Coussinets meurtris [Tulio] A ARCHIVER

A chacun de ses pas, elle laissait une trace de son ADN au sol. Il se mélangeait à la poussière de coquillages avant d'être absorbé par la terre friande d'humidité. Elle souffrait. Elle se forçait à continuer d'avancer à vive allure. Son poursuivant n'était pourtant plus derrière elle. Mais elle avait besoin de laisser un maximum de distance entre elle et lui. Les rosiers, puis la traversée à la nage de la mer et enfin cette barrière terrestre de coquillages coupants lui semblaient nécessaire. Enfin, le sol se transforma en sable. Lui aussi se désaltérait de son sang. Son rythme de marche soutenu se fit plus hésitant. Hanna jeta un regard derrière elle. Il y avait maintenant trois obstacles qui la séparaient de l'Île aux Roses et de sa mauvaise rencontre. Cela lui parut suffisant. Il n'y avait plus besoin de faire violence à son corps. Encore un pas, un deuxième et elle se laissa glisser par terre. La chaleur du sable fin lui procura un maigre réconfort. Exposée dans une zone ouverte n'était pas ce qu'elle avait connu de plus sûr. Mais elle n'avait pas le choix. Dans leur état, ses pattes ne pourraient guère la porter plus loin. Sa fuite éperdue pour sa survie lui avait offert de nombreuses coupures au niveau des coussinets. Chaque pas était douloureux. Et ses coussinets étaient la première partie de son corps à toucher le sol. Ils la portaient. Blessés comme ils étaient, ils avaient perdu leur fonction de stabilité. Elle était comme un arbre avec des racines endommagées. Affaiblie. Rendue au statut de proie facile… Ainsi immobilisée, elle chercha du regard quelque chose à laquelle se raccrocher. Elle ne devait pas penser à sa situation, sinon elle risquait de tomber dans le désespoir. Les rayons du Soleil jouant sur le nacre attira son attira. Un jeu de couleurs magnifique. Des minis arc-en-ciel partout. Elle était exposée à tout danger, mais était entourée d’arc-en-ciel terrestres. Des larmes tracèrent des sillons sur le museau d’Hanna. C’était absurde.

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Toute créature affaiblie attire son prédateur. Elle le sait et ne peut qu'attendre patiemment son visiteur. Une attente vraiment désespérée et à l’issue probablement fatale. Un lien invisible existait entre ces deux castes. L'instinct peut être ? Ou une invention de ceux que l'on appelait des Dieux ? Cruelle existence. Affreux jeux d'enfants divins.

La ronde des arc-en-ciels fut brisée. L'ombre lupine empêchait certains rayons solaires de se refléter sur les coquillages de nacre. Adieu les jolies couleurs. Ce que craignait Hanna était arrivé. Sa solitude blessée n'était plus. Une situation bien trop prévisible à son goût. Avec lenteur, elle tourna sa tête vers le nouveau venu. Elle prit tellement de temps à effectuer ce mouvement plein d'appréhension, que l'Inconnu lui avait déjà adressé la parole. Elle déglutit et à travers sa vision brouillée, elle essaya de déceler le degré de dangerosité de son interlocuteur. Elle aperçut un sourire et des yeux inquiets. Etait-ce de la sincérité ? Cela lui changeait de son précédent agresseur. Mais elle était trop lente. A moins que ce ne fût l'Autre qui était trop rapide ? Après tout, il y avait des loups dotés d'étranges dons par ici. Déjà, il changea de position. Elle observa avec étonnement son manège avec le petit crustacé. Une menace qui perdit toute sa superbe suite au gémissement poussé par le pincement. Face à cette scène et surtout à ses paroles, un léger doute envahit Hanna. C'était ridicule. Elle ne devrait même pas pouvoir concevoir cela. Mais le doute était là. Et il enflait au fur et à mesure de son imagination. Il fallait qu'elle l'évacue sinon elle allait se faire submerger.

« Mais... Les crabes peuvent dévorer les loups ici !? »

Si c'était vrai, elle avait beaucoup plus à craindre de ces crustacés que du loup présent. Toute sa peur était dorénavant dirigée vers cette affreuse éventualité. Mourir découpée par des pinces miniatures. Quelle torture cela devait être ! Elle en frissonna.

[Hop, petit up :3 ]