Upset. | ft. Spleen

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Cette nuit, Spleen était partie en douce. Maman se reposait après une rude journée et la compagnie de ses compagnons de meute ne l'interpellait pas particulièrement. Elle était du genre solitaire et taciturne, préférait le calme et l'absence d'agitation. Cela lui permettait de mieux s'abîmer dans des réflexions abstraites. Souvent elle se laissait tomber dans une espèce de contemplation passive de son imagination qui travaillait à lui faire vivre mentalement la rencontre avec l'inconnu qu'était son père. La louvette blanche ne savait rien de lui, pas même son nom, pas même s'il était en vie quelque part ou s'il n'existait plus que dans ses rêves. Heever refusait catégoriquement de lui répondre et changeait de sujet rapidement, pour esquiver d'autres questions. Quant aux autres Raeders, aucun ne connaissait l'identité de son géniteur que la Médecin gardait secrète. Même sa grand-mère ne savait pas ! Mais Spleen sentait bien par moment que Paprika aurait des choses à dire. Enfin bon. La petite femelle était forcée de se fier au jugement de sa mère sans savoir pourquoi ni par qui elle avait été engendrée. Ça la rendait triste, parce qu'elle ne savait même pas si elle avait été désirée ou non. Elle savait que sa mère ne l'avait pas sentie venir jusqu'à ce qu'elle soit née, entre ses pattes et tétant à son ventre. Cela voulait-il dire qu'Heever n'avait jamais voulu d'elle ? Parce qu'elle n'avait jamais imaginé être mère, cela voulait-elle dire qu'elle ne l'aimait pas ? Non, c'était faux. Même si leur relation était peu démonstrative en tendresse et complicité, l'enfant savait que sa mère ferait tout pour la protéger, alors elle ne lui demandait rien de plus. Même si des fois elle regardait les enfants de Thyara avec envie quand elle les voyait rire avec leurs parents. Avec leur père aussi. Son paternel ressemblait-il à Hyozan ? Gentil, affectueux, rieur ? L'aimait-il d'aussi loin qu'il était ? Savait-il seulement son nom ? Connaissait-il même son existence ? Ces questions tournaient souvent en boucle dans la tête de notre jolie gamine, si bien cette nuit qu'elle se retrouva perdue au milieu d'un vaste territoire qu'elle ne connaissait pas. Vaguement inquiète, elle décida de rebrousser chemin mais ne trouvait plus sa propre odeur dans ce froid de canard. Des volutes de fumée blanche sortaient du sol et réchauffaient son poil par moment, pour laisser ensuite l'air glacé lui arracher des frissons. C'était l'histoire de sa vie, quelques moments de sourire et de joie pour des chutes plus dures dans la monotonie du quotidien et la mélancolie. Spleen regarda autour d'elle, dans ces vapeurs, elle passait inaperçue. Au moins aucun prédateur ne viendrait la chercher ici... Elle leva la truffe vers le ciel sombre, ne vit rien d'autres qu'un brouillard épais et quelques traits de lumières pas trop loin. Curieuse et attirée par ces mouvements phosphorescents, la gamine s'approcha jusqu'à découvrir un loup a la crinière rouge vif allongé là, un peu en hauteur par rapport à elle.

« C'est toi qui fait des appels de phare ? »

Demanda t-elle, la tête penchée sur le côté gauche, faisant traîner sa longue natte sur le sol.

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Visiblement, elle avait surpris le mâle aux couleurs vives. Spleen en ressentie une certaine fierté même si elle eu un mouvement de recul en le voyant changer d'attitude. Passant de la sérénité à une méfiance exagérée. Elle n'était qu'une louvette, elle ne risquait pas de le mordre plus fort qu'une puce. La petite blanche haussa un sourcil alors que le grand gris a la belle crinière rouge se ressaisissait pour répondre. Au moins il était poli. Maman disait que c'était important d'être courtois en toute situation, Captain Mamy sous entendait plus ou moins le contraire. La commissure des babines de la jeune Raeder se soulevèrent en un sourire timide.

« C'est joli. Tu peux faire des trucs plus grand ? »

Demanda t-elle en s'asseyant. La Mousse avait une idée bien précise en tête en posant la question. Elle s'imaginait que ce loup avec son étrange capacité magique à faire des néons pourrait lui fabriquer un loup de toute pièce, en lumière phosphorescente, qui viendrait la rassurer la nuit et prendrait l'ombre d'un père imaginaire. En plus les autres louveteaux seraient trop jaloux, si elle avait un papa de lumière ! C'était tellement mieux qu'un simple papa... Ce qui était déjà des milliers de fois mieux qu'un papa fantôme. Elle allait tous les épater avec ça. Son esprit d'enfant encore facilement émerveillé se battait avec le sarcasme et le désenchantement de la mélancolie, qui déjà assaillait son petit coeur. Spleen avança une patte vers le reptile lumineux avant de se raviser. L'adulte lui posait des questions. Les prunelles de givre de la gamine remontèrent vers le mâle aux couleurs chatoyantes.

« Les Pirates ne craignent rien. »

Contra t-elle, peu impressionné. A partir du moment où elle pouvait s'éclipser du campement des Raeders tranquillement, elle pouvait se faufiler comme une anguille entre les pattes d'un prédateur pour se sauver les miches. C'était bien sur un peu faux, mais la témérité, l'insouciance et l'innocence de la jeunesse empêchait la louvette pâle de croire dans un possible danger qui la narguerait. Et puis d'un autre côté, l'un des rêves qui l'agitait la nuit et la rendait plus morose au matin, était qu'un grand loup tout de blanc vêtu -parce que son pelage serait similaire au sien évidemment- venait la sauver de milles et une menace. Et comme il s'agissait d'un songe récurrent, se réveiller ces matins là était chaque fois plus pénible. Car ce loup n'existait pas. Ce sauveur n'était rien que du vent, des morceaux d'imagination furtifs qui s'envolaient et s'estompaient à peine ses paupières s'ouvraient sur une nouvelle journée. Spleen redressa le buste pour adopter une posture plus bravache et arrogante. Heever disait que l'attitude pouvait déjà faire pression sur les adversaires. Très calmement, la louvette ancra ses iris glacées dans celle azur, du dessinateur de la nuit.

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L'enfant observation ce mâle coloré esquisser des traits de lumière, elle le regarda tracer le dos, la tête, les oreilles, la truffe... Ses prunelles émerveillées étincelèrent lorsque l'oeuvre prit vie et s'éveilla autour d'eux. L'animal s'agita, les jaugea un instant avant de courir vers sa liberté et de s'estomper petit à petit pour retourner à l'état de poussière d'imagination. Le sourire aux babines, Spleen se tourna vers ce loup étrange qui venait de lui offrir un spectacle magnifique et fugace. Il en était d'autant plus beau qu'il était éphémère. Unique et réservée à leurs humbles petits yeux ensommeillés. La louvette blanche rejoignit le loup en quelques pas et le remercia chaleureusement pas une étreinte furtive. Un câlin innocent qui dura une petite seconde avant qu'elle ne s'éloigne à nouveau comme pour courir après le renard disparu. Et elle se stoppa à quelques pas, pour regarder le gris à la crête flamboyante.

« Je m’appelle Spleen. Future médecin des Raeders. »

Répondit-elle fièrement. Maman lui apprenait déjà plein de choses intéressantes.

« Et toi ? Tu es un loup de meute ou un Solitaire affamé de louveteaux ? »

S'enquit-elle soudain méfiante. Pas inquiète, mais suspicieuse. Elle avait trop confiance en sa rapidité de mouvement et pensait vraiment pouvoir fuir et disparaître comme le canidé de lumière qu'il lui avait fabriqué. Et puis, il avait pas l'air d'être assoiffé de sang de loupiot donc, elle ne craignait rien, si ? Et puis quelqu'un qui faisait de si belles choses en lumière pure ne pouvait être mauvais, pas vrai ?