Magnétisme sur un écureuil [romance]

» Willow paradait en Terres Libres. Les yeux fermés, elle marchait sans se soucier des dangers alentours. De toute façon elle saurait se défendre, là n'était pas le problème, du coup elle s'occupait.
Elle sifflotait une chansonnette connue de tous Libérééééééééée, Déliiiiivréééée tout en remuant du popotin en rythme. Aujourd'hui était une jolie et belle journée, splendide, lumineuse et ensoleillée. Ce qui rendait la rondouillarde contente et souriante. Parfois il lui arrivait de se prendre des arbres voire des cailloux qui lui barraient le passage, mais ça n'allait pas être quelques obstacles qui lui ruineraient la journée, non mais oh ! Du coup elle traînait dans les parages, toute pimpante et heureuse.

Puis son odorat se mit en marche. De la bouffe ? De la bouuuuffe! Elle rouvrit les yeux, afficha un « o » avec sa bouche puis se mit en position ; pattes avant frôlant le sol et arrière-train en l'air, rampant à la manière d'un serpent ayant dépassé légèrement son taux maximum de tolérance à l'alcool. Puis elle se mit en marche, ses griffes cliquetaient au contact des rochers plats mais elle ne perdait pas espoir. Sa queue touffue se balançait de droite à gauche comme un métronome : ça dissuaderait les méchants d'intervenir et par conséquent, de lui voler son butin pas encore acquis ! Et évidemment, ça dissuaderait le gibier de se faire chopper par Willow. Espèce de gourde.
Elle jura lorsque ce qu'elle avait repéré bougea, soudain à l'affût du moindre prédateur. Et donc d'une moindre Willow sauvage. Elle retint son souffle tandis que le maigre écureuil récupérait un gland tombé d'un chêne.
La louve plissa les yeux afin de mieux évaluer la distance restante et…
Elle bondit.

Pour une chasseuse elle était plutôt inutile. Ce fut un échec cuisant. Ridicule. Pitoyable. Inutile. Pathétique. Un raté monumental. Le menton de la louve vibra en signe de pleurs évidents mais se retint de faire un scandale dans un lieu sacré. Elle devait se rappeler qu'elle avait obtenu un glowstick du mental et donc ; jouer les gamines était prohibé. Willow bomba le torse, faisant la fière alors qu'elle venait de louper sa proie. Tant pis. Elle continua sa route en chantant autre chose cette fois-ci. J'aime les licornes, et leur jolie corne, elles sont si jolies avec leur pelage semblable aux nuages, elles sont si gentilles avec leurs amies même si elles pratiquent la sod- Puis un autre bruit attira son attention.
Couic.
Couic.
Couic. Couic. Couiiiiiiiiiiiiiic.

Surprise, elle bondit sur ses quatre fers comme un lapin et évalua les alentours. L'écureuil!
Cette fois-ci elle l'aurait, de nouveau elle plissa les yeux. Heureusement qu'elle était une Soldate parce que sinon la meute aurait crevé de faim depuis des lustres tellement elle était nulle en chasse. N'ayant pas envie de vérifier sa nullité monumentale et de confirmer ses dires en tant que Nullarde professionnelle, elle chopperait cette bestiole !
Elle fixa sa cible et attaqua sa proie.

JACKPOT \o/

Il y eut une sorte de couinement strident dans l'air, qui fit se redresser soudainement la louve grise.
Romance était partie alors que le soleil parvenait doucement à son zénith, en quête de plantes nouvellement fleuries. Le beau temps s'affirmait, à son plus grand plaisir, sur tout le continent, et à cela s'ajoutait la joie d'enfin être véritablement utile à la meute. Forte de son glowstick qu'elle n'avait que depuis quelques lunes, elle était redoutablement efficace. Et ses journées se remplissaient si aisément que sa vie avait pris une toute autre saveur. Elle s'occupait des loups en ayant besoin, allait en de longues expéditions pour récupérer des plantes, passait de longues heures à discuter avec Aristote à a Bibliothèque où il se trouvait la plupart du temps, ou bien en promenade à ses côtés. Ces dernières semaines, elle s'était faite plus prudente. Son ventre qui s'arrondissait de plus en plus franchement devenait plus pesant. A côté de l'ombre éthérée qui la suivait, gracile et silencieuse, elle avait l'impression de devenir pataude.

Collée à son flanc, l'entité lumineuse semblait presque protectrice. Elle était équipée d'une sacoche, bine pratique pour la collecte des plantes. La plupart du temps, la grise n'avait d'autre compagnie que celle-ci, silencieuse et sans expression, de cette dernière. Apparemment, ce ne serait pas le cas aujourd'hui. Le bruit venait de l'autre côté de l'Eclat Saule.Intriguée, elle fit disparaître sa compagne et s'engagea entre les lianes, à demi-camouflée - savait-on jamais. Mais l'odeur qui lui parvint avant qu'elle ne voit le responsable de ce bruit était celle de l'un des siens, aussi considéra-t-elle qu'il n'y avait pas de danger - le couinement ne pouvait de toute façon pas avoir été émis par un loup un quelque-chose de plus dangereux.

Ses grands yeux dorés balayèrent les alentours alors qu'elle sortait du couvert des liane,s longeant la fontaine de Kiro, et tombèrent sur la silhouette brun-violacée d'une louve. Son apparence lui était familière, elles s'étaient sans doute déjà croisées, mais elle ne lui avait jamais véritablement parlé. Il faut dire que sa socialisation à proprement dite avait été légèrement compliquée lorsqu'elle était plus jeune. Sans crainte, la grise s'approcha donc. L'autre venait de toute évidence de mettre un terme aux jours d'un écureuil - elle était peut-être Chasseuse - qui devait sans trop de doutes possibles être à l'origine du couinement précédent. Elle s'arrêta à quelques pas dans une sorte de ... politesse.

"Jolie prise." Lança-t-elle, se doutant toutefois que le bruit de ses pa et son doeur avaient déjà dû trahir sa venue.

» Willow grignotait son écureuil assez laborieusement. Soldate et non pas Chasseuse, on aurait dit qu'elle s'essayait à la samba vu la façon dont elle déchirait les chaires du pauvre animal innocent. Au moins elle avait réussi sa petite partie de chasse, ce qui était plutôt positif. Non loin d'elle, un intrus s'approcha dans le plus profond des silences ; de toute façon la louve pataude était trop occupée à dépecer sans douceur le pauvre rongeur, du coup ses sens étaient bien moins en alerte qu'ils devaient l'être.

Willow était certes une Soldate mais en ce moment elle traînait plutôt des pattes, se faisait dorer la pilule au soleil et ronflait plus qu'elle ne patrouillait. Son temps était pris pour faire des choses inutiles mais franchement bien plus agréables à accomplir que de errer dans la solitude à la recherche des ennemis recherchés.
Alors, tandis qu'elle venait enfin à bout de sa proie, elle entendit une petite voix douce et – heureusement – pas nazillarde qui lui parla.

''Jolie prise''

Willow sursauta, poussa un cri digne des blondasses sans cervelle dans les films d'horreur – celles qui meurent dès les premières minutes – et se retourna en faisant un bond de 180° – un demi-tour et puis s'en vont, grosso-modo – pour finalement se retrouver museau contre museau face à une louve au pelage semblable à la cendre mais au visage lumineux. Penaude, Willow afficha un sourire branlant et pas très droit mais que beaucoup pourraient qualifier d'adorable. Elle pencha la tête sur le côté et cligna plusieurs fois des paupières, interloquée. Cette louve – au vu de son petit bidon roudouillard et de son corps féminin elle en jugea qu'il s'agissait d'une comparse de son sexe – lui rappelait vaguement des souvenirs, peut-être s'étaient-elles croisées un jour lors d'importants rassemblements mais son nom ne lui revenait pas en mémoire. Willow pinça les lèvres. Elle lorgna sur le ventre de son interlocutrice et une ampoule de génie apparut dans son cerveau.

« SALOUTE ! Dit donc t'attends toute une colonie ou bien ? »

Sans gêne, Willow balança la seule phrase qui lui était passée par la tête, rien de bien méchant au final. De plus, pour elle il ne s'agissait que de la vérité, la grise avait le ventre bombé, Wiwi en avait déduit qu'elle attendait des mômes, quel était le problème ? Willow ne savait juste pas s'exprimer convenablement, elle était plutôt brute de pomme et un peu benêt. Accaparée par la femelle, elle en oublia le cadavre qui prenait un bain de soleil à ses côtés.
Le sourire toujours aux lèvres, Will' bougea les orteils ainsi que sa queue touffue, qui balayait l'air comme on balayait la poussière. Elle cligna à nouveau des paupières, ses cils drapant ses yeux bicolores.
Imbécile heureuse.

En fait non, apparemment l'autre ne l'avait vraiment pas entendue arriver. En tout cas elle poussa un cri terrifié en bondissant sur ses pattes en la voyant, si bine que Romance eut cet espèce de micro-accès de panique qui vous atteint par contagion et sursauta à son tour, faisant un pas en arrière. Son coeur accéléra, mais elle semblait le seul danger présent dans la scène. Par les Sept, elle ignorait pouvoir faire si peur à une de ses congénères - la grosses la rendait-il si immonde que cela, bon sang ? Mais la panique de l'autre retomba presque aussitôt et elle lui lança un petit regard désolé avec un petit sourire qui lui rappela celui qui venait sur le visage d'un louveteau pris à faire une bêtise. Au-là de l'étrangeté du fait que... Eh bien, cette dernière n'était pas un louveteau malgré les étincelles qui fleurissaient dans son regard, c'était plutôt qualifiable de mignon comme réaction. Mais Romance n'avait pas vraiment besoin d'être attendrie pour ne pas en vouloir à quelqu'un - et encore moins pour avoir simplement crié, même en lui faisant un chouilla peur.

Après un silence de quelques instants où les deux se toisèrent sans trop savoir quoi dire, celle qui lui faisait face lorgna un regard bref sur son ventre, et finit par la saluer d'un air enjoué, enchaînant aussitôt sur une petite remarque qui, loin de froisser la grise, fit retomber la tension de cette pseudo-panique et lui arracha un rire cristallin. Le visage souriant, elle répondit :

"Une petite colonie, j'espère."

Elle secoua dans une sorte de petit réflexe ses oreilles, remettant plus ou moins les mèches de cheveux que son sursaut avait décalées en place sur son cou.

"Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. Je pensais que tu m'avais entendue." Ajouta-t-elle.

Parce que quand même, elle avait l'impression d'avoir fait frôler la crise cardiaque à cette pauvre louve, ce qui n'était pas sans s'accompagner d'une petite pointe de culpabilité. Au même instant, quelque-chose tomba sur le sol, juste entre elles. Romance releva la tête et croisa le regard d'une écureuil, avant de fermer les paupières juste à temps pour ne pas se prendre la pluie de glands qu'il décida de leur jeter au museau dans les yeux. Elle recula en baissant la tête pour éviter les projectiles, surprise. Lorsque tout cela s'arrêta, elle secoua la tête et jeta un oeil prudent vers l'Arbre. Plus personne.

"Tu t'es fait des ennemis je crois." Lança-t-elle avec un demi-sourire.

La situation était cocasse, il fallait dire. L'un des glands, resté coincé dans ses cheveux, roula sur ses épaules et tomba sur le sol lorsqu'elle s'ébroua.

"Je m'appelle Romance. Je crois qu'on s'est déjà croisée au camp."

» Visiblement la louve qui lui faisait face était l'incarnation de la bonté et de la gentillesse. En effet, si beaucoup auraient reculé devant l'exubérance et la puérilité de Willow, la grise faisait tout le contraire. Devant tant de reconnaissance, la Soldate ne put qu'éclairer l'endroit par son sourire. Le rire de la grise était contagieux, et comme un virus qui se propage sur tout ce qu'il touche, Willow explosa de rire aussi – certes un rire moins harmonieux mais un rire quand même – et constata que finalement errer sur les terres séides pouvait être amusant. Son interlocutrice était arrondie mais charmante, elle remit sa crinière immaculée en place – on aurait dit une princesse des neiges – et s'excusa auprès de la séide disciple d'Ao pour l'avoir effrayé.

Non loin de lui en vouloir et d'être rancunière, la brune hocha la tête en signe de remerciement avant de se faire agresser par des glands qui lui tombèrent sur la tête ainsi que sur Romance – qui venait de se présenter dans la plus grande des douceurs. Irritée, Willow grimaça un instant avant de finalement prendre tout cela à la rigolade. Ça n'allait pas être trois pauvres écureuils ennemis qui allaient l'embêter !
Willow se redressa et répondit à Romance.

« Je suis Willow, et peut-être, en vérité je n'y fais pas trop attention. »

Manquant de s'étrangler après avoir dit des paroles pareilles, Wiwi baissa la tête en guise d'excuse pour finalement se rappeler qu'elle était une louve sans la moindre gêne. Braquant de nouveau ses yeux sur le ventre de sa nouvelle amie, elle la questionna sur l'arrivée imminente des marmots.

« C'est pour quand ? »

Est-ce que ça fait mal ? T'es amoureuse ? Ça fait quoi d'avoir un amoureux ? Il est gentil ? Vous vous connaissez depuis combien de temps ? Il est beau ? Il a quel âge ? C'est quoi son prénom? Willow avait en tête les mêmes questions frénétiques qu'un louveteau. Non qu'elle soit lente à la détente, elle avait juste oublier de grandir, ne prenant ses responsabilités d'adultes que par nécessité. Sans famille, Willow avait dû apprendre à se débrouiller seule au milieu des maternelles un peu trop collante à son goût. Avec le sentiment d'avoir manqué son enfance, Willow avait fait l'impasse sur les étapes vers l'âge adulte. Et dans sa tête elle trouvait qu'être enfant était beaucoup plus facile qu'être quelqu'un de responsable et de grand. Willow était bout en train, brute de pomme et un peu vulgaire, mais elle n'était pas de ces créatures supérieures et méchantes.

Ploc. Schpouic.

Deux glands lui atterrirent sur le bout du museau. Elle regarda un bref instant sa comparse si adulte et responsable et explosa d'un rire tout sauf discret. Elle avait sans doute réveillé tout le terrain.

La louve devant elle était décidément d'un enthousiasme et d'une joie débordants. Cela changeait de tous ces loups plus froids et sobres qu'elle croisait souvent au camp. Elle se demanda comment elle avait pu passer à côté de cette pile sur pattes. Elle avait un rire franc et sans doutes ces dentelles et fioritures et qui habillaient les expressions lorsqu'en grandissant, on se fondait doucement dans la société presque civilisée dans laquelle ils vivaient. Elle respirait une sincérité rare et découverte. C'était sans doute ce qui faisait son charme, mais si cela devait en effrayer plus d'un. Après tout, la vérité était sans doute la chose qui effrayait le plus dans un monde où chacun avait son cocon de silence et sa cape de secrets. Elle lui dit s'appeler Willow. Cela faisait presque trop sérieux comme sonorité pour ce que la grise semblait avoir saisi de sa personnalité.

Elle rebondit - sans mauvais jeu de mot - sur le ventre de Romance, son regard passant à l'oblique trahissant ses paroles avant qu'elle ne les prononce. Et sa question était une.. bonne question. Même si Romance était Savante, elle savait que c'était là une des choses qu'il était bine ardu de prévoir. Enfin, elle pouvait faire une estimation, naturellement, elle mieux que quiconque, mais cela demeurait très incertain.

"Une demi-lune je pense." Répondit-elle finalement. "Mais c'est difficile d'être vraiment sû..."

Elle s'interrompit lorsque deux glands chutèrent à nouveau et ricochèrent sur le museau à semi-levé de son interlocutrice. S'ensuivit le silence caractéristique que tous connaissaient, ces quelques secondes où l'on sentait ses babines se crisper, le rire monter dans sa gorge. Jusqu'au moment où Wllow explosa d'un rire tonitruant, et la grise ne put se retenir de rire à nouveau. La tête baissée, les yeux fermés, elle finit par se calmer, poussée par un accès de conscience lui intimant de limiter les secousses sur son ventre, mais par les Sept que cela faisait du bien, un tel fou rire.

Elle redressa la tête vers Willow et lança :

"Je pense que nous devrions nous décaler un peu, le message était clair."

Elle lui adressa un franc sourire.

"Je ne peux pas vraiment te proposer de chasser avec toi en ce moment." Elle pointa du museau ses flancs arrondis. "Mais nous pourrions marcher ensemble ? J'étais en quête de remèdes."

» Willow finit par reprendre ses esprits, haletante, elle manqua poser une patte sur son coeur pour constater s'il était toujours bien ancré ou elle ou si l'organe s'apprêtait à s'échapper de sa cage thoracique. Ce fou rire, certes bref, avait été agréable et rafraîchissant. Quelques ricanements s'échappèrent de ses cordes vocales mais elle parvint à se ressaisir. Bombant le torse, la peluche observa sa comparse pendant qu'elle lui racontait la vie de maman. Enfin, future maman. Willow hocha la tête pour la marche mais aussi pour trouver un endroit où elles ne se feraient pas canarder par une horde d'écureuil en colère. Quand bien même la situation était amusante, se manger des glands sur le museau n'était pas une sensation super agréable !

  « De quels remèdes as-tu besoin ? »

Pendant qu'elle engagea la marche, elle entendit des cris venant des arbres, sans doute les rongeurs se rebellaient-ils devant le non-intérêt manifeste des louves qu'ils agressaient. Elle secoua la tête, un sourire au coin des lèvres. Willow, plus jeune, avait été bien moins enthousiaste de la vie, à vrai dire elle avait été plus peste qu'autre chose. Au lieu de dire les choses gentiment comme dorénavant, elle cassait du sucre sur les gens, les méprisait en toute franchise, elle les détestait, les trouvait inférieurs, stupides et sans aucune utilité mais pendant son absence elle avait mûri, vu des choses qui avait fait d'elle une autre personne. Willow était pleine de vie, d'entrain, elle pissait la joie de vivre et un sourire était toujours là pour illuminer la vie des autres. La louve avait compris que jouer les vilaines était amusant un temps mais qu'après ça devenait agaçant et invivable. L'ultraviolence avait eu besoin d'une grande claque pour être heureuse. Et elle était heureuse aujourd'hui. Elle avait remarqué aussi qu'elle se faisait davantage d'amis en étant quelqu'un de gentil, de marrant, mais surtout en étant devenu une personne compréhensive et à l'écoute ; elle en avait fini avec la débile méchanceté. Aujourd'hui elle osait juste tout sans avoir peur de ce que pourrait penser les autres, elle vivait pleinement avec des yeux pétillant.

Les deux louves se mirent donc en marche, au son des protestations des rongeurs, qui en avaient perdu leur animation de la journée apparemment. Willow s'enquit de ce que recherchait la grise, et celle-ci s'accorda un instant de réflexion, recomptabilisant ce qu'elle avait déjà trouvé. Presque machinalement, elle avait fait réapparaître l'entité translucides, qui les suivait maintenant en silence, ses grands yeux lumineux braqués sur son invocatrice.

"Il me faudrait du trèfle rouge, des feuilles de framboisier et du thym." Répondit-elle après quelques pas. "Je pense qu'on peut en trouver surtout à la lisière des bois, mais je suis venue tenter ma chance ici avant."

Elle n'avait pas trouvé grand chose sur le chemin finalement. Un peu d'ail qui était venu compléter le maigre stock qu'elle avait dans la sacoche que portait son amie fantôme, mais pas un franc succès pour l'instant cette promenade. A un détail près ceci dit. Romance avait gardé au fond d'elle un petit quelque-chose de l'enfance qui la faisait avoir cet émerveillement devant les choses encore. Les belles choses, les choses nouvelles ou surprenantes. Naturellement, dans le monde des adultes et la société bien rodée du clan, ce n'était pas toujours l'attitude à avoir, et elle gardait la plupart du temps cela pour elle. Mais il lui vint la pensée soudaine que Willow était peut-être l'une des seules personnes qui pouvait comprendre, au moins en partie, cela. Sur une indication silencieuse, la silhouette éthérée s'approcha d'elles et fouilla dans la sacoche qu'elle portait.

"Mais j'ai trouvé ceci sur le chemin." Ajouta-t-elle en montrant ce que l'entité venait d'extirper du sac.

Il s'agissait d'un trèfle à quatre feuilles. Mais contrairement à ses congénères verdoyants, déjà rares, les feuilles de celui-ci étaient d'un bleu léger, sillonné de veinures blanches. Il semblait une sculpture délicatement ciselée. Un peu plus grand que les autres plantes de son type, Romance n'en avait jamais vu de tel durant le grand hiver. Elle connaissait la réputation de ces pousses à porter bonheur, mais celle-ci était plus jolie encore.

"J'ignore à quoi cela peut servir." Avoua-t-elle. "Mais je 'en avais jamais vu de pareil."

L'entité s'approcha de Willow pour le lui montrer, presque curieusement. Romance ne savait trop si cette silhouette éthérée avait une conscience pure ou si elle se contentait d'obéir à ses demandes sans plus en demander. Pour le moment, la seconde hypothèse était la plus probable, mais i lui semblait parfois qu'elle prenait de petites initiatives ou éprouvait par flashs quelque-chose qui ressemblait à des émotions. Elle demeurait incertaine sur cette question.

» Tandis qu'elles reprenaient leur marche, Romance lança ce qu'il lui fallait. Les plantes que la grise lui demanda de rechercher et à vrai dire Willow n'était pas certaine de savoir à quoi telle ou telle plante ressemblait et surtout comment les différencier ? Pour la Soldate elles avaient toutes le même aspect si ce n'est des odeurs et des tailles différentes.
Willow remarqua une ombre presque invisible qui se déplaçait aux côtés de la douce rondelette aux cheveux blancs, mais n'en tint pas rigueur : elle ne semblait pas hostile mais avait plutôt tendance à apporter son aide à Romance et à lui témoigner une forme d'amitié voire de soumission, une sorte de complicité que Willow ne pouvait qu'expliquer par la présence du glowstick de la dame enceinte. En tout cas cette silhouette éthérée ne devait pas être néfaste, elle paraissait juste douce, comme un double de sa « marionnettiste ».

La dite silhouette captura un somptueux trèfle à quatre feuilles de la sacoche de sa comparse. Willow reconnut immédiatement ce porte-bonheur irlandais et ses lèvres tremblèrent, retenant un immense sourire qui voulait s'orner sur son visage. Elle lâcha un petit « oh » d'étonnement qui se voulut discret. Mais la surprise fut encore plus grande lorsque la disciple d'Ao n'aperçut pas la couleur verte de la plante mais une légère teinte bleutée agréable à la vue. Quelque chose d'encore plus doux que le trèfle en lui-même. Un regard émerveillé de gamine ne manqua pas de se former sur les babines de Willow. Était-ce de la magie ? Une forme d'enfance que Romance cachait bien au chaud ? Un souvenir ? Un vol peut-être ? Une faible rougeur s'imprima sur les pommettes rondouillarde de Willow, ou en tout cas une chaleur l'enveloppa sur les joues, sans savoir si ce serait visible, elle préféra taire un instant sa honte d'éprouver un tel émerveillement pour une simple fleur originale et splendide.

La Soldate s'approcha de l'entité éthérée qui s'était déjà ramenée près d'elle presque en flottant dans les airs, elle se pencha pour renifler le trèfle bleu tout en veillant à ne pas l'abîmer avec sa traître maladresse. Louchant tandis qu'elle fixait l'objet de sa fascination, Willow recula brusquement lorsqu'un éternuement vint ponctuer leur discussion. Heureusement elle n'avait pas touché le trèfle et avait eu le temps de suffisamment s'écarter pour éternuer plus loin et surtout vers le sol tout en ayant pris le soin d'épargner autrui de ses miasmes en mettant sa patte devant sa truffe.
Après le vacarme assourdissant produit par Wiwi, elle revint sur ses pas avec curiosité.

« Pourquoi est-il bleu ? Ne devrait-il pas être comme tous les autres...vert ? »
La curiosité et le questionnement se mêlèrent dans l'intonation de voix de la donzelle tressée.

Comme elle l'avait supposé, Willow ne réagit pas avec la même distance que l'auraient fait certains adultes. Une complicité étrange et inattendue semblait se dessiner doucement entre les deux louves. Elle semblait tout aussi émerveillée que la grise lorsqu'elle avait découvert cette merveille non loin d'une grotte, au milieu des trèfles verts. Elle avait d'abord pensé à un message d'un dieu - de la déesse Ao peut être même, qui lui avait accordé son pouvoir. Mais ç'aurait alors été un bien mystérieux et indéchiffrable message. Elle était donc restée sur l'idée d'une mystérieuse apparition, une étincelle de magie que seul quelqu'un capable de s'émerveiller aurait pu distinguer parmi les plantes. Elle était donc bien incapable de répondre à la question de Willow.

"Aucune idée." Lança-t-elle doucement. "Il était au milieu d'une racine de verts pourtant. Il est juste... différent."

Elle n'avait même pas pensé à ramasser les autres sur le moment, pourtant elle savait qu'il était assez rare d'en trouver une entière racine. Si elle la retrouvait, peut-être pourrait-elle la replanter près de l'endroit où elle vivait. Ainsi es porte-bonheurs pousseraient indéfiniment au coeur du Creux aux Loups, pour qui saurait les trouver. Cette idée ne lui paraissait pas si absurde. Elle s'imagina un instant montrant cette rareté à ses enfants, et leurs grands yeux émerveillés. Plus les jours avançaient et plus elle se demandait à quoi ils ressembleraient. Auraient-ils ses yeux dorés ou ceux bleus d'Aristote ? Le pelage de neige ou gris ? Auraient-ils la timidité de leur père, son émerveillement à elle ? Tant de questions qu'il était sans doute normal de se poser, si proche du but. Elle secoua doucement la tête. L'heure n'était pas aux pensées qui virevoltaient - ce n'aurait pas été très poli pour Willow qu'elle se laisse aller dans ses songes maintenant.

"Tu peux le garder si tu veux. Je te le confie." Dit-elle avec un léger sourire.

La silhouette translucide tendit doucement la petite plante vers Willow. Après tout, la louve avait semblé encore plus émerveillée qu'elle à la vue du trèfle, aussi cela lui semblait-il plus juste qu'il lui aille.