I will always come back to you | Romance

Elle était revenue dans un état second, portée par la silhouette de Nout. Cela avait été comme au réveil d'u long rêve. Si long, elle n'en avait plus le moindre souvenir. Sa mémoire n'était qu'un grand flou, une sorte de puzzle que l'on aurait renversé, et dont les pièces se remettaient en place avec une lenteur apathique. Sa cousine l'avait accompagnée jusqu'à une tanière. Sa tanière ? Elle n'en était pas certaine. Les odeurs qu'elle reconnaissait, ou croyait reconnaître, étaient lointaines. Elle avait l'impression que l'on avait plongé sa truffe dans un carcan de mousse, qui laissait à peine filtrer les senteurs alentours. Elle entendit la voix de Roy, sentit sa silhouette qui venait lui parler. Elle put à peine articuler quelques mots, mais cela fit naître en elle une chaleur réconfortante. Roy. Son fils. Leur fils à elle et à Aristote.

Que lui était-il arrivé ? Pourquoi avait-elle cette impression étrange d'avoir dormi si longtemps ?
Ils la laissèrent se reposer dans a tanière, et les quelques instants de silence auxquels elle eut droit lui permirent de reconstituer doucement le fil de ce qui s'était passé. Elle se souvenait de la mousse étrange qui était apparue, puis des plantes voraces et envahissantes qu'il avait fallu combattre. Puis il y avait eu les malades. Elle avait été malade. Les dernières images qu'elle avait étaient celles de la Mine, dans laquelle elle se souvenait avoir été au plus mal. Elle y avait vu Roy. Elle y avait vu Tatsu, Paprika aussi, dans le même état qu'elle. Et après... plus rien. Après venait ce réveil des plus étranges, au milieu de la Jungle qui bruissait et auprès de Nout. Puis la marche jusqu'au Creux, jusqu'à la tanière, avec cette impression d'être enfermée et encore à moitié assoupie. Elle secoua la tête doucement. Ses cheveux glissaient contre ses épaules. Son corps était courbaturé et fourbu, mais il ne lui semblait pas avoir changé. Elle sentait encore le poids de sa couronne sur son front, et la présence invisible de l'entité qu'elle pouvait invoquer. Au fond rien n'avait changé.
A part un tout petit détail.
Elle avait ouvert les yeux, mais n'avait pas réalisé tout de suite. Ses battements de paupières, elle ne faisait plus que les sentir. Car elle demeurait dans une profonde obscurité, que ses yeux soient clos ou non. Lorsqu'elle s'e rendit tout à fait compte, elle sentit son coeur s'accélérer. Comment cela était-il possible ? Sa maladie l'avait-elle rendue aveugle ? Mais comment avait-elle pu se déplacer jusqu'à l'extérieur alors ? Tout ce qui s'était passé était nimbé du'n épais mystère. Elle ignorait même combien de temps s'était écoulé. Un jour ? Une semaine ? D'avantage ? Elle se sentait vulnérable, ignorante de tout ce qui se tramait.

Elle s'efforça d'inspirer profondément, et une quinte de toux la secoua. cela ne la surprit pas. Elle avait été au plus mal, après tout, et n'était pas forcément complètement guérie. Ses griffes lui faisaient mal également, elle le sentait maintenant. Il y eut un bruit à l'entrée de la tanière, qui fit frémir ses oreilles. Les sons lui paraissaient décuplés, bien plus présents que d'ordinaire.
Puis une voix murmura son nom. Une voix rauque, mais si reconnaissable.
Son coeur manqua un battement.
Aristote.

Elle l'entendit s'approcher et, lorsqu'il fut tout près, elle reconnut son effluve. Ténue, comme toutes les autres, mais qui fit bondir son coeur. Il n'avait pas eu le droit d'approcher les malades lorsqu'elle était souffrante, ne faisant pas partie des Savants et assistants, et dieu qu'il lui avait manqué. Elle eut un sourire faible et lui rendit son étreinte avec douceur. Elle avait l'impression qu'une part d'elle-même était revenue avec lui.

"Aristote..." Murmura-t-elle en retour, le coeur gonflé de joie.

Elle posa avec délicatesse son museau contre le cou de son compagnon, les paupières closes même si cela ne rimait plus à grand chose désormais.

"Je suis si heureuse de te revoir." Sa voix tremblait légèrement, hésitait, comme si après tant de temps à ne pas avoir été utilisée, elle ne savait plus exactement comment cela fonctionnait. "Je t'aime aussi."

Elle aurait voulu que cet instant ne cesse jamais.
Qu'il ne faille jamais retourner à la réalité, comprendre ce qui s'était passé, et percer cette petite bulle de félicité qui les entourait.

Elle ne comprit pas vraiment sa première phrase. Elle semblait avoir été plus gravement malade qu'elle ne le croyait, et ressentit une pointe de culpabilité à l'idée d'avoir inquiété tant que cela son compagnon. Mais elle ne tiqua pas. le temps des questions viendrait lorsque son esprit serait plus clair, lorsqu'elle aurait l'impression d'avoir retrouvé une sorte de vie normale. Elle était sans doute tombée dans une sorte de coma, cela expliquerait l'inquiétude du blanc et le fait qu'elle se sente si assoupie, qu'il soit si difficile d'émerger de nouveau.

La voix du loup résonna de nouveau, teintée de tristesse, lorsqu'il évoqua ses yeux. Elle eut un pincement de coeur en entendant ses mots, mais elle aurait dû s'attendre à une telle remarque. Son regard devait s'être fait imprécis, ou peut-être même quelque-chose avait modifié l'apparence de ses yeux. Ils étaient toujours là pourtant, et ne lui faisaient pas mal. Mais de toute évidence, ils ne servaient plus à rien. Elle aurait tant aimé pour voir le revoir pourtant. Elle aurait aimé revoir ses enfants aussi, son père, ses demi-frère et soeur Morokei et Améthyste, et tous les loups auxquels elle tenait. Leurs visages étaient encore bien présents dans son esprit, et elle se promit en silence de travailler à ne jamais les oublier. Son imagination saurait les voir de nouveau devant elle lorsqu'elle entendrait leur voix. Elle ne pouvait pas les oublier.

"Non." Souffla-t-elle d'un ton presque désolé, comme si tout cela était de sa faute.

Elle frôla du museau celui de son compagnon, devinant les reliefs de son museau.

"Je ne peux plus voir avec eux, tout du moins."

Désormais, elle devrait voir le monde ave toutes les autres facultés qu'elle avait. Grâce à ses sons, ses odeurs, ses irrégularités. Et puis elle savait qu'elle aurait son entité pour l'aider à se déplacer - à moins qu'elle aussi ne soit devenue aveugle ? Elle espérait que non. Sa truffe frémit alors qu'elle inspira profondément l'odeur du loup. Malgré son odorat affaibli, elle sentit un autre parfum qui se superposait à celui du mâle blanc. Une odeur familière, une odeur de plantes et de remèdes.

"Es-tu malade ?" Demanda-t-elle doucement. "Je... Je sens que l'on t'a guéri, il y a peu de temps."

Elle espérait de tout coeur qu'il n'aie pas été atteint lui aussi par la maladie dont elle revenait tout juste. Sans ses yeux et avec une perception si faible des odeurs, elle serait une bien pitre Savante désormais. Cette pensée l'attrista, et elle songea à son fils Roy et à sa fille Maisie. Avaient-ils suffisamment d'expérience pour prendre la relève ?
Ils avaient si peu vécu déjà.
Du moins, c'est ce qu'elle croyait.

Les mots d'Aristote la touchèrent et elle eut un sourire. Elle devinait dans la voix du loup qu'il s'était fait du mouron pour elle, sentait ses mots masquer à peine un accent de fatigue un peu rauque. Il ne nia pas être tombé malade mais, comme s'il avait deviné sa préoccupation, la rassura aussitôt : il n'avait pas contracté le mal qui l'avait terrassée elle. C'était déjà une bonne chose. Il ajouta que Roy s'occupait de lui et qu'il ne s'agissait que d'une toux. En quelle saison était-on d'ailleurs ? Elle s'était éveillée dans la fraîcheur, et sentait de froids courants d'airs monter parfois de l'entrée de la grotte où elle se trouvaient. Ils devaient être non loin de la mauvaise saison. L'avaient-ils déjà passée ? Elle espérait que non, ne parvenant pas à calculer à combien d'année cela reviendrait. En tout cas, si le froid arrivait, les autres loups auraient sans nul doute besoin d'elle pour gérer les maladies qui apparaissaient toujours à cette saison.

Elle entrouvrit les babines pour répondre quelque-chose, mais Aristote la prit de vitesse avec sa dernière phrase. Qui mit quelques secondes avant de faire tilt dans le cerveau endormi de la louve grise.

... Quoi ? Lorsqu'elle était tombée malade, ses enfants venaient d'avoir un an et leur glowstick, et elle les voyait encore... eh bien comme des enfants. Une petite-fille. Un petit enfant. Par les Sept, lequel de ses jumeaux était déjà parent ? Combien de temps s'était-il écoulé pour que l'histoire aie pu aller de l'avant comme cela ? Son coeur battit un peu plus fort alors qu'elle emmagasinait la nouvelle.

"Ma... Petite-fille ?" Lança-t-elle en redressant les oreilles vers lui.

Ce fut tout ce qu'elle fut capable de dire, sous le coup de la surprise. Ce n'était pas tant le fait d'être grand-mère - même si ça ne rajeunissait pas, c'était bine certain - qui la perturbait ainsi, mais plutôt cette impression grandissante qu'il s'étaita quand même passé beaucoup beaucoup de choses durant son absence, qu'elle pressentait bien plus longue que quelques jours d'inconscience. Elle déglutit avec difficulté et murmura :

"Ca fait... combien de temps ? Que je suis tombée malade ?"

La crainte perçait dans sa voix.

Ca faisait beaucoup de choses à apprendre d'un seul coup.
Vraiment beaucoup.

Elle sentit à peine la patte d'Aristote qui s'était posée sur la sienne, sous l'effarement. Des sentiments mitigés jaillissaient dans son esprit, comme ils n'en avaient pas eu l'occasion depuis bien longtemps. Un an. Par les dieux... Un an. Et elle s'était donc transformée une hybride de plante pendant ce temps ? Cela expliquait au moins pourquoi elle se trouvait au milieu de la Jungle à son réveil. Sûrement. Elle avait dû s'échapper ou être relâchée. En avait-il été de même pour les autres malades ? Qu'était devenue la meute durant son absence ? Qu'était devenue sa famille en son absence ? Un mélange de joie et de consternation l'envahit à la pensée de Maisie. Ainsi donc, c'était elle, sa petite fille grise, qui était devenue mère. Elle la voyait encore si jeune et innocente que cette image collait à peine avec celle qu'elle lui prêtait. C'était à en devenir fou. Elle s'efforça au calme - de toute façon la situation ne pourrait plus changer désormais - et laissa l'once de joie qui l'avait envahie prendre le dessus. Elle avait balayé pour le moment le fait qu'il était dramatique qu'elle aie perdu conscience pendant une année entière. Elle aurait bien le temps d'y revenir plus tard, et ne doutait pas que la réalité ne tarderait pas à lui sauter à la gorge. une réalité sans doute moins joyeuse que celle qu'elle avait là.

"Un an... Et Maisie qui a une fille." Murmura-t-elle. "Thyara."

Comme si, en prononçant ce nom qui sonnait encore comme celui d'un étranger à ses oreilles, elle allait donner plus de corps à cet état de fait. Oui, il fallait qu'elle la rencontre. Il fallait qu'elle revoie ses enfants maintenant qu'elle était plus lucide. Qu'elle discute un peu avec Maisie aussi - la pauvre avait cruellement dû manquer de présence féminine durant cette période de sa vie. Et qu'elle avait dû passer si jeune. Et qu'elle fasse connaissance avec ladite Thyara.

"Tu as raison, il faut que je la voie." Finit-elle par lancer en posant la tête dans le cou du loup blanc.

Les mots étaient sortis tout seuls, dans un réflexe de langage, mais elle fut aussitôt frappée par leur non-sens. Non. Elle ne verrait pas sa petite fille. Elle l'entendrait, elle apprendrait son odeur, le bruissement de son pelage, mais ne saurait jamais à quoi elle ressemblait vraiment. Etait-elle comme Maisie ? Avait-elle hérité de ses yeux,de son pelage, de sa longue chevelure ?

"Enfin, que vous me la présentiez." Dit-elle avec un air un peu malicieux, la plaisanterie aidant à cacher la tristesse qui pointait à cette idée. "Comment est-elle ? Ressemble-t-elle à notre fille ?"

Elle n'avait pas envie de savoir ce qui lui était arrivé à elle.Elle le saurait bien assez tôt. En revanche, elle tenait à avoir toutes les nouvelles possibles de sa famille. Famille qui s'était de toute évidence agrandie en son absence.
Quel drôle de jeu du destin.

Romance eut un sourire attendri et acquiesça, alors que son compagnon, dans sa description de la petite, évoquait Ronaldo. Maisie ne leur avait pas rendu la vie facile avec ce drôle d'animal de compagnie. Elle se demanda s'il avait survécu, le petit coq bien peu futé, au milieu de tout le danger que représentait Everbloom pour une bestiole de son espèce. Appuyée contre Aristote, elle écouta en silence ce dernier lui parler de Thyara. Elle n'avait aucune idée de qui était le père de sa petite-fille - il ne le lui avait pas dit - mais elle se peignait une image approximative de ce à quoi la jeune louve devait ressembler. Ainsi, elle avait de grandes ailes, elle ? Elle savait que la mère d'Aristote en avait eue également, il l'avait évoqué un jour qu'ils échangeaient à propos de leurs familles respectives. Il avait d'ailleurs ce jour-là eu bien plus de choses à dire qu'elle, qui n'avait pas véritablement eu de famille pour l'élever. Mais ce temps-là était passé depuis bien longtemps - et de toute évidence, encore plus longtemps qu'elle n'en avait l'impression. Peut-être qu'une fois sur pattes elle se résoudrait à aller parler à Anthem, à apprendre d'où elle venait vraiment avant que ce ne soit lui qui parte. Il était si difficile de définir ce qu'elle éprouvait à son propos, même alors que tant d'années s'étaient écoulées. Il faudrait bien briser un jour la glace, car elle avait bien trop lentement fondu.

La grand loup blanc finit par ajouter qu'elle devait prendre du repos. Elle faillit lui répondre doucement qu'elle avait sans dote bien assez dormi déjà, mais quelque-chose l'en empêcha. Non, elle n'avait pas véritablement dormi. Même si pour elle il en avait été tout comme, cette maladie l'avait apparemment rendue bien différente. Mais elle percevait la fatigue dans la voix d'Aristote, et ce fut d'avantage dans l'optique que lui aille se reposer qu'elle lança :

"Peut-être oui." Elle releva la tête vers lui, guidée par le doux murmure de sa respiration. "Toi aussi. Je sens ta fatigue."

Elle lui donna un délicat coup de langue sur le museau, tendrement.

"Et tu dois reprendre des forces pour me présenter quelqu'un. Et me raconter tout ce que j'ai manqué." Finit-elle avec un sourire.

Si elle avait su de quoi il s'agissait.
Mais elle ne pouvait pas voir ses réactions ni ses expressions, aussi ne se fiait-elle qu'à ses paroles et au timbre de sa voix pour deviner ce qu'il pouvait ressentir. Elle ne voulait pas qu'il la laisse seule, comme une petite louve perdue, mais la voix de l'adulte tout au fond d'elle lui dit avec douceur qu'il serait sans doute profitable de prendre un peu de solitude après ces retrouvailles heureuses pour mettre ses pensées au clair. Et peut-être se reposer en effet, avant de tenter quelques pas à l'extérieur.
Réapprendre à vivre, avec ce qu'elle n'avait plus et ce qui lui restait.