Gronde, gronde la tempête ○ Tris

« Gronde, gronde la tempête~

« Creek & Tris


La tête rentrée dans les épaules, un sourire narquois fiché sur les babines, le pirate observait. Il était là, assis dans le sable tiède à regarder en silence. Il ne bougeait pas, restant de marbre face aux vents marins qui s’engouffraient dans son épais pelage anthracite, insensible aux assauts répétés du souffle de la tempête qui se profilait dans son dos. En effet, Creek n'avait nul besoin de voir la mer tumultueuse et le ciel chargé de sombres promesses, il la connaissait trop bien. Il sentait à l'odeur et dans son coeur, la colère des flots qui se préparait. Il devinait à la lourdeur de l'atmosphère qu'il n'était pas heure à vouloir retraverser le détroit menant à son île merveilleuse. Seuls les Pirates savaient interpréter les humeurs du Roi de l'océan, et aucun d'entre eux n'était assez stupide pour se risquer dans les vagues quand l'orage menaçait. Ainsi donc il se délectait de ce spectacle sans pourtant le voir de ses prunelles de nuit, et pouvait en même temps surveiller les alentours pour se ne pas être surpris par l'un des habitants du continent. Ces loups faibles et geignards, soit disant protégés des Dieux, qui ne connaissait rien à la dure vie d'un loup damné par le sang de sa mère. Le rictus du gris s'allongea alors qu'il se redressa peu à peu, étirant sa colonne et son cou après un long moment statique. Un premier coup de tonnerre gronda à ses tympans et un délicieux frisson parcouru son échine. L'appel du large. L'océan réclamait son fils. Mais ce n'était pas encore son heure...

Creek se leva, s'ébroua vigoureusement lors d'une très courte accalmie de vent. A sa truffe se révélèrent les effluves de Rhum, de poudre à canon et de sang séché qu’emprisonnait son poil chargé de sel et de sable. Les vents iodés les ayant balayés jusque là. Le Pirate rejoignit en claudiquant l'écume blanchâtre qui rongeait la berge toujours un peu plus loin vers la terre. Bientôt la marée aurait recouvert une bonne moitié de la plage. Le loup à la patte de bois se roula dans les vagues proche du bord, évitant ainsi d'être emporté par un courant mesquin. Il se trempa assez longtemps, estima t-il, pour s'être débarrassé de ses caractéristiques odorantes habituelles, de sorte à être beaucoup plus discret en territoire ennemi. Il avait dans l'idée de commettre encore quelques méfaits parmi les brebis galeuses des clans et pourquoi pas, croiser sa traîtresse de demie-soeur. Encore que pour lui elle soit moins qu'un rat. Les rares choses qui lui avaient enlevé l'envie de l'égorger sur place était sa ressemblance frappante avec Heever et bien sûr, parce qu’elle avait aidé une louve de son clan à rapporter deux louveteaux à leur juste place, auprès de Chulhei, leur père, sur Morne-Œil. Au sein de leur monde d'abysse et de monstres marins, les Maudits avaient gagné deux âmes nouvelles. C'était un début de repentance pour Spleen, même si l'abandon de sa famille et de sa meute de naissance restait impardonnable. Le mâle anthracite retourna sortit de l'eau et s'inspecta. Quelques coquillages verdâtres restaient fièrement agrippés entre ses poils ébouriffés.

Le ciel tonna une nouvelle fois et commença à pleurer doucement un crachin rafraîchissant. Creek leva le museau pour accueillir, ravi, le sang du monde couler sur ses joues. Un éclair traversa finalement le ciel devenu presque noir. C'était comme si la nuit tombait, alors qu'il était en plein milieu de la journée. Autour de lui, le vent s'était fait violent et secouait les palmiers avec rage. Il était temps de laisser la mer dévorer les côtes pour s'enfoncer plus loin sur les territoires du continent. Un peu raidi, le Pirate grimpa les dunes de sable humide. Cela formait des paquets de sable entre ses coussinets râpeux. Des grains s'étaient aussi faufilés entre son moignon et sa patte de bois, irritant la peau tannée, et lui arrachant un grommellement mécontent. Le loup gris s'arrêta en lisère de plage, là où la boue remplaçait le sol poudreux et il se retourna. L'envie de voir le déchaînement de colère de son Seigneur et Maître le prit soudain. C'était comme un écho à la rage qui encerclait son âme et qu'il enfermait précieusement dans un coffre aux trésors fermés à double tour en son for intérieur. Il savait que cela lui serait utile, plus tard. En attendant, il se contentait d'apprécier la tempête, la pluie forcissante et l'orage murmurer de douces et basses paroles à ses oreilles pleines d'anneaux dorés. Dans la danse effrénée du vent, les poils se sa barbe devenaient des tentacules enserrant son museau et son cou. Il faudrait qu'il pense à y accrocher des breloques pour éviter ce genre de désagréments... Peut-être allait-il commencer par ça d'ailleurs, il était d'humeur joyeuse aujourd'hui !

Des perles en bois ou plutôt en nacre ou en or, des plumes peut-être, des os pourquoi pas... Ou les griffes de la prêtresse sacrifiée tiens ! Tant d'idées ! Le regard cobalt du loup à la patte de bois étincela en réponse aux zébrures blanches au dessus de sa tête. Allez, hiss et ho, matelot ! L'âme des Pirates, jamais ne mourra !

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« Creek & Tris


Il aurait pu ne pas la voir, il aurait pu l'ignorer royalement tant l'orage le fascinait. Sous une pluie battante et avec les roulements de tambour du tonnerre, Creek ne l'aurait de toute façon pas entendu s'approcher. Toutefois, en bon étranger méfiant et sur le qui-vive, malgré son amour de la tempête, il vit entrer dans son champ de vision une tâche pâle. Baissant le museau sur l'arrivant, il jaugea l'ennemi. EnnemiE. Son poil lui rappelait les plages de sable clair, ses cheveux et sa queue le ciel trop calme d'un soleil radieux. C'était physiquement un peu plus attrayant que la majorité -toutes en fait- des louves du continent qu'il avait pu croiser jusque là, mais ça restait fade pour lui qui avait soif d'exotisme et d'exploration. Le seul point qu'il apprécia vraiment, c'était les clinquants bijoux d'or qui ornaient ses pattes, ses oreilles et son cou. Passée la seconde d'inspection, il haussa vaguement les épaules. De toute façon il n'était pas mâle à s'arrêter sur une apparence, cela aurait été bien hypocrite de la part d'un Pirate à la patte folle. Fronçant le museau, le poil gonflé par les bourrasques, il tint le regard de la femelle sans ciller, la nuit rencontrant le jour, aucun ne voulant céder de terrain à l'autre. S'il n'était pas impressionné, il en déduisit une force de caractère insoupçonnée sous ce minois si lisse et sage.

« Les sirènes ont dû cesser de chanter. »

Répondit le Raeder dans un demi sourire narquois. Plus personne, ce jour, n’ensorcellerait les âmes perdues par delà l'horizon. Qu'y comprendrait-elle de toute façon ? Seuls les forbans ressentaient la mer, seul leur groupuscule de Damnés vivait au rythme de l'océan. Comprendrait-elle que ce n'était pas un temps à mettre un mousse à l'eau ? Imaginerait-elle les monstres marins se taire pour écouter la colère de Pontos ? Ou bien rêverait-elle de princesses à demies poissons dansant loin dans les abysses et attirant de pauvres hères à se noyer auprès d'elles ? Vu le manque évident de crainte dans les prunelles pâles de la demoiselle, Creek en déduisit qu'avec le rideau d'eau qui leur tombait dessus, il devait avoir l'air bien pitoyable. Il aurait préféré distillé la peur dans le coeur de la jeune continentale au premier regard. Il aimait lire l'angoisse ou même le doute dans les iris de ceux qu'ils croisaient ici. Il lui faudrait se montrer plus vicieux pour la faire flancher. Par ailleurs, avait-il vraiment envie de perdre son temps avec une fragile femelle ? Il ne voyait sur elle aucun signe d'appartenance à une meute donc elle n'avait sûrement aucun rang élevé dans une société ou un groupe qu'il aurait pu utiliser à son avantage. La sacrifier n’apporterait sans doute rien non plus. Le mieux était de passé son chemin après l'avoir détroussée de ses biens de valeurs. Les anneaux dorés à son collier lui seraient idéals pour lester sa barbe ! Les yeux sombre du mâle à la patte de bois pétillèrent de malice. Oui. Il allait d'abord la voler, et puis il continuerait sa route ensuite.

« Que fait une petite louve d'eau douce si près de la mer en furie ? »

Questionna t-il pour lui rendre la politesse, dans un rictus railleur.  

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Il y avait, dans l'attitude de la louve, quelque chose de différent. Quelque chose qu'il n'avait croisé chez personne sur le continent lorsqu'il apparaissait à leurs yeux surpris : l'absence de peur. Elle n'évitait pas son regard sombre, ne le craignait pas. Du moins ouvertement. Elle ne semblait pas impressionnée par sa stature, ni par son physique tané. Elle ne montrait pas d'appréhension face au Pirate et à son air sordide. Et en même temps, la volonté qu'elle mettait dans ses prunelles claires à ne pas le quitter des yeux, lui indiquait qu'elle était suspicieuse, maligne, qu'elle savait qu'il pouvait être dangenreux et qu'elle ne pouvait pas avoir confiance. La louve pâle avait bien raison. Elle était déterminée à ne pas avoir d'ennuis et explicita son désir de ne pas rester en sa présence. Geste d'impatience, assurance et départ rapide. Les orbes cobalt du mâle à la patte de bois suivirent le mouvement souple de la femelle et les ondulations de ses cheveux détrempés. Elle avait éveillé en lui un intêret nouveau mêlant curiosité et étonnement. Il devinait qu'elle savait détecté les indices silencieux quand à une situation pouvant vite se compliqué. Elle pouvait reconnaître les signes non verbaux et avait l'aplomb nécessaire pour fuir cela avant qu'il ne soit trop tard.

Et il n'y avait qu'une seule raison à ce comportement : elle reconnaissait un contexte malsain parce qu'elle l'avait déjà vécu et qu'elle s'en était tiré. Elle avait appris à se mettre en sécurité et à éviter les grands dangers. Il y avait tellement plus de larmes versées sur la terre qu'il n'y avait d'eau dans l'océan. Et ça, Creek, ça l'intriguait beaucoup. Peut-être aussi parce que son égo de forban effrayant en avait prit un coup. Il était un peu déçu de son effet raté ! Et il n'aimait pas être mis en échec. Il n'avait accepté aucun revers. La preuve la plus flagrante était son combat contre lui-même, ces semaines de rémission à repousser les limites de son corps meurtri pour réapprendre à utiliser sa patte, pour retrouver la mobilité et pouvoir un jour, remarcher, re-courir, re-nager, re-sauter. Il se remémorait les heures passées, tous les muscles tramblants d'épuisement, de douleur aussi alors qu'il ne voulait pas s'arrêter et se reposer. Il se rappelait ses frères venus le charier, le secouer, le bousculer même pour qu'il se dépasse toujours plus. Parce que ses frangins, qu'il haïssait autant qu'il les aimait, avaient su d'instinct comment le pousser vers l'avant et l'aider dans cette épreuve qu'aucun enfant ne devrait avoir à subir. D'un autre côté, cela l'avait forgé, endurci. Cela avait fait du Raeder quelqu'un de patient, d'hardi, de résolu... et fier. Très fier.

« Hé. Le plus merveilleux avec la mer, ce n'est pas le paysage. C'est la force brute, sauvage et indomptable qui la rend si extraordinaire. »

Car peut importait le nombre de loup, de flibustiers et leurs armadas, de poissons, de monstres marins, l'océan ne se laissait pas envahir. Il restait le maître de toutes ces âmes, décidant de leur survie ou de leur mort entre ses immenses vagues déferlantes. Nombreux étaient les mystères, les trésors, les épaves et les cités noyées qui pouvaient en témoigner. La mer défiait les époques et les civilisations. Et quelque part, cette louve qui s'en allait sans se retourner avait, à sa façon, défier ceux qui avaient voulu lui nuire et la dominer, la posséder, et elle avait vaincue, pour se tenir droite, indépendante, farouche et intouchable. Le sourire mauvais du mâle gris s'estompa pour laisser un air inquisiteur. La frèle louve aux couleurs d'une plage tropicale sous le soleil ardent et réconfortant de l'été n'avait pas que le physique pour lui évoquer la mer. Elle en avait le caractère libre et vibrant d'une force insoupconnée. Elle avait trouvé dans les enseignements de la vie les meilleures leçons. Les contes de fées n'apprenaient pas aux louveteaux que les dragons existaient, ils leur apprenaient, pour ceux qui savait écouter, que ces bêtes féroces pouvaient être vaincues. Qui mieux qu'un Maudit pour savoir cela ? Sans même y réfléchir, il fit quelques bonds pour la suivre.

« Pourquoi n'aime tu pas la pluie ? »

Sans fourberies, sans agressivité. Il se contenta de l'observer être celle qu'il aurait la capacité de soumettre par la force, sans avoir l'envie de le faire. Elle ne serait pas une offrande à son Seigneur et Maître Pontos. Elle ne serait pas une victime des loups Damnés. Elle était plus comme une de ces sirènes qui ensorcelaient les navigateurs pour les perdre. Sauf que Creek n'était pas dupe et qu'il se voyait plus d'ordinaire comme la chimère des profondeurs venant se régaler des sorcières des mers. Sauf d'elle. Enfin, tant qu'elle éveillait sa curiosité... Et puis elle n'allait pas fuir alors qu'il ne l'avait pas dépossédée de ces quelques morceaux d'or dont il avait besoin !

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Elle tourna la tête et répondit avec une franchise qui le surprit un peu. Quelle femelle déclinait aussi facilement la faiblesse de son poil face aux intempéries sans s'en formaliser ? Il les voyait plus comme paniquée à l'idée de friser sous quelques crachins estivaux. De même elle mettait en avant un terrain qu'elle sembla ne pas apprécier par apparemment manque de contrôle sur ce dernier. Une faiblesse. Il sourit, clairement amusé de cette réponse dites sur le ton le plus banal du monde. Les yeux sombre du pirate se plissèrent. Avant que son sourire se disparaisse, laissant place à un air froissé. La jolie louve avait de l'esprit. Du mordant. Une répartie cuisante. Et qui tombait au poil évidemment. Nul abri ne pourrait le protéger de quoi que ce soit. Aucun endroit au monde ne pourrait jamais ressembler à un refuge. Il n'y avait lieu pour représenter la sécurité ou l'hospitalité pour un forban. Il n'y avait que les fracas des flots et la solitude carcérale de Morne-Oeil. Le seul gîte abritant les âmes maudits des Raeders. Groupe qui n'avait vocation à se retrouver avec régularité, chaque loup faisant sa vie plus ou moins de son côté. Ils n'avaient le titre de clan que parce qu'ils se réunissaient contre l'adversité et qu'ils subissaient le même mauvais sort. Bon il se voilait un peu la face. Il tenait tout de même a ses frangins. A leur fausse cousine Safran, à la vieille Sayuri et même aux deux gamins qu'on leur avaient ramené quelques mois plus tôt. Mais ils étaient une famille, pas vraiment une meute. Creek ronchonna et décida qu'il était temps de la laisser planter là. Il n'aimait pas la tournure de la conversation, préférant être celui qui mordait que celui dont on riait.

Déjà son regard fuyait vers un autre horizon quand la voix de la femelle le rappela à l'ordre. Son air grincheux s’illumina alors en un rire spontané.

« Ma patte folle, comme tu dis, est un atout. Elle laisse croire à un handicap inexistant. »

Pour preuve, il sautilla en avant sur trois pattes avec l'habilité d'un funambule, puis repoussa le sol de toute ses forces avec ses antérieurs pour faire quelque spas uniquement sur ses pattes arrières. Il retomba ensuite lourdement sur le sol et reprit, jobard :

« Je l'ai depuis presque toujours, j'ai appris à faire avec. Mais faire le clown n'est pas dans ma vocation. Trouver des cachettes oui. Il y a des grottes là où le sable laisse place aux terres Lazulis. Si tu continue par là, le climat va se rafraîchir. Au bout du rivage tu trouveras la banquise. »

Puis, dans un haussement d'épaule, il pivota pour face à la femelle aux longs cheveux, inclina la tête un peu cérémonieusement, se moquant gentiment des belles convenances des gens civilisés et dépassa la Solitaire pour rejoindre lesdits contrées plus clémentes. Lui n'était pas friand de glace, et humide comme ils étaient, il n'y avait que la mort pour les attendre du côté des territoires en perpétuel hiver. Parce qu'il n'était pas trop méchant quand même, et surtout parce que la louve lui semblait avoir de l’intérêt, il ne pressa pas le pas, au cas où elle souhaiterait un guide. C’était peu probable, mais, quelque part, il l'espérait un peu. Parce que bon, elle attisait quand même sa curiosité et que ça le ferait chier de devoir la pister plus tard pour la recroiser. Surtout qu'avec ce sale temps à pas mettre un flibuster sur la mer, il allait galérer pour la suivre à la trace... Allez, viens cocotte. On pourrait encore s'amuser.

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Finalement, elle n'était que déception. Il avait cru l'espace de quelques minutes qu'lele aurait pu relever le niveau de tous ces continentaux geignards et faibles. Creek s'était fourvoyé, et cette fois, il en était vraiment mécontent. C'était bien dommage. Vil femelle, vipère à la langue trop pendue. Un large sourire goguenard lui barra le museau alors qu'il répondait aussi sec :

« Tu as mal compris. Là où tu voulais aller, la banquise. De mon côté, les terres Lazulis au climat plus sympa. »

Il haussa les épaules quand elle changea de direction. Était-une statut de sel, qu’elle craignait autant le lourd déluge des cieux sur leurs échines ? Était-elle fragile au point de ne supporter quelques gouttelettes de boue ? Un bon passage dans la rivière et elle serait toute propre. Pauvre bichette. Sans doute s'était-il complètement trompé sur elle. Elle n'était rien de plus qu'une princesse égarée sous un temps peu clément. Retourne donc dans les pattes de tes protecteurs, louve de la terre. Tu y seras moins en danger. Le rictus du pirate s'estompa.

« Finalement, tu n'es pas moins désagréable et capricieuse que les claniques. Tu devrais aller chercher refuge chez eux. Il parait que les Lazulis savent apprécier les femelles à leur juste valeur. »

Lâcha t-il d'un air détaché. Il n'aimait pas être traiter de crétin, ni de quoi que ce soit d'autres en fait. Si le mâle anthracite aimait jouter verbalement, il ne trouvait plus aucun intérêt à la conversation lorsque le cynisme s'enfuyait au profit des insultes, même basses. Vexé le Raeder ? Si peu. L'égo du loup à la patte folle était haut perché alors forcément, il préférait largement mener le jeu de l'humour caustique plutôt que d'en être la cible. Sans plus se soucier de la louve claire, ou pas plus d'un regard en coin, il alla s'asseoir sur le haut de la dune de sable. Le sol était collant et -il n'était pas faux- instable. Le ciel était toujours aussi fermé et sombre et ne promettait aucune accalmie de la journée. Creek soupira, l'eau ruissela le long de sa nuque et de sa barbe ne l'aurait pas déranger plus que ça, si la pluie n'avait pas encore forcit, transperçant son épaisse fourrure de loup de mer. Un frisson incontrôlable le prit, qu'il dissimula en s'ébrouant vigoureusement. Bon, en effet, rester là n'était pas la chose la plus maligne à faire. Sans un mot de plus, quoi qu'il se permit un regard appuyé à la peste, il partit en avant. S'il y avait bien une grotte ou un amas d'arbres assez serrés pour lui offrir un petit toit de fortune, il serait le premier à s'y installer.

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Il aurait pu jurer qu'un éclair meurtrier avait durci les jolies prunelles de la femelle alors qu’elle se retournait vers lui quand le ciel s'illumina soudainement et avec tant d'éclat qu'il se sentit presque aveuglée une fraction de seconde. Par contre il vit bien la colère sous les gestes instinctifs de son interlocutrice. Museau plissé, sourcils froncés, oreilles en arrière et queue dressée. Tous les signes étaient là. Au moins elle était franche : il avait passé la barrière de l'agacement simple. Lorsqu’elle sous-entendit qu'il y allait sans doute fréquemment, ce fût son tour d'être offusqué !

« Plutôt mourir que de fricoter avec des demis-loups privé de liberté ! »

Lâcha t-il en montrant les crocs avant de se détourner et de faire dos à cette Langue de vipère. Il haussa les épaules quand elle jura, ignorant avec superbe cette femelle trop venimeuse pour lui. Enfin trop... Non. C'était au contraire intéressant même s'il appréciait peu de se faire rabrouer aussi aisément. Du coin de l'oeil, il la vit courir s'abriter sous quelques rochers dégoulinants d'eau. Certes elle n'était plus directement en contact avec le rideau frais de cette pluie diluvienne, mais il doutait qu’elle sèche là-bas ! Creek tourna la tête à droite et à gauche pour détendre ses épaules crispées. Le seul avantage à cette ondée qui ne semblait vouloir s'alléger, c'était qu'il était littéralement lessivé. Bien sûr de la boue sablonneuse maculait ses pattes et son ventre, mais son poil détrempé ne gardait plus traces d'odeurs de brûlé, de poudre à canon ou de Rhum maudit. Il devrait donc se contenter de son haleine chargé d'alcool frelaté et de poisson pour faire fuir ses ennemis. Mince. Ça manquait de piquant. Et il ne pourrait pas rentrer de sitôt sur son île prison vu le tempérament trop tempétueux de la mer. Soupir. Grincement de dents. Les oreilles du mâle captèrent une voix a travers le chant de la pluie, il tiqua et se retourna, fixant avec curiosité la femelle clair qui l'avait interpellé.

« Pourquoi ? Tu m'inviterais à partager ton... refuge ? »

Ce n'est pas que l'idée d'une promiscuité avec la mordante princesse ne le réjouissait pas, au contraire, de manière tout à fait logique en terme de survie, deux corps chaud collé l'un à l'autre permettait de maintenant une température à peu prêt idéal durant un certain laps de temps en cas de grand froid. Ils n'étaient pas en période hivernale, cela dit il était mouillé jusqu'à l'os et commençait sérieusement à avoir la chair de poule. Celà dit, il tenait moyen à sentir la petite mâchoire de la femelle se refermer sur lui. Quoi que... ? En attendant, tout bon pirate qu'il était, il avait appris à respecter l'espace vitale d'une louve -sa mère le maudirait plus encore en cas contraire et les Raeders avaient déjà bien leur part de damnation à supporter ! Il attendit donc patiemment en ancrant ses prunelles cobalt à celles de la solitaire, tirailler entre l'envie de profiter de sa présence et plus si affinité, et celle d'abandonner là ses fantasmes au profit d'un abri si ce n'est moins austère, au moins plus étanche !