Underwater | Ft. Winnifred

La louve aux longs cheveux blancs avait un louveteau à charge, ce jour-ci. Elle avait appris par des congénères adultes que le jeune loupiot avait perdu sa maman alors qu'il n'était qu'âgé de six mois. Winnie avait accepté de s'en occuper quand il voulait et surtout quand personne ne pouvait le faire. Sa première rencontre avec Kisame avait été pour le moins surprenante. Il n'était pas entièrement lupin, il avait une longue queue comme celle d'un poisson et une lourde cruche sur son dos déversait des flots en permanence. Elle l'avait trouvé mignon et la perte de sa maman avait provoqué en Winnifred une affection presque maternelle. Pour sa première journée en sa compagnie, elle avait décidé de l'emmener aux Criques du Soleil, un endroit frais et lumineux dans lequel le petit amphibie poilu.

A peine arrivés au bord de l'eau, le jeune Kisame s'était jeté dans l'eau et pendant un instant, Winnifred sentit une peur inconsciente, il allait se noyer, elle se préparait mentalement à devoir plonger puis elle se souvient qu'il était à sa place dans l'eau en voyant sa queue claquer sur l'eau et onduler sous l'onde claire. Le printemps revenait peu à peu mais il semblait sur le seuil du monde. Les bourgeons fleurissaient sur les branches et l'herbe redevenait grasse et verte. Le louveteau sortit de l'eau et s'ébroua près de Winnie, elle sourit, affectueusement, et s'ébroua aussi. Elle s'assit, et observa son protégé. Il voulait pêcher, et sans que la maternelle puisse réagir, il fonça sur les rochers. Avec son pelage trempé et ses pattes humides, il allait glisser et se casser quelque chose. Elle se leva d'un bond et d'une voix claire et douce elle lui adressa :

"Kisame, reviens par ici, les rochers sont dangereux. Viens près de l'eau, on peut essayer de pêcher si tu veux."

Elle avait peut-être l'âme maternelle mais elle n'avait pas l'autorité naturelle. Elle se posa près du louveteau, et dès qu'il serait à portée de museau, elle essayerait de l'attraper par la peau du cou et de le ramener vers une zone moins dangereuse. Ignorant que son apparence aquatique ne s'arrêtait pas à une queue de requin, elle saisit le louveteau par la peau du cou, selon son plan, et la sensation n'était pas celle attendue. Au lieu de trouver une peau fine et duveteuse, elle referma sa mâchoire sur une surface désagréablement dure et comme muni de minuscules dents. Elle retira son museau en couinant de douleur, le goût du sang envahissant sa gueule. Elle cracha discrètement un filet de sang et s'interrogea. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé ? Elle usa doucement de son pouvoir pour soigner ses gencives et se tourna vers Kisame. La nourrice toussota et la douleur disparut, elle sourit et aucune trace de sang ne vint trahir la souffrance qu'elle venait d'avoir. Malgré tout, elle n'éprouva aucune peur et aucun changement dans l'affection qu'elle lui portait, il était jeune, orphelin et à l'aube de sa vie, elle voulait lui apprendre plein de choses que sa mère aurait dû lui apprendre.

"Allez, viens plutôt vers le bord de l'eau. Je suis sûre qu'il y a des tas de poissons par ici." dit-elle d'un ton bienveillant, presque maternel.

Le jeune louveteau ne se fit pas prié et il revint vite auprès de sa nourrice. Winnifred sourit, la douleur ayant disparu, elle pencha la tête en entendant le petit répéter un conseil de sa défunte mère. Oui, elle avait raison, les requins sont attirés par le sang, Winnie l'avait lu dans un livre, toutefois elle n'en avait jamais vu un, à part ce petit amphibie. Elle sourit tendrement et s'approcha de l'eau. Elle plongea une patte dans l'onde et se remémora toutes les techniques de pêche existantes. Elle pouvait pêcher comme l'ours, ou alors comme une grue, ou même en plongeant sa queue dans l'eau avec un petit bout de viande accroché au bout de celle-ci. Elle sourit et, d'humeur joueuse, s'enquit :

"Je vais vous apprendre à pêcher de trois façons différentes. La première, c'est l'Ours."

Elle avait déjà observé un ours pêcher, il plongeait son énorme patte dans l'eau et parfois attrapait un poisson qu'il s'empressait de croquer. Elle alla dans l'eau, non sans effort car l'eau était gelée, et entreprit de faire comme un ours. Elle se débattait presque dans l'eau, donnant de multiples coups de pattes dans l'eau, en vain. Elle riait, malgré sa posture ridicule, elle riait.

"Bon, pas très fructueuse. Je n'ai eu aucun poisson. Le deuxième précepte s'appelle la Grue."

Elle retourna vers le bord, s'ébroua et secoua son pelage. Salazar, son serpent, extrêmement vexé d'avoir été trempé de la sorte, sauta au sol et rampa en sifflant d'un air désabusé. Winnie sourit alors au petit Kisame, elle s'approcha encore de l'eau et plongea la tête dedans d'un coup. Elle la sortit, et ses cheveux, d'habitude d'une blancheur immaculée, étaient trempés et de petites algues s'étaient logées entre les mèches. Elle répéta son geste, ouvrant et refermant sa gueule pour n'attraper que de l'eau. Elle riait encore, complètement trempée et absolument pas habile dans l'eau. Elle se recula et s'ébroua encore, grelottant presque de froid. Elle ramassa sa chevelure en un chignon négligé et fixa le petit loup.

"A vous, mon cher."

Elle s'assit, patiente, et sourit une fois de plus. Elle avait peut-être l'air d'une folle à s'être autant acharnée dans l'eau et elle en avait conscience, toutefois elle voulait faire plaisir à ce petit orphelin, elle voulait qu'il voit en elle une amie avec qui on pouvait rire et s'amuser, mais aussi une amie sur laquelle il pourrait s'appuyer dans les moments où il aurait besoin d'une maman.

Winnifred était plus qu'heureuse d'avoir provoqué un fou rire chez son protégé, il riait aux éclats et elle se demandait si certains de ses poils n'étaient pas humides de larmes de joie. Elle secoua son corps et quand il revint, il tenait un poisson entre ses crocs de louveteau. Malgré la petitesse de sa dentition, il avait une mâchoire puissante et Winnifred songea qu'il allait être un bon chasseur, sous l'eau ou sur terre. Elle détailla le poisson, il était plutôt gros et frétillait encore, ses grands yeux jetaient des regards offusqués partout autour des deux loups.

"Bien joué ! Ne le répétez à personne, mais je suis sûre que les oursons n'y arrivent pas aussi bien que vous."

Elle avait chuchoté et sur le ton de la confidence, elle souriait. Malgré le fait qu'elle ne le connaissait que depuis quelques temps, elle aimait bien ce petit Kisame. Elle pensa à ses potentiels futurs louveteaux et sentit une joie immense monter en elle, un jour elle sera mère. Pour l'instant, elle était mère de substitution, du moins elle surveillait le petit comme une mère le ferait. Elle sourit une fois de plus et recula un peu pour se coucher sur du sable sec. Elle respira à fond et le printemps était à la porte du Monde. Elle invita Kisame à s'asseoir près d'elle.

"Voulez-vous dévorer votre prise ? Vous l'avez bien mérité."

Elle n'avait jamais mangé de poisson, et elle imaginait que le goût était peu appétissant, elle pensait qu'il aurait le goût de l'eau dans laquelle il vivait jusqu'à ce qu'un requin-louveteau mette un terme à son existence. Elle regarda le sable fin puis l'eau turquoise qui s'étalait devant eux, le paysage était magnifique, il faisait bon respirer.

"La mer est si immense et si mystérieuse. Cela doit être passionnant de découvrir ce monde sous-marin."

Elle posa son regard vairon sur le petit et sourit encore une fois, elle lécha sur ses babines de l'eau salée et frissonna, une fine brise caressant son échine dans le sens inverse du poil.

Décidément, ce louveteau ne manquait pas d'appétit ni d'enthousiasme. Il goba presque le poisson et se lécha les babines d'un air heureux. Winnifred en éprouva une immense joie, il venait de déguster sa première proie qu'il avait chassé lui-même. Elle bailla et se gratta le cou à l'aide de sa patte arrière. La promesse du petit Kisame lui arracha un autre sourire, elle hocha la tête, fière, et le gratifia d'un regard d'encouragement. Elle imagina ce à quoi ressemblerait ce petit hybride une fois grand. L'amphibie serait-il peut-être deux fois plus grand qu'un loup normal ? Et ses capacités à se mouvoir aussi facilement sur l'eau que sur terre allaient s'améliorer, se sentirait-il partagé entre deux milieux où il se sent chez lui ? Elle se mordit la langue, surprise d'avoir des pensées maternelles, elle s'inquiétait pour ce petit comme s'il était sien. Elle secoua la tête et une brise fit voleter quelques mèches blanches au-dessus de ses yeux.

"Me ramèneriez-vous un coquillage de votre expédition ?"

Elle sourit, et un élan de tendresse lui ordonnait d'attraper le petit pour le couvrir de léchouilles et de caresses mais elle musela cette envie, repensant à sa blessure de tout à l'heure. Ce petit n'avait peut-être jamais connu d'affection physique. Est-ce que sa mère était-elle capable de le toucher sans se blesser ? Elle imagina que oui, sinon il serait mort jeune de mal-nutrition. Elle soupira, son cœur triste de constater que ce petit n'avait définitivement pas reçu la grâce des Dieux à sa naissance. Elle espérait tout de même qu'ils lui réservaient une destiné pleine de bonheur et d'aventure, histoire de compenser cette perte effroyable.

L'idée que Kisame ramène tout ce qu'il y avait dans l'océan donna un sourire à Winnifred. Elle imagina des monstres aquatiques, des plantes différentes aux couleurs extravagantes, peut-être même des loups aquatiques, semblables à Kisame. Elle sourit encore et un petit crabe se glissa entre les deux compères. Le crustacé ne semblait absolument pas concerné par sa situation, il marchait et observait tout autour de lui de ses petits yeux globuleux noirs.

"Ceci est appelé crabe. Il pourrait vous pincer si l'envie lui en vient, et ceci serait très douloureux. Ils vivent dans l'eau mais parfois, ils viennent sur le sable chaud pour chercher de quoi manger."

Winnifred sourit, elle connaissait cet animal grâce aux encyclopédies qu'elle avait lu, rédigées par leurs ancêtres savants. Elle observait le petit crabe qui regagnait peu à peu le large d'un pas assuré. Winnifred se leva et bailla aux corneilles, elle s'étira et sentit la faim tirailler son estomac. Elle se retourna et fixa Kisame.

"Avez-vous encore faim ? Je peux nous chasser quelque chose, si vous le souhaitez."

Elle sourit, et songea qu'une biche fera l'affaire pour les deux lupins, les jeunes ont vraiment un appétit de loup. Elle se tourna et se mit à trottiner doucement, en quête d'un brin d'herbes où de potentiels gibiers pouvaient venir brouter en profitant de l'air marin. Elle humait l'air, et une odeur appétissante lui parvint. Elle s'approcha, tentant de déterminer où la proie était située. Elle se plaqua contre le sol et rampa doucement, lentement. Elle vit devant elle un cerf, qui broutait paisiblement au soleil. Il était magnifique, ses bois brillaient et il avait dans le regard une majesté que Winnie admirait chez les cerfs. Elle remua ses oreilles, se rassurant de n'être la seule prédatrice visant ce cerf. Elle attendit le parfait moment et juste avant de bondir, une masse sombre se rua sur le cerf. La bête cria un long moment et rendit son dernier souffle. L'assaillant était immense, avec des yeux brillants. Winnifred se redressa, choquée et comprit alors qu'il s'agissait d'un puma. Elle étouffa un cri d'angoisse et se mit à courir pour éviter que le puma la voit s'enfuir. Elle vit au loin Kisame, couchée sur le sable, les pattes dans l'eau et elle sentit l'hésitation en elle : le prévenir ou ne rien dire. Si elle le prévenait, peut-être aurait-il envie de se mesurer à la bête après sa pêche glorieuse ? Si elle ne disait rien, ils risquaient de mourir tous deux si le félin les avait suivi. Elle s'approcha, haletante, le regard fuyant et sourit d'une fausse joie à Kisame.

"Il y a là-bas un énorme puma. Il vaut mieux ne pas se faire remarquer et attendre qu'il finisse son repas, je repartirais chasser dans quelques instants."

Elle se félicita de ne pas avoir été alarmante et elle se coucha, pour reprendre son souffle et essayer de maîtriser son calme. Avec un peu de chance, le puma ne l'avait pas vu et s'adonner à son repas avec insouciance.

Winnifred eut à peine le temps de réagir que Kisame avait traversé la moitié de la distance qui les séparait du puma. Elle bondit en avant et courut jusqu'à attraper Kisame, mais il était trop tard, le louveteau s'était approché du puma et l'observait. Il avait eu l'instinct d'être discret, et il l'observait derrière un buisson qui, de par la petite taille de jeune loup de Kisame, le cachait totalement. La nourrice s'approcha de son protégé et murmura, gardant un œil sur le puma :

"Kisame, ne faites aucun bruit. Je vous parlerais des pumas si vous le souhaitez mais attendez d'être adulte ou en compagnie d'un Éclaireur pour en voir un de près."

Aucune réaction. Le petit devait sans doute être complètement ébahi de voir ce gracieux félin manger avec acharnement sa proie. Le souffle court, elle songea avec douleur qu'il lui fallait attraper Kisame et le tirer loin de là, au prix d'une douleur. Elle respira un grand court et attrapa Kisame par la peau du cou, et la douleur ne se fit pas attendre. Winnifred sentait de minuscules épines s'enfoncer dans sa mâchoire et dans sa langue, elle sentait déjà le sang couler dans sa gorge et elle tira de toutes ses forces pour éloigner son protégé. Malheureusement, la douleur étant trop forte, elle n'allait pas loin et elle manquait de force pour courir avec un petit aussi lourd à cause de ses cruches sur son dos. Elle lâcha sa prise et étouffa un gémissement de douleur. La mâchoire dégoulinante de sang, elle se résignait à ne pas montrer à Kisame sa gueule, elle ne voulait pas qu'il culpabilise ou qu'il se sente responsable de quoique ce soit. Incapable de formuler le moindre mot, elle donna un coup de patte léger sur le museau du louveteau pour qu'il la suive mais il était trop tard, l'odeur du sang s'était répandu dans les alentours et le puma avait la truffe fine. Winnie vit le puma délaisser sa proie et s'approcher du buisson par lequel ils étaient encore un peu cachés mais le puma était bien plus haut. Il vit les deux lupins et une flamme haineuse s'alluma dans ses yeux. Il sauta au-dessus du buisson et courra dans la direction de Winnifred. Cette dernière ouvrit la gueule et hurla dans un langage incompréhensible à cause de la douleur :

"CHIZAMÉ, SHUYÉ !"

Une flaque de sang se forma sur le sol, et Winnifred n'en avait cure, elle se mit en position de défense, prête à tout pour défendre ce petit qui n'était pas le sien mais elle le défendrait comme s'il était la chaire de sa chaire. Elle grogna sourdement, esquiva le puma qui lui sauta dessus. Elle vira à gauche du félin et sauta à son tour dessus, l'attrapa par la gorge et lui asséna des coups de pattes qu'elle voulait puissants mais Winnifred était frêle et peu nourrie dans son enfance, elle n'allait pas résister longtemps. Elle priait pendant son combat cependant.

Yurai, mettez le petit à l'abri, je vous en supplie.