Crypte imaginaire | Epreuve de glowstick

Le soleil pâle de l'automne désormais bien présent était à son zénith lorsque la louve grise se présenta sur les Falaises Littorale, le coeur battant mais le regard brillant. Son pelage fin ondulait sous le vent capricieux de la côte, tantôt ébouriffé, tantôt plaqué contre sa silhouette maigre. Elle avait rempli consciencieusement son tour de garde de la matinée avant de finalement se décider à aller à la rencontre de Dairo. Son esprit était encore entaché de doutes et de craintes, mais parmi les divinités qui représentaient les Etelkrus, elle n'avait jamais eu de doute sur celle qui lui correspondait. Aka se serait ri d'elle si elle lui avait présenté sa silhouette malingre, et elle ne se sentait pas assez vive pour prétendre à l'or de Kiro. En revanche, son esprit voyait en Dairo, déesse de la Ruse mais également de l'Imagination, un guide idéal pour la vie nouvelle qu'elle menait. Elle avait réalisé au fil des jours que le port du glowstick lui apporterait sans doute encore un peu plus d'assurance, rayerait définitivement l'enfant qu'elle avait trop longtemps été pour laisser place à une adulte, à cette louve qu'elle devenait et qu'elle appréciait bien d'avantage.
Oui, Karigan avait bien changé depuis le changement des meutes.
Mais elle avait appris à aimer ce changement.

Oh, bien-sûr, elle restait sans cesse tourmentée par ces craintes perpétuelles qui tournoyaient dans son esprit, mais elle parvenait désormais à passer outre la plupart du temps pour laisser à son intelligence un libre champ d'expression. Elle savourait l'existence bien d'avantage, elle se sentait moins oppressée, plus légère pour avancer. Il était donc temps pour aller de faire le dernier pas, celui qui ferait d'elle une véritable membre de sa meute et l'aiderait à aller de l'avant. Un sourire étira ses babines, alors qu'elle s'arrêtait brièvement pour contempler la mer grise et agitée qui rugissait en dessous.Puis elle prit la sente abrupte qui menait à la Crypte, temple de la Renarde.

Lorsqu'elle pénétra dans le temple, elle fut frappée par la fraîcheur et le silence qui y régnaient. L'atmosphère était teintée d'orangé, lumière qui émanait de la fontaine colorée située sous la grande statue de la déesse. Karigan repoussa l'angoisse qui pointait et menaçait de serrer sa gorge, et s'approcha de la statue pour s'incliner face à elle.

"Déesse Dairo, mon nom est Karigan, fille de Romance et Aristote. Je me présente humblement devant vous en ce jour afin de prétendre à votre couleur, et de vous demander l'honneur de passer votre épreuve."

Sa voix trembla légèrement sur un mot, mais elle parvint à garder la maîtrise d'elle-même. Lorsqu'elle se redressa, son coeur battait la chamade. Le moment était enfin venu.

Un frémissement parcourut le corps de Karigan lorsque, dans un éclat de lumière, la déesse lui apparut. Immense, lumineuse, elle avait un regard duquel émanait une bienveillance telle que la jeune louve se demanda comment il était décemment possible de choisir un autre dieu que Dairo. A cet instant, alors que les yeux de la Renarde la dévisageaient sans animosité, rien ne devint plus important que de parvenir à devenir l'une de ses disciples. La peur refluait dans son esprit, et avec elle l'angoisse et les doutes. Elle devait réussir, car c'était ici que se trouvait sa place.

Son coeur battit plus fort lorsque les contours du temple disparurent de son champ de vision. Elle se retrouva plongée dans les ténèbres, sans autre repère que le sol, toujours bien solide sous ses pattes. cet instant dans l'obscurité lui parut durer une éternité, et elle se demanda même si ce n'était pas là le début de son épreuve. Avec les grands changements qui avaient eu lieu, elle ignorait si la teneur des épreuves avait changé et donc ce à quoi elle allait devoir faire face. Elle tâcha de se raisonner en se disant que si elle était destinée à devenir une disciple de la Renarde, il n'y avait aucune raison que ce qu'on lui demande lui soit réellement infaisable. Elle avait aperçut la lueur orangée à la silhouette de Lagherta quelques jours plus tôt. Sa camarade porteuse de message était devenue une guerrière émérite, et il était amusant qu'elles aient toutes les deux choisies de se tourner vers Dairo. Amusant, mais pas forcément surprenant cependant.

Autour d'elle se dessinèrent petit à petit les murs d'une nouvelle pièce, qui lui était totalement inconnue. Comment s'était-elle retrouvée ici ? Avait-elle été téléportée par magie ? Etait-elle même encore sur Punk-Wolf ? Elle détailla rapidement les alentours du regard. De toute évidence, elle était enfermée, et la large porte qui s'étalait sur l'une des parois constituait la sortie par laquelle elle devait s'échapper. Elle s'approcha avec précaution de cette dernière, et constata que s'y dessinaient trois grands anneaux sculptés de motifs représentant des animaux et percés d'une entaille destinée visiblement à recevoir quelque-chose comme une clé. Fort bien. Il lui semblait un peu trop simple de devoir simplement se mettre à la recherche de clés, mais cela constituait au moins une première piste sur laquelle s'aventurer. Elle fit volte-face et se dirigea d'un pas toujours mesuré vers le tas un peu informe qui se dressait à l'autre extrémité de la pièce. Le cliquètement de ses griffe résonnait étrangement autour d'elle. En levant le museau, elle s'aperçut que le plafond était si haut qu'il disparaissait dans les ténèbres. D'ailleurs, elle était bien en mal de dire d'où venait la lumière qui éclairait le bas de la pièce. Elle baignait dans une lueur orangée qui ne semblait pas vraiment avoir de source.

Le tas d'objets en question était bien plus bazardeux qu'il ne lui était apparu de plus loin. C'était un empilement complexe de choses de toutes sortes, comprenant tout aussi bien des branches que des vieux livres, des morceaux de squelette d'animaux dont elle ignorait la forme lorsqu'ils étaient un peu plus charnus et d'objets dont elle ignorait l'usage. Elle commença à déclayer ce qu'il contenait sur les côtés et à l'étaler pour y voir plus clair, mais dû rapidement se rendre à l'évidence. Aucune clé ne semblait se cacher dans cet entremêlement varié. Et c'est là que les choses commençaient à se corser un peu. Elle fit demi-tour et revint sur es pas pour aller examiner la porte d'un peu plus près, et tout particulièrement les différents orifices qui semblaient faire office de serrure. Elle y glissa même une griffe pour tâcher d'en saisir la forme - plus grande qu'elle ne s'y attendait. Il y avait donc bel et bien quelque-chose à mettre là-dedans, mais quoi, si ce n'était une clé ?
En revenant près de la pile, elle décida de complètement étaler chacun des objets qui s'y trouvait, les triant plus ou moins par forme et taille, afin de les avoir dans son champ de vision. Ce faisant, elle finit par perdre la notion du temps, d'autant qu'il n'y avait dans cet étrange endroit aucun indice sur l'heure du jour ou de la nuit qu'il était au-dehors. La lumière ne variait pas et l'on n'y entendait d'autre bruit que le bruissement des objets sur le sol lorsqu'elle les tirait de la pile. Elle dénicha même quelques bracelets à pics visiblement assez usés. Il y avait vraiment de tout dans cette pièce secrète.

Lorsqu'elle se recula pour observer son oeuvre, quelque-chose lui sauta immédiatement aux yeux. Il y avait parmi les objets une sorte de réplique de patte d'aigle métallique dont l'une des serres était étrangement inclinée, d'un angle peu naturel mais qui pourrait en faire une parfaite pièce à introduire dans l'une des serrures. Elle s'en empara et, après quelques essai infructueux, sentit un cliquetis résonner lorsque la serre se clipsa dans la porte. Elle desserra les crocs avec précautions, recula quelques peu, et constata avec ravissement que la pièce ne tombait pas. Et d'une. Il germait peu à peu dans son esprit que ce n'était pas une clé qu'elle devait chercher, mais plutôt quelque-chose en rapport avec les animaux sculptés sur les différents anneaux, puisque la serre s'était parfaitement incrustée dans celui orné de rapaces.
Elle décida de passer au suivant, à savoir celui sur lequel figuraient des poissons. La tâche était un peu plus délicate, car elle n'avait rien aperçut de si évident que la serre sur ce point. Elle trottina entre les rangées de son étalage d'objet en se mordillant les babines. Ce ne fut qu'au bout d'une dizaine d'allers et retours que ses yeux tombèrent sur une sorte de sphère qui portait un motif qui rappelait vaguement des écailles. Assez peu convaincue, elle décida de tenter sa chance tout de même et la saisit avec précaution. Elle paraissait être en verre et était lourde. Elle marcha à petits pas jusqu'à la porte, et tenta d'insérer la sphère dans a serrure. Peine perdue, cette dernière était bien trop étrange pour laisser entrer l'objet de verre, même avec toute la bonne volonté du monde. Karigan recula, dépitée, et observa la serrure.

Alors qu'elle faisait demi-tour, elle trébucha maladroitement et la laissa échapper. Avec un bruit crissant, elle heurta le sol et s'explosa en éclats de verres à ses pattes. Maudissant sa maladresse, la jeune louve se décala sur le coté pour éviter de s'enfoncer quelque-chose dans les coussinets et jeta un coup d'oeil à ses pattes. Quelques éclats s'y étaient fichés, qu'elle enleva avec une grimace. Quelques filets de sangs perlèrent sur son pelage argenté. Elle s'ébroua et tâcha de focaliser son attention sur l'alignement d'objets au sol. C'est alors qu'elle remarqua, au milieu des éclats de verre, une petite forme particulière. En s'approchant avec précaution, elle s'aperçut qu'il s'agissait d'une petite sculpture représentant un squelette de poisson et son coeur fit un bond. Quelques instants plus tard, elle posait la pièce dans la serrure et l'y clipsait sans problème. Une lueur alluma son regard doré.
Une nouvelle vague de motivation l'envahit. Plus qu'un.

Le coeur emplit d'une détermination toute neuve, elle retourna observer ce qu'il lui restait d'objets. Il fallait désormais qu'elle trouve quelque-chose en rapport avec un grand herbivore aux cornes épaisses, tel qu'elle n'en avait jamais rencontré sur le continent. Les dessins étaient assez symboliques et ne donnaient que des détails sommaires quant à son anatomie. Elle s'attarda sur les morceaux de squelette qu'elle avait rassemblés dans un coin. Si certains pouvaient sans nul doute être rayés de la liste, quelques-uns pouvaient potentiellement appartenir à la bestiole en question. Malheureusement, elle fit chou-blanc et toutes ses tentatives restèrent vaines. Elle finit s'asseoir au milieu des os, face à la porte, le museau légèrement froncé. I fallait se creuser les méninges. Son regard s'accrocha aux petites sculptures pour ne plus les lâcher. Un long moment s'écoula avant que soudain, tout ne lui apparaisse. C'était évident, bien-sûr ! Parmi les dizaines de petits animaux sculptés, il en était un différents. Plus clair que ses camardes, il avait des reflets argentés et était orné d'un symbole de soleil. Or, l'un des fragments d'os qu'elle avait trouvé mais rejeté par sa taille portait le même symbole gravé sur l'une de ses faces.

Elle bondit et se hâta d'aller le rechercher. Le coeur battant, elle inséra avec délicatesse la pièce dans la serrure, puis s'éloigna d'un pas.
Un cliquetis résonna dans la grande pièce, en écho avec le sourire de la jeune louve.