|
|
| Les petits poissons rouges || Pv. Suète | |
| Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Les petits poissons rouges || Pv. Suète Dim 28 Fév 2016, 20:20 | |
| L'océan. La plupart des loups y voyaient l'endroit le plus romantique de ces terres. Et ils avaient raison, cette crique était réellement magnifique et devait l'être encore plus lorsque le ciel se parait -comme c'était le cas actuellement- de ses plus belles couleurs tandis que le soleil mourrait lentement sur la ligne d'horizon. Un endroit ou il n'avait jamais emmené Hlynn. Un endroit ou il n'emmènerait jamais plus personne puisqu'il était, visiblement, le pire des bras cassés pour ce qui concernait les relations amoureuses. De même que pour les relations familiales, comme pouvaient en témoigner son propre passé. Un passé qu'il remuait toujours, sans s'accorder la moindre seconde de répit.
C'était d'ailleurs pour ça qu'il était venu jusqu'ici. Aendil se foutait bien du romantisme et des belles choses, lorsqu'elle ne possédaient pas de visage. Ce que, lui, voyait ici, c'était deux moyens de s'évader. En s'élançant du haut d'une falaise pour finir démembré sur les pierres tranchantes en contrebas ou, moins radical, prendre le large vers d'autres terres et y recommencer sa vie. C'était à cette dernière qu'il avait le plus pensé. Par ce qu'avec le retour de son oeil gauche, il avait renoncé à mettre fin à ses jours et, surtout, était trop faible pour regarder la mort dans les yeux. Partir, ça, par contre, c'était tellement plus simple. Il n'aurait qu'à faire quelques pas en avant, s'enfoncer dans l'eau grise et glacée et nager tout droit jusqu'à ce qu'il aperçoive une terre habitable. Au moins, là bas, on lui foutrait la paix.
Sauf que ça ne fonctionnait pas comme ça. Et Aendil, bien qu'épuisé, n'était pas lâche au point de fuir ses responsabilités. Ne l'était plus. Il était lassé de toujours tourner le dos aux difficultés, celles ci finissaient toujours par revenir, de toute manière. Il avait clairement merdé, plus d'une fois et avec plus d'une personne. Ses actes irréfléchis avaient profondément blessé son entourage et, maintenant, il s'en sentait coupable. Cependant, des questions, toujours les même, continuaient de tourner en boucle dans sa tête et, parmi elles, une revenait souvent : Ses erreurs étaient-elles vraiment réparables ? Avec Ska et Kameo, certainement. Avec Lucien, certainement pas. Avec Suète et Hlynn, le doute était plus que présent.
Non, décidément, il n'avait pas le droit de s'en aller comme un voleur. Deux de ses gosses l'attendaient au Squat, il avait un frère qui l'aimait encore -malgré tout ce qui avait pu se passer- et des excuses à formuler. Oh, bien sûr, que ça lui coûterait. Même après avoir fait le point sur ses erreurs, Aendil conservait un peu de cette fierté mal placée. Elle avait toujours fait partie de lui et ce n'était pas demain la veille qu'il parviendrait à la séparer de son être pour la noyer dans l'océan. Et maintenant, il avait presque honte d'être venu ici en cachette pour réfléchir à un éventuel départ. Ça aurait été une connerie de plus.
Maintenant, il devait absolument retrouver Suète. Ce qui ne serait pas difficile puisqu'il sentait son odeur.
|
| | | Innuendo » Gluant
» Nombre de messages : 4048 » Age : 27 » PUF : Innuendo » Date d'inscription : 15/06/2010
» Feuille de perso' » Points: 475
| Sujet: Re: Les petits poissons rouges || Pv. Suète Sam 05 Mar 2016, 23:51 | |
| Suète n'était pas revenue ici depuis des lustres. Sa nouvelle vie de solitaire lui laissait une masse assez faramineuse de temps à tuer, et elle avait d'abord eu du mal à s'y faire. Après des années remplies de menues querelles et difficultés inévitables dans le fonctionnement d'un clan, des années à laisser de côté sa propre existence pour s'abandonner toute entière à sa meute, ce brusque retour au calme avait soulevé en elle un sensation étrange de vide. Mais elle était solitaire par nature, et avait bien vite fini par s'adapter à ce vide et ce silence, acceptant peu à peu l'idée qu'elle n'était même pas obligée de les combler. Rien ne l'y forçait, et cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait parlé à personne. Après les responsabilités futiles et indispensables, la guerrière se retrouvait face à elle-même, face aux kilomètres que ses pattes parcouraient à travers le pays, face à ses pensées qui s'entrechoquaient à l'intérieur de son crâne. Ainsi livrée à son propre silence, la guerrière se sentait plus sereine, comme laissant enfin s'exprimer des doutes et des angoisses qui avaient grandi dans son être, et qu'elle avait toujours fait passer derrière la masse phénoménale de responsabilités qu'elle devait à son clan. Au fil de ses pas, qui lui permettaient de couvrir un territoire qu'elle n'avait jamais pu explorer à fond, s'écoulait la cascade de ses souffrances silencieuses ; c'était comme ouvrir le robinet d'une citerne trop pleine et la décharger de cette eau qui stagnait, pour laisser y entrer une onde nouvelle et pure.
C'était ainsi qu'elle se dressait face à l'océan et son tumulte, trainant avec elle le seul vague souvenir qu'elle avait en commun avec cet endroit ; un souvenir vague d'une gamine étrange et pédante qui lui parlait n'importe comment, une gamine irritante datant de l'époque où elle était encore séide, soldate, juste fière de faire partie d'une meute, juste fière de leur être identifiable, de leur être comparable, juste touchée dans son orgueil par cette gamine insignifiante. Aujourd'hui, il était fort probable qu'elle n'ait accordé aucun intérêt à cette môme qui ne faisait, en la provoquant, qu'en chercher. Mais ça n'avait aucune importance, et la louve se redressa bientôt, entreprenant de quitter le promontoire rocheux sur lequel elle se trouvait pour rejoindre la crique sableuse, quelques mètres plus bas.
Elle n'avait pas atteint le niveau de la mer qu'une fragrance atteignit ses narines. La guerrière ferma les yeux, poussant un profond soupir. Nul ne connaissait mieux cette odeur qu'elle et si elle le sentait arriver, elle savait que lui-même était présentement en train de faire le même cheminement dans sa tête. Irrésistiblement, elle se sentait attirée par cet être si irremplaçable et unique, cet être si égoïste et destructeur, cet être à qui elle avait confié son être et qui l'avait ravagée avec méthode sans réellement s'en apercevoir. Cet être qui l'avait entraînée dans sa chute, de la même façon qu'elle l'avait précipité dans la sienne. Cet être avec qui elle était indéfectiblement liée par cet attachement mutuel et destructeur, malsain, profondément mauvais qui les nécrosait de l'intérieur. Cet amour impossible que ni l'un, ni l'autre ne désirait et qui les bouffait, les poussant au vice et à la violence, à se débattre dans cet abîme dans lequel ils sombraient ensemble.
Aendil.
Il était difficile pour Suète d'examiner précisément ce qu'elle ressentait à ce moment-là. Tristesse ? Haine ? Étrange joie de le revoir après tout ce temps ? Extrême lassitude ? Certainement un mélange savamment dosé de tous ces ingrédients arbitraires. Un mélange qui lui laissait une impression de vide, alors qu'elle s'asseillait sur le sable, posant son regard neutre sur le borgne qui s'avançait vers elle. La solitaire avait bien vite écarté la possibilité de faire demi-tour et d'ignorer cette moitié d'elle-même qu'était le gris, et ç'aurait été très probablement la meilleure décision à prendre. Sauf qu'elle ne prenait jamais la bonne décision avec Aendil. Sauf qu'elle avait l'impression d'avoir mille fois vécu ces pas vers elle, comme une scène qui se répétait en boucle depuis l'aube du monde, dans un désert, sur un plateau battu par les vents, au Dolmen. Comme si elle était programmée, comme à chacune de ces rencontres, pour ne pas faire un mouvement et laisser cette autre elle venir à sa rencontre, avec la résignation du condamné à mort qui attend le bourreau, sachant pertinemment que cette rencontre, que ce dialogue, serait un coup de marteau supplémentaire dans le clou qui s'enfonçait dans son cœur.
Impassible et silencieuse, elle le laissait approcher. Dardant le mâle de son regard indifférent.
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les petits poissons rouges || Pv. Suète Sam 26 Mar 2016, 21:16 | |
| Aendil était un loup spontané. Chose qu’il avait d’ailleurs plus ou moins transmis à Ska.
Mais à la différence de son fils, ce trait de caractère, chez lui, blessait les autres plus qu’il ne les faisait sourire. Il agissait rapidement, sans même réfléchir et, lorsqu’il voyait enfin les dégâts causés, il se murait dans le déni pour ne pas s’abaisser à demander pardon. Et ces dégâts, ces cicatrices, il les vit dans le regard indifférent de la louve rouge. Leur belle amitié, bien que semée d’embûche, était peut-être morte, définitivement. Il aurait mieux fallu tourner les talons et s’en aller chacun de son côté avant de se trouver trop proches l’un de l’autres. Ou pas, d’ailleurs.
Par ce qu’il aimait Suète. Et qu’il était égoïste, terriblement égoïste, au point de la vouloir pour lui seul. Au point de considérer tout ce qui n’était pas elle, ou n’y était pas rattaché de près, comme inférieur. Au fond, il se sentait terriblement dépendant. Assez pour lui ramper après dans le désert après avoir perdu un œil, pour lui pardonner, pour lui en vouloir d’être partie aussi. Pour lui en vouloir, pour ce regard que son œil unique pouvait rencontrer, pour cette indifférence qui se plantait dans son cœur. Il aurait pu s’énerver, le lui reprocher, tout faire pour voir l’Etincelle, la pauvre étincelle, dans ce regard unicolore. Même de la haine, si elle voulait, il était prêt à tout recevoir, tant que ce n’était pas de l’indifférence, tant qu’elle ne l’oubliait pas.
Relevant la tête, il affronta le regard vide de la louve, la mâchoire tremblante et les pattes flageolantes. Dès lorsqu’elle était partie, il avait espéré la revoir, au point d’errer dans les terres libres –qu’il ne fréquentait d’habitude que très rarement, étant tout particulièrement attaché aux terres de son clan et ne ressentant nul besoin d’aller voir ailleurs- en espérant sentir son odeur sur le tronc d’un arbre et, pour finir, de la croiser par hasard. C’était d’ailleurs ce qu’il s’était plus ou moins produit aujourd’hui : En voulant partir, il avait senti sa présence et le voilà désormais en train de marcher vers elle, focalisé sur son regard rubis plutôt que sur son chemin.
▬ Tu ne peux pas me regarder comme ça.
Il s’arrêta, laissant seulement quelques centimètres de vide séparer leurs deux corps. Alors qu’il mourrait d’envie de fourrer son museau dans la fourrure de son cou, comme ça avait été le cas bien des fois auparavant.
▬ Je… J’ai pas bien réagi, l’autre jour, au dolmen…
Il baissa la tête.
▬ Sur le coup… J’ai cru que t’en avais plus rien à foutre. Du coup je me suis énervé, pour rien, par ce que ça n’a rien changé. Et j’ai blessé beaucoup de monde, aussi, et je m’en veux. J’ai jamais voulu être un tel connard, je te jure… J’ai jamais voulu te faire de mal non plus, et pourtant, je sais que ça a été le cas. Plusieurs fois.
Ces mots lui coûtaient, ce n’était pas tous les jours qu’on le voyait mettre ses erreurs sur le tapis et Suète était bien la seule personne dans ce monde qui puisse le pousser à se remettre en question. Avec Eandir, peut-être. A cet instant présent, il se sentait ridicule, comme un gamin qui avouait enfin ses fautes après les avoir niées durant des heures. Alors, et contre toute attente, ses pattes avant ployèrent et il s’inclina devant la femelle carmin.
▬ Je suis vraiment désolé.
|
| | | Innuendo » Gluant
» Nombre de messages : 4048 » Age : 27 » PUF : Innuendo » Date d'inscription : 15/06/2010
» Feuille de perso' » Points: 475
| Sujet: Re: Les petits poissons rouges || Pv. Suète Dim 27 Mar 2016, 19:44 | |
| ▬ Tu ne peux pas me regarder comme ça.
Ô Aendil, si orgueilleux. Ça devait lui faire mal, ce regard froid et ardent, ce regard qui dédaignait, ce regard qui n'attendait plus rien, ce regard qui ne le considérait plus. Ça devait lui faire mal cette indifférence, ces yeux qui ne brillaient plus en le regardant alors même qu'elle l'avait dévoré des yeux. Il perdait quelque chose qu'il avait cru acquis, ce regard sur lui qui l'aimait, qui s'indignait, qui lui en voulait, qui lui hurlait les mots durs de l'amour qui fait mal, qui blesse l'un comme l'autre mais unit. Et elle le voyait ainsi, le désespéré, à la recherche de sa dose, l'héroïnomane en manque qui la suppliait du regard, embourbé dans sa fange, maigre et sale, faible et rachitique, lâche et aigri. Mais où était ce loup qu'elle avait aimé ? Cet animal fier et droit, qui parlait avec justice, qui la soutenait et qu'elle soutenait, ce rempart contre la barbarie ? Qui était cet être informe et dégoûtant qui la détruisait elle, obnubilé par son propre malheur et qui s'évertuait à tirer les autres vers le fond, avide de pouvoir et jaloux, qui n'avait d'yeux pour sa petite carcasse insignifiante ? Qui était cette immonde loque puante qui osait lui réclamer un regard ? Qui était-il pour exiger un tel sacrifice de sa part ? Un sacrifice de plus ?
▬ Je… J’ai pas bien réagi, l’autre jour, au dolmen…
Suète ferma les yeux un instant, se remémorant la honte et l'humiliation, le fiel de ce petit roi tombé de son trône qui projetait sur elle sa jalousie immature, la faisant passer aux yeux de son peuple pour une manipulatrice dictatrice. Parce qu'il lui avait laissé la charge à elle seule de nommer leurs successeurs, se contentant de lui cracher à la gueule parce qu'il lui en voulait, entachant son honneur par des sous-entendus ridiculement diffamatoires. Parce qu'il s'était noyé dans cette petite parcelle de pouvoir, comme s'il avait jamais été plus important que n'importe lequel d'entre eux sous prétexte qu'il avait contribué à fonder le clan, et que cette certitude l'avait rongé, corrosive sensation de puissance au point d'en être dangereuse pour le clan.
Non, il n'avait pas bien réagi. Ce pauvre con qui n'était plus Aendil.
▬ Sur le coup… J’ai cru que t’en avais plus rien à foutre. Du coup je me suis énervé, pour rien, par ce que ça n’a rien changé. Et j’ai blessé beaucoup de monde, aussi, et je m’en veux. J’ai jamais voulu être un tel connard, je te jure… J’ai jamais voulu te faire de mal non plus, et pourtant, je sais que ça a été le cas. Plusieurs fois.
Si elle n'avait pas été dans un tel état d'indifférence, cette remarque n'aurait pu que la blesser davantage. Comme si le sort d'Aendil avait jamais pu la laisser indifférente. Comme si ce dernier pouvait décemment penser, comme s'il avait jamais eu le droit de croire qu'elle pouvait agir en voulant sciemment le blesser. Parce que c'était mille fois plus facile que d'admettre sa faute, d'admettre qu'il avait baissé les bras et qu'elle portait depuis un an le fardeau seule et qu'elle en était fatiguée, d'admettre que si lui avait abandonné, elle avait eu la décence de ne pas laisser son peuple sans guide. Parce que si elle était coupable, lui pouvait être innocent, opprimé, souffrir de sa tyrannie et de ses choix arbitraires.
Mais qui était cet individu méprisable qui avait pris la place d'Aendil ? Depuis combien de temps celui-ci était-il mort ?
▬ Je suis vraiment désolé.
Suète restait impassible. Mais de quoi es-tu désolé, exactement ? De m'avoir abandonné à la mort d'Eandir ? Ou peut-être d'avoir tenté de me rendre jalouse en engrossant Hlynn, brisant trois vies au lieu d'accepter ton fardeau comme je l'ai fait ? De t'être comporté comme un parfait ingrat alors que j'ai tué pour toi, littéralement, que j'ai vengé ton honneur en salissant à jamais le mien ? D'avoir été trop con pour voir que si je laissais la direction des Brethen, c'était parce que je ne pouvais regarder le peuple en face après m'être souillée pour toi ? Que tu étais trop obnubilé par ton propre sort pour voir que je suis morte pour toi ? Parce que tu es celui pour lequel je suis morte le plus grand nombre de fois, Aendil. Tu ne le sais pas, mais tu m'as tout pris, aspirant tout ce que j'étais dans ton insupportable mégalomanie égoïste. Parce que je t'appartenais. Parce que je t'étais acquise. Parce que dans ton esprit, quand tout serait tombé, il resterait encore moi, prête à me détruire encore plus que je ne le suis déjà pour ta petite personne.
Comme tu as détruit Ska.
Aucun son ne sortit de sa gueule, cependant. Aucun son alors que s'éternisait le silence, alors que son regard éternellement indifférent était posé sur le mâle, alors que dans son esprit s'accumulaient les accusation et le torrent d'injures qu'elle aurait pu lâcher sur le borgne. Les secondes s'égrainaient, sa respiration régulière dans sa poitrine puissante, le mâle toujours incliné en totale soumission face à elle. Par deux fois, elle était revenue. Par deux fois, elle avait accepté de voir son être se déchirer davantage, se damner un peu plus pour garder Aendil. En avait-elle réellement besoin ? Cela faisait des années qu'il n'était plus que toxique, que chacune de ses excuses s'ensuivait inévitablement d'une récidive, comme s'il ne consentait à ce petit écart que pour la garder un peu plus, et la vider un peu plus de son suc vital.
Elle avait cru qu'il pourrait en revenir, un jour. Elle y avait vraiment cru. Et elle s'était trompée. Elle n'avait plus envie de se battre.
— Y'a pas de pardon.
Les mots étaient sortis tout seuls, presque indifférents. Suète revit en un éclair la silhouette de Lucien derrière le rideau de lumière, son regard rouge luisant étrangement derrière le voile constitué par les étoiles de fumée, ses mots s'abattant comme des couperets, frappant juste, frappant mal, la blessant à jamais au plus profond de son âme. Et ces mots, ces derniers mots qui s'enfonçaient plus loin que les autres.
— Y'a plus de pardon.
En se retournant, Suète pris conscience qu'Aendil était, en dix ans de vie, la seule bataille qu'elle se résignait à perdre. En s'éloignant de lui, elle n'avait même plus envie de pleurer. En disparaissant entre les dunes, elle s'en voulait presque d'avoir continué si longtemps à aimer un fantôme.
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les petits poissons rouges || Pv. Suète Dim 27 Mar 2016, 20:46 | |
| — Y'a pas de pardon.
Aendil ferma l’œil. C'était le coup de trop.
Il n'avait pas espéré obtenir le pardon de Suète à force de belles paroles et s'était attendu à une réactions tranchante de sa part. Mais cette phrase là, aussi courte soit-elle, était plus violente que tout ce qu'il avait pu envisager lorsque son regard avait croisé celui de son ancienne camarade. Avec ces quelques mots, elle avait détruit, démoli, mis en pièce, le lien fragile qui les unissait. Le lien n'existait plus et Suète, juste avec ces foutus mots, venait de le blesser plus qu'elle ne l'avait jamais fait. Il resta silencieux, le visage crispé et les griffes s'enfonçant dans le sable, une rage furieuse, difficilement contrôlable s'emparant violemment de lui. Une rage toute dirigée vers Suète et un peu vers lui même. L'espace d'un instant, il crut prendre appui sur ses pattes avant, lui bondir dessus sans autre forme de procès pour détruire ce visage qui ne trahissait rien d'autre que cette foutue indifférence. Il voulait la tuer, la priver de ces sentiments hostiles à son égard, l'empêcher, à tout jamais de l'ignorer. L'empêcher de disparaître.
— Y'a plus de pardon.
Elle s'éloigna. Il suivit du regard cette silhouette massive qui lui tournait le dos sans vraiment surveiller ses arrières. Il connaissait ses points faibles et ça aurait été si simple de la frapper dans le dos. Oh comme il crevait d'envie de lui faire payer ses paroles, de racheter son propre honneur. Comme il avait envie de pleurer, aussi, de retourner dans le passé, des années auparavant pour tisser, sans accrocs, le lien qui les avait jadis unis. A moins qu'il n'ait jamais rien été d'autre qu'un fantôme, quelque chose d'immatériel auquel il avait cru pour se persuader que Suète et lui ne s'éloigneraient jamais vraiment. Conneries.
Désormais, il était seul sur sa plage, les regard brillant à observer ce minuscule point rouge disparaître sur la ligne d'horizon. Il était encore temps de courir, de la rattraper, de la frapper, avec les mots et le corps, de se venger, de se raccrocher aux souvenirs. Ce qu'il avait fait toute sa vie. Ce qui l'avait mené jusqu'ici.
C'était fini. Et maintenant ? Il pouvait rentrer à la maison, revoir tous ces loups qu'il avait blessé, un jour ou l'autre et vivre avec la douleur de revoir Suète en Ska. Il pouvait mener une vie normale, une petite vie ranger et apparaître aux yeux du monde comme un brave type souriant en cachant ses horreurs derrière des montagnes trop petites pour les effacer correctement. Il pouvait créer de nouveaux liens, factices, et se persuader que tout irait mieux si il ne restait pas seul. Il pouvait vivre en communauté, se comporter en petit roi déchu frustré et blesser d'autres loups. Mais il se savait toxique et ne désirait plus faire de mal à qui que ce soit. Et puis, il n'était pas fait pour se trouver en dessous de quelqu'un. Si il l'avait supporté quelques mois, il sentait que ce ne serait pas toujours le cas et qu'il pourrirait les nouveaux conseillers au moindre pas de travers. Ce qu'il lui fallait, c'était la possibilité d'être son propre Roi.
▬ Je comprend.
Sa colère avait disparu. Il n'était plus qu'un loup triste mais résigné. Il ne la suivrait pas, plus jamais, décidé à sacrifier son propre bonheur -tout relatif soit-il- pour permettre à la louve de se reconstruire loin de lui et des bombes qu'il posait depuis des années. L'occasion pour lui de se libérer de ce manque qui le rendait malheureux. Tout en nourrissant l'espoir qu'elle parvienne à lui pardonner un jour, il se sentait près à tourner la page.
Au fond, c'était mieux comme ça et il ne regrettait pas cette discussion, aussi courte soit-elle. Les choses étaient désormais clarifiées.
Sans même attendre que Suète ait totalement disparu derrières les dunes, Aendil tourna les talons. Dans la direction opposée.
|
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Les petits poissons rouges || Pv. Suète | |
| |
| | | | Les petits poissons rouges || Pv. Suète | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|