Fumée carmin. [AKA]

[ Le reste de la portée peut s'incruster pour faire d'une pierre... pleins de coups. ]


Elle avait mis un temps fou à se décider, jusqu'à se foutre ouvertement de la gueule des traditions du Clan en attendant la veille de ses deux ans - prétendue date de péremption du mérite des jeunes Séides. Ce n'était pas comme si elle en avait grand-chose à carrer. Elle n'avait jamais pu se sentir à sa place ici. La meute n'avait pas su protéger sa mère d'un viol, et ç'avait toujours été avec la plus grande méfiance qu'elle avait contemplé la portée qui avait été si horriblement conçue, fruit de leur propre erreur. La seule chose à laquelle elle avait pu se raccrocher pendant son enfance, c'était sa génitrice. Si douce, si frêle, et pourtant si prompte à les défendre farouchement. Elle qui avait toujours enveloppé ses marmots d'amour et de chaleur - assez littéralement à vrai dire. Mais elle aussi, elle avait fini par les trahir, abandonnant ses premiers rejetons pour une nouvelle famille. Une nouvelle meute, un nouvel amant, de nouveaux gosses. Une nouvelle vie sans eux.

C'est pas le moment de recommencer à déprimer, abrutie.

Blair serra les dents, et se concentra sur son ascension. Elle avait eu plusieurs mois pour réfléchir à ce qui s'était passé, retourner sans répit la situation dans tous les sens. A chaque fois, elle en était ressortie avec encore plus de questions sans réponses, une colère sourde qui lui donnait la migraine, et l'impression qu'un énorme amas de nœuds inextricables pesait comme une chape de plomb sur son crâne. Elle avait saturé. Elle n'avait plus envie d'y penser. Il fallait qu'elle se tourne vers l'avenir. Sauf que... L'avenir, elle ne savait pas du tout quoi en faire non plus. Elle ne se voyait pas finir sa vie à suivre gentiment les ordres d'un Clan qu'elle exécrait. Et maintenant que Fireheart prenait du bon temps chez les Brethens, il était impensable qu'elle se tourne vers ces sales hippies dragueurs de merde. Alors quoi ? Elle quittait tout pour devenir solitaire ? Elle créait sa propre meute ?

MAIS PUTAIN QU'EST-CE QUE J'EN SAIS MOI.

Y'avait pas que les lycéens paumés pour avoir besoin d'un conseiller d'orientation.

Le temps la pressait, et elle avait fini par se dire : autant passer l'épreuve de remise de glowstick. Au pire quoi ? Elle se faisait recaler ? Elle survivrait bien sans. Et puis, y'avait pas deux zigotos complètement irrespectueux qui s'étaient faits bannir par les Dieux mais qui avaient quand même obtenu un rang dans la hiérarchie ? Elle n'avait pas eu de super illumination ou de chemin tout tracé pour l'aider à se décider du Dieu qu'elle accosterait. Elle n'avait aucun talent d'escalade, jouer à l'allumeuse non merci, les énigmes au lieu de se casser la tête dessus elle finissait toujours par répondre la même chose - "va t'faire" - et c'était à peu près la même chose pour les questions d'introspection à la con, et hors de question qu'elle prenne le même Glowstick que sa génitrice. A la limite, le sale caractère de la Dragonne lui aurait sûrement convenu, mais elle était un être de facilité : pourquoi se ferait-elle inutilement mal au crâne en acceptant de revivre les pires moments de sa vie ? Fallait être maso putain. Au final, il ne restait plus que le Grizzly. Et elle s'était dit pourquoi pas. Elle était plus crevette que mastodonte, mais le Dieu rouge ne bénissait-il pas aussi ceux qui faisaient preuve d'endurance ? Et puis dans le tas, son épreuve était celle qui faisait le plus sens. Combattre un animal dangereux. C'était user à la fois d'agilité, de subtilité, de stratégie, de tempérament d'esprit, de créativité et de capacités physiques. Tout bénef', quoi. Ça, c'était un truc concret, un truc qui faisait avancer et qui s'imprimait dans le temps. Qu'est-ce qu'ils pouvaient en tirer, les disciples de Moiro ou Mido ? "Honhonhon, j'ai appris l'humilité, et puis je sais répondre à trois devinettes à la con." Honhonhon ta gueule sale bobo de merde de tes chiens de race.

Ça y est, elle était arrivée au niveau de la fontaine. L'air était plus rare et frais, mais les poumons de la rouquine s'y étaient habitués. Qui a dit qu'elle était pas endurante, hein ? Allez messager d'Aka ramène ta fraise trop mûre que j'te montre de quel bois j'me chauffe. Elle contempla les alentours complètement déserts, surprise d'avoir autant de vide brumeux sur lequel reposer ses yeux. Est-ce qu'elle devait signaler sa présence ? Ou alors fallait-il penser que le page de la fontaine était omniscient ? Elle allait pas se mettre à parler toute seule non plus, ce serait complètement débile.

« ............... Bon. »

Un demi-murmure un peu awkward et éraillé.