Babble [Riri]

La belle saison est enfin arrivée. Le Soleil darde ses rayons sur l'Île Punkwolfienne, et ses habitants peuvent enfin profiter d'une agréable chaleur qui réchauffe leur pelage, quand ils ne sont pas occuper à chasser d'immenses monstres marins de leurs territoires.
C'est d'ailleurs depuis la plage sur laquelle un poulpe géant avait émergé que j'avais remarqué une autre Île, un peu plus loin, atteignable à la nage. J'avais bien ancré cette image dans un coin de ma tête. Je m'étais fait la réflexion que, si un jour j'avais besoin de m'éloigner des autres lupins, de ne plus entendre leurs bavardages envahissants, je pourrais y trouver refuge.

Et c'est donc dans cet objectif que je m'y suis rendue aujourd'hui.
Tout autre lupin aurait immédiatement changé d'idée. Il semble y avoir un micro-climat dans le coin. Comme si les Dieux voulaient faire de cet endroit le décors parfait pour un film d'horreur.
Mais, rappelons-le, je suis loin d'être une louve comme les autres, et le sentiment qui m'a envahie lorsque j'ai mis les pattes sur Terre était plutôt apaisant. Bien que je sois trempée jusqu'aux os, qu'un vent cinglant me gifle sans retenue et qu'il y est impossible de voir plus loin que le bout de sa truffe, je pouvais sembler étrangement soulagée.
Enfin les Voix m'ont laissée tranquille. Je peux être seule avec moi-même.
Du moins, c'est ce que j'ai pensé sur le moment.
Je me suis ébrouée avant d'avancer sur l'Île. J'apprécie de n'entendre que le sifflement du Vent. C'est même pour cela que je lui pardonne de me transir de froid.
"La douleur rappelle qu'on est en vie" pense-je.

Soudainement, je crois voir une silhouette lupine se dessiner dans le brouillard. Pourtant,je n'entends rien, même pas un murmure. C'est étrange, car je n'ai jamais été confrontée à un autre loup qui ne pense pas. J'avance à petits pas, indécise. "Il y a quelqu'un ?" interroge-je mentalement.

Pas de réponse.

Pourtant, plus j'avance à tâtons, plus je suis persuadée qu'il y a des choses autour de moi. Comme des coquilles vides de lupins.

Quand se dresse devant moi un champ de pierres tombales. Malgré la brume, je n'ai pas eu de mal à comprendre où je me trouve pour une raison bien précise : quand je vivais encore dans La Destinée des Douze, ma meute natale, mon endroit favoris était le cimetière. Je préférais la compagnie des morts à celle des vivants car ceux-ci semblent avoir perdus leur langue.
Rassurée de comprendre enfin ce phénomène étrange, je m'assoies et entreprend ma toilette.

Je n'ai jamais eu peur des Défunts. Par ailleurs, je ne comprend pas pourquoi tant d'individus sont effrayés par les Fantômes. Pour moi, ils restent les mêmes lupins qu'ils ont été autrefois, sauf qu'ils ontavaient perdus leur corps. Au final, ils sont plus à plaindre qu'à craindre...

C'est très certainement pour cette raison que les punk-wolfiens emmenent leurs défunts ici... Parce-que la mort les rend inquiets.

Continuant ma toilette, le vent me cinglant toujours les côtes, je m'interroge. Tous les cadavres sont-ils enterrés ici ? Peut-être ne s'agit-il en fait que de ceux des Solitaires, les membres de clan trouvant leur dernière demeures auprès de celui-ci. Ou bien, au contraire, s'agit-il des loups méritants : ceux qui ont accompli de grandes choses... Peut-être est-ce un cimetière militaire ? Si je désapprouve les guerres, je sais que la norme sociale est toute différente : on honore ceux qui sont morts au combat. D'ailleurs, ne dit-on pas "tombé au Champs d'Honneur" ?
Quel Honneur y a-t-il à tuer ses frères ?
Non, pour moi, mourir dans l'Honneur, c'est justement défendre son prochain. Dans une famine, préférer se priver pour voir les autres survivre. Ça, c'est de l'héroïsme, à mon sens.
Affronter la Faucheuse sans crainte dans le but de préserver les autres.

Je relève la tête un instant afin d'observer les Ombres qui continuent de rôder autour de moi. Je me fait la réflexion qu'ils sont sans doute curieux de voir un lupin vivant. Ils n'ont pas l'air d'avoir beaucoup de visite...

S'affairant à me sécher le ventre, je me demande comment son leur vie. Enfin, leur mort. Si je ne doute pas qu'on prenne une forme spectrale, je me demande si on perçoit encore quelque-chose lorsqu'on est décédé.
Peut-être ressent-on les insectes nous dévorant dans notre tombe, nettoyant la Terre du déchet que la charogne constitue. Mais il faut avoir également une perception de notre âme, non ? Par exemple, ces fantômes se déplaçant autour de moi doivent bien avoir des points de repères attribués par les sens, non ? Que ce soit la vue, l'odorat...

Quelque-part, j'ai hâte d'être décédée pour obtenir la réponse à ses questions.
Mais il y a tout de même quelque-chose qui m'apeure dans toute cette histoire.
Et si les spectres entendent les pensées de leurs confrères ? Et s'ils ne peuvent se déplacer que dans un périmètre déterminé autour de leur sépulture ?
Alors, je serai condamnée à entendre les lamentations de mes confrères.

Pour la première fois depuis que j'ai mis les pattes sur cette île, je trouve le froid qui y règne vraiment insupportable.

Richard

Ce territoire est immense. Je n'ai pas encore réussi à en faire le tour complet. Pourtant cela fait maintenant un bon moment que je suis là. Plus de six mois si je compte bien. Durant mes multiples escapades et rencontre j'ai eu location d'apprendre l’existence d'une île non loin du rivage par lequel je suis arrivé. Apparemment l'endroit n'était pas très prisé pour y faire du tourisme. Mais qu'importe le nombre d'étoile qu'affiche l'entrée je me suis promis d'aller au moins une fois sur toutes les terres que m'offre ce monde.

C'était donc à l'aurore que je suis sorti de mon trou pour gambader gaiement sur la côte. J'ai cherché pendant dix bonnes minutes un banc de sable suffisamment long pour m'approcher un maximum de l’île sans nager et m'épuiser. Malheureusement je n'ai pas réussi à trouver mon bonheur. Je me suis donc décidé à nager comme tout le monde. La matinée d'été déjà chaud ne semblait pas annoncer d'orage. L'eau salée remuait à peine sous une bise légère. J'entre dans l'eau fraîche. La température me saisit. Mon poil s'hérisse. Il fait presque 40 à l'ombre et l'eau n'est même pas chaude ! Faisant abstraction de la température je m’immerge entièrement. Conservant uniquement la tête hors de l'eau et commence à nager jusqu'à ma destination.

je peux voir autour de moi des mouettes et autres oiseaux marin flotter nonchalamment à la surface. Ils me jettent un drôle de regard.

« Quoi t'as jamais vu un loup nager de ta vie ? » Lançais-je à l'oiseau avant de prendre une vague dans le museau et de boire la tasse. Je m'étouffe et crache le liquide. L'eau salée me pique les yeux comme si le reflet du soleil ne m’éblouit pas suffisamment.

Je fini mon périple après plusieurs minutes. Mes muscles me tirent mais c'est supportable. Le sable est fin comme sur la côte d'où je viens pourtant il me parait plus gris que le précédant. Je m'ébroue avant que le sel ne sèche sur mon pelage et que ce dernier ne colle par paquets.

L’atmosphère est pesante. Je ne me sens pas du tout à mon aise et l’envie de faire demi-tour prend de l’envergure. Non ! Me dis-je à moi-même. Tu vas pas te dégonfler pour un peu de brume !
Je déglutis difficilement, la queue entre les pattes et m’avance sur l’île. Oh que non je fais pas le fier. Le moindre bruit, le moindre craquement me fait sursauter et me retourner. J’ai beau me répéter qu’il n’y a rien mon instinct me hurle de fuir.

La purée de poids se fait dense et je ne vois plus à moins d’une queue de moi. Mes pattes s’emmêlent dans des racines et je chute plusieurs fois. Sans parler des branches qui s’agrippent dans mes poils. Et de ces étranges fantômes que je crois apercevoir à travers le brouillard. Je m’écrase au sol paniqué. Putain c’est quoi cet endroit de merde.

Ne pouvant rester plus longtemps au même endroit au risque de faire une attaque je suis un chemin sans savoir où il me mène. En fait je garde le museau baissé pour voir où je pose mes pattes et parce que ça m’évite de voir ce qui bouge autour de moi.

Soudain je manque de marcher sur une petite sépulture. Un cimetière ? Bon sang suivre ce chemin n’était vraiment pas une bonne idée. Heureusement pour moi la brume se lève. Poussée par un vent froid.

Jugeant que j’en ai assez vu et que de toute façon il n’y a rien de plus à voir je décide de quitter cet endroit et de retourner me dorer la pilule sur les plages chaudes des criques. Fait étrange que je constate uniquement maintenant c’est qu’il fait froid. Mais vraiment froid ! Ce n’est pas juste une sensation due à la peur. Alors que le reste du territoire est brûlant.

Perdu dans ma réflexion je ne remarque pas de suite que ma vue c’était élargie et que non loin de moi se trouvait une louve. C’est en relevant la tête que je m’aperçois de sa présence. Si au début je pensais à un spectre elle semblait bien en chair et bien vivante. Rassuré de me savoir avec un autre loup je m’approche d’elle.

« Bonsoir » dis-je instinctivement troublé et désorienté par le manque de lumière. « Pardon de te déranger mais je me suis perdu est-ce que tu sais comment retourner sur la côte ? »

En réalité je savais comment retourner sur mes pas. Mais j’avais une trouille bleue d’y retourner seul. Si elle acceptait de m’accompagner je lui serais reconnaissant.

Malgré le manque de clarté il me semblait reconnaître la louve. Je l’avais déjà croisé quelque part. Mais où mystère. Des cornes et une queue reptilienne on en voyait pas partout. Je cherche dans ma mémoire à quel moment j’avais pu déjà les croiser. Cela fini par me revenir dans un flash.

« Oh ! Mais tu étais avec nous sur la plage quand le poulpe nous a attaqué ! »

L’assurance remonte en moi petit à petit. Cela fait du bien de croiser un visage un tant soit peu familier quand on est dans un endroit glauque.

[Pas de soucis ^^ J'ai passé mon récit à la première personne et au présent également, histoire que l'on soit raccord c;]

Soudain, je vois une nouvelle silhouette se détacher du brouillard. Mais, à la différence des Spectres qui dansent autour de moi, il s'agit bel et bien d'un être vivant. Plus précisément, un mâle plus âgé que moi qui porte sur lui une odeur forte dont je n'ai pas le souvenir. Sans aucun doute le membre d'une meute que je n'ai pas encore rencontrée.

Pourtant, alors qu'il trottine vers moi, lançant des regards de tous côté, je m'aperçois qu'il m'est familier. Pourtant, il n'a pas du me faire forte impression : je n'ai même pas un vague souvenir à son sujet. Juste cette impression de déjà-vu.

Il me salue. Bien que le gaillard soit poli, il préfère le tutoiement. À vrai dire, ça ne me dérange pas vraiment, même si Papa Lox n'avait de cesse de me répéter qu'il est d'usage de vouvoyer quelqu'un jusqu'à ce que celui-ci ne propose qu'on le tutoie.
Bien que doté d'une certaine musculature, ce type n'a pas l'air bien brave. Il m'apprend par ailleurs qu'il est perdu. Je comprends alors que c'est pour cette raison qu'il est si terrifié. Il craint de ne jamais pouvoir rentrer chez lui. Étant lassée de cette endroit et saisie de frisson depuis que je me suis imaginée devant écouter éternellement les babillages incessants de mes congénères, je m'apprête à lui répondre que j'accepterai volontiers de lui montrer la route quand l'inconnu me coupe. Vraisemblablement, la mémoire lui est revenue plus rapidement qu'à moi. Toutefois, je comprends mieux pourquoi je ne parvenais pas à me souvenir des circonstances dans lesquelles nous nous étions rencontrés : nous étions tout deux affairés à remettre à l'eau une immense créature marine. Je lui accorde un sourire. "Je me disais bien que je t... vous avais déjà vu quelque-part" prononce-je à haute voix, retenant de justesse mon envie de le tutoyer. Bien que Papa Lox soit à des kilomètres de moi, je me sens tout de même obligée de mettre en pratique l'éducation qu'il m'a donnée.

"Que diriez-vous que nous fassions route ensemble ?" interroge-je, mentalement cette fois-ci.

La réponse de ma nouvelle connaissance me laisse l’impression que je l’ai un petit peu secoué en lui adressant la parole si vite. Je ne souhaite pas qu’elle soit mal à l’aise et tente de détendre l’atmosphère.

« Tu peux me tutoyer je ne vais pas te manger. » Dis-je en rigolant. Même si la carrure de moineau de la femelle me permettrait de l’avaler toute crue.

Elle n’était pas la première à être déconcerté en me voyant. J’esquisse un sourire quand je revois l’image du loup bleu avec ces yeux de merlan frit comme bloqué sur ma pouille. Je ne suis pourtant pas un des plus extravagants. M’enfin bon pour le moment c’était surtout drôle alors je n’avais pas à m’en plaindre.

L’instant suivant je m’aperçois du regard que porte la louve sur moi. Ça me donnait l’impression quelle souhaitait me faire passer un message. Je lui rend son précédant sourire un peu bêtement ne sachant trop comment réagir avant d’ajouter gaîment :

« On y va ? »

Sur ces mots j’ouvre la marche. Maintenant que je ne suis plus seul j’ai aucune raison de traîner d’avantage dans le coin. Surtout que j’ai la vague impression que la brume retombe et ce de manière particulièrement épaisse. C’est alors que je constate mon manque de politesse. Je me tourne vers la louve aux cornes de diable.

« Cela fait déjà deux fois que l’on se croise et je ne me suis toujours pas présenté : je me nomme Richard. »

C’était le minimum que de donner au moins mon nom à une dame qui à la gentillesse de m’accompagner. C’est d’ailleurs assez drôle quand on y pense. Normalement n’est-ce pas le mâle qui doit sauver la louve en détresse ? À croire que cette fois nous avons inversé les rôles.

J’observe furtivement la femelle. Son pelage clair ainsi que les cornes et la queue draconique lui donne l’allure d’un spectre. Ce décors lui correspond. Surtout que contrairement à moi elle ne semblait nullement dérangé d’être dans un cimetière. Survient alors la question du « que faisait elle là ? » Je ne pense pas que tout comme moi elle réalise des voyages en quête d’endroit improbable. Je penche plus pour une résidente du lieu, une gardienne. Mine de rien c’est important de protéger les sanctuaires. Ce qui pouvait expliquer son aisance. Je ne lui pose pas la question. Préférant garder pour moi un peu de mystère.

Alors que l'inconnu me propose de le tutoyer, je ne peux retenir un sourire qui étire largement mes babines et laisse apparaître mes crocs. Comme réponse à ma question précédente, il propose qu'on prenne la route avant de commencer à marcher. Je trottine alors gaiement à ses côtés, le cœur joyeux. J'aime bien ce type.

C'est le moment qu'il choisit pour se présenter, d'une façon particulièrement polie. L'allégresse se rependant en moi, je chantonne : "Enchantée, Richard. Moi, c'est Cloud." Mon langage bien familier tranche très nettement avec le sien. Mais sa façon de s'exprimer n'est pas pour me déplaire, alors j'espère qu'il appréciera la mienne. Je n'ai jamais été une grande adepte des longues phrases.

Tout en continuant à faire route, je m'autorise à le détailler plus amplement : j'aime beaucoup sa crête et son gilet. Mais il ne ressemble en rien aux lupins de chez moi.
"Tu es du coin ?" lui demande-je avec curiosité. J'aimerais beaucoup en apprendre plus sur l'île et sur ses habitants, et ce serait peut-être là une bonne occasion. D'autant plus que maintenant qu'il m'a mise de bonne humeur, j'ai envie de bavarder - ce qui est assez rare chez moi et a le mérite d'être mis en avant.

La femelle semble plus décontractée, ça me fait plaisir. Notre bout de chemin ensemble n’en sera que plus agréable ainsi. Elle se présente à son tour. Cloud c’est léger comme nom ça fait beaucoup moins brute que le mien. Ça lui va bien. Je ne regrette pas de lui avoir adressé la parole. Jusqu’à présent elle était assez timide et réservé. Sans trop que je ne sache grâce à quoi ce voile se leva et Cloud montra alors plus d’intérêt pour moi. Sa question me fait rire.

« Non pas vraiment. Je suis né très loin de Punk Wolf et désormais j’habite en face. »

J’indique d’un mouvement du museau la côte encore invisible.

« Et toi ? »

Finalement je me décide à lui demander si elle est une habitante de cette île lugubre ou si comme la plus part d’entre nous elle réside sur l’autre lopin de terre.
Je la soupçonne d’être solitaire. Pas de glowstick, pas d’odeur de meute ou d’autres loups que je connaisse. Enfin je ne peut pas spécialement me fier à cela. Mo non plus je ne me suis pas encore décidé à devenir un disciple d’une entité supérieure.

C'est en riant que Richard répond à ma question. Je suis contente de sa réaction, mais quelque-part, sa réponse m'intrigue. Alors, lui non plus n'est pas natif de cette Île ? J'aimerai qu'il m'en dise plus. Après un court silence, celui-ci me retourne la question. Je me dis que peut-être que si je lui en dit plus sur moi, peut-être que s'il comprend nos points communs, alors il sera plus disposé à me parler de lui.

"Ça doit bien faire un an que je suis ici." Alors que je souffle cette réponse, je me surprend moi-même. Le temps a filé à une vitesse folle. Je ne m'étais même pas aperçue que cela faisait si longtemps que j'avais abandonné la poursuite qui m'a conduite loin de ma meute natale. "Mais je ne connais pas encore très bien l'Île. Ni les gens qui y habitent, d'ailleurs." poursuis-je. Il est vrai que j'évite le plus souvent de fréquenter les autochtones.
Je me fais la réflexion furtive que c'est un miracle que nous parlions la même langue.

Sur ce, je lui adresse un regard en coin. J'espère qu'il va comprendre où je veux en venir. Quoique, moi-même je ne sais pas très bien quelle tournure j'aimerai que la discussion prenne : préfère-je qu'il me parle de son pays natal ou de cette Terre d'adoption qui nous a accueillis ?