→ Stèle des Endormis

Ici se sont endormis...

Cassandre (8pv)
Ezhekiel (8pv)
Siam (7pv)
Jagger (8pv)
Ezel (5pv)
Stance (8pv)
Korra (8pv)
Joy (5pv)
Elaine (8pv)


Mais il semblerait que quelqu'un ait tenté de leur faire du mal.

EZHEKIEL

Je sentais la noirceur reculer peu à peu de mon esprit malmené, telle la marée fuyant la terre ferme. Le coma, le royaume de l'obscurité commençait à s'éloigner de moi et je sentais mes quelques neurones encore aptes s'agiter pour tenter de reprendre le contrôle sur cette vieille carcasse qu'est mon corps. Et pourtant l'idée de rester à me prélasser dans mes songes avait un petit goût d'intérêt. Mais alors que je suis là, sur le sol que je devine désormais froid et dur contre mon court pelage, une voix résonne. Connue, familière, femelle. Je sens mon faciès se crisper en tentant de remettre un nom sur cette voix lointaine. Mais plus que ça, ce sont ses dires qui me tirent vers cette réalité que je ne veux plus fréquenter. « Blessures », « graves ». Mon peuple a encore subit des sévisses, je ne peux lambiner et attendre que le sommeil me rattrape. Je dois bouger, m'assurer que les miens se portent bien.

Mais attendez, ce n'est plus mon rôle. Les souvenirs se rappellent à moi et m'informent que je ne suis plus l'alpha, je ne suis plus que le vieux doyen du village. Pourquoi devrais-je encore leur donner de mon temps après toutes ces années à leur dédier ma vie ? Je laisse ma mémoire vagabonder dans les souvenirs quand mon cœur se serre d'un coup. Je ne suis plus alpha, je ne suis plus au devant des problèmes qui secouent les Etelkrus, certes. Mais je tiens à eux, à ces âmes que j'ai jadis juré de protéger de mon mieux. Et plus que cela, je sens mon rythme cardiaque faire battre frénétiquement la pompe qui me serre d'organe vital en pensant à une vie en particulier. Je contracte les muscles, claque de la mâchoire en sentant la douleur de mon épaule me brûler comme un tisonnier appliqué à chaud. Par les Dieux Anaconda ne me suis-je pas contenté de dormir ? Pourquoi donc ai-je l'impression d'avoir été malmené de la sorte ? Mais je n'ai pas le temps de m'interroger plus, la tension et l'appréhension ont pris le contrôle. Une pensée m'obsède, me presse.

Je lève les paupières qui recouvraient mes iris d'or liquide et bondis presque pour me remettre débout. Mon regard parcours cette salle si commune à mon passé et cherche frénétiquement cette silhouette fine et gracieuse. Je finis par l'apercevoir, inerte et étendue. Je trébuche en me précipitant vers elle, oubliant que ma patte ne me porte plus très bien. J'oscille entre courir et ramper pour la rejoindre. Elle ne peut pas m'abandonner, elle doit se réveiller. Elle est la lumière qui a repoussé une partie de ma noirceur, la chaleur qui a fait fondre le glacier qu'était mon cœur. Ma confidente, ma partenaire, l'être qui a su me ramener à la vie. Les sentiments me submergent, j'étouffe. Je halète, lui donne des coups de truffes sur son museau inerte. Je m'écroule à ses côtés en lui murmurant mille et une supplications pour que ses yeux s'ouvrent et que son regard bleu glace se fixe au mien. Elaine, réveille toi par pitié.

Hagard, je tourne la tête dans l'espoir de trouver de l'aide. Les masses s'agitent et se remettent debout au fur et à mesure. Alors pourquoi n'a-t-elle pas encore émergé ? Mon regard s'accroche soudain à celle dont la voix m'a tiré de ma léthargie. Et plus particulièrement à la masse à ses pieds. Un parfait mélange de blanc et de noir moucheté d'une myriade de teinte orangées. Putain de merde par les Dieux tout puissants. La rage m’inonde, pure et cruelle, orientée vers cette injustice qui a toujours jalonnée ma vie. Je m'entends vaguement gronder en arrière plan. Je me remets debout et cherche des yeux Jagger. Lui aussi est encore inanimé, petite forme fragile qui ne semble pas comprendre qu'il est temps de se réveiller. Ma famille. TOUTE ma famille. Pourquoi tant d'acharnement sur nous alors même que nous avons consacré notre vie à l’œuvre des Dieux ?! Était-ce là toute la reconnaissance que nous avions gagné ?! Mon grondement enfle et je sais que je ne peux contenir toute cette haine et cette douleur plus longtemps. Alors je hurle, je rejette la tête en arrière sans fermer les yeux espérant que mon regard enflammé percera leur petit royaume bien protégé. Un cri de rage, de peur pour les miens et de toute la rancœur pour ce monde injuste résonne dans cette salle emblématique.

Mon hurlement cesse rapidement et je rejoins Cassandre et Ezel. Ma petite est prostrée, et des entailles offrent sa chaire aux yeux du monde. D'une voix souillée par la douleur, je chuchote :

« Dis moi que tu peux arranger ça. Dis moi que je peux faire quelque chose pour t'aider alpha. Dis moi que tout n'est pas encore perdu pour ma famille... »

Élaine

Du bruit. Ou plutôt, une absence de bruit. Rien, le néant, le vide, le noir. Elle plonge dans les abysses, s'enfoncent dans les ténèbres, elle entend des sons, des cris. De la rage, de la peur. Tout son corps est dans une sorte d'amas noir, gluant et réconfortant. Elle a l'impression de tomber en continu, sans jamais s'arrêter. Un terrier de lapin, une Alice qui chute librement. Mais une voix la tire doucement de sa léthargie imposée, le noir laisse place à un rayon de soleil crevant les murs de roche sombre. Son rayon de soleil. C'est la voix d'Ezhekiel, elle l'entend, le comprend. Il a l'air désespéré, le pauvre. Elle voudrait le prendre contre elle, plonger sa truffe dans son cou, respirer l'odeur si familière à présent, et sentir son cœur battre tout contre le sien. Mais c'est si lointain. Elle veut se rendormir, elle se sent épuisée. Des coups de museaux l'assaillent. Elle ouvre un œil, regarde prudemment autour d'elle.

Des corps, certains inanimés, d'autres bougeant à un rythme de folie. Une céphalée violente s'empare de son crâne. Un étau l'enserre. Elle referme les yeux, respire doucement, se concentre pour que l'air circule. Elle rouvre les yeux, voit Ezhekiel plus loin, elle a envie d'hurler, de lui supplier de venir contre elle mais elle n'a aucune force. Ses pattes sont ankylosées, elle sent une légère croute au niveau du bas de son museau. Mais depuis combien de temps dormait-elle ici ? Elle râle intérieurement, ferme les yeux doucement et les ouvre encore. Elle voit Jagger, plus loin, qui reste couché. Il a l'air si paisible, si heureux, endormi comme ça. Mais une large griffure barre sa cuisse de jeune. Une rage indéfinissable se réveille en Élaine. Et la mémoire revient. Ils venaient de passer le flambeau. Alys, et Cassandre. Ils étaient là, et puis, pouf, plus là. Enfin, si, mais pas vraiment. Elle balaie du regard le reste de sa meute. Les membres de sa famille. Et là, son cœur déjà emballé redouble de pulsion. Plus loin, Ezel semble mal en point. Mais près d'elle, une forme longiligne. Elle voit flou, elle n'arrive pas à voir qui est la forme près de sa fille. Et l'instinct maternel l'aveugle à nouveau. Elle se lève, péniblement, ses pattes arrières traînent derrière elle, comme si elle était paralysée. Elle rampe, plus qu'elle n'avance, vers sa fille et cette illustre inconnue qui semble lui aspirer la vie. Elle grogne, si fort que ses tempes menacent d'exploser.

"Dégage tes sales pattes de ma fille." rugit-elle à l'adresse de sa semblable sans la voir, réellement.

Elle attrape le petit corps frêle par la peau du cou et la ramène contre elle, tremblante de rage et de peur. Des larmes perlent à ses longs cils noirs tandis que ses yeux cherchent son mâle pour la protéger. Pour le protéger lui de ces malades. Elle bouillonne, ses babines sont retroussées. Agressive et mauvaise, Élaine délire, la brume du coma ne s'est pas levé. Toutes les formes autour d'elle sont diffuses, informes, déformées. Elle geint de douleur et de terreur.

Jagger


Haha, trop marrant. Dans le ciel noir de ses rêves, plutôt bleu foncé constellé de milliers d'étoiles brillantes à lui piquer les yeux, il y a des dragons énormes qui virevoltent. Le même genre de dragon qu'Ezel a dans ses cheveux. Trop la chance, lui aussi aurait aimé avoir des dragons dans les cheveux. Au lieu de ça, il a juste des cheveux dans ses cheveux. Trop nul, trop naze, pas digne d'un fils d'Alpha. Il geint, doucement, il aimerait voir sa maman, son papa, et Ezel même si elle, elle a les dragons. Et d'un coup, y'a un dragon qui lui met des coups de museau, tout gentil, comme s'il voulait le réveiller. Mais il ne dort pas, pourquoi voudrait-il le réveiller ? N'importe quoi, lui. Mais attends, le dragon il ressemble vachement à Papa. Mais c'est pas possible. Sauf si… à moins que… PAPA EST UN DRAGON, EN FAIT ? Et il lui a jamais dit ? Quelle honte. Jagger se sent indigné, et son petit cœur bat deux fois plus vite, son cerveau lui ordonne de se réveiller pour aller toucher deux mots à son père. Quelle honte, quelle honte. Vraiment. Mais alors, vraiment. Jagger ouvre ses petits yeux, ils sont tout collants, et la lumière lui fait mal. Ouille, ouille, ouille. Il a clairement trop dormi, ses petites pattes lui font mal, comme si elles étaient aussi collées, mais entre elles. Il roule sur le ventre, le museau à plat sur le sol. Au loin, devant lui, il voit Papa désemparé. Est-ce qu'il sait que son fiston va venir lui passer un savon de lui avoir menti sur sa véritable identité ? Peut-être. Et puis, maman, au loin, elle rampe. Elle fait un peu peur, ses cheveux noirs comme les cafards qu'il s'amuse à manger sont tout décoiffés. Elle semble pas contente. Peut-être qu'elle aussi a appris que Papa était un dragon, et qu'il ne l'a pas dit non plus à sa Maman ? Oh la la, quelle histoire. Personne n'est au courant que Papa est un dragon. Il referme les yeux, trop fatigué, et en même temps débordant d'énergie. Il soupire, et fait semblant de dormir, pour voir s'il ne peut pas prendre Papa sur le fait. Il finira bien par trahir qu'il est un dragon, Jag en est sûr et certain.