Holà guapa ! [Arabella]

Ce soir, Arabella faisait le mur.
Enfin, façon de parler. Elle était totalement libre d'aller et venir comme bon lui semblait, Daniel n'étant pas contraignant pour deux sous pour peu qu'il trouve sa livre de chair quotidienne lorsqu'il rentrait à la maison le soir, mais cela ne l'empêchait pas de se sentir un peu rebelle. Elle partait rarement vadrouiller la nuit. Peut-être parce qu'il n'y avait globalement que la nuit que Dani était là et que même s'il ronflait plutôt fort — c'était apparu il y avait un an environ, et elle préférait ne pas lui en parler de peur qu'il le prenne excessivement mal, susceptible comme il était –, sa présence était réconfortante et l'aidait à se sentir en sécurité. Peut-être aussi parce que le mur, elle l'avait fait un certain nombre de fois de manière véritable dans sa folle jeunesse, et que la dernière fois ça s'était terminé pour elle avec la perte d'un oeil. Ce qui n'était pas le souvenir le plus chaleureux qui soit.

Pas de destination spécifique. La nuit était belle et la température agréable quoi que relativement fraîche. Disons qu'elle voulait profiter des paysages qu'offrait ce pays avant de retourner dans son désert. Ce qui n'aurait plus su tarder à présent.
Ainsi se laissait-elle porter par ses pattes.

Ce furent également les lucioles qui l'amenèrent jusque là, à vrai dire. Elle n'avait eu que très rarement l'occasion d'en voir auparavant, les endroits propices à leur développement n'étant pas légion dans son pays. Ca avait un petit côté magique qui ne pouvait qu'enchanter une louve déjà susceptible de s'émerveiller de tout comme elle. Lorsqu'elle franchit à son tour le rideau de branches qui pendaient du saule pleureur, elle avait des étoiles plein les yeux et surtout des rêves plein la tête. Et n'avait surtout absolument pas réalisé qu'elle n'y était pas seule.

— Oh, fit-elle en sursautant légèrement lorsqu'elle réalisa qu'une autre louve se trouvait déjà là, près du tronc. ¿Holá?

[ A top, merci, c'est plus pratique que d'avoir à aller quoter à chaque fois pour voir la couleur ^^ ]

Arabella — qui malgré son côté franchement sociable tendait à se montrer particulièrement méfiante en présence d'inconnus, ce qui n'était pas surprenant dans la mesure où la vie ne l'avait pas épargnée – se détendit en voyant que l'autre femelle ne faisait preuve d'aucune forme d'agressivité. Et était d'ailleurs remarquablement jolie — salut les deux meufs qui se lèchent mutuellement les bottes sur le physique de leurs persos lalala –, avec ses teintes sablées et ses longues boucles blondes. Et évidemment ses plumes dans les cheveux.
En fait cette louve était à la plage ce qu'elle-même était au désert, d'une certaine façon. Et c'est ainsi que fut créée la team monoï.
Son regard alla des pattes serties de bijoux dorés (or ou plaqué, là était la question) aux oreilles d'où pendaient les fameuses plumes — où avait-elle bien pu en trouver d'une telle couleur ? Ca sentait la réunion manucure et tips enjoyphoenix à pleine truffe –, passant par le pendentif également doré, suivant les courbes et les angles du visage, se perdant peut-être un peu plus longtemps qu'elle ne l'aurait voulu dans ces prunelles turquoises qui, si elles étaient magnifiques, étaient un énième rappel douloureux de ce qu'elle avait perdu, ou plutôt de ce qu'on lui avait pris.
L'autre était également une solitaire — tant mieux, car selon les dires de Daniel, les "meutards" étaient devenus "encore plus cons que d'ordinaire" et elle avait par conséquent "interdiction formelle de s'approcher d'eux sans lui", directive qu'elle n'avait bien entendu aucunement l'intention de suivre mais qui tendait à lui mettre un peu la pression quand même – et ne semblait pas être du coin non plus. C'était en tout cas l'impression qu'elle lui donnait, à l'allure. Ce pays avait beau jouir d'une diversité de profils plutôt importante par rapport à ceux qu'elle avait traversés lors de son périple pour arriver jusqu'ici, la plupart de ses habitants "natifs" suivaient malgré tout tous une certaine tendance, conservaient des caractéristiques communes.
Elle, non.

— Euh... holà ! reprit l'autre avec une certaine hésitation, avant de s'approcher un peu plus.

Elle ne semblait malgré tout pas totalement désarçonnée à l'ouïe d'un mot venu d'une langue qui n'était pas la sienne, contrairement à la plupart des gens qu'elle avait croisés ici. Ce qui laissa supposer à Arabella que ce n'était pas la première fois qu'elle parlait à un étranger. Voire carrément à un hispanique. Le seul autre hispanique du coin étant Daniel, peut-être l'avait-elle déjà croisé. Ou alors il y en avait d'autres.
Son père, peut-être. Miguel aurait été capable de venir jusqu'ici pour la retrouver.
Cette pensée lui arracha un frisson, dont son attention fut bien heureusement vite détournée par la voix de l'autre femelle, qui prenait de nouveau la parole :

— Tu... Hem... Tu parles la langue d'ici ?

Arabella ouvrit de grands yeux, avant de hocher légèrement la tête, vaguement gênée. En plus de cinq ans de vie ici, elle avait fort heureusement réussi à apprendre la langue locale, et la maîtrisait plutôt bien, même s'il était toujours possible de deviner qu'elle n'était pas sa langue maternelle dans la mesure où elle gardait un accent étranger.
Remarque, cela faisait presque dix ans que Daniel vivait ici et les deux seules choses qu'il s'était résolu à apprendre dans le langage du coin étaient connard et fils de pute — qui ressemblaient plus à connaaarrrhhhhh et fils dé poute dans sa gueule. Et encore, c'était elle-même qui les lui avait appris. Parce que ça l'avait pris un beau jour comme ça et qu'il l'avait harcelée pendant au moins deux semaines pour qu'elle lui apprenne. Comme. Un. Putain. De. Gamin.

— Oh, oui, pas de souci, fit-elle. Très jolies plumes, ajouta-t-elle avec un sourire en désignant ces dernières d'un petit signe de museau. Je suis Arabella, et toi ?