Quand le mal est certain, la plainte ni la peur ne change le destin - Elaine.

Élaine

Les nuits deviennent de moins en moins longues, la lune timide se cache rapidement dès son frère rayonnant levé. Élaine se mouve avec une lenteur peu commune, Elle est debout depuis le milieu de la nuit, elle se sent mal, une certaine tiédeur se répand dans ses côtes mais elle sent la douce morsure du froid sur ses pattes. Elle foule le sol avec une élégance qui lui est sienne, et la neige émet un faible crissement. Ses couleurs ne sont pas revenues, depuis qu'une étrange créature sortie de la neige l'a touché, elle est devenue aussi blanche qu'un cygne, ses épais cheveux noirs, héritage paternel, se sont teintées d'une couleur ivoire. Quelques mèches rebelles tombent devant ses yeux, son souffle est court et ses muscles gonflés lui donnent la nausée. Elle a couru plus que de raison, elle est essoufflée, son cœur bat à cent à l'heure. Elle a repris une sorte d'entraînement que son père lui dispensait quand elle n'était qu'une gamine frêle, elle s'entraîne à l'endurance, à la rapidité mais aussi à l'agilité, elle se retrouve parfois dans la forêt ou au bord de l'océan sur les falaises pour esquiver des coups invisibles. Elle marche avec douceur, étirant chaque pas pour dénouer ses muscles. Au loin, elle aperçoit une silhouette. Elle reste à l'écart, le soleil pointe son nez timidement, il tarde à se lever et Élaine doit plisser quelque peu les yeux pour résister aux étirements des rayons solaires. Un faible murmure résonne derrière elle, les arbres s'agitent, se frôlent, s'étreignent, les branches nues de certains fouettent les voisins, les conifères bougent fièrement, ne perdant aucune épine. Elle sourit, et une bourrasque fraîche ébouriffe ses cheveux blancs. Si elle les détachait, on pourrait la prendre pour sa mère, mais elle sait très bien que sa génitrice n'est point sur ces terres. Elle continue sa progression et s'approche de l'inconnu au loin. Elle voit une faible lueur rouge danser dans le vent, et constate que le lupin fait parti des siens. Avec une pointe de soulagement qui lui transperce le cœur, elle s'arrête à ses côtés. Il est bien proche du bord, songe-t-elle. Elle s'éclaircit la gorge pour le prévenir de sa présence mais également pour chasser sa voix enrouée pour ne pas l'effrayer.

"L'aube est magnifique à contempler ici."

Elle plonge ses iris vertes dans l'eau et imagine les habitants aquatiques. Elle s'assoit, le dos droit, la tête légèrement haute. Elle a pris l'habitude d'adopter cette attitude pour se donner plus d'aplomb, et à présent, cette position fait partie d'elle. Elle avait commencé en se sentant ridicule à vouloir agir comme une reine mais elle avait réussi : d'une démarche d'adolescente courbée et renfermée, elle était passée à une démarche élégante et souveraine, espérant toutefois ne pas paraître hautaine. Elle penche la tête et tourne son regard vers son semblable, un sourire amusé aux lèvres. Elle est en retrait, comparé à lui qui est bien proche de la limite des falaises.

"Tout va bien ?"

La jeune Alpha ne veut pas l'embêter, elle aime juste rencontrer les nouveaux museaux qui pointent dans sa meute, et au vu de son regard perdu dans le vague et de sa proximité avec le vide, elle espère qu'il ne sautera pas.

Élaine

Le jeune loup la regarde, et Élaine remarque ses iris sont aussi rouges que du sang. Elle sourit faiblement, il a l'air désolé, triste et abattu. Elle détourne le regard, ne voulant pas que ses yeux paraissent inquisiteurs. Elle sourit à ses mots, et sent alors une certaine appréhension dans la voix du jeune mâle noir. Il est normal de se sentir perdu dans une nouvelle vie, une nouvelle meute. Elle observe toujours l'horizon, le vent mord chaque partie de sa peau, il fait encore frais. Même froid. Élaine frissonne et sent un picotement à l'intérieur de ses narines, elle fronce la truffe, et éternue dans un bruit aiguë. Elle sourit, amusée, et frissonne encore.

"Ne t'excuse pas, c'est moi qui perturbe tes pensées."

Sa voix est chaleureuse, dénuée de toute sensation d'agression ou de gêne.

"Tu te sens bien, parmi nous ?"

Une question innocente, aucunement un piège. En tant qu'alpha, elle est aussi une confidente, une sœur, une amie pour tous les membres de sa meute, et elle préfère entendre ce qui ne va pas pour y remédier. Elle se donne tous les moyens pour que chacun se sente bien au sein des Etelkrus. Son regard clair se pose sur son compère de meute, et observe ses quatre chaussettes aux couleurs flashy et différentes les unes des autres, elle sourit, et attend patiemment, écoutant le bruit des vagues en contrebas, s'écrasant contre les falaises hautes et imperturbables.