❀ Mes anges, mes lucioles ♖

Tu ne t'épanouis sous un grand jour, Jolitemps. Ton cœur s'est transformé en pierre, une pierre qui se fissure et laisse couler l'encre noire des mots inavoués. Tu regardes le reflet de la lune, t'attendant à ce que perce l'aileron d'une ruine.
Mais tout n'est qu'une phase plate et uniforme, il n'y a que toi pour dessiner des ronds dans l'eau en y entrant toute entière. Le sel vient mouiller tes poils, tu en ressors iodé, retournant prêt de ta digne portée.

Tes filles.

Tu portes sur elle des yeux avides de sentiments. Tu les aimes, toutes les deux. Si fort. Elles, que tu avais porté dans un ventre rond à en craquer, dont un astre plein n'avait eu à envier les courbes. C'était une ruine d'oiseau, qui t'avait accordé ce droit, alors que tu t'étais engouffré dans la mer pour le rejoindre, qu'il te prenne une dernière fois dans une danse tant rapprochée.
L'une avait été conçu il y a bien longtemps de ça, maturant en ton être. Si imposante, par rapport à sa sœur, portant en elle la force de détruire. Elle était ta fille démone, héritage de son père.
L'autre était venue de tes dernières chaleurs, celles à qui succéda l'infertilité de l'être vieillissant qu'était ton corps. Frêle, d'apparence similaire à ce que tu avais été. Une force d'haïr supplémentaire. Elle était ta fille oracle, ton propre héritage.
Maintenant, tu avais si peur de les perdre.
Tes erreurs te les enlèveraient, Arastée ne cessait de te le répéter. Peut-être ce soir. Peut-être à jamais. Tu avais attisé bien des feux, un incendie rôdait dans ton dos. Les fleurs brûlaient trop vite.

Ta langue passe sur le dos de ta petite démone, nettoyant une dernière fois les plaies cautérisées. Ces ailes arrachées par un père digne, parce qu'un démon ne pouvait ressembler à un ange. Tu l'avais laissé faire, pour ce seul plaisir, celui-là : ta langue, encore, une dernière fois. L'enfant était propre. Soigné. Tu n'aurais sans doute l'occasion de le refaire, il te fallait savoir ce que c'était, que de guérir une aimée.
Tu apprécias ce moment. Calmer les plaintes pour montrer l'amour d'une mère. Ce souvenir s'était gravé, là, au fond d'une mémoire aux pensées un peu trop folle.
Tu profites encore.
Leur glisse tes mots, ceux qui n'ont de sens que dans les oreilles des avisées.

Jusqu'à ce qu'il arrive, le convoqué.

« Te voilà, mes DeuxCornes.
- C'était ma promesse. »

Tes yeux bleus le brûlent, alors qu'il s'approche. Des babines qui se soulèvent sur des crocs affutés, et il se stoppe, sur cette plage où vous êtes seuls. Tu ne veux pas encore qu'il les touche. Il n'en a encore le droit, il doit l'attendre encore un peu. En attendant, ses yeux à lui se posent sur ta précieuse portée. Il n'a l'émotion de ton bleu. Pas encore. Car un jour, son violet finirait par oublier l'analyse, tu n'avais besoin de personne pour savoir une telle chose.
Le silence est brisé par toi, tu es la seule qui mène votre conversation faites de brèves phrases qui s’entremêlent.

« L'amour t'emporta un jour. Ton cœur exsangue qui ne bat qu'en hésitant ne fera de toi autre chose, elles seront comme les tiennes, sans que tu ne les possèdes un jour. Seront-elle ton affection ?
- Aimer ces filles qui feront couler le même sang que toi ? Je le crains. Malheureusement. »

Il ne les lâche plus de ses yeux, alors que ses cornes n'ont plus rien à envier à celles de la démone. Il finirait par s'attacher, à ces filles qui lui ressemblent sans qu'il n'en soit le père. Tu le savais, toi : ta ruine d'Oiseau et tes DeuxCornes étaient lié du même sang, comme tes promises et les fourrures de ton col. Tout comme il s'était lié à toi, d'un pacte fait d'une promesse et d'un voyage partagé. Tu lui avais sauvé la vie, soignant son corps des griffes d'un puma et emmenant son âme danser bien loin de ces terres.
Jusqu'à chez toi. Terre d'origine où les essences des Oracles prennent leur source. Il en avait reçu un souffle, pour s'y être aventuré : pour ça, il serait seul à être digne de s'occuper d'elle.
Le seul à te le devoir, sans dévier tes filles de leur chemin destiné.
Car il savait. Il savait, à quel point tout serait inutile, tant la différence ferait leur folie. Il baisse la tête, ne quitte tes yeux des tiens.

« Parle-moi d'elles, avant que tu ne te les enlèves.
- Elles sont mes anges et mes lucioles. Mes amours. Mes filles. Elles sont l'héritage tant démon que oracle. Elles sont moi, elles sont lui. Elles ne seront jamais toi. Tu les découvriras bien assez vite.
- Et n'aimeraient-elles te revoir ? Tu es reine mère encore en vie.
- Peut-être, oui. Arastée saura t'indiquer. Elle te connait, elle n'a cessé de t'observer, tu le sais. »

Ton sourire le déstabilise, il recule d'un pas. Il te craint, un peu. Il se méfie de toi. Et en même temps, il est là. Sans protection. Sans force pour te tuer, lui capable de pourtant te balayer. Il ne fera pourtant rien, car à lui tu n'as jamais rien fait. Ami ? Non. Juste DeuxCornes au souffle d'oracle, venu ici pour une promesse.
Lorsque tu lui confierais tes filles, il ne te devrait plus rien. Et ce moment approche. Oui, il est là, il arrive... Tu retournes auprès d'elle. Passe un temps comme une chose précieuse, où tu restes blotties tout contre elle. Tu t’enivres de leur odeur, leur fait garder la tienne.
Tu murmures à leur oreille, des prédictions de lendemain. Un mot d'amour, en résultat immédiat, pour l'harmonie de l'esprit et du corps.

« Je t'aime. Mes anges, Mes lucioles. Je t'aime. »

Et puis c'est lui, qui vint recevoir ton contact. Volé, alors que tu viens de te relever dans une grâce féline, pour que ton torse rencontre le sien et la palpitation de son glowstick. Il ne bouge pas, tes DeuxCornes. Regarde droit devant lui. Vers la mer, vers la mort, vers l'île et l'avenir.
Tu le laisses partir vers chez lui, porteur de ton odeur et protecteur de tes deux filles.

Mes anges, Mes lucioles...

Mésange. Méluciole.