait un peu aussi, sans trop comprendre pourquoi. Sans même se l'avouer. Elle estimait aller bien, même si l'ennui et la fatigue l'emportait bien souvent loin de l'agitation enfantine de ses rejetons. Elle faisait tout de même le nécessaire. Elle les nourrissait, les protégeait et s'assurait que tout aille bien pour eux. Elle n'était pas câline ou douce, mais elle était présente. C'était déjà ça non ?

Enfin, quand elle parvint prêt de la tanière familiale et y entendit le remus-ménage des mioches, elle hésita à entrer. Ses prunelles turquoises dérivèrent un peu tandis qu'elle réfléchissait à où elle irait dormir, pour être au calme. C'est là qu'elle le vit, son loup blanc, assis un peu plus loin. Dès qu'il la vit, il se redressa pour s'approcher, alors elle bondit à sa rencontre, agréablement surprise de la voir à l'extérieur à l'attendre. Son poil blanc renvoyait les rayons lunaire et formait un halo divin autour de lui. Sekmêt esquissa un sourire. Il était un ange. Celui qui l'avait sauvée de sa haine dévastatrice. Ou du moins qui l'aidait à remonter la pente lentement. Le sourire du Zélote, barré d'une jolie rose, fit fondre la brune qui se sentit frémir. Elle se frotta furtivement contre le flanc de son compagnon et une lueur malicieuse éclaira son regard électrique tout en chuchotant au passage à son oreille :

« Bonsoir, Grand méchant Loup. »

Elle rit, avant de s'éloigner innocemment.

Il la suivait toujours. Malgré les mois a vivre ensemble, malgré les quatre gamins qu'elle avait porté avec lui -parce que jamais il ne l'avais laissé dès qu'il avait su-,, malgré la cinquième adoptée de sa première copine, et malgré la routine fatale du quotidien... Malgré tout ça. Both la suivait encore. Elle était ravie qu'il ai préparé cette soirée pour eux. Sekmêt n'était pas dupe, si les gamins ne leur tournaient pas autour comme des petits vautours affamés, c'était parce que la contrepartie de cette tranquillité était lourde. Du moins le supposait-elle ? Les filles avait toujours de grandes exigences qu'elle peinait parfois à remplir. Mais bon, elle faisait de son mieux avec ce qu'elle avait. Lorsque le Zélote blanc comme neige porta la rose à ses cheveux et la coinça dans une de ses tresses, elle pencha la tête vers lui, frottant son museau contre son poitrail. Il esquiva le coup de patte joueur alors qu'elle avait a peine décoller ses coussinets du sol. Le visage de Sekmêt s'illumina : il la connaissait. Il savait. Jamais personne n'avait été à ce point proche d'elle pour apprendre ses manières et réactions par coeur. Sekmêt compris alors une chose importante. Il y avait un lien désormais indéfectible entre le mâle et elle. Elle se demandait même s'il elle n'avait pas fini par trouver son âme-soeur. Bon c'était mièvre et romantique, tout ce qu'elle n'était plus. Mais l'idée la travaillait tout de même. Elle en avait tellement bavé, et cela l'avait tellement changée... Mais peut-être avait-il fallu ça pour trouver enfin le bonheur mérité ? Avec celui qui lui convenait à la perfection ?

Mielleux, Both lui proposa ce qui s'apparentait le plus à un acte d'engagement définitif. Il voulait rester avec elle. Elle et elle seule.

« Je dis que c'est une très bonne idée. Une seconde tanière pour eux tous ensemble, et pas trop loin... Mais une autre tanière oui ! »

Oui vivre avec cinq adolescents étaient presque insupportable et presque au dessus de ses forces. Mais malgré cette fatigue et cette incapacité à créer des liens de complicité très serrés avec ses rejetons, elle les aimait à sa façon. Tout était dans le presque en fait. Parce qu'elle était tout de même une mère. Et une mère parvient toujours à surmonter le presque. Ou du moins elle fait de son mieux. Et Sekmêt donnait son meilleur, même si c'était loin d'être idéal...

« Vraiment pas trop loin, hein ? »

S’inquiéta t-elle un peu plus. Elle n'avait pas envie de les voir devenir grand et partir. Malgré toutes les difficultés, elle aurait voulu les voir rester des lardons minuscules. Elle n'avait pas perdu son sourire. Both avait cette effet euphorisant sur elle. Et pas que. Il avait cette fossette au coin du museau qui faisait fondre son coeur. Il avait cet air goguenard qui faisait vibrer ses tripes. Chaque instant passé prêt de lui représenter un moment de complicité, de jeu, de séduction, voire de la tension sauvage. Et tout ça, elle adorait. La maternité l'avait privé un peu de tout ça, à cause des hormones et du manque de temps. Mais là... C'est avec délice qu'elle se coula contre lui tout en l'ignorant royalement. Comme s'il n'était pas là et qu'elle se glissait le long d'un rocher. Elle avait envie de lui dire ce qu'elle ressentait pour lui. Mais elle avait peur. Peur de ses propres sentiments. Et peur que mettre des mots sur la magie qui s'opérait entre eux ne fasse tout disparaître. Alors elle se taisait, souriait, jouait et mordillait son cou avec envie.