Dernier fragment [sly]

Lorsqu'il était petit, son père lui avait souvent raconté son histoire. Il avait été un enfant dans hiver interminable, fruit avec son frère de l'union de deux jeunes loups peut-être un peu trop pour avoir des enfants dans des conditions d'apocalypse hivernale. Deux loups qui étaient tombés amoureux lors d'une promenade nocturne, la femelle crocodile et le mâle poupée de chiffon. Quand on raconte l'histoire de sa famille, de ses grand-parents, on aime bien que tout se passe bien mais peut-être que ce ne serait pas quelque chose qu'on raconterait dans ces cas là. Son père, jeune Ether avait toujours connu le Grand Hiver à cette époque de sa vie mais ses parents eux, avaient connu des temps plus cléments et comme beaucoup de loups, il n'avaient pas réussi à le tenir. Sa grand-mère Mâat s'était enfuie dans la nouvelle meute qui s'était créée à l'époque, ils ne s'appelaient pas encore les Brethens. Son grand-père, Cassiopée, lui, était tombé malade et n'avait pas pu suivre sa douce. Il en accusait les Dieux et sa trop grande foi en eux. Son père s'était occupé de lui jusqu'à ce que le pauvre bougre finisse par se tuer lui même, emporté par des éboulis et sa folie, au pied de la maison de Yurai, la déesse a qui il avait consacré sa vie. Son père avait raconté qu'il était resté très longtemps seul, son frère ayant disparu très tôt. Même après avoir rencontré sa mère, il était souvent seul, quand à sa grand-mère Mâat, son père n'avait renoué avec elle qu'à la fin de la vie de cette dernière.
Ether avait eu une vie solitaire et monotone alors il n'avait pas voulu que ses enfants aient ce même état de solitude, même si leur mère était peu présente pour eux, lui était là. Malheureusement, l'herboriste des séides, rendu malade par son glowstick avait doucement fermé les yeux pour une dernière fois dans son atelier, paisible, loin de se douter qu'il laissait derrière lui une famille qui devrait traverser de douloureuses expériences.
Il faut le dire, elle n'avait pas tenu, sa mère devenue alpha n'avait pas été une excellente chef, probablement, il n'en savait rien, il avait passé son temps à la critiquer par pure frustration ou jalousie mal placée. Il savait surtout qu'elle s'était ratée lorsqu'elle avait voulu devenir meilleur mère en dépit de la meute. Puis elle avait disparu avec le nom de séide et avec son frère.

Depuis qu'il avait eu son glowstick, Quartz se sentait cruellement seul, comme son père probablement autrefois.

Invisible aux yeux du commun des mortels ou du moins, les non croyants au surnaturel, il n'avait pas l'impression d'avoir sa place chez les Lazulis. Le problème, c'est qu'il ne pouvait essayer d'avoir une non-vie meilleur dans une autre meute, par son glowstick et la nature de son pouvoir, il était enchaîné à Ao et ses choix. Avec ça, plus fidèle disciple, tu meurs, littéralement. Oh il avait bien un ami qui traînait sur les terres de Punk Wolf, chef des Etelkru qu'il était devenu le bougre mais le fantôme ne l'avait pas revu depuis l'Apocalypse des Dieux, il ne savait même pas si ami était vraiment le bon mot qui qualifiait leur relation, certains diraient que ça n'y ressemblait pas.
Quartz s'était laissé emporté sur les Mont Céleste, forme évoluée de feu Jeune Cordillère, endroit où il avait grandi à l'époque où il était encore en vie, et surtout encore séide. Assis sur une pierre face au paysage il soupira, peut-être que ses relations passées faisaient elle aussi parti du souvenir séide effacé. L'avantage c'est qu'on ne pouvait pas lui reprocher quoi que ce soit, ce n'était pas du comme si, Quartz était littéralement l'âme errante d'un souvenir d'une époque révolu qui s'oubliait des mémoires. En ce jour froid des mois d'hiver qu'il ne ressentait pas, il était devenu un fantôme bien mélancolique.

Putain, il était surtout devenu un cliché ouais!

« Tss, bah voyons »

Mais bien sûr, on avait manqué une destruction totale du monde de peu à cause d'un problème familiale divin alors oui, rajoutons un rebelle histoire de se réveiller chaque matin avec une nouvelle Apocalypse. Merci mais non merci, Quartz avait déjà assez donné et fallait voir où ça l'avait mené, où il en était maintenant. Cette idée était vraiment stupide, et le mâle tricolore ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel avec une moue méprisante.
Oh ce n'était pas vraiment contre le mâle noir qui s'approchait en remuant sa crête de désespoir, enfin si, mais c'était pas contre lui particulièrement, le fantôme aurait râlé en voyant arriver n'importe quel autre personne maussade. Ou de bonne humeur, Quartz avait un don particulier pour ne jamais l'être, ce qui entraîner des envies de haïr toute personne qu'il croisait bien qu'une certaine louve avait réussi à le rendre de meilleur compagnie.

« Tu me marches à moitié dedans abruti. »

Nan mais franchement, ces vivants, toujours les mêmes, à toujours le traverser sans faire attention. Et le fait que deux sur trois étaient en général incapable de le voir n'était pas une excuse. Franchement les frissons soudain ne leur faisaient jamais se poser de question non d'un chien ? Là le noiraud s'était arrêté pile dans la moitié de son corps pour admirer le paysage en étalant ses idées saugrenues à haute voix comme s'il voulait que quelqu'un l'entende. Bah c'était réussi, Quartz l'avait entendu. Dans un grommellement incompréhensible, de toute façon, si l'autre lui avait marché dedans, c'était soit parce qu'il avait pas fait gaffe, soit parce qu'il ne pouvait pas le voir, la deuxième option étant plus plausible, il ne l'entendait donc pas non plus.

« Et vas faire ta dépression plaintive sur une autre montagne, ici la place est déjà prise ! »

Pelage hérissé par l'agacement, il l'était d'autant plus qu'il ne pouvait pas le pousser puisqu'il le traverserait automatiquement. Mais les années lui avaient apprise que le non vivant, il pouvait le toucher alors Quartz attrapa une petite pierre et la jeta sur la tête de l'agaçant inconnu. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas fait ça tiens.

La suite, Quartz la connaissait par cœur. Ils réagissaient tous pareil, encore et encore à quelques différences près. Au départ ils s'étonnent, puis ils cherchent et enfin ils paniquent, parlant au vide avec espoir de recevoir une réponse que le fantôme savait qu'ils entendraient pas puisqu'en général, il commençait par insulter la nouvelle rencontre en guise de premier dialogue.
Le mieux dans ces cas était probablement de partir, aller voir ailleurs s'il y était et laisser la rencontre parler réellement au vide en se fichant complètement de l'éventuelle frayeur causer. Oui un autre loup aurait probablement fait ça mais Quartz était ce type de personnage égoïste et à la fierté trop grande ou mal placé qui malgré la difficulté ferait tout pour garder sa place pour la simple et unique raison qu'il était arrivé là le premier alors qu'en temps normal, ce coin, il s'en fichait éperdument.

Laissant Monsieur tout feu tout flamme commencer à s'embraser, le fantôme alla choper un petit bout de bois mort avec lequel il commença à tracer des lettres dans la poussière. Ce n'était pas facile, déjà parce qu'en règle général, Quartz écrivait comme un pied, mais en plus, tenir un bâton, ce n'était pas lancé une pierre, ça demandait une plus grande maîtrise de son pouvoir, notamment pour éviter de passer au travers. D'ailleurs, très peu patient, le loup tricolore abandonna sa phrase en court de route, laissant simplement sur le sol un « DEGAGE DE » et un début de L.
Il fallait une autre tactique d'attaque. Ce que le fantôme appréciait sur ce lieux de souvenir, c'était que le paysage était rocheux et avait plein de petites pierres qu'il alla rassembler en un petit tas.

« C'est la guerre mon pote !»

Et il commença à bombarder le loup noir avec ses projectiles dans un rire de satisfaction. Ouais bon écoutez, quand on est mort, on s'amuse comme on peut hein !

Qu'est-ce que cherchait Quartz au final ? Une vengeance ? Un tue le temps ? Un peu d'existence ? Finalement la chose qui manquait le plus au fantôme était probablement de l'attention. On ne le voyait pas, on l'ignorait même tellement qu'on lui passait au travers pour la simple et bonne raison qu'il n'existait plus vraiment. C'était à chaque fois un véritable calvaire pour faire comprendre aux autres qu'il occupait quand même une petite place dans ce monde, qu'une tanière était à lui ou encore plus bête, que cette place là, il y était déjà assis. A chaque fois il fallait les convaincre à croire à ces idioties d'enfance pour se faire voir ou même entendre. Et puis Quartz n'était pas quelqu'un de très gentil alors être une petite raclure qui balance des cailloux sur les autres par pure frustration, ça ne le dérangeait pas vraiment. Voir les autres rager lui faisait oublier sa propre colère, c'était ses petits plaisirs.

Alors... Pourquoi cet espèce d'imbécile s'adonnait à une sorte de cours de maître de soit sérieux ? Il se mettrait sur une patte à rejoindre les trois autres en son centre dans un équilibre parfait que ça l'étonnerait pas. Quartz gonfla son pelage fantomatique dans une boule de mécontentement retenue puis il relâche tout. Et puis merde, garde là ta place toquard, le loup tricolore en avait marre, à chaque fois c'était pareil. Il n'y avait peut-être que le passé qui se souvenait de lui et le passé n'existait plus depuis longtemps alors à quoi bon se retourner l'âme avec des imbéciles du présent. Quartz commença à tourner les talons en maugréant lorsque la voix de l'autre l'arrêta.

OhOh tiens tiens tiens, la curiosité plus forte que le moine zen. Peut-être qu'il n'avait pas perdu totalement son temps finalement et surtout, l'autre avait dit qu'il avait gagné. Un immense sourire balafra la gueule fantomatique de Quartz lorsqu'il répondit, faisant face à nouveau à l'inconnu.

« Cela ne dépend que de toi. Si tu y crois, tu peux voir, moi je ne peux rien n'y faire. »

Sauf balancer des cailloux éventuellement.

Humphgrmblblb ! L'autre ne se donna même pas la peine d'essayer, allant simplement s'échouer en soupirant sur la place qu'il avait voler sans aucun respect. Nan mais franchement, vous y croyez vous ? Si le noiraud ne s'était pas plongé dans la contemplation du paysage devant lui, peut-être aurait-il vu un canin brun et blanc en majorité tirée une grimace de mécontentement en s'énervant tout seul. Bon au moins il avait gagné une considération, c'était déjà pas et en temps qu'être existant, à défaut d'être vivant, il estimait avoir le droit de se plaindre et de revendiquer cette place qu'il occupait tranquillement avant qu'on ne vienne le déranger. Alors il glissa à côté de l'inconnu, le museau un peu plissé par une certaine mauvaise humeur, les sourcils froncés et l'air un peu dédaigneux. Oh il ne savait toujours pas si l'autre pouvait le voir ou non, le temps que l'information force son petit cerveau à voir ces choses dont on refuse l'existence mais au moins il l'entendait et ça c'était déjà fort utile.

« Bien, maintenant que la communication est établie, j'aimerais récupéré cette place parfaite au bord du trou avec la parfaite vu sur un monde qui n'existe plus, assis tranquillement dans les vestiges de ce qui était ce monde.
Bref, rends moi ma tranquillité déprimante que je puisse regretter mon existence de chairs pas encore putrides »

Il les sentait déjà venir les questions, en mode comment ça ? Tout ça pour une bête place ? Des râlement sur le côté puéril de la chose, des commentaires et des avis peut-être justes et qui mériteraient réflexion mais que Quartz n'avait pas du tout envie d'entendre alors avant même d'avoir une réponse, il reprit.

« En fait tu sais quoi ? Laisses tomber, je supporte déjà suffisamment les idiots qui composent propre meute, j'ai pas envie d'avoir à le faire avec ceux de celle d'à côté »

Et il tourna les talons pour commencer à prendre le chemin du retour. Oh ça irait peut-être plus vite en passant par le précipice mais aussi étrange que cela puisse être, vieux instinct d'être anciennement vivant, l'idée de sauter d'une falaise ne lui avait jamais donner très envie.