Children of the Dragon | Deidara

La situation avait dégénéré extrêmement vite. En quelques jours, les végétation et les insectes avaient entièrement pris possession de la Passe Ventue et de la Lande des Brumes, échappant totalement au contrôle des loups. Ces derniers n'avaient pas eu le temps de réagir après avoir compris trop tard que cela était bien plus grave qu'une simple mousse étrange. Elle ne savait pas trop ce qui se tramait chez les hautes instances, si quelque-chose pour affronter cette soudaine rébellion de la nature se préparait, mais il leur avait été confié la tâche d'aller s'enquérir auprès des divins d'une éventuelle aide, ou juste d'un éclairage sur la situation. Romance était revenue quelques fois au temple d'Ao lorsqu'elle portait ses petits, appréciant le calme et la sévérité sereine qui y régnait. Elle ne parlait pas forcément, et se contentait parfois de s'asseoir devant l'autel un long moment durant, laissant ses pensées vagabonder, comme si la déesse pouvait les apercevoir et la guider dans le droit chemin. mais ses doutes n'étaient plus aussi puissants depuis qu'elle avait reçu l'insigne des fils et filles de la Dragonne. Elle y avait trouvé la place qui l'attendait.

Elle avait fait à maintes reprises le trajet jusqu'au temple d'Ao, mais cette fois-ci le chemin était reconnaissable. Avant même de parvenir dans la Lande, les bruissements et les bourdonnements leur chatouillaient déjà les oreilles. Elle n'était pas seule, un loup au pelage canari du nom de Deidara l'avait accompagnée. Elle l'avait déjà croisé au camp, mais ne le connaissait pas plus que cela. Cependant, elle avait une sympathie naturelle pour tous ses congénères, il n'y avait donc aucune raison que cela se passe mal. Ils avaient cheminé ensemble en échangeant des courtoisies de temps en temps, mais le silence était tombé maintenant qu'ils s'approchaient de la zone à risques. Elle déglutit. Elle se demandait jusqu'où s'étendrait cette jungle. Il lui semblait que la mousse s'était encore étendue depuis la dernière fois où elle était venue, qui ne remontait qu'à quelques jours.

Elle s'arrêta à peu près à la frontière de la Jungle. Elle savait par expérience que les plantes qui y vivaient étaient redoutables, et de tous types. Collantes, munies de lianes vivantes ou de crocs terribles, la nature avait rivalisé de créativité pour les créer. Mais la dernière fois,ils avaient été nombreux tandis qu'à cet instant, ils n'étaient que deux. Elle se tourna vers le loup jaune et lança :

"Je ne sais pas si tu as déjà vu les choses qui y vivent, mais ça risque d'être... un chouilla risqué." Elle tourna brièvement la tête vers l'une des frontières. "Tu crois qu'on peut faire le tour pour en avoir moins à traverser ?"

Savait-on jamais.

Son compagnon de route approuva - elle aurait été sacrément surprise du contraire, il fallait se le dire - l'idée de contourner au maximum la masse végétale qui grouillait au milieu de la Lande. Il la somma de prendre les devants, dans une sorte d'élan chevaleresque. Ce qui, en soi, était plutôt raisonnable car elle avait déjà traversé le jungle et même si sa connaissance de cette dernière était assez limitée, c'était toujours mieux que rien. Elle avait deviné à l'expression qu'avait eu son camarade que c'était la première fois qu'il voyait ce qu'était devenue l'étrange mousse d'il y avait quelques temps. Elle le comprenait, se rappelant sa propre surprise horrifiée quand elle avait tenté, à l'aide de Paprika et de loups venus des autres meutes, de venir en aide à un jeune loup prisonnier des plantes. Le souvenir du bruit des mâchoires de la plante se refermant sur lui alors qu'ils luttaient, impuissants, contre les autres végétaux lui arracha un frisson. Elle secoua la tête et prit la tête de leur petite expédition. Elle se rappelait bien de la localisation du temple, mais ne put s'empêcher d'avoir quelques hésitations. Le paysage avait tant changé que tous ses repères s'étaient effacés. Les arbres, les vallonnements de la lande et les caprices légers de son relief ; tout avait disparu, happé dans l'épaisse jungle.

Elle s'arrêta finalement au bout d'un moment, jugeant qu'ils étaient aussi proches du temple que l'on pouvait l'être de façon sécurisée. Elle se tourna vers Deidara et lança :

"Je pense que nous sommes au plus près. Il va falloir traverser maintenant."

Elle hésita, puis lança :

"Je pense que le plus sage est de filer au plus vite. Elles n'auront, espérons-le, pas le temps de réagir avant que nous ne soyons sortis."

Que pouvait-elle lui donner d'autre comme conseil ? Elle avait affronté une seule fois les choses vicieuses et venimeuses qui se trouvaient au coeur de la jungle. Et elle ne savait pas s'il était le genre de loup à bien prendre de tels conseils. La dernière chose qu'elle voulait était d'agacer le seul allié qu'elle avait face à l'envahisseur. Elle lui fit un signe de tête et s'avança vers les plantes, le coeur battant. Comme la première fois, les premières foulées ne provoquèrent aucune réaction. Elle contourna un massif épais de lianes entrelacées, et soudain un frémissement autour d'elle lui serra la gorge. Elle jeta un regard derrière elle pour vérifier que le loup jaune la suivait bien puis força l'allure. Elle aperçut quelque-chose bouger à sa droite, mais se focalisa sur le chemin à emprunter. On ne voyait plus le ciel, on ne voyait plus la terre, il n'y avait que cet amas à l'odeur âcre, le bruit des insectes et les bruissements des plantes.

Et eux deux qui couraient au milieu de ce beau bazar.
Elle trébucha et manqua de tomber sur une liane qui rampait sur son chemin, mais se rattrapa et reprit son avancée de plus belle. Plusieurs fois, son pelage ripa contre une plante qui tentait de la saisir au vol, mais elle n'en récolta que quelques griffures et une sale odeur de salive végétale sur le pelage. Enfin, elle avait d'autres préoccupations que son parfum à l'heure actuelle. Elle tourna de nouveau la tête pour chercher le jaune du regard. Et soudain, le sol disparut sous ses pattes. Elle fut projetée vers le haut, tirée par l'une de ses pattes arrières. Un cri s'échappa de sa gorge et, par réflexe, elle se recroquevilla et lança un coup de crocs à la branche qui s'était enroulée autour d'elle. La plante se détendit, la laissant glisser. Elle tomba lourdement au sol.
Sonnée, elle se redressa.
Chercha Deidara du regard, les oreilles emplies des bruits de feuilles et de mâchoires autour d'elle.

Elle eut à peine le temps de voir le jaune arriver que déjà, il la saisissait par la peau du cou pour la redresser sur ses pattes avec une force qui surprise la grise. Emportée dans l'élan de son camarde, elle parvint bon an mal an à se remettre sur ses quatre membres pour s'engager de nouveau à sa suite. Elle distingua le sang qui tachait le pelage du mâle mais leur course l'empêchait de voir distinctement de quelle manière il s'était blessé. Elle sentait elle aussi sur son épaule la brûlure laissée par les dents d'un des végétaux. L'air sifflait autour d'eux. Malgré leur vitesse, elle avait l'impression qu'ils pataugeaient sans avancer. Ce mur de plantes était-il donc infini ? Elle espérait ne pas s'être trompée de direction car elle avait perdu tout sens de l'orientation au milieu de tout ce vert et de tout ce grouillement de vie qui les entouraient. Désormais, il ne leur restait plus qu'à filer en priant la déesse bleue de bien vouloir donner à leurs instincts la bonne direction à suivre. Haletante, la grise mit un point d'honneur à ne pas se laisser distancer. Ils devaient rester ensemble, c'était plus sûr, et tous deux devaient atteindre le temple de la Dragonne sains et saufs.

Les images de ce qui s'était passé lors du sauvetage raté du jeune loup bondirent à son esprit, soudain, sans prévenir. Ses oreilles se rabattirent plus encore dans es cheveux de neige alors qu'elle accélérait l'allure, la bouche sèche. Leurs efforts avaient été vains à un point presque risible. Et le bruit de la plante gigantesque qui gobait leur jeune congénère, le son de ses hurlements, tout ceci semblait sortir d'un grand cauchemar dans lequel elle s'enfonçait encore et encore. Parce qu'il fallait être honnête, même si les blessures causées par les plantes ou leur contact n'avait encore fait aucun mal aux loups, ces dernières rendaient la chasse impossible et chaque sortie dangereuse. Les loups ne pourraient pas survivre s'ils ne trouvaient pas un moyen de se débarrasser de ces envahisseurs. Elle songea brièvement à aller demander en rentrant à Aristote s'il avait trouvé une trace écrite d'un semblable phénomène ayant déjà eu lieu sur le continent. Peut-être le savoir des anciens leur permettrait-il de trouver une solution à cet immense problème qui leur tombait doucement mais sûrement sur le coin du museau.

Elle réfléchissait tout en courant, mécaniquement, évitant les plantes et esquivant les obstacles en suivant la silhouette colorée de Deidara. Quand soudain, un éclat de lumière attira son attention, juste devant. Comme enfoncé sous les plantes et entre les racines, on distinguait encore les piliers du temps d'Ao et l'allée de marbre qui menait dans ses tréfonds, vers la statue de la Déesse. La fontaine émettait un éclat ténu.

"Allons à l'intérieur, ce sera plus sûr !" cria Romance avant que le mâle ne prenne l'initiative de s'arrêter à l'entrée - ce qui les condamnerait certainement car ça siff!ait et bruissait férocement dans leur dos.

Elle l'avait rattrapé et ils couraient désormais côtes à côtes. Il lui sembla qu'il avait une oreille endommagée, d'où le saignement, constata-t-elle en tournant brièvement la tête. Elle verrait ce qu'elle pourrait faire une fois que le danger serait écarté. La respiration lourde, la grise se força à accélérer encore et s'engouffra dans l'entrée qui béait au milieu des végétaux. Aussitôt, une fraîcheur agréable la saisit, alors que la terre sous ses pattes se changeait en pierre et que l'air se déchargeait des effluves atroces des plantes. Essoufflée, elle ne ralentit pourtant que lorsqu'elle atteignit la salle principale du temple, où se dressait la statue de la Dragonne. Elle se retourna aussitôt pour voir ce qu'il en était de son compagnon de route.

Le grand loup jaune était effectivement blessé, une méchante plaie déchirait son oreille et teintait de rouge tout un côté de sa tête et de son cou. Mais il ne sembla pas s'en préoccuper, tout comme elle se fit pas attention tout de suite aux striures suintantes sur son pelage argent. Elle le suivit du regard alors qu'il s'approchait de la fontaine et lui emboîta le pas. Il avait l'air pressé d'en finir et sa mine sombre combinée à sa grande taille lui donnait un air particulièrement impressionnant. Il contempla quelques instants la fontaine qui trônait devant eux en silence alors qu'elle le rejoignait d'un pas silencieux. Le calme était si savoureux ici, après les grognements et les bruissements horrifiants de l'extérieur. Le regard doré de la louve fut naturellement attiré par la lumière du liquide aux propriétés magiques, et elle mit un certain temps avant de s'apercevoir que Deidara la regardait d'un air vaguement interrogateur. Comme si elle savait quoi faire, elle.

Il se trouvait que... pas vraiment en vérité. Elle était certes, tout comme le doré, une enfant de la Dragonne, mais elle était Savante et non Zélote. Elle ne maîtrisait pas la communication avec les cieux comme personne et n'avait jamais revu de matérialisation d'une divinité depuis sa remise de glowstick, avant la naissance de ses enfants. Elle s'était attendue à ce qu'un loup du rang des religieux ne les accompagne - mais cela n'avait pas été le cas. Quoi qu'il en soit, elle allait apparemment devoir out de même improviser à partir de ce qu'elle avait, puisque leur mission était de revenir au camp avec des réponses, et si possibles en un morceau le plus intact possible. Son regard tiqua de nouveau sur la blessure de Deidara et elle finit par lancer doucement :

"Tu me permettras d'examiner ta blessure avant que nous partions ?"

Elle savait que son entité fantomatique, qu'elle pouvait faire apparaître à tout moment, portait avec elle la sacoche qu'elle utilisait pour ses récoltes. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle avait laissé dedans après son dernier déchargement mais il y aura au moins des toiles d'araignées pour bander l'oreille du mâle et lui éviter une crise de faiblesse au milieu des plantes carnivores. Ce qui serait sans doute une des pires situations imaginables. Puis elle reposa les yeux sur les statue de la déesse, qui surplombait la fontaine, et s'assit, rassemblant sa queue autour de ses pattes. C'était visiblement à elle de parler, alors elle tenta :

"Bonjour, déesse Ao. Nous venons modestement vers toi aujourd'hui en quête de réponses. Une étrange chose se répand sur nos terres et nous ignorons d'où elle vient et comment l'affronter."

Elle ferma les yeux et baissa légèrement la tête. Elle savait - ou se doutait fortement - que les dieux n'avaient pas besoin que l'on s'adresse directement à eux pour connaître leurs intentions, leurs craintes, toutes les ficelles d'évènement et de ressentis qui composaient leurs existences de mortels. Cela tenait sans doute d'avantage de la politesse, cette entrée en la matière, et elle laissa ensuite ses pensées à propos de l'Everbloom se délier et aller dans toutes les directions, vers les questions qu'elle s'était posées et les hypothèses qu'elle avait tenté de faire. Ils se demandaient pourquoi, ils se demandaient si cette chose avait un point faible, s'ils pouvaient lutter contre elle.
Le moindre tout petit indice serait déjà un grand pas en avant.