Sentiment inexploré [Volstein] - [Ne pas archiver]

Aujourd'hui, cela faisait un an qu'elle nageait en plein bonheur. Après une dizaine d'années passées à se battre pour sa survie, elle pouvait enfin souffler et passer une retraite bien méritée. Elle avait un abri qu'elle n'avait plus besoin de protéger. Cette grotte aux cristaux était la sienne, cadeau offert par Volstein. Son cher Ange lui avait tellement apporté ! Bien plus qu'elle n'aurait pu rêver. Grâce à lui, elle avait découvert le plaisir des grasses matinées, les proies à volonté et surtout la sérénité. Au fil des mois, sa démarche s'était assurée et son port de tête relevé. Elle n'avait plus à se fondre dans le paysage ou à craindre une attaque inopinée. Elle était chez elle ou plutôt chez lui, donc chez eux.

Comme elle n'était plus obligée de penser au lendemain et à tout anticiper, elle avait découvert le plaisir de l'ennui. Pouvoir s'allonger dans l'herbe et simplement observer les nuages, en éteignant tout instinct de prudence. Les Nakhus ne lui feraient pas de mal, elle portait la pierre d'Améthyste en protection. Leur Oracle était son protecteur et ami. Il venait très régulièrement lui rendre visite et ils passaient d'agréables moments ensemble. L'amitié était vraiment un sentiment magique et qui réchauffait son cœur. Peut être un peu trop d'ailleurs. Ne finira-t-il pas par brûler d'une étrange flamme ? Elle avait tout le temps nécessaire pour réfléchir à ses propres sentiments. Mais ses longues réflexions ne lui avaient pas encore apportée toutes les réponses. Cette impatience de le voir, cette boule dans le ventre et l'immense joie qui faisait naitre un grand sourire sur ses babines, n'avaient pas d'explications. Notre vieille Dame n'avait pas eu la chance de côtoyer des êtres amoureux pour reconnaitre aisément ce sentiment. Avec de l'aide, elle comprendrait sûrement mieux. Mais à qui la demander ?

Ce fut avec cette question ingénue qui trottait dans son esprit, qu'elle observa son reflet dans l'eau. Toujours pas d'oreille en vue. Mais elle s'était lancée dans la coquetterie. Son poil avait perdu son côté sale et rêche d'une vie de Solitaire. Son bracelet à piques scintillait de propreté sous les rayons du Soleil. Même ses crânes d'oiseaux étaient dénués de poussière. Seul son foulard n'était pas prêt. Elle l'avait étendu sur une pierre plate après l'avoir nettoyé. Il n'y avait plus qu'à attendre qu'il soit sec. Le serait-il à temps ? Au loin, le ciel s'était grisé. Les nuages viendraient-ils jusqu'à elle ? Ou n'était-ce qu'un bluff ?

Volstein

Il se faisait vieux. Et ça se faisait vite.
Un an de plus s'était écoulé, et alors que, jusque-là, il avait été le témoin de son âge qui avançait sans vraiment ressentir les conséquences, durant ces derniers temps, l'âge l'avait rattrapé. Ses traits s'étaient transformés en ceux d'un plus vieux loup que ce qu'il était vraiment, son poil, long à présent, blanchissait un peu plus chaque jour. Mais, fidèle à la tradition de sa lignée, sa pilosité poussait... mais pas ses cheveux. Il s'était renseigné, il y avait longtemps de cela, à ne jamais avoir la chevelure de ses sœurs, ou son frère Roy. Mais maintenant, en honneur de son défunt frangin, il y faisait des tresses. Une pour toutes les personnes importantes mortes dans sa vie. Il y avait ses parents, bien évidemment, puis Maisie, Roy et Heever. Les tresses sur les joues c'était juste pour les empêcher de lui passer dans les yeux à chaque bouffée d'air.

Et aujourd'hui, il allait voir Hanna. Ce n'était plus si inhabituel, cela lui arrivait quasiment toutes les semaines, depuis plus d'un an à présent. Mais c'était vraiment un bon moment, pour lui. Il pouvait s'échapper un peu de la vie de camp des Nakhus, et passer du temps avec son amie. Son amie...
Car récemment, quelque chose qu'il n'aurait jamais cru était arrivé. Quelque chose dont il avait oublié l'existence, la nature, la possibilité... Il tenait à elle. Oui, certes, il tenait à tous les Nakhus, après tout, il était un Oracle très attaché à ses camarades, et très sentimental, il exprimait souvent ses émotions...Mais c'était devenu quelque chose de différent. Dans sa jeunesse, il s'était attaché à Heever. Elle avait été son crush d’enfance, son amour de jeunesse, sa première copine… elle avait eu toutes les places les plus importantes dans sa vie…Puis elle avait couché avec son frère… Et il l’avait perdue.
Et depuis, plus personne ne l’avait jamais fait ressentir quelque chose comme ça. Certes, il avait eu quelques admiratrices, telle une louve Nakhu bleue et perle… Mais il ne s’était plus jamais senti… amoureux.

Et maintenant, quand il allait vers Hanna, il se retenait de courir (en effet, il n’en avait plus la forme physique). Il avait cessé de se retenir de sourire tout le temps, de la regarder avec affection. Elle était devenue sa meilleure amie, celle qu’il n’avait jamais eu… Puis plus, tellement plus. Il lui faisait confiance, il se sentait bien avec elle, il était lui-même… Il était heureux. Et il l’aimait.

Mais c’était bien ça le problème.

Comment lui dire ? Est-ce que c’était réciproque ? Parfois…il en avait presque l’impression, mais il n’osait pas. Il n’osait rien dire. Alors leur temps ensemble se finissait sur une note amicale, et il maudissait son manque de courage, et la tristesse de devoir la laisser, en rentrant les oreilles basses.

Aujourd’hui, il faisait beau, mais au loin, l’orage grondait, et le vent agitait les longues herbes. Entre les brindilles, il aperçut la louve grise. Toujours sans ses oreilles. Toujours aussi belle.

« Hanna ! Comment vas-tu ? » demanda-il en s’approchant, avant de pencher la tête.
« As-tu perdu ton foulard ? »

Mais l'inquiétude due à la météo ne tint pas face à l'annonce du vent. Elle devint aussi légère que le cœur d'Hanna et s'envola comme une plume. Cette si douce odeur, tellement recherchée et attendue, lui vida l'esprit. Son chamboule-tout était là, tout près d'elle. Elle arracha son regard de son propre reflet d'amoureuse transie. Sa queue se mit à fouetter avidement l'air. Elle ne le voyait pas encore. Patience. Encore quelques secondes. Dès que les herbes hautes s'ouvrirent, un sourire illumina son visage. Enfin. Elle se hâta de lui répondre d'une voix enjouée.

"Mon Ange préféré est venu me rendre visite ! Je ne peux qu'aller bien, même si je me fais un peu vieille. Et toi, ta semaine ?"

Puis, il enchaina sur la disparition de son foulard. Elle baissa bêtement la tête, ne comprenant pas immédiatement la question. Elle sentait bien le poids de l'améthyste qu'il lui avait offerte. Ce petit poids lui était si rassurant qu'elle se serait rendue compte de sa perte dès les premières secondes. Elle privilégiait même cette petite pierre à son morceau de tissu. L'un représentait son bonheur et l'autre son passé. Elle ne souhaitait se débarrasser ni de l'un, ni de l'autre. Ils faisaient partis de sa vie, tout comme l'animal à la fourrure tressée face à elle.

Son cerveau finit par se mettre correctement en fonctionnement. Il était tout simplement étonné qu'elle ne portait pas son foulard. Foulard qu'elle avait volontairement laissé un peu plus loin. Amusée par sa propre bêtise d'interprétation, elle émit un petit rire.

"Oh non, pas du tout ! J'ai tenté une nouvelle activité, typiquement féminine parait-il. Du coup, il est en train de sécher là-bas. Mais c'est vrai qu'il n'est pas visible d'ici."

Elle avait accompagné ses mots en pointant sa patte dans la direction indiquée. Il était impossible de voir la pierre plate d'ici. Un doute s'empara doucement d'elle. Et si il disparaissait vraiment ? Ses sourcils se froncèrent, avant qu'elle ne décida à se confier.

"Ai-je tort de ne pas le surveiller ? Un Cervidé pourrait-il décider d'y goûter ?"

Elle ne songeait pas une seule minute à un éventuel vol. Les terres Nakhus étaient exemptes de mauvaises personnes. La confiance y régnait.

Volstein

Le vieux blanc semblait déjà ravi. Il sourit et rit légèrement, au nom d’ange favori. N’importe quoi elle. Mais ses yeux brillaient légèrement en la regardant, et son sourire trahissait bien des dires.
« Ma semaine se passe bien, mais elle vient subitement d’aller mieux. » s’amusa-il, en venant lui effleurer l’épaule du museau, en guise de bonjour. Elle sentait merveilleusement bon, comme à son habitude, et son énergie lui redonnait un souffle de chaleur et de force. Il l’écouta lui expliquer ce qu’elle faisait, et se sentit rassuré. Ainsi elle s’occupait. Il détestait l’idée qu’elle soit seule ici tout le temps, mais apparemment, elle ne s’ennuyait pas. Enfin, il lui poserait la question dès que possible.

« Non, les cerfs du coin ne mangent pas les foulards, seulement les Nakhus lorsqu’ils boivent dans une fontaine ! »
Il agita ses oreilles et regarda autour d’eux. C’était non-loin de là qu’il l’avait rencontrée la première fois. Cela faisait des années, maintenant. Il se sentait certes parfois un peu vieux, mais certainement plus heureux aussi, que le loup blanc qui, à l’époque épris d’une piratesse qui n’avaient d’yeux que pour son frère, sillonnait les terres en ne pensant qu’à une autre. Maintenant il en était autrement. Certes il avait des responsabilités, mais aussi des moments de douceur. De meilleurs moments. Des moments où il était heureux.

« Dis, Hanna… tu ne t’ennuies pas ici ? » demanda-il, inquiet, en penchant la tête.
Il espérait vraiment que non, mais il n’avait pas vraiment encore de solution pour remédier à ce problème s’il était bien véridique.

« Je ne viens pas aussi souvent que je voudrais, et je n’aimerais pas que tu te sentes délaissée à cause de ça. » avoua-il. Il aurait aimé passer ses journées ici, parfois, mais ses responsabilités ne lui en donnaient pas le droit. Toutefois, il se faisait âgé. Bientôt, il passerait le flambeau de l’Oracle à un autre loup, un loup qui lui était apparu en songe. A ce moment-là, il pourrait aller ailleurs… Peut être ici, avec Hanna, si elle le désirait autant que lui.

Ce simple effleurement suffit à provoquer chez elle un frémissement émotif. Elle aurait aimé que ce contact physique se prolongea. Une envie d'un vrai contact, plus brut et durable. Mais sa vie de Solitaire lui avait appris à se contenter du minimum. Elle n'en réclama pas plus, savourant déjà ce petit geste.

"Après l'effort, le réconfort. Tu as le droit de souffler un peu et de laisser les Nakhus faire preuve d'autonomie. Yurai les accompagne toujours, nichée dans ces petits bâtons lumineux."

Elle avait du mal à comprendre ce sens du sacrifice. Sacrifier sa vie pour guider tout un peuple. C'était une responsabilité énorme. Un choix qui condamnait une existence. Il n'avait même pas d'adjoint ! Il devait porter çà tout seul et être omniprésent. Heureusement que les disciples de la Corneille n'était pas trop nombreux. Sinon, elle craignait de le voir s'effondrer sous la tâche. Ou pire, de se voir elle-même délaissée et oubliée. Heureusement, elle n'avait pas eu à ressentir ce sentiment. Il n'avait manqué aucun de leurs rendez-vous.

"Ce pauvre Cerf aura au moins permis d'éviter que l'on répète son erreur. Sans lui, j'aurai sûrement goûté à cette eau. Tu aurai dû m'abattre... Et je n'aurai pas connu cette année de légère insouciance. On peut dire que c'est grâce à lui que nous en sommes là aujourd'hui."

Elle lui adressa son plus doux sourire. Sa crainte pour son foulard s'était envolée. Toute son attention était dirigée vers son bienfaiteur. Et puis, ce fut à son tour de chasser l’inquiétude visible chez Volstein. Elle choisit ses mots avec soin, mais garda sa sincérité.

"Je n'ai pas encore eu le temps de m'ennuyer. Tout a été un peu fou pour moi. Ma nouvelle situation m'a permis de rattraper une partie de ce que j'avais loupé à cause de ma condition de Solitaire. J'apprends à m'aimer et à aimer les autres. Et lorsque je me sens seule, il me suffit de regarder autour de moi pour me rapeller ta présence."

Une rencontre avec une feuille à la forme particulière et elle pensait à son Ange. Elle était persuadée que si elle levait la tête, elle arriverait à trouver un nuage correspondant à l'être aimé. Mais elle préférait se plonger dans le regard d'or de son interlocuteur. Ces petits moments d'intimité comptaient plus que tout. Elle sentit également qu'il était temps d'aller plus loin. Il lui avait confié sa crainte. C'était donc à son tour de faire un aveu. Sa voix se fit moins sûre et plus basse.

"Je n'ai qu'une seule peur qui revient à chacun de tes départs. Que ce soit la dernière fois que je te vois. Que... que tu quittes le monde des Vivants et que je n'en sois pas mise au courant. Que je t'attende pendant des Lunes, en vain. Et que je perde confiance en toi, alors que tu es simplement parti rejoindre tes Aïeux."

Volstein

Il la regarda, une grande tristesse emplissant ses prunelles. Ainsi, ça peur était qu’il meurt, et qu’elle n’en soit pas au courant. Il ne pouvait imaginer comme il serait paniqué s’il venait ici, et qu’il ne la retrouvait plus. Il songea que c’est lorsqu’on perd quelqu’un qu’on se rends réellement compte de la valeur qu’elle avait ou pas à nos yeux. Est-ce que cela ferait de l’absence l’apothéose de la compréhension des sentiments ?

En tout cas, l’absence de Hanna tous les jours, ou presque lui avait bel et bien révélé qu’elle lui manquait. Qu’il aimerait être avec elle plus souvent… Et d’ailleurs, il avait pris une décision à ce sujet. Il la regarda un instant, puis passa une de ses épaisses pattes avant poilues autour de ses épaules pour la serrer contre lui, ses yeux un peu humides. Non, il ne voulait pas imaginer la perdre.
« N’en parle pas s’il te plait, je ne veux pas imaginer ne plus pouvoir te voir … Tu me manques déjà assez comme ça ! » s’amusa-il finalement avec un léger rire, avant de la lâcher en rougissant un peu sous son poil pâle. Bon sang, son corps se comportait comme s’il était un petit ado en face de son premier crush, mais il n’y pouvait pas grand-chose.

Il s’assit, se recomposant un peu de cette soudaine démonstration d’affection, repoussant d’un mouvement de tête un de ses tresse qui était maladroitement tombée sur son museau, avant de sourire, un peu gêné.

« Dis Hanna, je voulais te proposer quelque chose… Ce n’est pas pour toute de suite, mais j’aimerais ton avis. »

Il vérifia que personne ne pouvait les entendre, puis se retourna vers la belle +/- ex-solitaire sans oreilles.
« On m’as révélé qui sera le prochain Oracle. Mon travail a présent est d’aller le chercher, l’éduquer au métier, puis il me remplacera, et je ne serais plus l’Oracle des Nakhus. » lui-avoua il, la voix basse, mais assez forte pour qu’elle l’entende malgré son manque d’oreilles.
C’était vraiment une information confidentielle, car il allait devoir aller jusqu’à chez les inquiétants pirates pour chercher ce loup, nommé par les dieux pour le succéder. La responsabilité était grande, mais il voyait se profiler une espèce de retraite derrière, qui le motivait presque plus que son affection et son service infaillible à sa déesse.

« Je voulais te demander si tu accepterais si je venais habiter avec toi, une fois que je ne serais plus oracle. Comme ça, tu n’auras plus du tout à avoir peur que je ne revienne pas un jour, car je serais toujours là avec toi » lui dit-il, osant pas sourire avant de voir sur son visage l’émotion que provoquerait cette nouvelle. Mais il se retenait très fort. L’idée lui plaisait tant.

Les mots avaient été durs à prononcer. Ouvrir une partie de son cœur à l'être tant adoré n'était vraiment pas chose aisée. Une part d'ombre stagnait. La peur de l'incompréhension ou du rejet. Même l'indifférence pourrait être acceptée, car ainsi elle pourrait faire semblant de n'avoir jamais rien avoué. Mais en retour, elle eut la plus jolie des réponses. Une accolade remplie d'affection. Enfin. Elle qui rêvait d'un vrai contact physique, voilà que son désir était assouvi. Elle apporta sa participation à ce câlin. Elle vint enfouir son museau dans son poitrail. Sa fourrure y était d'une douceur extrême et d'un agréable parfum. Pourquoi quitter ce foyer si chaud et si tendre ? Lorsqu'il enleva sa grosse patte de ses épaules, elle maintint le contact quelques secondes supplémentaire. Encore un peu de shoot de bien être avant de rendre sa liberté à Volstein.

Quand elle retrouva son regard doré, un sourire ravi était gravé sur son visage. Il n'était pas prêt de partir. Seuls ses yeux se plissèrent sous l'effet de l'attention qu'elle portait aux énigmatiques paroles de l'Ange. L'annonce de son avenir proche la laissa songeuse. Elle n'avait jamais eu d'apprenti et ignorait ce que cela signifiait en terme de charge de travail et sacrifice de temps. Verrait-elle moins souvent son bel ami ? Mais pouvait-elle se permettre d'être égoïste ? Il ne faisait que suivre sa voie. Yurai faisait entièrement partie de sa vie. Elle ne pouvait lutter contre la foi. Le plus sage était d'accepter et de se satisfaire de ce qu'elle possédait d'or et déjà.

Les mots qui suivirent confortèrent son choix. Elle avait une place dans son cœur. Il aurait pu lui proposer de venir habiter avec lui chez les Nakhus. Mais non, il préférait que ce soit lui qui vienne habiter avec elle. Ici, dans cette vallée et non dans le secret du Dédale. Pour le coup, Hanna passait avant la Déesse. L'émotion la gagna face à cette révélation. Des larmes s'échappèrent de ses paupières. Sa voix se retrouva enrouée par le trop plein de sentiments.

"Oh Volly ... ce serait un rêve qui deviendrait réalité."

Elle essaya de se reprendre. Ne pas se noyer sous la vague. Elle chercha quelque chose à accrocher du regard. De l'herbe, le cours d'eau, le ciel peut être ? Mais elle n'y parvint pas. Elle était comme magnétisée par le porteur du Glowstick violet. Tout son bonheur était là, à portée de patte. Elle songea brièvement que son essai de coquetterie venait d'être brisé. Temps pis. Tiens et son foulard alors ! Ce serait une bonne diversion. Elle se redressa avant de s'éloigner à petites foulées. Le temps passé à récupérer son morceau de tissu lui permit de retrouver une légère maitrise d'elle-même. Suffisamment pour retrouver une voix plus ou moins normale.

"Et combien de temps durera l'apprentissage du nouvel Oracle ?"

Volstein

Il sentit son cœur s’emplir de joie à la voir heureuse à sa nouvelle, et ses yeux d’or brillèrent. Elle partit un instant chercher son foulard, et il prit une grande inspiration, l’air frais rentrant dans ses poumons, lui éclairant un peu son esprit engourdi de bonheur, à l’idée de ce magnifique projet. Il avait tellement hâte que cela arrive. Il attendit qu’elle revienne avant de lui sourire de nouveau, puis de soupirer. L’apprentissage du jeune Ajani aurait une certaine longueur c’était sûr, mais il voulait le faire à fond, ce serait sa dernière grande action en tant qu’Oracle, il devait bien réussir.

« Au moins un an… c’est long, mais c’est la dernière chose que j’aurais à faire pour le clan. Dès que c’est fini, je viendrais à toi. »
Il la regarda un instant. Elle était tellement belle, et il savait qu’elle ne s’en rendait pas compte, il aurait aimé lui dire à quel point il la trouvait belle … Et tiens, c’est exactement ce qu’il allait faire.

« … Tu es vraiment magnifique, tu sais, Hanna. » dit-il, tout doucement, avant de poser une patte sur la sienne.
Il avait peur, comme un louveteau, face à l’inconnu. Pourtant, ça ne devrait pas être inconnu, il avait déjà fait ce genre de chemin… Mais c’était différent, il n’était plus un enfant, il était adulte, et il ne faisait pas ça juste pour flirter, mais parce qu’il ressentait vraiment quelque chose pour cette louve, quelque chose de profond, quelque chose qu’il voulait conserver à tout jamais.

« Je t’aime, Hanna » dit-il, sérieusement cette fois, mais non sans chaleur dans sa voix. Il espérait, il croyait que c’était peut être pareil pour elle, il ressentait en elle des émotions positives, mais il ne pouvait pas être sur, avant qu’elle ne le dise elle-même.

Alors il la regardait, ses yeux d’or plein d’espoir ancrés dans les siens, tout aussi dorés.

Un an. Douze petits et ridicules mois à attendre. Ce n'était qu'un clignement des yeux par rapport au doux bonheur qui s'annonçait. Elle compterait patiemment les jours, son cœur chantonnant au rythme de sa joie. Cela lui laisserait également tout le temps nécessaire pour se préparer mentalement à une vie à deux. Une vie de co-dépendance et de tendresse. Tiens, déjà les idées fusaient pour rendre plus confortable son foyer. Ajouter un deuxième lit douillet, faire un peu de ménage, ajouter un peu de couleur et jouer avec la lumière des cristaux. Elle aura tant de choses à faire pour que tout soit parfait pour son précieux Ange. Elle ne voulait que le meilleur pour lui. Elle s'apprêtait d'ailleurs à lui demander quel était son type de couchage préféré. Herbe séché, tapis de feuille, fourrures... Il y a avait de possibilités et de goûts variés !

Songer à ces aménagements lui permit de retrouver sa contenance et d'entraver ses fragiles sentiments. L'inconnu restait effrayant, surtout quand il venait de son propre cœur. Mais son bouclier mental subit une attaque. Un compliment qui suintait de sincérité le fissura. Volstein la trouvait magnifique. C'était bien la première fois qu'on lui faisait remarquer qu'elle était jolie. Oh, elle ne se trouvait pas laide. Seulement, elle ne s'était jamais vraiment penchée sur sa beauté. C'était un concept abstrait, dont elle ne parvenait pas encore à comprendre les codes. Son essai de coquetterie était plus un passe-temps qu'une réelle envie de plaire. Du moins, c'était ce qu'elle s'imaginait. Mais son inconscient, la partie de son être qu'elle bâillonnait, n'était guère d'accord sur le sujet. Elle s'était faite belle pour elle-même, pour sa confiance en soi, mais également pour Lui. Mais l'admettre équivaudrait à laisser libre cours à sa passion. Il manquait l’élément déclencheur, celui qui ferait s'effondrer sa barrière. Et il arriva plus tôt que prévu.

Trois mots. Synonymes d'amour avec un grand A. Ses yeux s'écarquillèrent. Quittèrent un instant celui de son bienfaiteur pour se poser sur la patte masculine qui recouvrait la sienne. Claire et sombre. Deux couleurs opposées qui aujourd'hui s'unissaient à la perfection. Elles étaient faites l'une pour l'autre ces deux pattes. Il n'y avait pas de doute possible. Ses iris dorées repartirent à la recherche de leurs semblables. Tout ce qu'Hanna put lire dans ce regard finit par briser son bouclier. Un flot d'émotions la submergea. Mais les vagues étaient douces et la berçaient. Il n'y avait plus de peur à avoir. Elle accueillit ces sentiments qu'elle avait tant refoulés et redoutés. Finalement, il n'y avait pas de mal à ressentir de l'amour et à l'accepter. Elle se sentit si euphorique. Si elle avait été un Soleil, elle aurait sûrement aveuglée son Bien Aimé. Elle était ivre, ivre d'amour et voulait le partager. Toute sa réserve perdue, elle se jeta sur l'Oracle pour se blottir contre lui.

"Tes mots sont si doux à mes oreilles. Je t'aime aussi, Volly."

Cà y était, elle les avait exprimés. Quelques syllabes avaient suffi à avouer ses sentiments. Son destin était scellé. Mais cela ne lui parut pas suffisant. Elle aurait voulu trouver des phrases plus romantiques. Mais pour le moment, elle n'y parvenait pas. Tout était trop nouveau.

"J'aimerai tellement t'exprimer tout ce qu'il y a en moi. Mais c'est compliqué, tout est en fouillis. J'ignorai que l'on pouvait ressentir un amour aussi puissant. C'est la première fois que je suis amoureuse. Peut-on mourir de bonheur ?"

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