Submergé [Mâat]

Mâat était épuisée. Son corps maigre et reptilien traversait la plage comme une âme en peine, son ombre s'étira à son côté, à mesure que le temps passait. Ce matin encore, elle avait perdue des oeufs. Ce matin encore, son nid avait été découvert alors qu'elle était partie chasser pour subvenir à ses besoins vitaux. Lorsqu'elle était retournée à son nid, normalement dissimulé sous des branchages secs, de la boue et du sable, elle avait trouvé un trou béant où farfouillait un gros varan, exactement là où aurait dû se trouver ses futurs petits. L'âme en peine et la hargne brûlant son coeur plus que jamais, elle avait réussit à venger les petits oeufs eventrés. L'hybride avait profité de cette viande sacrifié du coup, pour ne plus avoir besoin de quitter la plage pour quelques jours. Ces derniers quelques jours de protection qu'elle devait offrir aux oeufs. Elle s'était néammoins permis une petite promenade sur la rive, pour s'enivrer de l'air iodée et se glisser dans l'eau avec bonheur. Mâat adorait cette saison chaude et douce. Gardant un oeil sur son nid reparé, elle n'avait pas vu venir la bête au bord de l'eau. Aussi sentit-elle une vague de panique l'envahir lorsque le monstre marin se projeta hors de l'eau avec fracas dans un bruit d'aspiration effrayant.

Monstre des mers qui s'avéra être un loup reprenant son souffle goulûment. Les oreilles de la louve crocodile se redressèrent vers l'avant en reconnaissant le pelage bicolore et couturé de son fils. Mâat avança d'un pas, puis recula de deux, hésitante. Elle jeta un regard inquiet à son nid, tout prêt, trop prêt. Ehter était son fils, oui, mais qui savait ce qu'il pourrait faire en apprenant l'existence de potentiels autres frères et soeurs qu'elle allait abandonner comme les trois précédents ? Non pas qu'elle en eu envie bien sûr, elle les aurait élevé avec amour et tendresse, au moins aussi longtemps que Sekmêt. Mais sa santé n'était plus. Elle vieilissait. Et la colère insoutenable qui la rongeait de l'intérieur n'était pas pour aider. Elle n'avait pas un mode de vie sain non plus, et elle savait qu'elle mourrait bientôt. Tout ce qu'elle désirait c'était au moins pouvoir assister à la naissance de leurs bébés, à Lieutenant et elle, pour les voir, au moins une fois, ces preuves de l'amour qu'il avait eu pour elle, les dernières semaines de leurs vies. Malgré la peur irrationnelle et paranoïaque qui serrait son ventre, la Solitaire fit un nouveau pas vers le mâle Séide lorsqu'il sortit de l'eau et se râcla la gorge pour saluer la chair de sa chair de sa voix rocailleuse :

« Bonjour Ehter, je suis ravie de voir que tu profites de l'eau fraîche ! »

Et de voir qu'il y a bien de moi dans tes gênes, même si j'ai fait défaut pour ton éducation. La culpabilité était passée, parce qu'on ne refaisait pas le passé. Et parce qu'elle avait récidivé avec Sekmêt. Se sentir coupable aurait été très ironique et malvenue alors qu'elle l'avait fait de son plein gré. S'asseyant calmement non loin du loup blanc et noir pourvu de plumes sur le garrot, elle esperait un peu qu'il ai envie de discuter. Si elle s'était éloigné de tout, et qu'elle en voulait à la terre entière, elle n'avait cependant aucun grief contre son fils, quand bien même il ressemblait beaucoup à son père. Et puis, elle devait pensé à l'avenir de ses enfants à venir. Il fallait qu'elle trouve quelqu'un pour s'occuper d'eux. Qui mieux qu'un fère ? Ou un oncle ? Oui, elle pouvait aussi demander à Anthem, même si elle ne l'avait pas vu depuis de longues années. Sa longue queue d'hybride s'enroula autour d'elle, tandis qu'elle posait un regard amicale sur le mâle couturé, sans cesser de jeter régulièrement des regards à son nid dissimulé, histoire de se rassurer.

Ether mit du temps à répondre. Suffisamment de temps pour que sa mère ressente un manque d'envie clair. Ne voulait-il pas lui parler ? C'était compréhensible après tout. Mâat avait été la pire mère du monde. Egoïste, lâche, absente. Mais elle n'était plus désolée. Elle devait aller de l'avant pour les prochains. Qu'elle n'éleverait pas non plus. Ou peu. Comme les précédents. Un frisson parcourut l'échine de la femelle lorsque son fils ancra son yeux ambré dans celui, vairons, de Mâat. Ether était bel et bien son fils. Elle ne pouvait pas le renier. Elle n'aurait jamais dû. Noyé ?! Il semblait pourtant en bonne santé. Etait-il malade ? Ne dormait-il pas assez ? Un élan d'inquiètude comprima ses poumons. Elle savait qu'il n'accepterait pas ce soudain interêt pour lui, et pourtant, elle ne pouvait pas s'empêcher de poser la question. Aussi parce que son ton monotone l'inteprella. Comme s'il trouvait cela normal. Comme si c'était habituel, fréquent. Comme si cela faisait longtemps qu'il subissait ce genre de désagrément. Aurait-elle pu déceler quelque chose lorsuq'il était plus jeune, si seulement elle ne l'avait pas laissé tomber ? Aurait-elle pu prévenir d'éventuels soucis de santé en s'occupant mieux de lui ? Finalement la culpabilité resurgit en force.

« Tu es malade ? »

Les prunelles de Mâat s'assombrirent, tourmentées et soucieuses. Elle se souvint du loup noir et blanc, alors âgée de quelques mois seulement, qu'elle couvait à cause d'une mauvaise fièvre. A ce moment-là encore, elle avait été une mère aimante et responsable, même si elle n'avait pas été la plus complice et proche. Elle se souvint qu'elle avait été a peu près la même avec Sekmêt. Finalement... Peut-être était-elle une mère suffisante pour les très jeunes et ne savait plus comment agir avec les adolescents, ce qui brisaient les liens et la faisait fuir. Non, elle ne devait pas chercher à se trouver des excuses ! La Solitaire esquissa un geste vers l'épaule de son fils, comme pour tenter de le rassurer, de lui apprendre qu'elle était prêt de lui. Mais cela sonnerait faux pour lui. Il n'y avait plus rien qui les liaient désormais. Elle avait tout raté avec Ether et Schelling. Respirant une grande bouffée d'air, elle chassa toutes ces mauvaises pensées. Attendant néammoins une réponse, au cas où il déciderait de faire un pas vers elle après celui qu'elle venait de tenter, elle attendit avant de répondre à sa plaisanterie. Quelque part, elle était heureuse de voir qu'il avait l'humour facile et donc un certain optimisme qui lui était propre. Oui. Il était bien son fils malgré tout. Enfin, elle finit par répondre, d'une voix grave et rocailleuse, éraillée :

« Mes oeufs. »

L'hybride avait décidée d'être franche. Parce qu'elle avait confiance en le mâle à plumes. Même dans l'hypothèse où il avait une haine féroce à son encontre, elle était persuadée qu'il ne ferait pas de mal à des louveteaux à naître. Et puis, à bien y réfléchir, Ether pourrait aider Anthem et sa compagne lorsqu'elle ne serait plus là pour guider les premiers pas de ses rejetons. Elle sentait Ether comme un loup juste et droit, fiable. Il méritait la confidence. En quelques sortes c'était une preuve d'amour non ? Arrête d'essayer de te persuader que tu n'es pas si mauvaise. Tu n'es qu'un monstre. Mâat lâcha le regard du Séide pour fixer son nid quelques secondes avant de revenir vers le loup couturé. L'hybride Solitaire inspira. Elle aurait sans doute été moins stressée si le père des petits étaient restée avec elle. Mais à l'instar de Cassiopée, Lieutenant était partit. Enfin, elle savait qu'il était partit mourir, loin et seul, contrairement à l'autre qui s'était trouvé une autre poule. Peut-être parce qu'elle avait été une horrible compagne doublée d'une mère pathétique. Leur rencontre plus ou moins fortuite n'avait à la base rien d'une histoire d'amour. Elle avait finit par l'apprécier vraiment oui. Mais peut-être n'avait-elle pas fait assez d'efforts. Mâat ne savait plus si elle devait se mettre en cause encore et encore, ou si la faute venait aussi d'ailleurs. La louve crocodile était perdue, seule, et fatiguée de cette vie.

Trop de complications. Et encore mieux, elle en rajoutait encore. Des difficultés en plus, pour elle et les lambeaux de famille qu'il lui restait.

La narcolepsie. Mâat n'était pas Savante, mais son ancien rôle d'archiviste lui avait permis de lire divers ouvrages sur biens des sujets différents. Aussi ce nom ne lui fût ps totalement inconnue. Elle se rappela qu'il n'y avait aucun remède connu. Fronçant les sourcils, elle esseya de se remémorer les détails écrit dans ce livre, où elle avait trouvé ce mot pour la premère fois. Elle se souvenait bien de ce livre, rangé avec soin sur l'étagère de médecine qu'avait réclamer les Savants. C'était bien loin tout ça. La solution arrive lorsqu'il parla à nouveau, ce qui mélangea un peu les idées de l'hybride lorsqu'elle voulut partager son souvenir avec Ether.

« Je crois qu'il existe des points d'acupression le long de la colonne qui peuvent permettre d'atténuer tes symptômes et d'aider ton esprit à se maintenir plus actif... Oh ! Attend, quoi ?! Je... Non. Enfin. Lieutenant est mort il y a peu... De qui tu parle ? Qui est ce Il ? »

La tête de la femelle chocolat et sable s'était penché sur le côté, le museau froncé sous l'incompréhension. Ses prunelles or et glace scintillèrent étrangement. Comme un nouvel espoir. Qui était ce il ? Schelling ? Son second fils ne lui en voulait pas de son absence ? Son frère ? Non Anthem le lui aurait dit lorsqu'elle l'avait croisé. Qui pouvait-être ce Il ? Mâat fixa son rejeton noir et blanc, à la méfiante et inquiète. Devenait-il fou ? Elle ne voyait vraiment pas de quel mâle il pouvait bien parler. Elle ne se rappelait pas avoir eu d'autres relations, ne serait-ce qu'amicale, avec des loups autre que ses frères, feu Lieutenant, feu Cassiopée et ses fils. Ceci dit ses relations féminines n'étaient pas au top non plus, en dehors de sa soeur et de Sekmêt, finalement, elle n'avait pas de proches. La solitaire au glowstick jaune détourna la tête finalement.

« Sekmêt est restée chez les Brethens. Je n'ai pas vu ta soeur depuis plusieurs mois. »

Encore un aveu sur l'abandon d'un enfant. Néammoins Sekmêt était bien plus âgée, mature et adulte pour pouvoir être séparée de sa soeur. Mâat se consolait comme elle pouvait, pour donner le change, comme si elle était passée à autre chose. Pourtant la honte de réitérer ses erreurs ne la quittaient pas. Et sans doute ces idées cafardeuses lui resteraient jusqu'à la toute fin, lorsqu'elle rejoindrait Lieutenant. Et Cassiopée, au passage. Elle n'avait pas pensé à cela, à l'après, à ce qu'il lui arriverait une fois son âme en voyage. Curieuse sensation que d'imaginer la fin comme le début d'une autre vie. Un léger sourire étira ses babines, à l'idée de retrouver les loups qu'elle avait aimé dans l'au delà. Sourire qu'elle ravala très vite. L'un l'avait abandonné deux fois, l'autre l'avait trompée avec une autre. Une bouffée de colère remonta en elle. Mâat inspira et regarda son nid d'un air distrait.

« Tu nous cotoyera plus, enfin, si tu le veux. Je retournerais chez les Séides avec les petits, là où ils ont une famille. Anthem a accepté de m'aider. »

Etait-elle en train de s'auto-persuader qu'elle faisait des efforts pour faire mieux avec les petits derniers en même temps qu'elle voulait en donner la preuve à Ether ?Mâat esquissa un sourire timide pour son fils. S'il acceptait qu'elle se rapproche de lui, elle pourrait tenter, juste avant sa mort, de mettre un peu de baume au coeur malmené de son fils aîné.

Retourner sur ses pas, pour revoir sa fille une dernière fois ? Mâat y avait pensé. Sauf que leur séparation brutale s'était faite sur un lourd désaccord et l'hybride doutait que Sekmêt ne souhaite vraiment lui parler à nouveau. La louve beige et brune hésita avant de dévoiler la vraie raison de sa fuite.

« Je doute qu'elle veuille pardonner les mots durs que j'ai eu pour son compagnon. »

Compagnon qui avait bien faillit la tuer au passage, ce gros connard. Si seulement Mâat avait pu deviner que le géant Khal quitterait sa meute et Sekmêt quelques semaines après qu'elle-même eu décidé de tout quitter, peut-être aurait-elle eu le courage de retourner voir la louve au pelage chocolat. Peut-être. Sûrement. A l'identique, si elle avait appris qu'Ether souffrait de cette maladie plus tôt, elle serait revenue pour le soutenir. Il en allait de même pour Schelling, même si lui, elle ne l'avait jamais revu après avoir abandonné les Séides. La phrase suivante balaya toute forme de pensées sombres de l'esprit sinueux de l'hybride. Ether était prêt à l'accepter dans son cercle de proche. Ou du moins, il acceptait de ne pas la refouler. Et pour une mère, aussi incompétente fût elle, c'était un bonheur immense que d'entendre des mots pareils. Ses prunelles doré et bleu glacée trahirent son soulagement. Il y a des choses qu'on ne peut cacher. Lorsque le loup bichromatique ancra ses yeux d'or dans ceux de sa mère, la louve crocodile fût toute attentive : il semblait avoir quelque chose d'important à annoncer, et que visiblement il voulait réellement partager avec elle. Ce semblant de lien renoué apaisa son vieux coeur aigris. Les pauses dans l'élocution du mal firent grandir le doute, puis la compassion dans l'esprit de Mâat.

« Tu... Tu en es certain ? »

Demanda t-elle finalement, d'une voix basse. La Solitaire au glowstick flavescent écarquilla des yeux qui s'inondèrent de larmes. Si elle avait été plutôt perdue dans les méandres de son cerveau pollué par la rencoeur ces dernières années, elle fput forcée, là, de remettre tout en question une dernière fois. Evidemment des paroles comme celles d'Ether faisait vibrer l'espoir dans l'estomac de la femelle aux longs cheveux de neige et ébranlait ses convictions.

« C'est tellement... »

Elle ne savait même pas quoi dire. Etait-il réellement possible que Cassiopée ai été celui qu'elle avait cru connaître ces quelques mois où ils étaient ensembles ? Etait-il imaginable qu'il est été jusqu'au bout ce loup gentil et aimant, fiable même si toujours en vadrouille ? Etait-il possible, finalement, qu'il l'ai aimé tout ce temps ? Cassiopée aurait donc été ce même loup qui l'avait charmé, quoique malade et glissant peu à peu dans un monde déchirant et troublant provoqué par la démence ? Mâat sentit son coeur se gonfler de cette tendresse depuis si longtemps oublier. Quelques larmes perlèrent à ses yeux vairons. Elle baissa le museau, honteuse. Le pire c'est qu'au début, elle avait tout fait pour le croire innocent, pour rester certaine qu'il la rejoindrait et que ce n'était qu'une erreur. Mais Noximilien était une preuve trop dure à supporter et l'hybride avait sombré dans la désillusion et la haine. Elle avait du mal à croire Ether. Mais tout en elle voulait retrouver cet amour et cette douceur qui l'impregnait autrefois lorsqu'elle se souvenait des bons moments avec son compagnon. Et puis, son fils n'avait aucune raison de lui mentir, aucune raison de vouloir lui infliger une atroce souffrance psycologique en se rétractant dans quelques minutes, non ? Elle ne savait toujorus pas quoi dire. Hésitant entre accepter la vérité de son fils et la sienne. Tout en sachant que l'herboriste avait accompagné son géniteur jusqu'au bout.

« C'est vrai ? »

Tel un enfant naïf attendant la confirmation de l'adulte qui ferait jour sur l'un des mystères de la vie, Mâat supplia le loup couturé noir et blanc de ses orbes azur et or de conrfimer cette version de l'histoire...