Jeune âme et beau matin | Libre

Le jour qui s'était levé était tiède et coloré. Aucune brise ne venait refroidir la douce chaleur que répandaient les rayons du soleil, aucun nuage n'assombrir leur lumière ou ne griser les couleurs des alentours. Au milieu des larges prairies qui l'entouraient, le Palais luisait de son éclat immaculé, colosse d'une blancheur irréelle au milieu du vert des herbes nouvelles-nées. Baignant dans toutes ces couleurs, le pelage d'Athelstan paraissait plus clair et plus doré, accentuant la ressemblance qu'il avait avec sa mère. Le jeune loup était sorti pour la première fois en solitaire ce jour-là, et une certaine exhalation l'emplissait. Certes, il savait que Méléagant l'avait autorisé à mettre les pattes en dehors du camp sans surveillance car il savait très bien qu'une patrouille sillonnerait les alentours à peu près au même moment, mais l'émotion était bien présente. Athelstan n'avait jamais été un grand aventurier, contrairement à ses soeurs. Il avait sagement obéi aux consignes parentales durant toute son enfance sans rechigner et avec une douce obéissance. Maintenant qu'il frôlait les six mois, son père lui avait dit qu'il ne tarderait plus à commencer son entraînement. Il l'avait dit vaguement, bien-sûr. Le jeune loup n'avait aucune idée de qui pourrait bien être son mentor parmi la meute - son père était parmi les candidats naturellement, mais il y avait aussi son oncle Agravain qui, par certains côtés, lui ressemblait d'avantage que son paternel. Il savait que tous les jeunes loups devaient se préparer face à la menace que représentaient les Precursors.
Tous les loups n'avaient plus que ce nom à la bouche dès qu'il était question d'ennuis.

Même si les jeunes n'avaient pas vraiment conscience de ce de quoi il s'agissait, ils hantaient les conversations et les pensées depuis leur naissance, comme une ombre qui aurait toujours plané sur leur vie. Ils inspiraient la peur au jeune loup, c'était chose certaine, même s'il se demandait parfois s'il s'agissaient de loups comme eux ou... d'autres choses. Pour que même son père semble impressionné, il y avait certainement quelque-chose comme ça dans l'affaire.

Il trébucha soudain et sa silhouette de gringalet roula pour disparaître dans les hautes herbes. Le nez dans la poussière, il se redressa en secouant la tête. A se focaliser ainsi sur ses pensées, il n'avait pas vu la dépression de terrain qui l'avait entraîné sans crier gare.
Au même instant, un autre détail attira son attention. Une odeur lui parvint, ténue mais bien présente. Dans un réflexe qui défiait tous les commandements d'un bon chasseur ou d'un geste de sécurité, il redressa la tête, les oreilles pointées vers l'avant, et balaya les alentours du regard. Tel qu'il était, il était impossible de le manquer, brun au milieu de cette mer émeraude. Lui en revanche, ne voyait rien. Sa gorge se serra légèrement.

"Il y a quelqu'un ?" Lança-t-il à tout hasard.

Elle s'était perdue, c'était tout aussi simple que ça.

Elle était sortie, le matin mère, avec son père, pour aller chercher des herbes, pour les tanières des savants Séides … Et elle s'était perdue.
Son père venait de lui montrer un gros bouquet de muguet et lui expliquer à quoi cela servait, alors que soudain, il s'était mis à pleuvoir. Mais pas à pleuvoir n'importe quoi : il pleuvait des pétales de rose.. roses. Elle avait entendu un mot pas très poli de la part de son père, alors qu'il allait se réfugier sous un arbre pour bouder les dieux qui lui avaient conféré un tel pouvoir, mais n'y avait pas vraiment prêté attention, puisque le spectacle l'éblouissait complètement. Une seconde plus tard, elle marchait, puis elle courrait entre les pétales, bondissant, ses yeux émerveillés levés vers le ciel, un sourire béant ornant sa petite figure. Elle était encore jeune, quelques mois seulement, mais grandissait vite pour atteindre la taille plutôt menue qu'elle aurait toute sa vie.

Violette clair, avec une longue et étrange queue, sa crinière or et rose, relevée en pics dans sa nuque, lui barrait les deux côtés du visage. Il agita ses oreilles un instant, puis courut dans l'herbe. Ils étaient en territoire libre, mais il fallait dire qu'elle n'avait pas beaucoup de notions d'où elle était alors elle avait suivi les petites tâches roses …Avant que soudain, elle se retrouve au bord de la pluie. Elle tourna sur elle même, prête à repartir vers son père, donc le centre du phénomène métrologique … Et soudain, elle vit quelque chose qui lui fit très peur. C'était un loup, plutôt grand, plutôt ENORME, couvert de boue, qui marchait vers elle.
La petite s'arrêta, ne bougeant pas, son cœur battant entre ses côtes à une vitesse effrénée. Qu'est ce que c'était ? C'était peut être un Précursor, un de ces mauvais loups qui serait bien capable de la tuer … Ou un de ces Raeders, pirates violents qui avaient quitté les Séides. Elle recula d'un pas, ses yeux s'agrandissant. Elle n'avait jamais été confronté à ça de toute sa vie, et elle ne savait absolument pas quoi faire. Alors elle tenta de reculer, mais le paysage était plat comme jamais, rien pour se cacher. C'est alors que, au loin, elle aperçut une bâtisse, une grande bâtisse, sûrement.

Soudain, la louve sombre, énorme, déploya quelque chose qui avait été dans son dos, et renifla l'air, comme si elle l'avait repérée.
Brienna paniqua.
Et elle fuit à tout vitesse, courant dans le territoire Brethen sans même se rendre compte qu'elle y était … Et soudain, le sol disparut sous ses pattes, et avec un petit cri, elle se sentit tomber, pour finalement frapper le sol. Un sol moins dur que ce dont elle avait l'habitude, tout de même. Elle leva la tête, avec l'impression que le monde courrait toujours autour d'elle, pour que son regard doré clair tombe sur des prunelles bleues.
WTF.

Elle bondit en arrière, maladroitement, ayant failli se casser la figure une deuxième fois, et le regarda, ses cheveux emmêlés lui barrant presque le museau, levant la tête haute.
« Pardon je voulais p- »
Elle se secoua un peu puis pointa son museau vers lui.
« Qui es-tu ? » demanda-elle, plus curieuse, avant de lever ses yeux vers … un espèce de palais. Dieux. Mais dans quoi s'était-elle empêtrée.

Élaine

Espionne perfectionnant sa technique de chasse, Élaine suivait son frère avec discrétion et lenteur. Elle se cachait quand il se retournait, elle mettait tout son cœur à ne pas se faire repérée et jusque là, elle était une vraie championne. Maintenant qu'elle frôlait les six mois, ses cheveux étaient un peu plus longs, rassemblés en un chignon soigné. Elle savait qu'elle pouvait compter sur l'odorat de son frère, puisque son odeur était à peu près la même que la sienne. Elle était étonnée de voir combien Athelstan ressemblait à leur mère, à part les cheveux. La petite sœur avait entendu des bribes d'une conversation entre leur père et Athelstan, et la curiosité la taquinait sans cesse. Elle voulait, elle aussi, commencer l'entraînement pour être chevaleresse. Pourquoi leur père n'avait proposé ceci qu'à leur seul frère ? Anastasia, elle, s'en fichait, mais Élaine voulait être une guerrière hors-pair. Alors pour prouver son aptitude, elle s'était lancée dans la mission de filer Athelstan, persuadée qu'il rejoignait leur père dans un endroit reculé pour lui apprendre les rudiments pour être chevalier. Quand Athelstan tomba dans un ravin, elle se retint de rire, mettant sa patte sur son museau, ses joues gonflées et les yeux bordés de larmes d'hilarité. Elle rassembla son sérieux pour ne pas se faire repérée, et ravala son rire. Elle se cacha derrière un buisson pour éviter d'être vue, et elle attendit que son frère reprenne sa marche pour le suivre. Mais d'un coup, une sorte de boule de poils mêlant rose, jaune, et un peu de gris déboula de n'importe où. Élaine ouvrit grand ses yeux verts et d'un coup, elle ne put retenir son rire quand elle vit l'inconnue faire exactement la même erreur que son grand frère. Elle hurla d'un rire cristallin et saccadée, sortant de sa cachette pour se rouler par terre, son corps grandissant tordu par l'allégresse. A force de se dandiner, elle finit par imiter ses compères, glissant dans le mini-ravin sur le dos, roulant comme une bûche. Elle atterrit à quelques centimètres de son frère et de l'étrangère, elle arrêta de rire un instant, les larmes aux yeux. Puis elle vit le regard d'Athelstan et elle se remit à rire, restant au sol, allongée, ses deux pattes avant tendues devant elle, et ses pattes arrières détendues sur le sol. Elle reprit son sérieux, essuyant d'un revers de patte ses larmes de gaieté, puis elle déposa son regard émeraude pâle sur l'étrangère, la flamme de la curiosité s'allumant dans ses yeux.

"Et toi ? Qui es-tu ?"

Elle serra les crocs, sachant parfaitement que ses parents lui intimaient souvent de vouvoyer les autres, mais elle estima qu'entre louveteau, il n'y avait pas de politesse hypocrite à instaurer. Elle s'assit sur ses fesses, près d'Athelstan et lui tira la langue d'un air amusé :

"Tu ne m'as ni vu ni entendu te suivre, hein ? Alors ? Je ne suis pas la plus douée des espionnes ?"

Elle bomba son petit poitrail et adopta un sourire vainqueur et conquérant. Malgré cette petite jalousie, elle espérait rendre fier son frère; et par ce biais, leur père. Elle reporta son attention sur la jeune à la crinière très élégante, teintée d'un rose. Elle regardait vaguement quelque chose derrière Élaine, cette dernière tourna la tête et vit un immense tas de rochers blancs et somptueusement assemblés. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ?

Finalement, après tout ça, on arrivait à trois louveteaux rassemblés dans la dépression du sol, dont seul un semblait réellement savoir ce qu'il faisait ici.
Tout d'abord, une étrangère était apparue et avait manqué de le heurter en roulant elle aussi au sol à cause de la pente, dans un joyeux fouillis de poils gris - ou beiges, il n'était pas bien sûr -, roses et jaunes. Le jeune mâle recula d'un pas pour éviter la collision, surpris de cette irruption. Sa petite truffe de jeune loup n'était certes pas encore des plus entraînées mais il reconnaissait clairement que celle-ci ne faisait pas partie de leur meute - il ne l'avait jamais vue au camp, mais on ne savait jamais. Elle se redressa en soulevant un peu de poussière et lui demanda qui il était. Mais avant qu'il n'ait pu prononcer le moindre mot, un rire familier résonna derrière lui, lui arrachant un tressaillement d'étonnement. Il se retourna d'un bond... pour voir la silhouette de sa soeur Elaine glisser à son tour et atterrir à ses pieds, visiblement secouée d'un rire impossible à calmer et qui ne manqua pas d'arracher un sourire à Athelstan. Bien qu'il devine qu'elle se moquait probablement de lui - ou de l'autre louve - il n'en prit pas ombrage et se contenta d'incliner légèrement la tête sur le côté, légèrement dépassé par la situation. Finalement, Elaine posa également la question à l'étrangère de qui elle était, puis se vanta mignonnement de ses talents d'espionne. Il hocha la tête et répondit avec un sourire complice :

"Bien-sûr que tu es la plus forte." Il n'y avait aucune ironie dans son ton, rien qu'une sincère appréciation. "Aucun combattant ne t'arrive à la cheville."

Sauf leur père, mais ça c'était pour les petits une évidence telle qu'il n'était même pas utile de la préciser. En revanche, en plus d'être une guérisseuse très douée et un guerrier complètement admiré par sa portée, leurs parents étaient également des loups qui avaient éduqués leurs enfants à une forme toute particulière de politesse, qu'Athelstan avait acquise sans rechigner. Il ne tutoyait quasiment que ses deux soeurs, pas même ses parents. Et pas non plus les loups qu'il ne connaissait pas, quand bien même ils étaient plus petits que lui et avaient fait un spectaculaire roulé-boulé dans la poussière et les hautes herbes.

"Je suis Athelstan et voici ma soeur, Elaine." Répondit-il finalement en se tournant vers l'inconnue. "Nous sommes les enfants du lieutenant Brethen Méléagant. Et vous ?"

Brienna pointa ses oreilles vers la nouvelle venue avec tout autant d'intérêt que ce qu'elle avait montré à l'égard du mâle aux longs cheveux sombres. Ils se ressemblaient beaucoup, tous les deux, avec leurs pelages bruns et blancs et leurs cheveux sombres, et elle déduit de la manière la plus naturelle et spontanée possible qu'ils étaient frère et sœur. De plus, leur complicité évidente la menait aux mêmes conclusions. Alors la petite louve violette-grise aux cheveux colorés pointa son museau vers les deux loups Brethens, souriant d'une manière timide, gênée par les rires de la louvette.

Elle n'avait pour les Brethens pas la moindre animosité, son père en ayant toujours très bien parlé, même avec un peu d'envie, par rapport aux Séides. Alors elle ne voyait ces deux jeunes de son âge d'un regard curieux et joyeux. Le mâle ne présenta avec élégance, et elle leva ses oreilles vers lui attentive. Ils s’appelaient donc Athelstan et Elaine, et ils étaient bien frère et sœur. Elle hésita un instant, une légère timidité passant sur son museau, faisant briller ses yeux d'or clair, avant qu'elle ne débloque.

« Je m’appelle Brienna, et je suis la fille d'Aora et Alistair, des Séides. Je suis la petite fille d'Asha, une nourrice Brethen et de Aaliyah, une Séide Archiviste … Ravie de vous rencontrer ! » s'exclama-elle.

Elle déplaça son poids d'une patte à l'autre, légèrement gênée puis leur sourit de nouveau, ses mèches colorés rebondissant autour de son visage.

« Je suis désolée de vous être tombée dessus … » dit-elle, en s'adressant à Athelstan, en faisant la moue, avant de relever la tête, incapable de contrôler sa curiosité.

Son regard tomba de nouveau sur la bâtisse imposante qu'était le Palais. Elle n'avait jamais rien vu d'aussi spectaculaire de toute sa vie. Elle avait été confinée, jusque là, au camp des Séides et aux balades de son père, et n'avait jamais vraiment pu sortir et observer le monde toute seule … Ce qui était bien normal, elle était encore très jeune.

Elle balaya lentement l'air de sa longue queue non-lupine, et leva la tête vers les murs de marbre, ses yeux curieux escaladant la façade du regard.
« Qu'est ce que c'est ? » demanda-elle.

Élaine

Aux compliments de son frère, la gueule d'Élaine s'élargit en un sourire immense et rayonnant. Elle adressa à son frère un léger coup de museau sur le sien pour le remercier, geste tendre fraternel. Quand il les présenta, elle guetta la réaction de l'inconnue. Si elle était là pour leur faire du mal, le nom de Méléagant devrait légèrement l'inquiéter. Bien qu'il ne soit pas sanguinaire, il était froid et imposant. Aucun loup sain d'esprit ne s'en prendrait à sa famille. Quand la petite dorée se présenta, Élaine répéta silencieusement son nom. Brienna. C'était plutôt joli, très agréable à dire. Par contre, son papa et sa maman étaient tous deux inconnus pour Élaine. Elle regarda son frère avec curiosité, elle présenta même ses grands-parents. La petite brune agita sa queue, quelque peu agacée. Son frère et elle n'avaient pas de grands-parents, enfin, si mais ils ne les connaissaient pas. D'ailleurs, elle nota intérieurement d'interroger ses parents à ce sujet pendant que la petite Brienna s'excusait auprès de son frère. D'un coup, la phrase de la Séide la sortit de ses pensées, elle tourna la tête dans la direction du Palais, et pencha la tête, ses cheveux se balançant nonchalamment dans l'air.

"Sûrement un truc de grand dans lequel nous, les petits, n'avons pas le droit d'entrer ni de toucher."

Une lueur insolente s'alluma dans son regard vert pâle. Elle plongea son regard dans celui de son frère, la gueule ouverte en un sourire dément.

"Et si on y allait ? Allez quoi, il y a peut-être des secrets dedans !"

Elle bondit sur ses quatre pattes et sa queue remuait avec une vitesse folle. Désobéir était son activité favorite, au grand dam de ses parents. Elle lança un regard fou à Brienna, l'invitant à rejoindre sa mini-rébellion. Déçue de voir le regard un peu sévère d'Athelstan, elle fit une moue boudeuse, à la manière d'une comédienne.

"On dirait Papa quand tu me regardes comme ça, Athel'"

Elle resta assise, patiente, usant de son pouvoir de persuasion en faisant un regard de biche à son frère et à leur nouvelle copine. Elle savait bien que son grand frère avait pour mission de veiller sur la fratrie, mais elle ne pouvait s'empêcher de voir les yeux de leur père dans le regard bleuté de son frère. Elle regarda Brienna, décelant la moindre excitation, et elle remarqua que sa queue était légèrement différente des leurs. Elle n'y prêta pas attention, leur mère avait une queue aussi courte que celle d'une biche, alors qui étaient-ils pour juger quoique ce soit ? Élaine observa le Palais, curieuse mais apeurée.

Et si des fantômes vivaient là-dedans ?

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