Bring Time a color | Epreuve de glowstick

[Ce Rp se passe juste avant la sècheresse, à la fin de l'hiver]

Le matin chatouillait l'horizon d'une lumière froide, rose et grise, quand vint enfin le jour pour Bree de se présenter au dieu Mido pour obtenir cette lumière émeraude qu'elle voyait briller chez son paternel depuis bien des lunes. La mauvaise saison traînait en longueur, leur laissant des matins gelés et des jours de grisaille profonde. Mais ce matin-là eut une toute autre saveur, alors qu'elle quittait le camp pour se diriger vers la Vasque de la Lune d'un pas avec plus d'allant que d'ordinaire. Elle avait longuement réfléchi, et passé une bonne partie de la nuit à arranger ses cheveux et son apparence. Son pelage de neige brillait dans la lueur matinale piquetée de brume, et ses longues mèches flottaient autour d'elle en une aura légère. Même si elle avait toujours été persuadée que sa voie était celle du Raptor, elle avait préféré prendre son temps, s'isoler du reste de sa famille dans laquelle régnait une atmosphère des plus étranges, puis réfléchir à ce propos. Son frère Irwell était parti à l'aube de sa deuxième année, et elle voyait bien que sa mère le supportait de moins en moins et était rongée par l'inquiétude de ne pas le voir revenir. Et il y avait eu cette histoire à propos d'une enfant que Roy aurait eu avant eux, une petite louve du nom de Spleen qui vivait ur l'île de Morne-Oeil. Etrangement, malgré les allers et retours fréquent qu'elle y faisait, la blanche ne l'avait jamais croisée encore. Rien de tout cela n'avait contribué à un climat paisible dans le trio que formait désormais sa famille, malheureusement.

Elle parvint en peu de temps à la dépression de terrain au centre de laquelle se trouvait le petit lac auprès duquel elle aimait à se promener seule parfois. Elle se demanda si c'était le lieu en lui-même ou la proximité avec le temple du dieu vers lequel elle se sentait destinée qui l'y avait amenée, mais la Vasque de la Lune était sans doute l'un de ses territoires préférés parmi ceux des Lazulis. Elle s'arrêta un instant en haut d'une butte et contempla la marée d'herbes givrées et le lac qui dégelait doucement au fil des jours. Le printemps ne tarderait plus, tout le monde le disait. Elle qui ne l'avait jamais connu encore, enfant d'un long hiver, était curieuse de voir à quoi cela ressemblerait.
Elle reprit sa marche dans les herbes qui craquaient sous ses pattes et descendit la pente douce qui menait sur la berge. Quelques instants plus tard, elle atteignait l'entrée du sombre boyau qui menait à la Tanière Profonde. Sans plus d'hésitation, le coeur battant, elle s'y glissa agilement. Il fallait parcourir un peu de chemin la tête penchée avant que le sol ne redevienne plat et que le couloir soudain se transforme en une large et haute allée souterraine, au bout de laquelle se dressaient deux colonnes indiquant la véritable entrée du Temple. Bree n'y était jamais entrée encore. Son père ne priait que très peu les dieux à même leur temple et elle n'avait jamais ressenti la pulsion qui lui en aurait fait franchir l'entrée. Ce fut donc avec un regard candide qu'elle découvrit ce à quoi la demeure sacrée ressemblait.

C'était une grande salle au plafond soutenu par d'immenses colonnes. Au centre trônait une tatue du Raptor à figure lupine, sous laquelle coulait le liquide lumineux de sa fontaine. Ce dernier jetait partout des reflets émeraude qui dansaient doucement. Tout était fait du'ne pierre froide et incroyablement lisse, sur laquelle étaient parfois déposés des ossements immenses. Jamais aucun animal que la jeune louve n'avait croisé n'en possédait de tel, elle en aurait mis sa patte à couper. Elle s'avança à petits pas, impressionnée par le regard de pierre que jetait sur elle l'immense statue. Elle se rendit compte qu'elle ne savait pas exactement ce qu'il convenait de dire lorsque l'on s'adressait à une entité divine, et s'arrêta devant la fontaine emplie d'hésitation. Elle inspira profondément. Il n'était plus temps d'hésiter maintenant.
Le moment était venu.

"Je vous salue, seigneur Mido." Dit-elle en inclinant la tête dans un signe de déférence, et sa voix résonna doucement entre les arches de pierre "Je me présente à vous ce matin pour demander à passer votre épreuve. Je souhaite rejoindre les disciples du Raptor, comme mon père avant moi."

Ses mots s'éteignirent, et avec eux commença l'attente.

Un frisson parcourut l'échine de la jeune louve lorsque la lumière s'intensifia devant elle et que le Raptor apparut. Auréolé d'émeraude,  peine plus grand qu'elle, il lui fit face avec majesté. Le coeur de Bree bondit dans son poitrail étroit.  Elle avait écouté les récits de ceux qui voulaient bien partager le contenu de leur épreuve, et tous décrivaient leur première vision des divinités avec une sorte d'émerveillement. Maintenant, elle comprenait ce qu'ils tentaient d'exprimer par des mots bien trop maladroits pour pouvoir le faire. L'incarnation d'un dieu devant elle mettait soudain une toute autre réalité à ces êtres mystérieux qui veillaient sur eux depuis leur panthéon. Ils étaient restés dans son coeur comme une histoire, une tradition. Maintenant, elle sentait soudain combien ils étaient présents d'une toute autre manière.

Lorsqu'il lui parla, elle ne put rien répondre d'autre qu'un hochement de tête. Elle s'assit face à la silhouette divine et ne put retenir l'ombre d'un sourire lorsqu'il évoqua ses ancêtres. Elle n'ignorait pas que nombre d'entre eux s'étaient voués au Raptor, mais il était particulièrement touchant de constater que même au regard des dieux, ç'avait été quelque-chose de notable. Lorsqu'ils s'assit à son tour, elle comprit que l'épreuve commençait véritablement. Le sourire disparut pour redonner à son visage cet air sérieux si caractéristique de son paternel, ses prunelles de glace se fichèrent sans peur aucune dans les yeux d'un verts lumineux de Mido.
Oui, le moment était venu.

La première énigme ne se fit pas attendre, et surprit la jeune louve par son apparente simplicité. Elle sut aussitôt qu'elle ne devait pas répondre tout de suite. Elle devait entendre les trois parts de cette épreuve, puis ensuite y consacrer toutes ses ressources intellectuelles. Elle nota la première dans un coin de son encéphale, puis écouta avec attention la seconde. Plus subtile, plus longue aussi, elle se concentra pour en retenir les moindres mots. Enfin, la dernière fut énoncée. Et les méninges de la louve blanche se mirent en branle, pour un exercice sans répit jusqu'à ce qu'elle ait donné trois réponses justes.

Je peux être d'émeraude ou de canard.
Celle-ci lui paraissait d'une évidence presque enfantine, mais elle s'accorda tout de même un court instant pour vérifier qu'elle ne partait pas dans une direction complètement fausse. Peut-être le piège était-il de croire à un piège justement, en herchant une réponse alambiquée à l'endroit où elle devait être instinctive - pour qui avait déjà vu un canard dans sa vie, ce qui était fort heureusement son cas.

"Ma première réponse est le vert." Lança-t-elle.

Sa voix résonna entre les hautes colonnes, et le silence l'invita à reprendre sa réflexion. La seconde énigme était plus complexe, et de fait plus intéressante. Bree ferma les yeux. Si elle demandait à chacun de ces gardiens s'il se trouvait devant la porte du Paradis, elle obtiendrait forcément deux fois la même réponse, mais impossible de départager les deux êtres. Mauvaise piste. Elle changea d'optique et s'imagina ne poser la question qu'à propos d'une seule porte. Si elle désignait une porte et demandait à chacun des gardiens "Est-ce la porte du Paradis ?". Cette fois-ci, deux réponses contradictoires, et de nouveau impossibilité de départager. Elle avorta sa réflexion consistant à demander à chaque gardien si l'autre se trouvait devant la porte du paradis... Et soudain elle comprit. La réponse était plus subtile que cela, et devait forcément impliquer chacune des créatures pour fonctionner.

"Ma seconde réponse est de me placer devant l'une des portes, et de demander à chacun des gardiens si son camarade me dirait que je suis devant celle du Paradis."

En effet, quelle que soit la combinaison, elle obtiendrait toujours une double réponse négative si elle se trouvait devant - le menteur lui dirait que non et l'honnête que non également - et une double réponse positive s'il s'agissait de la porte devant laquelle elle ne se trouvait pas. Son coeur se gonfla et elle espéra de tout coeur qu'il s'agissait de la réponse juste. Elle avait beau chercher une faille, elle n'en trouva pas et se résolut à aborder la dernière énigme.

En réfléchissant à cette dernière, quelque-chose la fit tiquer. Un demi-trou ? Qu'est-ce que cela signifiait donc ? Elle fronça légèrement le museau, sa conceptualisation des choses tournant en rond en essayant de s'imaginer un demi-trou. Ce qui pour elle n'était techniquement pas possible puisqu'une fois creusé il s'agissait, tout plus petit ou moins profond qu'il soit, un trou. Troublée, elle réfléchit encore un instant. Puis décida de prendre son courage à deux pattes et lança en ouvrant les paupières :

"Ma troisième réponse est qu'il n'y en a pas. On ne peut pas creuser de demi-trou, seulement des trous."

Elle sentit l'appréhension déployer ses tentacules dans son esprit. Sa dernière phrase lui sembla soudain bien téméraire, trop précipitée peut-être ? Désormais, la balle n'était plus dans son camp.