La vie se recueille sous les doux rayons du soleil (PV Anthem)

Apparemment, s'il y avait une chose que cette demoiselle n'avait pas retenu de leur première rencontre, c'était bien que tout ce qui état contact physique et papouilles n'était pas du tout - mais alors pas du tout - sa tasse de thé. Quand bien même les loups n'avaient aucune idée de ce que qu'était le thé.

Anthem avait obliqué vers la profondeur des terres séides après l'agitation incroyable qui venait d'avoir lieu. Une fontaine détruite, un dieu qui ne donnait plus de pouvoir. Des glowsticks éteints. Un très très mauvais présage pour les lunes à venir. Il avait laissé ses pattes le guider vers le Nasrin. Lieu de peu de souvenirs. Il y avait rencontré un jour une louve - une rencontre qui ne s'était même pas soldée par quelque-chose comme une "connaissance amicale". Mais rien ne l'attachait à ce lieu. En soi, rien e le rattachait à grand chose bien qu'il soit de nouveau soldat et fidèle à sa meute. Une seule chose faisait graviter son monde. Cette jeune silhouette argentée pour laquelle il était revenu. Il avait vu qu'elle avait été blessée, gravement, pendant la bataille. Il s'était approchée avant qu'elle ne reprenne connaissance, et était reparti pratiquement aussitôt. Après tout, elle n'avait aucune raison de s'être attaché à lui, ne même de comprendre ce qu'il faisait là. Il n'avait jamais été un père normal pour elle. Il était trop tard pour le devenir désormais.

Il y avait aussi cette fourberie de la génétique qui faisait que, au fil des lunes, sa silhouette se modelait pour devenir plus proche d'une autre, qu'il avait connue. Souvenirs qui lacéraient le coeur. Ce coeur gelé au fond de son poitrail. Il était parti pour ne pas souffrir, silhouette invisible au derrière ces lupins qui jappaient au rassemblement. Puis il était venu ici. Une sorte de cataclysme était en route, lentement. Les loups le voyaient s'élever comme un titan, laborieusement mas sûrement, et eux contemplaient impuissant, ce basculement de leur monde. Le Nasrin semblait étonnement calme et retiré du reste du monde, dans cette ambiance tendue, sanglante destructrice. Une zone de silence, de parfum, de sérénité.

Du moins jusqu'à ce que cette silhouette caramel ne se jette contre lui sans qu'il ne s'y attende.

La truffe embrouillée par les odeurs qui flottaient autour de lui, il ne l'avait pas senti arriver. Elle vint se coller contre lui en enchaînant les paroles d'un air presque apeuré. Avant de s'éloigner soudainement, comme gênée, et de lui lancer un regard penaud. Ce qui lui permit de l'identifier - c'était cette louve qui lui avait paru possédée et démente lorsqu'il l'avait croisée une nuit, près du temple de Yurai. Il brida son instinct qui aurait avec grande joie fait se hérisser le pelage de son échine et se retrousser ses babines, au souvenir joyeux de cette nuit passée, et la considéra d'un regard froid - il était rare de lire dans ses prunelles autre chose que cette froideur qui était la sienne.
Plume Blanche.
Oui, c'était bien ça. Ce nom était le même que celui qu'elle lui avait donné dans son accès de folie. Mais il ne comprit pas ce qu'elle disait. Dragonne ? Elle avait aussi évoque ce patronyme là. Etat-elle vraiment dotée d'une sorte de double personnalité démente ? Hypothèse fort probable. Mais il se garda d'émettre un jugement.

Pour éviter de paraître socialement... associal en fait - ce qui était absolument le cas, mais c'était une chose impossible à exprimer complètement si l'on voulait parvenir à vivre un minimum dans cette société qu'était la meute - il lui fallait répondre.
Au moins la saluer.
Sans s'approcher le moins du monde, il répondit de son timbre grave :

"Je crains que nos salutations ne soient jamais dans les conventions."

Tiens.
On aurait presque senti une sorte de... trace d'humour. Comme celle que font les loups normaux lorsqu'ils ont l'impression qu'il va être nécessaire de faire baisser le stress de leur interlocuteur. Anthem passa sur cette constatation et son regard se riva sur le tube vide qui pendait à son cou.

"Désolé pour ton glowstick."

Il releva les yeux vers elle.

"Tu as l'air de te rappeler de moi."

L'anthracite la considéra du regard, alors qu'elle lui répondait qu'il n'avait pas à être désolé. C'était étrange, cette rencontre dans une situation - si l'on exceptait le fait qu'elle se soit jeté sur lui pour le serrer dans ses pattes en le voyant - quasi normale. Il avait vu de cette louve des facettes que personne, sans doute, ne voyait d'ordinaire lorsqu'ils la rencontraient. Elle ne lui semblait pas belliqueuse, voire plutôt avenante et sympathique. Il avait vu sa part d'ombre avant celle de la lumière, de toute évidence. Elle paraissait déterminée à soutenir le clan, bien qu'elle aie sans doute été bousculée par la perte de son glowstick. Enfin, cela ne demeurait qu'une supposition, naturellement. Il n'avait jamais eu à subir cela - et il se demandait encore pourquoi. Quoi que dans son cas, si le seul pouvoir qu'elle avait était de se retrouver sous l'emprise d'une entité dérangée à chaque fois que a lumière de la lune frôlait son pelage, peut-être voyait-elle en cette destruction une sorte de... libération.

Étonnamment, si elle disait ne pas se souvenir de tout, un détail avait marqué son souvenir de cette bien étrange nuit. Le fait qu'l cherchait quelqu'un. Une ombre passa dans le regard d'Anthem à cette question. Elle n'était pas bine compliquée - il aurait pu se résoudre à simplement répondre oui ou non. Mais la réalité des choses était bien plus compliquée que cette simple affirmation. Il savait où elle était, elle état revenue. Mais pouvait-il dire l'avoir retrouvée pour autant... Il ne savait pas. Il ne savait plus. Et, au fond, il ignorait même s'ils avaient été rassemblés plus que par quelques échanges furtifs de regards un jour. Il inspira en silence, laissant s'écouler quelques instants avant de répondre.

"Si on veut." Finit-il par laisser tomber.

Si seulement les choses étaient plus simples. Bien-sûr avec lui c'était hors de question. Il ignorait si la faute était à son glowstick, ou s'il avait toujours été ainsi. Il ne se souvenait plus de ce que cela pouvait faire, de ne rien vouloir comprendre, de ne pas chercher chaque détail des choses afin d'en parcourir le plus infime des contenus. Son regard revint sur Plume Blanche - il en avait conclu que le patronyme "Dragonne" était plutôt réservée à la seconde entité. Ses yeux à elle s'étaient décrochés de lui pour balayer les alentours, avec comme une once d'émerveillement dans son regard, qui fit tiquer le mâle.

"Tu n'es jamais venue ici avant ?"

Question spontanée, chose qui lui ressemblait peu. Après tout, elle était assez jeune et pouvait fort bien ne jamais avoir mis les pattes sur ce territoire. Il rabattit les oreilles et laissa son regard se perdre dans le lointain. A l'horizon se découpaient les pics de la Jeune Cordillère. Terre de départ, de retours, d'ombres et de murmures.

Plume Blanche sembla se détendre légèrement à sa remarque - il avait véritablement bien fait de l'ajouter à la conversation, de toute évidence. Elle tenta même quelque-chose de... relativement rare chez les interlocuteurs de l'anthracite. Une plaisanterie. Ce qui fit réaliser quelque-chose au mâle, d'ailleurs. Que ce soit son faciès sérieux, son regard froid et sa silhouette monochrome et silencieuse, quelque-chose chez lui semblait anéantir la moindre once de sens de l'humour chez ceux à qui il parlait. Il prit conscience de cela soudainement, alors même que d'autres souvenirs lui revenaient soudainement, sans qu'il ne s'y soit attendu. Parce qu'au fond, il y avait bien quelqu'un avec qui il avait échangé des rires et des sourires déjà, quelqu'un qui avait eu la bravoure - ou l'excellente idée ? - de le taquiner sur beaucoup de choses. Une ombre passa dans son regard à cette pensée, une ombre de tristesse, brève et fugace. Mais il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire à l'égard de Plume Blanche, certainement d'avantage en entendant son rire léger que pour sa phrase elle-même. Il lui était bien rare de participer directement à quelque-chose de vraiment joyeux. L'ombre disparut de ses yeux, alors que le sourire demeurait sur ses babines sombres.

Il ne répondit pas, mais cette manifestation d'amusement était déjà une sorte d'énorme pas en avant. Comme une marche, qu'il n'aurait pas franchi depuis des années et qu'il redécouvrait. Les images de la louve aux yeux dorés qui hantait ses souvenirs dansaient devant ses paupières. Il les chassa d'un cillement. Quelques instants s'écoulèrent avant que la louve caramel ne lui adresse de nouveau la parole. Elle ne l'avait pas quitté du regard, et lui demanda s'il venait souvent par ici. Intéressante question.

"Pas vraiment." Répondit-il simplement.

Les jardins fleuris avaient leurs charmes, mais n'étaient pas de ceux qui le touchaient particulièrement. Lui préférait la froideur de la pierre, sur les rocs de la Jeune Cordillère, le silence de l'eau des lacs et des étangs, ou le mystère nappé de ténèbres des grottes. Bien qu'il n'évitât soigneusement ces dernières depuis... depuis quelques temps déjà. Un bon moment. Trop de choses liées à ces cristaux qui y poussaient en silence et en lumière.

"Ce jardin ne me ressemble pas." Laissa-t-il tomber, se surprenant presque lui-même à laisser s'échapper l'une de ses pensées.

Pourtant, il ne se sentait pas mal à l'aise en compagnie de la louve, les premiers instants dérangeants passés - et les souvenirs de la première nuit flottant autour d'eux. Elle semblait avoir compris que l'approche par câlins affectueux n'était pas exactement ce qu'il préférait, mais avait habilement su,par son enthousiasme presque contagieux et ses quelques mots, passer outre les barrières qu'il dressait habituellement entre lui et ceux qu'ils croisaient. Etrange. Presque rassurant.

Il avait amorcé une forme de réflexion pour répondre à sa question lorsque quelque-chose figea ses pensées. Venait-elle de lui faire... un compliment ? Il ramena le regard sur elle, mais elle avait baissé les yeux. En vérité, il ignorait si ce n'était pas mieux ainsi. Qu'avait-il cherché ? Une preuve dans ses prunelles qu'elle avait bien voulu dire ce qu'il avait cru percevoir ? Il ne sut que répondre, et se focalisa de nouveau sur sa première question, tâchant de mettre de côté cette étrange sensation qu'il avait eu. Pourtant, les mots de la louve caramel flottaient toujours en filigrane dans son esprit. Ce fut son regard à lui qui se détourna, retombant dans les massifs de fleurs qui se dressaient autour. Il avait remarqué son regard presque insistant lorsqu'il lui avait répondu, comme si elle cherchait une raison à cette réplique. C'état presque amusant. Rien que par son apparence, un loup aussi monochrome ne semblait pas véritablement accordé à un jardin multicolore.

Plume Blanche avait de nouveau baissé les yeux. Lui s'était attelé à trouver quelque-chose de valable à dire. Quel lieu lui ressemblait ? Les montagnes, biens-sûr, voulait-il répondre. Les montagnes et leurs pierres, les montagnes et leur neige, leurs hauteurs, leur vent glacial. Tan d'hostilité auxquelles les loups avaient bravement fait face pour aller installer leur campement en leur coeur, dans cette froide faille qui s'était faite camp, maison, foyer pour beaucoup d'entre eux. Il haussa les épaules, puis répondit :

"Les montagnes."

Sans rien ajouter de plus. Il hésita un instant, méditant de nouveau sur sa dernière phrase. Il ne voyait pas les choses d'un même oeil, et avait semblai-il toujours été inconsciemment persuadé que les lieux hauts en couleurs et en saveurs ne feraient qu'accentuer la noirceur de son pelage, la froideur de son regard. Peut-être étaient-ce simplement que leurs multiples nuances lui rappelaient combien lui-même avait fait erreur en croyant avoir saisi toutes celles de son monde et de ceux qui le formaient. Il avait été aveugle, et son aveuglement avait causé sa perte par celle d'Etheria. Oui, il était comme ces jeunes montagnes, froides, aux pics acérés, qui tendaient leurs pièges en donnant l'impression d'être immuables. Jusqu'au jour de l'avalanche.

"... Merci." Lâcha-t-il finalement. "Mais cet endroit te sied plus qu'à moi. A Plume Blanche du moins."

Il eut l'ombre d'un sourire. Maintenant qu'il y pensait, c'était fascinant le contraste entre la louve qu'il avait rencontré cette nuit-là et celle avec qui il conversait si courtoisement et innocemment aujourd'hui. La même apparence, la même voix, mais quelqu'un d'autre sous la fourrure.

La danse de leurs regards, qui semblaient s'esquiver sans jamais se rencontrer, était fascinante. Troublante aussi, peut-être, même si elle reflétait parfaitement ce qui se passait entre eux. Ils se connaissaient, et ne se connaissaient pas en même temps. Lui car il portait autour de son esprit une carapace de lace. Elle car ils s'étaient rencontrés en des temps où elle n'était pas complètement elle-même. Et ils se fuyaient tout en se parlant, comme des adolescents mis à l'écart et ne sachant trop comment se rapprocher de ceux qui leurs sont semblables.

Plume Blanche eut une réaction étrange, comme un sursaut, qui lui fit dresser les oreilles et fit se tendre imperceptiblement ses muscles. Quelque-chose semblait l'avoir soudain saisie, durant une seconde. Mais cela ne dura pas. Elle se détendit presque aussitôt après cet éclat de méfiance, et sembla le considérer avec sérieux. Mais de nouveau, son regard lui échappa alors qu'il tournait ses prunelles claires vers elle. Les yeux et les paupières valsaient sans bruit au rythme de leurs ressentis. De leurs paroles, aussi. Celles de la louve monopolisèrent son attention silencieuse. Être froid avec les autres ne signifie pas que nous le sommes pour autant. Que voulait-elle donc dire ? A la croire, il aurait presque cru en entendre une autre, persuadée elle aussi de pouvoir trouver ce qui se cachait sous le désert de neige de son esprit. Mais cet autre avait été enterré de nouveau et bien plus profondément. Les émotions qui jaillissaient en faibles étincelles dans son esprit le déroutaient bine plus qu'elles n'expliquaient cette chose étrange qui était entrain de se passer.

Plume parla de nouveau, et lui ouvrit grande une porte vers une issue de se cours à cette danse dans laquelle aucun des deux ne rejoindrait jamais l'autre. Elle parla des montagnes. Il fut surpris de son interrogation, tout d'abord. Toute membre des Séides qu'elle était, elle avait sans nul doute déjà vécu au Creux aux Loups, qui se situait dans les contreforts de la Jeune Cordillère. Mais les mots de la femelle, qui résonnaient dans son encéphale, prirent peu à peu un tout autre sens. Ou du moins crut-il les comprendre ainsi. Elle venait de faire un pas vers lui, et lui demandait la permission d'entrer dans cet univers de pierre et de glace qui était le sien. Très gentiment. presque sans s'en rendre compte. Peut-être sans s'en rendre compte.

Elle posa son regard sur elle, sans répondre tout d'abord, sachant qu'il réussirait à attraper celui de la femelle dès qu'elle le dirigerait de nouveau vers lui à sa réponse. Enfin auraient-ils une réponse pour cela aussi. Son regard tomba sur le glowstick vide de Plume Blanche. Il se doutait que les Dieux et les Clans ne resteraient pas coi après toute cette mise à sac de l'organisation du panthéon divin et des autels des mortels. On aurait sans doute besoin de lui. Besoin d'elle peut-être aussi.
Mais s'il y avait derrière cette brume un jour meilleur qui adviendrait... il n'avait en soi pas de raison de refuser. Il était presque curieux même à l'idée de ce à quoi pourrait ressembler une telle expédition. Son regard se fit un petit peu plus doux, comme s'il souriait, sans que cette chaleur n'aie encore la force d'atteindre ses babines sombres.

"Quand tout cela sera fini... pourquoi pas."

Cela sonnait comme un espoir, pour lui aussi.
Quelque-chose comme une rédemption.
Quelque-chose comme ça.
Quelque-chose...