High hopes || Pv. Arabella

Cui-cui
Ska, vautré au milieu de ses congénères, ouvrit lentement les yeux et les posa directement sur le petit rouge-gorge rencontré quelques jours plus tôt. Enfin, rencontré était un bien grand mot. A vrai dire, il l'avait plutôt retrouvé totalement frigorifié entre les racines du saule. Et plutôt que de le boulotter comme l'aurait probablement fait un autre -de toutes manières il ne voyait pas comment une si petite bête pouvait lui remplir l'estomac- il avait préféré le ramasser et le ramener au camp pour le soigner, et au fil des jours Pioupiou, comme il l'avait affectueusement surnommé, avait retrouvé sa vigueur. Ska en était bien heureux.
Il attrapa l'oiseau et quitta rapidement le Squat, avant que son nouvel ami ne se décide à réveiller tous les Brethens avec ses gazouillements ou, pire, que l'un de ses camarades décide d'en faire son repas. Ce qui l'aurait évidemment rendu très triste.
Une fois arrivé à l’extérieur, il s'adressa à la bestiole posée sur son museau.

▬ On va trouver un endroit plus chaud. Il fait super froid ici.

Le rouge gorge ne protesta pas. De toutes manières, et dans l'idée que les oiseaux ne possédaient pas le même langage que les loups, il ne le pouvait pas. Pas verbalement en tout cas.
Comme d'habitude, Ska était d'excellente humeur. Et lorsque c'était le cas, il avait toujours envie de marcher. Alors tant pis, cette fois encore il partirait à l'autre bout des terres et chasserait cette petite voix dans sa tête qui lui disait qu'il ferait mieux d'aller trouver Suète plutôt que de se faire la malle.

Ses pattes musclées le portèrent sans mal jusqu'aux Plaines Savanes. A force de ballade, il connaissait les terres de Punk Wolf par cœur. Ou presque, il restait certainement des zones qu'il n'avait pas encore explorées. Mais ce n'était qu'une question de temps, dans quelques années -si on ne l'attachait pas d'ici là-. Pour le moment, il comptait bien profiter de cette savane et de la température tout à fait acceptable qu'il y faisait.

Son ami à plumes s'envola soudainement à tire d'aile et sa bonne humeur avec.
Naïf, il avait toujours pensé que Pioupiou resterait avec lui jusqu'à la fin. Jamais il n'avait pensé qu'il voudrait retrouver sa liberté, une fois en meilleure forme. Et d'un coté, il le comprenait. Peut-être que le rouge gorge avait une famille qui l'attendait. D'autres oiseaux qui comptaient bien plus pour lui qu'un gros loup blanc un peu con. Et même si ça le rendait triste, il devrait faire avec et continuer sa route en se contentant des loups qu'il croisait. Depuis sa naissance, aucune de ses relations n'était restées fixes. Il avait bien un frère, Lucien, mais depuis qu'il avait quitté les Séides pour le clan adverse, Ska n'avait plus de nouvelles de lui. Il en était de même pour Lisabeth. A croire que Suète avait prise sa place dans sa vie.
Le jeune loup laissa lourdement tomber son derrière dans l'herbe sèche, tout penaud.

De son côté, Arabella était en pause goûter.

Pause bien méritée après un si bon début de matinée.
Le retour progressif du beau temps — quand bien même elle n'avait jamais connu que l'hiver dans ce pays, c'était donc plus une arrivée qu'un retour à proprement parler – semblait lui donner des ailes. Et c'était très certainement parce qu'avec lui, les proies revenaient elles aussi.
Elle avait finalement réussi à se remplumer : certes, elle était encore un peu maigre par rapport à son standard habituel de louve déjà assez menue, mais de ce côté-là elle allait clairement mieux qu'il y avait quelques mois. Elle avait par conséquent retrouvé toute sa vigueur et sa joie de vivre, très certainement motivée par la perspective de jours meilleurs.
Et le retour d'un régime alimentaire sain et équilibré.

Levée aux aurores, elle n'avait pas eu à fureter bien longtemps en bordure du désert pour tomber sur un lièvre bien moins famélique que tous ceux qu'elle avait pu trouver au cours de l'année qu'elle avait déjà pu passer ici. Lièvre dont elle avait soigneusement mangé la moitié après lui avoir tordu le cou, et dont elle avait déposé les restes à l'entrée du Terrier, à l'intérieur duquel Daniel sommeillait encore — ce dernier n'ayant, contrairement à elle, jamais été très matinal. Cela ferait un excellent petit déjeuner pour le gros loup, qui n'aurait qu'à se trainer le cul hors de son trou terreux et à se chercher à manger s'il souhaitait un encas plus copieux.
C'était l'estomac pour sa part bien rempli qu'elle avait ensuite pu partir à la conquête du monde, ou en tout cas, à la recherche d'un peu d'aventure. Ou au moins, de quelque chose. Elle était effectivement de très bonne humeur, chose globalement habituelle chez elle mais qu'elle avait un peu perdu avec les mauvais jours.
Après ça, elle était aller fureter du côté du petit bois où elle trouvait d'ordinaire des pommes — à peu près la seule chose juteuse qu'elle pouvait dégotter dans cet hiver jusque là sans fin – et avait constaté, ravie, que son pommier préféré — le plus sucré – portait effectivement des fruits murs, et qu'il y en avait même qui étaient suffisamment bas pour qu'avec un peu d'agilité et d'astuce, elle les attrape.
Elle trottinait maintenant dans la savane, une pomme rouge sang dans la gueule, et laissait son regard se promener sur les alentours, tout en savourant la douce caresse du soleil sur son dos. D'accord, elle en profitait aussi pour voir si elle ne trouvait pas une autre proie sympa qu'elle pouvait attraper, parce qu'il était clair que Daniel n'allait pas se contenter d'un simple demi-lièvre... elle était certainement bien trop dévouée.
Elle venait de s'allonger à l'ombre d'un gigantesque baobab et s'apprêtait à croquer avec avidité dans sa friandise quand une forme blanchâtre perdue dans les herbes à une centaine de mètres d'elle peut-être — sa notion des distances étant devenue extrêmement floue depuis la perte de son oeil.

Intriguée, elle leva la tête et plissa les yeux. Elle était trop loin pour reconnaître clairement la personne mais il ressemblait assez à ce loup fantomatique qu'elle avait croisé à la bibliothèque la première fois qu'elle s'y était rendu. C'était peut-être lui, même s'il semblait clairement plus balèze que la dernière fois. Mais une fois encore, ça venait peut-être de son problème d'appréciation des distances.
Remballant son goûter pour plus tard, elle attrapa de nouveau sa pomme et décida d'aller voir de quoi il en retournait. Elle qui était justement en quête d'une opportunité pour ne pas passer une journée extrêmement monotone...
Elle partit au petit trot, mais à mesure qu'elle se rapprochait, le doute l'envahissait. Il semblait effectivement bien plus caisse que la dernière fois et pas vraiment pareil, en fait. Elle eut la confirmation que ce n'était pas lui lorsque le vent tourna et lui apporta l'odeur d'un mâle du même âge certes, mais pas le même, et d'un autre clan qui plus est. Cela ne la dissuada pas d'aller le voir. Et en plus il avait l'air triste, se dit-elle pour se donner bonne conscience. Pas meilleur remède à la tristesse qu'un quart de pomme selon elle. Mais elle était certainement un peu naïve.
Lorsqu'elle fut suffisamment proche de lui, elle fit un petit détour pour le contourner et arriver donc face à lui, histoire de pas le surprendre, on savait jamais. Il avait effectivement l'air bien deg. Ca lui fit de la peine, et elle se posta à environ deux mètres de lui, s'asseyant bien sagement et laissant son fruit choir entre ses deux pattes avant.

— ¿ Quieres un poco de manzana, chico ? demanda-t-elle sans réfléchir.

Parce que quoi de plus normal quand on était un loup de proposer un bout de pomme à un autre alors qu'on le connaissait pas et sans même dire bonjour, oui, bien sûr, Arabella.
Ca faisait pas du tout Blanche Neige. Toi aussi accepte la pomme d'une inconnue.
Puis, histoire d'accompagner ses dires et de les rendre un peu plus clairs parce qu'évidemment elle doutât qu'il parle espagnol bescherelletamère, elle poussa légèrement sa pomme en avant d'un bout de patte, avant de dire, plus hésitante :

— Mhhh... Pomme... ? Tu veux ?

Bescherelletarace, même, en fait.

Ska réagit à peine au bruissement des herbes sèches dans son dos. Ni même à l'odeur féminine qui devenait de plus en plus présente. Par contre, il fut bien obligé de relever la tête lorsqu'il aperçu une petite louve brune arriver et s'asseoir à quelques mètres de lui. Il ne l'avait jamais vue auparavant, que ce soit chez les Séides ou les Brethens. Elle était donc sûrement solitaire. Ou nouvelle, il n'en savait trop rien et s'en moquait. Il n'avait jamais fait la moindre différence entre les loups, ce n'était pas maintenant que ça changerait.

— ¿ Quieres un poco de manzana, chico ?

Il écarquilla les yeux, un peu surpris par ce qu'elle venait lui demander. Ou plutôt, par ce qu'il n'avait pas compris grand chose de ce qu'elle venait de lui demander.

— Mhhh... Pomme... ? Tu veux ?

L'accent de la demoiselle avait beau être prononcé, cette fois ci le message était clair.
Son regard se posa brièvement sur la pomme rouge qu'elle avait laissé tomber à ses pattes et, comme ça devait bien arriver, Ska sourit. D'un coup, il se sentit d'humeur beaucoup plus joyeuse. Grâce à cette femelle brune qui, spontanément, était venu lui proposer de la pomme. C'était tout bête mais il en fallait bien peu pour satisfaire Ska. Et plus que ce qu'elle lui proposait, c'était la gentillesse dont elle venait de faire preuve à son égard qui le rendait heureux.

Il demeurait pourtant un petit problème. Ska n'avait jamais mangé de pomme de sa vie. Ni aucun autre fruit d'ailleurs puisqu'on l'avait habitué à la viande dès lors que sa mâchoire lui avait permis de mastiquer. D'ailleurs, jusqu'à ce qu'il aperçoive la louve avec son fruit, il ne pensait même pas que certaines de ses congénères avaient un régime alimentaire si particulier. Dans tous les cas, si elle en mangeait, c'est que ça devait être bon. Et Ska aimait bien découvrir de nouvelles choses.

▬ Oh oui, j'en veux bien un peu. Merci ! C'est super gentil !

Ska faisait toujours preuve d'un enthousiasme débordant.
Mais il tenta tant bien que mal de se reprendre un peu en main. Cette louve lui était inconnue et il ne voulait pas la mettre mal à l'aise en se montrant un peu trop expressif. Ce n'était pas facile puisque c'était toujours un peu le bordel dans sa tête et qu'il avait toujours des milliards de trucs à dire. Tentant d'occuper ses pattes du mieux qu'il pouvait, il cueillit une petite fleur blanche située à quelques pas de lui. Il avait remarqué que la louve en portait plusieurs -des rouges certes, mais des fleurs quand-même- et en avait déduit qu'elle devait bien les aimer. Remuant joyeusement la queue, il s'approcha de la jeune louve et lui tendit sa trouvaille.

▬ Tiens, cadeau.

Toujours aussi spontané.

Bipolarité surprise

C'est en tout cas la pensée qui apparut spontanément dans l'esprit d'Arabella lorsque ce loup clairement bien plus balèze que celui pour lequel elle l'avait pris à l'origine sortit de sa stupeur et s'exclama avec un entrain un peu louche pour un mec qui était au bord des larmes seulement cinq secondes avant :

— Oh oui, j'en veux bien un peu. Merci ! C'est super gentil !

L'instinct de survie particulièrement affûté — voire trop, mais dans tous les cas, c'était essentiellement grâce à lui qu'elle était toujours en vie actuellement – lui suggéra aimablement que c'était peut-être un piège. Une espèce de variante de la stratégie fourbe de Buffalo Bill dans le Silence des Agneaux. Le possible dangereux psychopathe auquel elle faisait face repérait sa proie, l'amadouait en jouant sur la corde sensible à laquelle selon la croyance publique les femmes étaient toutes sensibles, puis il les capturait, les séquestrait, les dépeçait et se faisait un manteau de fourrure avec
Ce qui n'aurait pas été flatteur pour elle, elle estimait avoir une corpulence convenable, Buffalo Bill, lui, visait surtout les femmes fortes pour avoir une surface de peau plus importante. J'ai spoilé le film.
Ce qui n'était carrément pas flatteur pour elle, c'était que si c'était bien le cas, en plus de tomber dans le panneau, elle venait de proposer un bout de l'une de ses pommes préférées à un connard de serial killer dément et extrêmement narcissique et ça c'était intolérable
De toute manière sa fourrure aurait clairement dénoté avec ce qu'il aurait pu trouver dans la région. Son poil n'avait clairement pas la même texture que celui des loups du coin. Il n'aurait pu qu'être assorti avec celui de Daniel, et si celui-ci présentait bien plus de surface de peau qu'elle, il aurait fallu s'y mettre à beaucoup pour réussir ne serait-ce qu'à le mettre à terre. Elle en était sûre. Dani la sauverait.
Et puis de toute manière ELLE N'ETAIT PAS GROSSE.
Par contre, suggéra de son côté sa logique froide, principale entité servant à contrer les penchants parfois délirants de son instinct, elle était en chaleurs, comme toutes les femelles du coin par ailleurs.
Et cela signifiait deux choses : premièrement, elle pouvait effectivement être prise pour cible par un mâle particulièrement incapable de gérer ses hormones, et deuxièmement, elle-même était dans un état hormonal qui la rendait particulièrement instable sur le plan émotionnel et cela pouvait engendrer quelques petits désagréments, notamment le fait qu'elle prenne ce loup visiblement un peu hyper émotif mais très gentil pour une variante canine de Ted Bundy et se fasse un film toute seule dans sa tête comme une grande.
L'air de rien, elle prit une profonde inspiration pour tenter de tarir le flot d'émotions contraires qui lui donnait l'impression qu'elle allait exploser et scruta pour se donner bonne conscience le regard de l'autre. Pour ce genre de dilemme intérieur très gênant, Arabella avait un gros avantage : elle savait exactement à quoi pouvait ressembler le regard d'un psychopathe et était très douée pour les reconnaître, même lorsqu'ils cachaient particulièrement bien leur jeu. Et pour cause, son père en était un.
Et si son père adoptif pouvait parfois — à tort – faire penser qu'il était également de la partie, elle savait pertinemment qu'il n'y avait pas au fond de ses yeux cette lueur folle et froide, cette ombre sordide qui, si vous saviez la déloger, vous glaçait systématiquement le sang.
Ce loup blanc n'avait pas cette lueur.
Elle se détendit un peu et essaya d'ignorer le sentiment de honte et de gêne qui montait en elle, accentué par le déluge chimique qui la ravageait intérieurement. Elle n'en était qu'à ses deuxièmes chaleurs, et était donc excessivement vulnérable à leurs effets secondaires et il lui était bien difficile de les gérer.

Point positif néanmoins : il avait compris ce qu'elle avait dit.
Point négatif surprise : elle n'avait pas la moindre idée de comment séparer cette pomme en deux, le couteau n'étant pas le couvert de prédilection du loup.
Aha. Bien joué ma grande.

L'autre n'était en tout cas pas resté immobile pendant tout ce petit débat interne. Le voilà qui arrivait en gambadant vers elle, sa queue battant joyeusement la mesure, lui tendant une ravissante petite fleur blanche.

— Tiens, cadeau.

Elle ouvrit de grand yeux surpris, quelque peu déroutée par l'enthousiasme effectivement débordant du jeune loup, et songea qu'il devait être bien pratique d'avoir un gamin comme ça, beaucoup moins chiant à consoler que la plupart des mômes qui généralement s'entêtaient dans leur colère ou leur chagrin et vous renvoyaient chier à chacune de vos tentatives pour leur remonter le moral.
Bizarrement, cette pensée fit s'étirer un grand sourire sur ses babines.
C'était ça en fait. Ce jeune mâle baraqué était juste un grand gamin. Et elle pouvait constater quotidiennement que certains loups ne passaient plus ou moins jamais à l'âge adulte dans leur tête. Sauf qu'elle, évidemment, se coltinait l'autre type de môme, celui qui vous broyait les burnes et piquait ses petites crises de colère particulièrement destructrices, quand il ne tirait pas la gueule.
Vie de merde.

— Oh... merci ! fit-elle sans se départir de son sourire en tendant le museau pour se saisir de la trouvaille de l'autre loup.

Après une vague seconde d'hésitation, elle l'accrocha jesaispascommentmaisdansleRPtoutestpossible aux côtés d'une paire de petites plumes blanches et noires qui étaient elles-même déjà suspendues à l'une de ses mèches. Ca s'assortissait plutôt bien de ce qu'elle pouvait en voir et elle en était visiblement ravie.
Relevant le nez vers le mâle, elle poussa la pomme dans sa direction du bout de la patte.

— Prends ce que tu veux. Je manger le qui se reste.

Effectivement, le futur simple n'était pas encore acquis, mais elle y travaillait.
Plus simple que de s'emmerder à couper. En plus si ça se trouve elle n'aimerait pas.
Ce dont elle doutait fort, tout le monde aimait les pommes. La pomme c'est la vie.

Loin de se douter de la longue réflexion de la louve brune et qu'elle l'avait tout de même pris pour un psychopathe, Ska se concentra sur l'instant T. L'inconnue semblait ravie de son petit cadeau improvisé et ça le rendait particulièrement heureux. Il la laissa l'accrocher dans sa chevelure tout en la regardant d'un air évasif. Jamais il n'avait vu une telle fourrure. Enfin, si, les loups bruns n'étaient pas particulièrement rares par ici. Mais ils n'étaient pas comme cette jeune louve, et n'avaient pas cet accent étrange non plus. Il y avait de fortes chances pour qu'elle ne soit pas native d'ici. C'était même carrément évident. Les loups d'ici ne mangeaient pas de pommes de toute façon. Du moins, pas à sa connaissance.

— Prends ce que tu veux. Je manger le qui se reste.

Ça confirmait plutôt bien ce qu'il pensait.
Néanmoins, pour ne pas la faire poireauter deux cent ans le temps qu'il termine sa réflexion, il laissa ce détail de coté et s'empara du fruit qu'elle avait poussé vers lui pour le porter à sa gueule et en détacher un morceau à l'aide de ses crocs. Rendant le reste de la pomme à sa propriétaire, il mâchonna lentement son morceau. La texture était assez étrange mais...

▬ Eh, c'est bon *^* !

Il n'avait jamais rien mangé de semblable. Ça n'avait rien à voir avec la viande mais il aimait le goût sucré sur sa langue. C'était décidé, il ferait le plein de pommes sur le chemin du retour. En plus, ça lui éviterait de trop appauvrir le stock de viande des Brethens. Par ce qu'il fallait avouer qu'avec un corps pareil, un lapin était bien loin de lui suffire et qu'en plein hiver, sa présence avait du devenir un cauchemar pour tous ses camarades. Sans compter celle de Suète qui, de son avis, ne devait pas avoir des besoins alimentaires bien différents des siens.
Ska se lécha soigneusement les babines.

▬ Je mangerai ce qui reste. C'est la phrase correcte.

Il sourit de nouveau à sa camarade. La réflexion n'avait rien de méchant et Ska n'avait rien d'un maniaque de la langue française, mais si ça pouvait l'aider à ne pas refaire l'erreur...

▬ Tu n'es pas d'ici, n'est ce pas ?

[Désolée c'est un peu nul, j'ai du m'arrêter en plein rp hier et j'ai toujours énormément de mal à reprendre ce qui date de "trop longtemps" ]

[ No souci !! Moi ça me convient parfaitement, qui serais-je pour juger la qualité d'un RP (hormis cas extrêmes et ressenti subjectif qui ne s'appliquent pas à toi) :p ]

Elle scruta avec l'attention d'une biche sur le qui-vive la réaction du grand mâle — constat qui ne la désespérait même plus, tant habituée qu'elle était par son statut de naine femelle de petite taille à lever le nez pour parler aux autres – lorsque ce dernier, après lui avoir rendu sa pomme, se mit à mâchouiller pensivement le morceau qu'il en avait détaché.
Elle semblait prête à détaler au moindre signe négatif. Non pas qu'elle l'aurait véritablement fait. Mais Arabella était une louve vive, au tempérament sauvage et parfois nerveux, et avait toujours semblé prête à vous filer entre les doigts si jamais vous tentiez de vous approcher d'elle de trop près. Sans son consentement bien sûr, et encore. Cet aspect de sa personnalité s'était énormément accentué après qu'elle soit partie de chez elle et ait eu à affronter la vie et ses côtés sordides / glauques / bref, tous ses dangers. Elle détaillait donc l'autre de ses grands yeux, ou plutôt de son unique grand oeil visible, à l'affût du moindre signe. La langue n'étant pas un attribut susceptible de beaucoup l'aider ici, en tout cas pour le moment, elle reposait plus son jugement sur le langage corporel de l'autre, et plus globalement le ressenti général qu'elle avait de la personne en face d'elle. Car contrairement à la plupart de mes autres personnages ici, Arabella était doté d'un très grand sens de l'empathie, mais ce dernier se manifestait plus par une capacité à jauger les autres au premier abord — hors petites dérives flippées d'ado émotionnellement instable comme ce qui s'était passé juste avant – et à en tirer un sentiment général plutôt négatif ou plutôt positif quant à leur présence à ses côtés que par une hyper-émotivité susceptible de la faire fondre en larme à la seule vue d'un congénère un peu tristounet. Elle était une Âme Forte, bordel.
Son attitude se détendit et son visage s'adoucit lorsque l'autre afficha une mine mêlant, de primer abord, surprise et satisfaction, avant de lâcher avec un certain enthousiasme :

— Eh, c'est bon !

Un petit sourire étira les babines d'Arabella et elle ramena son propre bout de pomme vers elle d'un geste habile de la patte, sans pour autant envisager de le manger dans l'immédiat.

— Je mangerai ce qui reste. C'est la phrase correcte.

Les oreilles de la femelle s'agitèrent légèrement et elle sembla se faire un peu plus petite qu'elle ne l'était déjà, tentant de cacher sa gène en laissant son regard se balader à droite et à gauche, sans malheureusement trouver quoi que ce soit susceptible de la sauver du sentiment de honte qui naissait en elle. Certes, il était normale qu'elle fasse des erreurs, surtout à ce stade de son apprentissage. Mais malgré tout, c'était toujours un peu blessant. Un faux pas n'était jamais bon pour l'égo, si petit soit-il. Heureusement pour elle, Arabella, qui était quand même putain de borgne, avait l'habitude des coups durs et avait connu bien pire, aussi ne tarda-t-elle pas à déporter de nouveau son regard sur l'autre et à lui adresser un nouveau sourire, forcé cette fois :

— D'accord. Merci.

Ca allait être un point grammatical à bosser. Et à bosser seule en plus, son gros con de Papa Adoptif n'étant absolument pas disposé à ne serait-ce que feindre de s'intéresser à son travail d'apprentissage de la langue locale.

— Tu n'es pas d'ici, n'est-ce pas ?

Elle acquiesça d'un signe de tête. Sans trop savoir si il disait cela uniquement par rapport à son français inexact et son accent chantant ou si son aspect général la trahissait aussi. Outre son odeur, dont elle avait constaté dès son arrivée qu'elle était bien différente des gens d'ici et qui l'avait d'ailleurs bien aidée à retrouver Dani sur place, ce dernier en portant une similaire. Comme un camaïeu de teintes ocres. Difficile à décrire exactement.

— Non... commença-t-elle avec une pointe d'hésitation dans la voix. Très loin, conclut-elle en secouant de nouveau légèrement la tête, en signe de négation cette fois.

Puis, se redressant, elle n'y tint plus plus et décida de switcher tout ce qui était politesse et convenances pour poser enfin la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'elle l'avait aperçu de loin et avait décidé de venir le voir de plus prêt :

— Tu as un frère, non ?

Si elle pouvait faire quelques connexions entre les quelques personnes avec qui elle avait eu la possibilité d’interagir, ça lui donnerait une sorte de sentiment de cohésion. Peut-être même d'appartenance. Difficile à dire, mais ça rendrait ce monde inconnu dans lequel elle baignait depuis plus d'un an maintenant un peu plus concret.

Il sentit un certain malaise naître chez la petite louve lorsqu'elle entendit sa rectification et en fut peiné.
Comme je ne cesse de le dire dans quasiment tous mes Rps avec lui, Ska était un être spontané et il arrivait souvent que les mots passent la barrière de ses babines avant même qu'il songe au sentiments qu'ils allaient créer chez ses interlocuteurs. Et lorsque enfin la petite lumière dans sa tête s'allumait et qu'il se disait que, peut-être, il aurait du formuler son avis de manière un peu moins brutale ou, mieux, ne pas l'exprimer du tout... c'était trop tard. Dans ces cas là, il se sentait un peu con.
Sentiments négatifs à part, il avait vu juste en supposant qu'elle n'était pas d'ici. Il ouvrit la bouche pour lui demander si son pays lui manquait, mais la louve brune le prit de court et enchaîna sur un autre sujet.

— Tu as un frère, non ?

Ses oreilles se dressèrent brusquement sur son crâne et il écarquilla les yeux. La surprise passée, il hocha vigoureusement la tête en signe d'affirmation.

▬ Il s'appelle Lucien. Tu le connais ? Il est grand. Il leva l'une de ses pattes pour représenter la taille de son frère. Le pelage blanc et les yeux rouges. Il a beaucoup de tatouages, aussi.

Le fait que cette louve ait pu rencontrer Lucien n'avait rien d'étonnant. Ils étaient tout de même un nombre assez restreint de loups et faire connaissance avec la moitié de cet effectif semblait être une tâche assez aisée. Surtout avec son frère qui, à sa connaissance, quittait rarement sa bibliothèque maintenant qu'il était devenu archiviste. Pourtant, lui-même ne l'avait pas vu depuis son départ chez les Brethens. Ce n'était pas faute de l'avoir voulu, il aimait son frère, seul membre de sa famille de sang qui ne l'avait pas renié, et se sentait toujours envahi par une nostalgie prononcée lorsqu'il se remémorait les jours d'insouciance qu'avaient été leur enfance.

Il attendit impatiemment la réponse de la femelle, nerveux.
Peut-être se trompait-elle. Après quelques secondes de réflexion rapide, il sentit le doute le gagner. Lucien et lui ne se ressemblaient pas beaucoup. A vrai dire, si ils étaient blancs tous les deux, c'était seulement par ce que son frère était atteint d'albinisme et que, pour sa propre personne, l'un de leurs parents -voir même les deux, il n'en savait rien- devait être doté d'un pelage très clair. Non, clairement, a part leur grande taille et possiblement leur odeur, les deux frères n'avaient pas grand chose en commun.

L'énonciation d'un possible frère fit se dresser son interlocuteur, ce qui eut pour effet de conforter Arabella dans sa pensée avant même qu'il ne lui ait répondu. Elle était plutôt douée pour lire le langage corporel des autres et faire des connexions rapides... mais dans le cas présent, ça n'avait pas grande importance tant la réaction était évidente.

— Il s'appelle Lucien. Tu le connais ? Il est grand. Le pelage blanc et les yeux rouges. Il a beaucoup de tatouages, aussi.

Son corps eut bien envie de frissonner lorsqu'elle se remémora sa rencontre avec le mâle en question — la description ne laissait aucune place au doute –, mais son esprit l'envoya bouler un bon coup. C'en était assez de ces enfantillages, elle n'était plus une gamine et il était temps d'arrêter de se comporter comme tel.
Elle hocha donc la tête, puis parut chercher ses mots quelques fractions de secondes avant de répondre :

— Oui, je l'ai vu à la librairi... bibliothèque. Un jour.

C'était peut-être une nuit, en fait ? Sur cette île lugubre, jour et nuit semblaient se confondre, le ciel semblant éternellement figé dans la brume. Elle s'était mise en route en plein jour et était rentrée au milieu de la nuit, c'était tout ce dont elle était sûre. Du reste... aucune idée, mais cela importait peu à vrai dire.

— De loin j'ai cru que tu étais lui.

Ce qui permettait aussi de justifier le fait qu'elle soit ainsi venue le voir sans crier gare, ce qui n'était pas forcément le comportement le plus courant de la part d'une jeune solitaire, surtout lorsque l'autre personne était un loup de meute. En tout cas chez elle. Dans son désert, tout le monde se méfiait de tout le monde, et il y avait de quoi.
D'un geste habile qu'on lui devinait coutumier, elle fit rouler son bout de pomme vers elle d'un petit coup de patte et l'attrapa dans sa gueule. Elle en détacha un petit bout, le mâchouilla et l'avala rapidement. Ces pommes étaient particulièrement juteuses, et particulièrement sucrées. C'était toujours un grand moment de fierté pour elle d'en manger une, dans la mesure où elle était très contente d'avoir réussi à dénicher ce petit bosquet bien planqué. Ces pommes-là, elle s'abstenait bien de les proposer à Dani : pour qu'il les envoie bouler, autant qu'elle se les garde pour elle-même, au moins on leur ferait honneur.
Il n'y avait pas de pommes dans son pays.
C'était vraiment regrettable.

Le doute n'était donc plus permis. Des loups albinos cloîtrés dans une bibliothèque, il ne devait pas y avoir des masses. Ska ne put s'empêcher de sourire. Si cette louve avait vu Lucien là bas, cela voulait dire qu'il allait bien. Du moins, assez pour se déplacer.
C'était tout de même bien triste d'avoir besoin d'une inconnu pour savoir si son frangin était toujours vivant. Il faudrait vraiment qu'il se bouge pour le rencontrer en chair et en os. Puisque, de toute évidence, ce ne serait pas demain la veille que Lucien ferait le chemin jusqu'en terres Brethens pour qu'ils aient l'occasion de faire un brin de causette ensemble.

— De loin j'ai cru que tu étais lui.

Ska esquissa une moue faussement offusquée.

▬ Ah non hein, on est quand même bien différents tous les deux... Moi je suis plus costaud que lui, et je passe pas ma vie à la bibliothèque. Et puis, je ne suis pas albinos.

Les différences ne manquaient pas. Il aurait même pu ajouter que, lui, au moins, ne cherchait pas à obtenir la nourriture de la veuve et de l'orphelin par il ne savait quelle magouille. Il était même possible qu'il ai usé de son intelligence pour obtenir quelque chose de cette jeune louve.

▬ Mon frère, c'est un petit con. Sois prudente quand tu marchandes avec lui. Mais je l'aime bien quand même. Beaucoup même.

Mieux valait préciser, au cas ou la louve prendrait ses paroles au sérieux. Enfin, elles l'étaient plus ou moins, sérieuses, son frère était un enfoiré sur les bords et elle devait vraiment faire attention à ses belles paroles mais, malgré tout, celles ci étaient plus signes d'amour vache qu'autre chose.
Après une courte réflexion, il allait probablement passer par un taré auprès de la femelle. Si ce n'était déjà fait, après qu'elle ai assisté à l'un de ses changements d'humeur.
Rapidement, il adopta une attitude plus sérieuse pour poser la question qui lui brûlait les babines depuis qu'elle avait mentionné son frère.

▬ Est-ce-qu'il allait bien lorsque tu l'as vu ?

Il lui aurait demandé si ses côtes ne saillaient pas trop sous son pelage ras mais n'importe quel loup censé qui aurait croisé Lucien dans ses meilleurs jours l'aurait probablement trouvé trop maigrichon. Par conséquent, il doutait fort d'obtenir une réponse satisfaisante. Pire encore, il risquait de se faire un sang d'encre si c'était le cas et devrait congédier sa camarade pour aller abattre tous les lapins du coin pour remplumer son frère. Surtout que, si ses souvenirs étaient bons, l'albinos n'avait jamais montré de bonnes capacités pour la chasse. Il devait donc se contenter d'espérer que le tas de gibier des Séides soit assez garni ou que Lucien soit parvenu à attraper quelques pigeons. Dans les deux sens du terme.

Effectivement, le second degré avait souvent tendance à passer au-dessus de la tête d'Arabella. Pas qu'elle ait été spécialement naïve — son père lui avait quand même arraché un oeil et avait voulu faire bien pire – ou stupide, juste que ce n'était pas quelque chose de très répandu par chez elle, ou au moins dans le milieu où elle avait grandi. Certes, sa génitrice avait un certain humour et usait elle-même du second degré, mais la Rouquine avait progressivement perdu son envie de rire avec le temps, et lorsqu'Arabella était venue au monde, toute tendance à la plaisanterie avait déjà disparu chez la femelle.
C'était donc une chose à laquelle elle n'était pas habituée et qu'elle ne connaissait que trop peu, quand bien même elle était naturelle chez beaucoup de gens, qui avaient contrairement à elle la chance de savoir de base que cela existait. Et puis bon, les blagues, Dani ne connaissait pas trop, ou alors elles étaient particulièrement lourdes et bien souvent dégradantes. En plus de ne faire rire que lui. Et très certainement les gros beaufs qui l'avaient accompagné un jour et l'avaient élevée elle, pour ce qu'il en restait.
Et en prime, elle ne savait toujours pas vraiment à quoi s'attendre avec les gens d'ici. Tout était tellement différent...

Tout ça pour dire qu'elle eut le sentiment de l'avoir réellement offensé. Se ratatinant un peu, oreilles basses, elle eut l'air confuse. C'était vrai que maintenant qu'il le disait, effectivement, même de loin il ne lui ressemblait pas tant que ça. Ne serait-ce qu'au niveau du gros dragon rouge sur son dos. Elle s'était lancée au pif. En fait, la perspective de retrouver un visage connu qui n'ait pas été la face ronchonne, sale et hirsute de son père adoptif l'avait aveuglée. Ca lui avait donné l'espace d'un instant le sentiment d'être un peu intégrée ici. D'avoir sa place à elle, une place qui n'était pas en marge de la société, sans doute.
Qu'elle était bête.

Et bien entendu, elle ne comprit pas vraiment ce qu'entendait Ska' par la suite. Le contraste entre la façon peu élogieuse dont il parlait de son frère — qui était, c'est vrai, assez particulier – et la manière dont il disait l'apprécier prêtaient à confusion. Surtout quand on n'était même pas sûre de ce qu'on croyait comprendre. Après tout c'était nouveau pour elle.
Elle acquiesça sans rien dire, n'osant répondre de peur d'être à côté de la plaque.

— Est-ce-qu'il allait bien lorsque tu l'as vu ?

Ca au moins elle comprenait. Elle hocha la tête, avant de réaliser qu'elle ne savait pas vraiment ce qu'il entendait par aller bien. Il était maigre, effectivement, surtout comparé à son frère, mais c'était peut-être naturel chez lui et chez elle, beaucoup de gens étaient maigres, et vivaient quand même, c'était la norme — le peuple avait faim. Il n'avait pas paru malade, il était plutôt vif puisqu'il était allé lui chercher un bouquin.

— Je crois que oui. Il n'avait pas l'air d'aller mal, hésita-t-elle, tentant en parallèle de se remémorer un quelconque signe qui aurait pu trahir que l'autre n'était pas en bonne santé. Outre le fait qu'il n'était pas bien gros. Ce que Ska' semblait déjà savoir, donc ça devait être habituel.

Tout était tellement compliqué quand on réfléchissait trop.
Elle était là, à se dépatouiller avec ses pensées et avec les mots, quand la voix caractéristique d'un vieux grizzly mal léché retentit au loin, lui faisant dresser les oreilles.

— ¡¡¡ ARABELLAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!

Elle fit volte-face, scrutant les hautes herbes. Son regard finit par se poser sur une tâche sombre qui se découpait sur l'horizon. La bête l'observait au loin, et si elle ne pouvait distinguer ses traits à cette distance, elle l'imaginait sans problème arborant son éternelle mine renfrognée, la mâchoire inférieure légèrement en avant, les oreilles rabattues vers l'arrière et le regard inquisiteur.
Voilà qu'elle retombait en enfance. Peut-être avait-il juste faim, auquel cas il devait vouloir qu'elle lui attrape quelque chose, vu son exceptionnelle nullité à la chasse.
Cette idée lui arracha un petit sourire. Elle se retourna vers Ska :

— Je dois y aller. Puis, après un rapide regard vers le fruit qui attendait toujours entre ses pattes : Tu peux garder la pomme. Au revoir !

Préférant rejoindre Daniel avant que ce ne soit lui qui les rejoigne, de peur qu'il parte dans une espèce de délire pseudo-protecteur pseudo-paternel dont elle le devinait parfaitement capable, elle adressa un dernier signe de tête avant de filer vers le petit point sombre, qui s'impatientait déjà.

La louve se ratatina à sa plaisanterie -visiblement mauvaise- et Ska en fut chagriné : Il n'était pas un mauvais bougre et, de ce fait, n'aimait pas blesser les gens. Surtout lorsque les gens en question était une gentille louve qui lui donnait une pomme lorsqu'il n'allait pas bien. Il le savait, les loups avec un aussi bon caractère ne couraient pas les rues et jamais, avant de la rencontrer, il n'avait pensé que quelqu'un viendrait spontanément vers lui pour lui faire don quelque chose. C'était tout bête pour d'autres, sûrement, mais ces choses là avaient tendance à marquer Ska. Le plus souvent, c'était lui qui allait vers ses congénères et les abrutissait à force de babillages. Par ce qu'il était bavard, il le savait. Une chance que sa voix soit bien loin d'être aiguë auquel cas il aurait probablement irrité plus d'un loup. Plus d'une fois, il s'était dit qu'il ferait mieux de faire attention à ce qu'il disait, à parler moins. Là, maintenant, il se le redisait. Par ce que tant qu'à s'exprimer, il aurait préféré ne pas faire de bourde susceptible de mettre cette pauvre louve, qui n'avait rien demandé à personne, mal à l'aise.

— Je crois que oui. Il n'avait pas l'air d'aller mal

Ska soupira de soulagement mais n'eut pas le temps de s'étendre sur d'autres questions : Une grosse voix se fit entendre et la femelle fit volte-face. Ce cri devait probablement venir de cette tâche brune qui se découpait sur l'horizon. Peut-être le père de la dénommée Arabella, puisque c'était ainsi qu'elle avait été interpellée, ou alors son compagnon ou il ne savait quoi d'autre. La jeune louve sourit en l'apercevant. Au moins, cela devait vouloir dire qu'il n'avait rien d'un tyran... Il l'espérait.

— Je dois y aller. Tu peux garder la pomme. Au revoir !

Le loup blanc se releva.

▬ A bientôt... Arabella !

Peut-être la reverrait il un jour. Il l'espérait. C'était toujours agréable de retrouver un visage familier lors d'une promenade. Pour ça, il se hasarderait même à revenir dans cette savane dans l'espoir de l'y croiser, en espérant que leur échange ne soit pas interrompu par une tâche brune au loin cette fois ci. Si elle ne le détestait pas pour sa mauvaise blague à propos de son frère pour le haïr et l'évite pour le restant de ses jours. Ce serait dommage, Ska aimait bien se faire des potes.
Il jeta un coup d’œil par dessus son épaule pour la regarder s'éloigner et, à son tour, il reprit sa route pour retourner au Dolmen.