it's my turn to offer a second chance | Shado

Lagherta
Depuis peu, j’avais obtenu mon glowstick, promettant fidélité à la déesse Renarde, Dairo. Le choix avait été difficile, car le glow qui me correspondait le plus était celui d’Ao, mais avec les nouvelles meutes formées par les Dieux, cela aurait voulu dire couper les ponts avec Ezhekiel, et j’en étais parfaitement incapable. Certes, prendre de la distance avec son père, à mon âge, c’est normal, mais le quitter, totalement, je ne pouvais m’y résoudre. La réflexion avait donc été longue pour trouver à quel dieu je voulais accorder mon allégeance. Mon choix avait fini par se porter sur la Renarde, la ruse n’est pas ma qualité première, mais elle fait partie de moi. Puis, j’avais endossé le rôle de garde. Bonne combattante grâce aux entraînements d’Ezhekiel, mais trop vulnérable à cause de la cicatrice qui couvrait la moitié de mon dos, le long de ma colonne vertébrale, cachée par mon armure, cadeau d’Ezhekiel. Ma vie prenait donc une tournure de louve adulte.

J’effectuais donc une ronde de garde. C’était devenu maintenant, doucement mais sûrement, quelque chose de routinier, d’habituel. Mais comment me doutais que ma ronde de ce soir allait totalement bouleverser ma vie entière. Rien ne l’indiquait. La journée avait été belle, ensoleillée, pas si froide que ça. La chasse de la meute avait été bonne également et la meute avait pu partager un bon repas, chacun avait eu assez. L’après-midi, j’avais pu rester tranquille, à dormir, allongée sous les rayons du soleil. Puis, sans que je m’en rende compte, l’après-midi était bien avancé lorsqu’un autre garde était venu me réveiller, pour que je prenne sa relève. Je m’étais donc mise en route. A présent, la nuit était déjà bien avancée, et pour l’instant, comme chacun de mes tours de garde jusque-là, rien à signaler.

Lagherta

Je continue ma ronde nocturne autour de nos frontières pour être certaine que personne ne s’introduis sur nos terres alors qu’il n’a rien à y faire… Depuis le début de mes tours de garde, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ne faisait pas parti de la meute. Mais ce soir, ça allait changer. Sans même que je m’en doute, ma vie entière allait changer ce soir…

La nuit était déjà bien avancée lorsque j’arrivais près des Dents de Roc. Une odeur inconnue m’arriva à la truffe. L’odeur d’un loup. Ou plutôt un louveteau. J’inspirai profondément. Aucune odeur d’adulte hormis la mienne ne se trouvait par là. Ce louveteau était donc, apparemment, seul… Je suivis mon flair pour trouver ce petit louveteau seul. Je suivais ma truffe depuis des minutes entières sans parvenir à trouver vraiment la trace. Puis soudain, une tâche violette attiré mon regard. Je m’approchais pour distinguer une petite louvette avec un foulard violet autour du cou. Mon regard se pose sur elle, elle est incroyablement maigre, on lui voit les côtes, et elle est allongée, ne bougeant plus. Mon sang ne fait qu’un tour. Il est presque certain qu’elle n’est pas juste en train de dormir, elle semble plutôt évanouie. Je la touchais un peu du museau.

Je regardais une dernière fois autour de moi, toujours aucun loup à l’horizon et toujours aucune trace olfactive d’un adulte non plus. La petite ne portait pas non plus la moindre trace olfactive d’un adulte sur elle. Je décidais que je ne pouvais pas la laisser là, seule, livrée à elle-même. Vu son état, elle ne tiendrait pas bien longtemps. Un choix s’offrait à moi. Un choix qu’une autre personne avait fait avant moi… Et s’il n’avait pas choisi de sauver le louveteau, je ne serais pas là aujourd’hui devant ce même choix. Sans me poser de plus amples questions, j’attrapais délicatement la petite louvette dans ma gueule et l’emportait avec moi. Sur le chemin, je regardais constamment pour voir si je ne voyais pas quelqu’un qui cherchait peut-être cette petite louve, mais je ne vis personne, et personne ne se manifesta. Je n’entendis pas non plus d’appel. Mon cœur se serra en pensant que cette petite était donc seule, abandonnée et livrée à elle-même. Depuis combien de temps était-elle seule…

Je l’emmenais dans ma tanière ou je savais qu’il restait un reste de mon dernier repas. La viande ne serait pas très fraîche, mais encore bonne. Je déposais la petite sur mon confortable lit de paille. Puis commençais à mâcher de la viande avant de la lui déposer ensuite devant le museau. Peut-être que l’odeur de nourriture la ramènerait à elle… Je m’allongeais près d’elle, tout contre elle pour lui tenir chaud, continuant à mâcher la viande pour la lui déposer ensuite devant elle. J’espérais vraiment que la viande allait l’aider à se réveiller et à reprendre des forces…

Lagherta
Le soulagement m’envahit lorsqu’enfin la petite louvette remua, puis se rua presque sur la nourriture, n’accordant aucune importance à ce qui l’entourait. Pas même à moi. Depuis combien de temps n’avait-elle pas eu un repas décent ? Lorsqu’elle eut enfin terminé son repas, son regard se posa sur ce qui l’entourait. Ma tanière… Puis, sur moi. Ses yeux violets s’agrandir d’un seul coup et elle tenta de fuir, mais s’emmêla les pattes et retomba sur la paille. Puis elle se calma en remarquant que je n’avais pas bougé de ma place, montrant aucune hostilité envers elle et se mit à me détailler de haut en bas. Je la laissais faire, patiente puis elle finit par poser la question qui devait inévitablement venir. Elle me demanda qui j’étais. Son ton était nonchalant, comme si elle n’en avait que faire. Mais je ne suis en teint pas rigueur, si elle avait réellement vécu seule pendant trop longtemps, elle avait dû s’endurcir pour apprendre à se débrouiller seule et ne dépendre de personne.

– Je suis Lagherta. Je t’ai trouvée, évanouie dans la forêt durant mon tour de garde, et je t’ai emmené chez moi pour que tu puisses te remettre. Tu n’as rien à craindre ici. Je ne te ferais pas de mal, au contraire. Lorsque je t’ai trouvée, je n’ai vu, senti et entendu aucun adulte à proximité. Mais peut-être me suis-je trompée ? Comment t’appelles-tu ?

Je posais sur elle un regard bienveillant et attendit les réponses à mes questions, patiente. Cette pauvre petite avait l’air d’en avoir bavé, comme moi à son âge. Bien sûr, son père ne l’avait pas sauvagement attaquée pour l’abandonné à demi-morte dans la forêt, mais elle était seule, affamée et bien trop jeune pour de telles épreuves…

Lagherta
La petite semble réfléchir longuement avant de me répondre. Est-ce qu’elle hésite à me donner les informations que je demande ? Je peux le comprendre, si elle est restée seule assez longtemps, elle doit sûrement se méfier de tout et tout le monde… Après un long soupir, elle finit tout de même par se lancer et me répondre :

– 'm'appelle Shado. 'me suis perdue dans la montagne...

Elle n’était décidément pas très bavarde sur sa vie… Mais à présent, son regard était fuyant, comme un louveteau prit en flagrant délit de mensonge et qui n’ose pas regarder ses parents dans les yeux par peur de ne pas résister à cracher le morceau. Elle me rappelait un peu moi-même. Bien sûr, Ezhekiel était plus dur avec moi que ce que j’étais avec elle en ce moment… Si on réunissait bout à bout les moments que j’avais passé à me regarder les pattes, par honte des bêtises que j’avais faite, je pense qu’il devait y avoir une journée entière en tout… Pour finir, elle continua et me dévoila la suite de sa histoire :

– Ma mère m'a abandonné il y a plus de deux mois. Je vis seule depuis. Ou plutôt, je survis seule, car je dois bien reconnaître que je suis tout simplement incapable de vivre confortablement par mes propres moyens... – Elle plongea son regard dans le mien, puis poursuivit – Je te suis reconnaissante de m'avoir sauver, mais que comptez-vous faire de moi ?


Elle n’avait pas sa langue dans sa poche cette petite. Elle allait droit au but… Je lui souris et après un instant de réflexion je lui répondis :

– Tu es donc livrée à toi-même depuis 2mois. Et c’est tout à fait normal que tu n’y parviennes pas, tu es trop jeune. Si nous élevons nos petits, ce n’est pas pour faire joli, c’est parce que c’est nécessaire, vous n’êtes pas capables de vous débrouiller seuls à la naissance. Et ça, c’est commun à tous les mammifères. Quant à ce que je compte faire de toi, c’est un peu vulgairement dit… Je vais déjà veiller sur toi cette nuit, une fois que tu seras totalement rassasiée, tu pourras dormir sur tes deux oreilles, ça te fera le plus grand bien. Et pour la suite, nous verrons demain. Tu as encore faim ? J’ai encore des restes d’aujourd’hui, je n’ai malheureusement que ça.

Je me levais et allait chercher ma carcasse du matin au fond de ma tanière pour l'amener vers la jeune louvette et lui proposer de terminer son repas puis je revins sur mon lit de paille et posais ma tête sur mes pattes avant, veillant sur elle de ma place, pour lui laisser un peu d'espace.

Lagherta

La petite Shado se jeta sur la carcasse comme si elle n’avait pas mangé depuis des jours, et j’avais tendance à penser que c’était bel et bien le cas. Comme avait-elle réussi à survivre 2 mois seule ? Qu’était devenu sa mère ? Elle se remplit tant l’estomac que j’étais sur le point de lui dire qu’elle devrait arrêter avant d’exploser, mais elle finit par le faire d’elle-même, mais son ventre bien rond faisait presque peur à voir sur un corps si squelettique. Je me fis violence pour ne rien dire et ne pas faire de commentaire. Elle revint auprès de moi et se roula en boule contre moi. Toute sa gêne semblait avoir disparu, elle prenait ses aises. Cela me fit sourire. Une fois en état de me mouvoir par moi-même, j’avais rapidement pris possession de la tanière d’Ezhekiel, lorsqu’il m’y avait emmenée, jugeant que je n’avais plus besoin d’être aussi proche des guérisseurs qu’au début… Cette petite me faisait clairement penser à moi. Un passé difficile, une force de caractère impressionnante pour un si jeune être. Elle m’observa un moment, d’un œil curieux. Elle devait sans aucun doute se poser beaucoup de question et après une nuit de réflexion, je pourrais probablement répondre à bon nombre d’entre-elles, mais pas pour l’instant… Alors je ne dis rien, me contentant de porter un regard bienveillant sur elle et un léger sourire qui se voulait rassurant. Puis elle finit par poser sa tête entre ses pattes et la recouvra de sa queue avant de me souhaiter une bonne nuit. J’allais répondre que c’était avant tout pour elle qu’elle devait être bonne. Mais elle continua, me demandant si je serais encore là demain, à son réveil. Puis, tout en s’endormant, elle ajouta d’une voix très basse, si basse que j’eu de la peine à comprendre ses paroles. Et lorsque je les compris, elle me firent froid dans le dos…

– N’aies craintes, je veillerai sur ton sommeil et je serais là demain à ton réveil.

Je restais longtemps allongée près d’elle, sans bouger, le regard poser sur elle, me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire le matin venu. Qu’allais-je faire d’elle. Je ne pouvais décemment pas la ramener là où je l’avais trouvée et la livrer à nouveau seule contre le monde entier, impossible. J’avais envie de la garder près de moi, mais étais-je réellement prête à être une gardienne, un mentor et surtout, une mère… Gardienne, je l’étais, mais pas de loupiots. Je n’avais aucune expérience en la matière. Puis je relevais la tête et posais mon regard sur un mur de ma tanière, là, se trouvait un souvenir que j’avais d’Ezhekiel et une image me vint en tête. Le visage souriant, éclairé et soulagé d’Ezhekiel quand j’avais fait irruption dans la grotte de la meute dont il avait été nommé alpha après le chaos de Chronos. Certes, ça n’avait pas duré, il avait très vite repris contenance, mais les faits étaient là.

Il avait encore moins d’expérience que moi, lorsqu’il m’avait recueillie, lui, était un loup asocial qui n’aimait pas le contact avec les autres, et pourtant, malgré des défauts de caractères assez nombreux chez lui, je n’aurais pas souhaité un autre père. Je l’aime, il est tout pour moi, je lui dois absolument tout… Le fait d’être en vie, ce que je suis devenue grâce à son héroïsme d’une nuit et son éducation… Grâce à la patience infinie dont il avait fait preuve envers moi. Et grâce à l’amour qu’il m’avait donnée, même s’il ne le montrait que trop rarement… Une larme roula sur ma joue, une seule. Et c’était une larme de joie. La joie de me rendre compte de tout ce qu’il m’avait offert… Je posais une nouvelle fois mon regard sur la petite. Je souris, ma décision était prise… Je lui léchais doucement le sommet de la tête et posais ensuite la mienne contre elle, pour l’envelopper de ma chaleur, de ma protection, de confort et espérais-je de sécurité. Je finis par m’endormir, mais la nuit était déjà très avancée, je sus déjà que même si je dormais jusqu’à son réveil, je n’aurais pas dormi bien longtemps…