Buried alive | Ft. Kaylee

Comme une ombre au beau milieu des montagnes, Yogan rôdait. La nuit était tombée et le froid de l'automne était bien présent en ce jour, donnant plus envie de dormir bien au chaud dans une grotte plus tôt que dehors ce soir-là. Pourtant Yogan était dehors en pleine nuit, car c'était un des seuls moments où il pouvait avoir un minimum de tranquilité. Il avait échappé à la surveillance de son père pour venir s'aventurer ici, là où il n'avait encore jamais mit les pieds. Il faut dire que vu leurs journées, ils ne s'éloignaient pas vraiment du lieu familial et restait la plupart du temps dans le coin. Mais le jeune loup au pelage sombre se sentait étouffé dans ce coin, il avait besoin de s'évader un peu de temps en temps même si il risquait sans aucun doute la colère de son père à son retour et les Dieux savent à quel point cette colère est effrayante.

La flamme au bout de sa queue était stable, éclairant légèrement les alentours. Tout était désert et un petit vent froid du nord balayait sa fourrure. Son regard dur balayait les environs et ses pattes puissantes bien ancrées dans le sol ne bougeaient pas d'un poil. Il se mit alors à faire quelques pas en direction du vide pour s'arrêter au bord de la falaise et observer le peu de paysage qu'il pouvait voir dans la pénombre. Il se sentait comme un fantôme dans ce monde si vaste, la sensation de n'avoir rien à faire là. A savoir que sa naissance était totalement imprévue lui faisait voir la vie dans ses couleurs les plus ternes. Il s'imaginait disparaître sans jamais laisser aucune trace de lui tout en se disant que ça ne changerait pas grand chose. Il ne manquerait à personne si il disparaissait maintenant, ni à son horrible père, ni à sa fratrie, ni même à sa mère qui serait sans doute soulagée de ne plus avoir ces enfants indésirés à sa charge.

Il contemplait le vide avec envie...

Kaylee avait échappée à Athelstan pendant quelques minutes, ses yeux pleins de douceurs cachaient en réalité un ami à toute épreuve à qui rien n'échappait et sortir de son champ de vision relevait du miracle. Elle pouvait à présent goûter au sentiment de liberté qui la grisait tant. Sentiment qu'elle adorait et qui procurait toujours un bien fou. Elle se sentait capable de tout et c'était grisant. La louvette courut, encore et encore, elle oublia la fatigue, les crampes et la douleur et se contenta d'admirer les paysages qui s'offraient à elle. Kaylee adorait les terres neutres, elle ne risquait rien là-bas après tout elle avait elle même été solitaire et savait se débrouiller. Lorsque son "mentor" ne la regardait pas, elle pouvait y aller autant qu'elle voulait, bah oui maintenant elle avait un rang, le pire de tous d'ailleurs; louveteau. Mais elle s'échappait quand même régulièrement, la liberté l'appelait après tout! C'était si drôle de voir la tête de son frère adoptif quand elle revenait intacte et qu'elle lui racontait ses aventures. Dire que ce gros nounours l'avait sauvé. Dur dur d'y croire!

Après des heures de marche, la loupiote arriva dans de belles montagnes qui lui rappelèrent son traumatisme du vide. Elle se tint donc tout le long du trajet pour arriver au sommet, à l’affût et collée aux parois rugueuse -et peu agréables au contact- de la montagne. A force d'avancer, elle tomba sur une grotte. Elle entendit l'écho de ronflement de congénère et préféra ne pas les réveiller. Kaylee continua sa route à pas feutré. Elle tomba alors son un louveteau d'approximativement son âge, au bord du falaise, regardant le vide avec le même regard qu'elle avait eu, il voulait sauter.
La louvette courut, elle courut aussi vite qu'elle le put et sauta sur lui. Elle se brûla au niveau de la patte arrière, mais il devait avoir été réveillé par le choc.
Personne ne devait sauter, personne ne devrait se donner la mort.
Personne.

Elle le laissa se relever et lorsqu'elle essaya à son tour, jappa. Sa jambe avait été salement amochée. Si bien qu'on voyait la chair brûlée et les poils ébène de celle-ci calcinés autour de la plaie. Impossible pour elle de se déplacer ou de bouger son membre. Et si jamais celui qu'elle venait de sauver était agressif, Si elle s'était inutilement mise en danger? Elle avait peur,
mas au fond d'elle, elle savait qu'il ne lui ferait rien. Pour une raison qui lui était inconnue.

Bo... Aïe!, Bonjour je m'appelle Aïe, Kaylee. Tu pourrais AÏEUUUU m'aider?

La loupiote se sentit défaillir, mais elle résista et évita de regarder une nouvelle fois la plaie, sinon, elle allait en vomir son déjeuner. L'inconnu était son seul espoir et ce n'était pas bien joyeux de se dire qu'elle allait s'il l'aidait, lui être redevable;
Argh, elle détestait avoir une dête envers les gens!

N'empêche, il était beau...

Ce vent qui semblait délicatement le pousser vers l’échappatoire de sa vie, cette glaciale nuit d'hiver et ses yeux de feu qui brûlaient d'envie d'abandonner tant qu'il en avait l'occasion comme un lâche qui échappe à sa vie,
tout semblait indiquer que Yogan allait prendre son envol pour passer l'arme à gauche. Pourtant un choc violent sur son flanc le rappela aussi soudainement que brutalement et son corps tout entier s'éloigna du vide et de la mort en quelques secondes.
Comme un coup de tonnerre qui sort du sommeil et qui met fin à un rêve.
Il se releva lentement, sonné, la flamme au bout de sa queue clignotante à cause de son étourdissement. Lorsqu'il balada ses yeux autour de lui pour chercher une explication, il vit sur le sol une louve presque entièrement noire. Elle l'avait peut-être sauvée, lui ne voyait pour l'instant en elle que celle qui l'avait empêché de mettre fin à son cauchemar.
Son visage étourdi et inexpressif se changea en visage colérique impulsif et les poils de son échine se sont hérissés.

"Ça va pas de me sauter dessus comme ça ?! Pauvre folle !!"

Mais la louve ne semblait pas tellement prête à se défendre pour l'instant, étant plus préoccupée par une blessure qui l'empêchait de se relever. Yogan s'est calmé, observant l'inconnue. Elle s'est présentée sous le nom de Kaylee et implorait au mâle au pelage sombre de l'aider. Un plaie se trouvait au niveau de sa patte, brûlée, comme la plupart des poils qui se trouvaient autour. C'était le risque qu'elle avait prit en lui sautant dessus : le risque de se brûler à cause du bout de sa queue enflammé. La surprise a d'ailleurs du augmenter l'intensité de sa flamme, d'où le fait qu'elle se soit bien blessée.
Yogan aurait voulu s'enfuir, ne voulant pas perdre son temps à sauver cette louve inconnue, mais curieusement quelque chose l'en empêchait. Il ne pouvait pas se permettre ça car c'est ce que son père aurait fait, égoïste comme il est. Ou alors il aurait fait encore pire, quelque chose qui aurait fait souffrir d'avantage cette louve pour son plaisir personnel. Mais comme Yogan se tenait là, devant cette louve, comme son père se tenait devant sa mère trop faible pour s'enfuir le jour où il a fait l'impardonnable, il allait l'aider pour au moins se prouver qu'il ne serait jamais l'ordure qu'était son père.
Il s'approcha de Kaylee, l'observant de son regard de orangé dans la pénombre. Il n'avait aucune compétence en médecine contrairement à sa mère, il ne savait donc pas trop quoi faire.
Heureusement, il pouvait s’estimer heureux d'avoir quelques accessoire qui pouvaient lui être utiles. Il retira alors un des bandages qui se trouvaient à ses pattes arrière et vint l'enrouler autour de la plaie. Il serra assez fort ce dernier pour arrêter les saignements, le bandage se colorant peu à peu en rouge.

"C'est tout ce que je peux faire, désolé mais je suis pas médecin..."

Il eut l'impression que son ton était assez sec, pourtant il n'y avait aucune agressivité dans ses intentions. Sa voix était naturellement comme ça, comme si il avait du mal à communiquer avec les autres loups correctement.

"Moi c'est Yogan."

Il recula de quelques pas, comme si la proximité le gênait. Il n'aimait pas se trouver trop près d'un autre loup, comme si il avait peur de se faire poignarder. Le jeune mâle était sans doute trop habitué aux actes violents de Messala, son père...
Il était donc naturellement méfiant.

La louvette observa le loup en face de lui s'énerver. Elle rabattit ses oreilles en arrière, ayant l'impression d'avoir été attaquée. Elle ne voulait pas lui faire de mal, elle voulait juste l'aider... Kaylee ne comprenait pas pourquoi il se montrait agressif, peut-être qu'en fait, il ne voulait pas sauter, pet-être qu'elle lui avait juste fait mal... Elle se roula en boule et essaya de se faire petite par peur qu'il lui crie de nouveau dessus. Tout petite, comme les coquillages de la plage. Aussi petite que possible.
Elle attendit tout doucement qu'il se calme et une fois la tension descendue, elle leva sa tête et le regarda dans les yeux. Puis elle inspecta son bandage et dit timidement;

Je m'excuse, j'ai cru que tu allais sauter. Je.. AIE.. je connais ce regard, je l'ai même arboré... Je suis vraiment désolée, je voulais pas te faire mal.

Elle essaya de bouger, mais c'était impossible. Sa patte était bloquée, comme rouillée. alors elle se débrouilla pour combler le manque de communications.

Tu es un solitaire?. Je l'ai été, moi aussi. Seulement un loup m'a sauvé alors que j'ai sauté, u n peu comme toi et moi, alors je lai rejoins. Il est un peu mon père maintenant! Et sinon, pourquoi vis tu là?

Le petite femelle semblait se recroqueviller sur elle-même, paraissant encore plus frêle qu'elle ne l'était. Sa voix trahissait un mélange de panique et de frustration due à la douleur qui l'empêchait de se relever. Yogan ne fit rien face à ça, continuant de l'observer d'un regard neutre, écoutant simplement ses paroles. Elle disait qu'elle connaissait ce regard,
voulant sans doute parler du regard que Yogan a arboré lorsqu'il contemplait le vide. Kaylee prétendait elle-même avoir vécu la chose... Est-ce que cela lui a suffit à comprendre les intentions du loup à la crête de feu ? Et comment le hasard peut être aussi bien faire les choses pour qu'il tombe juste sur la louve qui connaît la même douleur que lui ?
Est-ce que c'est ça le destin ?
Peu importe, il ne pouvait pas imaginer que quelqu'un puisse vivre le même enfer que lui... Rien ne peut être pire...

"Tu ne m'as pas fait mal." lâcha-t-il simpelment.

La seule chose qu'il avait acquit de positif de la part de son père, c'était des muscles épais et solides. Ce n'est pas une petite louve comme elle qui risquait de lui faire du mal, la preuve est d'ailleurs là : c'est lui qui lui a fait mal en retour. Il faut dire d'avec la flamme au bout de sa queue et les pics pointus sur son dos, il n'était pas le loup le plus doux et pacifique.

Ça devait sans doute être le choc, mais elle semblait avoir du mal à s'exprimer. Yogan plissa les yeux en l'écoutant, se concentrant pour comprendre. Il tira finalement l'essentiel, retenant qu'elle a été sauvé du suicide par un loup de clan qui l'a prise sous son aile en la faisant rejoindre son clan.
Une louve de clan alors...
Il ne savait pas trop comment le prendre. Il ne savait pas vraiment si il devait être plus ou moins pacifique envers elle du fait qu'elle faisait partie d'un clan. Au fond, ça n'avait pas tellement d'importance, lui-même ne se considérait comme ni l'un ni l'autre. Il ne faisait pas partie d'un clan mais pour lui, un solitaire pouvait aller où bon lui semblait, or ce n'était pas le cas pour lui puisqu'il "appartenait" à son père. Il n'était donc pas solitaire, il était plus un simple pion, un objet, un être qui n'a d'importance pour personne.
Mais il se contenta de lancer :

"On peut m'appeler "solitaire", mais ma situation est plus compliquée que ça."

Il n'en dirait pas plus à ce sujet, il ne savait pas ce que son père était capable de lui faire pour avoir dévoiler des informations sur le fait qu'il tenait prisonnier sa mère etc... Il ne devait rien dire et de toute façon il serait incapable de dévoiler quoique ce soit.

"Je ne vis pas ici, ma maison c'est la plaie du monde."

Il haïssait cet endroit, presque autant que sa propre vie. Il avait vécu toute sa vie là-ba, c'était une raison valable pour détester ce lieu. Il voulait juste s'enfuir, ne plus jamais revoir cette caverne effrayant dans laquelle il a passé son enfance. Il voulait juste courir n'importe où, ça sera toujours mieux que la plaie du monde...
Mais il ne pouvait pas, il était coincé...
Il ignorait ce qu'il allait faire si elle ne pouvait pas se relever. Le mâle aux cheveux de feu allait peut-être devoir la raccompagnée chez elle... Il espérait ne croiser personne sur le chemin si il se retrouvait obligé de le faire. Heureusement,
la nuit n'était pas le moment de la journée le plus propice à croiser d'autres loups.

"Tu penses pouvoir te relever ?"

Sa voix ne trahissait aucune intonation, seule une de ses oreilles remua au rythme de ses paroles.

Kaylee

Kaylee releva simplement sa tête pour apercevoir le louveteau qui lui parlait d'une voix assez sèche et inexpressive. Elle détestait ne pas connaître les émotions des autres, comme si l'inconnu face à elle refusait de lui faire confiance. Elle avait du mal à comprendre la notion de méfiance. Comment quelqu'un pouvait-il faire cela sans raison? Elle ne comprenait pas. Ne se disant même pas qu'il avait ses raisons, elle ruminait et bouillonnait de l'intérieur.
Kaylee sentit ses yeux briller lorsqu'il évoqua sa situation. Cela l'intriguait, comme si cet inconnu cachait un nouveau mystère, une nouvelle énigme, qu'elle devait résoudre. Elle ne le lâcha donc pas des yeux, oubliant sa douleur tant elle était perdue dans ses pensées, sa micro colère s'évanouie instantanément. Il était en réalité un individu très complexe. La petiote avait réussi à cerner Athelstan au premier coup d’œil, rien qu'en entendant ses paroles (de type médiévales d'ailleurs) bizarre mais poétiques, elle avait compris qu'elle devait s'en remettre à lui. Et jusque là, son jugement s'était avéré juste! Alors pourquoi n'y arrivait-elle pas avec lui?
La petite ne chercha pas à comprendre, il fallait qu'elle marche, qu'elle aille mieux. Il fallait froid dehors le soir, les Monts Célestes étaient dangereux de jours et sûrement meurtriers de nuit, ils n'étaient jamais à l'abris d'un éboulement. Yogan semblait mystérieux et elle voulait en savoir plus sûr lui, il serait sûrement plus maniable en marchant. En tout cas elle l'espérait!
Elle essaya de sortir de sa petite boule mais elle avait un peu peur de lui et il lui était difficile de bouger sa patte. Elle prit son courage à deux mains et serra fort les crocs lorsqu'elle se leva. Kaylee fit tout ce qu'elle put pour réussir à tenir seule, son égo étant trop gros pour qu'elle puisse accepter de l'aide, surtout venant de lui. Ce n'est que lorsqu'elle voulut un pas et qu'elle fut comme frappée par la foudre au niveau de sa blessure qu'elle se dut se résoudre en rechignant à s'appuyer sur le louveteau. Elle s'inclina légèrement sur lui, se servant de sa présence et de son appuie pour compenser son handicape. Yogan dégageait constamment de la chaleur, elle appréciait cela, Kaylee eu l'impression d'être protégée, comme dans un petit cocon tout chaud, fait pour elle.

Alors qu'ils venait de commencer à avancer -à peine trois pas- elle lui demanda;

Tu dis venir des Plaies du Monde, seulement cet endroit est horrible, comment fais tu pour y vivre? Et pour vouloir y rester? Les Côtes de Nacres ne te tentent pas? De longues étendues ou l'on peu courir, surtout bordées d'eau! Ces plages transpirent la liberté et la joie, alors pourquoi ne pas changer d'emplacement?