Sous l'ombre des crocodiles — Horus [Ne pas archiver]

~ 1 an

Le jeune loup errait avec peine dans les marais. Il n'avait pas encore l'endurance ni les muscles noueux de son père ou de son frère au même âge. Il n'était clairement pas digne de porter le beau rouge du Dieu Grizzli. L'adolescent en était à la fois attristé, de ne pouvoir rendre ses parents aussi fier que Thalion et soulagé, parce que vraiment il ne se sentait pas à l'aise avec la divinité de la force physique. De même, il n'avait pas la réflexion astucieuse ou la ruse assez poussé pour suivre les traces de Nòtt et de Korra ou de Ptah, ne pouvant là non plus suivre l'héritage familiale... Déception de lui-même et inquiétude lui barrait l'esprit dans un tourbillon épuisant. Il se savait incapable de suivre l'un de ses parents sur la voie qu'ils avaient chacun emprunté. A vrai dire, il serait sans doute rester un moment bloqué sur ce problème s'il n'avait pas eu cette discussion avec sa cousine. Jeune louve hybride ivre de liberté et d'aventure, pourtant accrochée à une foi indéfectible pour Kiro, comme son père avant elle, l'oncle Grimm qu'il n'avait pu connaître. Elle lui avait aussi dit que Nout, la mère de leurs deux pères n'avaient jamais porté de glowstick même si elle priait l'Anaconda au fond de son coeur. Cela l'avait rassuré, vraiment. Il pouvait bien ne pas porter de glowstick alors ! Ou bien attendre encore et peut-être sentir l'appel d'une divinité plus tard ? Ou bien à l'instar de Séchat et de Nout, promettre intérieurement voeux de fidélité à un dieu sans en porter ostensiblement la couleur. Même s'il tenait tant à prouver sa valeur aux yeux de ses parents aimants. Alors il avait commencé à réfléchir à ce jaune qu'il voyait si peu parmi les disciples des Dieux de sa meute. Enfin, du moins parmi ses proches !

Tout en pataugeant un peu aléatoirement dans l'eau vaseuse peu profonde, ses pensées vagabondèrent sur cette belle et lumineuse couleur. Le jaune. Jaune comme le soleil, comme le tournesol ou l'arnica. Comme le poussin ou la topaze. C'était aussi la couleur de l'or et du miel qui se fondait dans les prunelles de presque tous les loups de sa tribu d'hybride. Enfin hybride... Lui ne l'était pas tant. Il n'avait récolté des gènes reptiliens de son père que les pupilles fendues noyées au centre d'iris vert d'eau. Sokaris et lui, petits derniers d'une belle et grande famille, se trouvaient plus proche physiquement de la mère adorée que de Geb. Contrairement à leur deux aînés. Peut-être était-ce là un signe supplémentaire de sa différence ? Même s'il aimait chacun de ceux partageant son sang, il ne se sentait en phase avec aucun d'eux, si ce n'est la douce Korra. Maman savait toujours le réconforter et trouver les mots justes pour lui rendre le sourire. Sourire qu'il perdait assez rarement au passage. Le jaune symbolisait aussi la gaieté, l'optimisme, la lumière. Des traits auxquels Horus s'attachait pleinement. Cependant, le jeune loup ne voulait pas se lancer inconsidérément vers la dernière couleur des Etelkrus. Même s'il ne se voyait pas quitter les siens, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne pourrait jamais se forcer à aimer un Dieu dont il ne saurait appliquer les valeurs. Ici, L’Anaconda représentant l'agilité et la rapidité plus physique que mentale, encore que... Hors il était plutôt habile et leste a défaut d'être fait de muscles épais. Et s'il n'était pas doué de roublardise, il n'était quand même pas idiot et savait additionner deux informations reçues.

Le mâle au pelage pâle avait donc entreprit de chercher la nouvellement nommée Prêtresse, espérant ainsi voir s'envoler ses doutes après l'avoir consultée. Peut-être mettrait-elle en lumière qu'effectivement il lui faudrait trouver ailleurs la foi que cherchait son coeur. Après tout, le jaune ne représentait pas que des bonnes choses. Symbole de vérité, par l'entremise du soleil quand il la met en lumière, mais aussi de trahison, quand il éclaire la tromperie, la fourberie, l'adultère, la jalousie génératrice de 'rires jaunes', tout en évoquant par ailleurs le désert et la sécheresse... Comme chacune des couleurs le jaune avait un aspect négatif. Horus avait lu quelque chose là dessus, sur la théorie des quatre humeurs. L'atrabile, la bile, le flegme et le sang. Ça disait celle de la bile entraînait par exemple un sujet à être enclin à la colère, ou irascible. Ainsi la joie de vivre pouvait se transformer rapidement en ennui, dès qu'on l'on n'était plus passionné par ce que l'on vivait. Couleur du miel, des jaunes d'oeufs, du blé. Sincère et chaleureuse. Il voyait pourtant dans le jaune plutôt l'empathie, le refus de la solitude et la bienveillance. Ses nombreuses lectures l'avaient un peu perturbé, pour imaginer tout ça à propos d'une simple nuance que captait son œil. Le jeune mâle retrouva du sol plus ferme et s'ébroua pour décoller un peu de boue verdâtre et collante de son pelage. Le souffle lui était un peu court à force de batailler à chaque pas. Heureusement d'ailleurs qu'il marqua un arrêt pour respirer, car sinon, il aurait reprit sa route vers le temple de Kiro sans voir que la Prêtresse n'y était pas. Il l'aperçut de loin, assise prêt d'une souche.

Un large sourire vint fleurir sur son museau alors qu'il se dirigea vers elle. Elle le vit sûrement arriver, ou l'entendit sans doute : il n'était pas très discret avec ses pattes lourdes de vases et de sable. Il baissa le museau en arrivant prêt d'elle.

« Bonjour Prêtresse Sheina. Vous allez bien ? »

Il marqua une pause, courtoisie obligeait, même s'il était impatient de poser toutes ces questions !

« Je souhaiterais quérir vos conseils. Il est presque temps pour moi de prétendre à une épreuve, et je ne sais pas si je suis prêt. »

Horus posa son regard vert d'eau dans les yeux malvoyant de la louve ailée. Elle était intimidante quand même. Soucieux de ne pas lui paraître désagréable ou mal élevé, le jeune mâle rentra la tête dans les épaules pour se faire plus petit.

~ 1 an

Consciencieux et à l'écoute, le jeune mâle s'assit, la tête légèrement penchée sur le côté. Ses grandes oreilles d'enfant tombant un peu, lui donnant l'air d'un chiot curieux. Son regard clair détailla la louve violine alors qu'il acquiesça inconsciemment à ses paroles. Sa façon parfaitement honnête de lui répondre, lui signifiant ainsi que ses craintes étaient naturelles et partagées par d'autres, le rassérénèrent un peu. Ainsi l'angoisse de la réussite pendait à la truffe de plus d'un adolescent... Il réfléchit aussi à ce que la Prêtresse lui confiait : le glowstick n'était pas le seul but de l'épreuve. Il fallait aussi satisfaire réellement un Dieu qui savait tout de vos plus profonds travers... Quoi qu'à son âge on avait pas trop d'erreurs à se reprocher encore ! Et si... Et si la divinité pouvait voir le futur et déterminait alors qu'un loup n'allait pas valoir le coup ? Finalement la peur enserra son coeur. S'il ratait une épreuve alors ses parents sauraient que contrairement à ce que Sheina disait était faux... Ils le n'auraient pas bien élever et auraient honte de l'avoir eu pour fils. La pression se fit plus lourde sur ses encore trop frêles épaules. Horus déglutit.

« Je ne sais pas... Il a eu une très grande importante pour mes ancêtres, et sa couleur lumineuse m'interpelle. Et puis... Je ne pourrais jamais prétendre à être le disciple de Dairo, et je n'ai pas pour vocation de suivre le Grizzli. Hors si je quittais les Etelkrus en quête d'un autre dieu mes parents seraient très tristes et probablement très déçus. Je ne veux pas les abandonner. J'essaye d'être un bon fils. Comme Thalion ! »

Son discours sonnait vraiment gamin pour un adolescent censé aller vouer sa vie à un Dieu. Horus fit le moue, embarrassé. Il savait qu'il était capable de mieux, capable de contrôler ses dernières pulsions infantiles qui parfois venaient lui chatouiller la langue. Il allait être adulte bon sang ! Le jeune mâle au pelage beige soupira et son regard limpide alla fouiller le paysage à la recherche de quelque chose à quoi s'agripper.

« J'ai peur de décevoir tout le monde. Mon père est un valeureux guerrier, ma mère est la douceur incarnée, mon frère est respectable, ma soeur soigne les autres avec la plus grande des compassions et moi je suis le vilain petit canard qui ne s’intéresse qu'aux choses futiles et... bizarre. Sokaris dit tout le temps que je suis cinglé... »

Tout ça parce qu'il préférait passer son temps à lire des histoires, à se documenter sur les us et coutumes et autres rites funéraires et de l'au delà des différentes contrées, à suivre le Croquemort et à apprendre de lui tout ce qu'il pouvait plutôt que de s'entraîner à devenir aussi vaillant que les mâles de sa famille ou aussi utile que les femelles de cette même tribu... Sokaris elle-même semblait suivre la voie tracée par Geb et Thalion. Au fond, de tous, il ressemblait le plus à Ptah, quoi qu'il était nettement plus sociable... S'il avait su à quel point son oncle se sentait comme le monstre de foire au milieu de tous les autres... Cela l'aurait-il soulagé de toute façon ? Sans doute pas. Il se serait plutôt sentit mal pour lui et se serait oublié. Ca il l'avait hérité de son adorable mère. Le regard du jeune mâle revint vers la femelle détenant les réponses. Enfin, il fallait bien qu’elle elle les ai sinon... Il serait perdu à jamais dans l'océan de la honte et de la déception... Les adolescents étaient si... Dramatiques.  

~ 1 an

Le jeune mâle se recroquevilla lorsque la Prêtresse, au contraire, s'élargit en déployant ses ailes et en se redressant. Elle paraissait soudain si grande et si forte ! Impressionné, Horus ouvrit grands ses yeux vert d'eau pour observer tous ces détails qui faisaient de la louve hybride quelqu'un de différent. Tout comme son oncle Ptah, qui avait gagner à la loterie génétique et récupéré plus d'attributs reptiliens que frères. De fait il était celui qui avait le plus subi, d’après ce que racontait son père, les moqueries et les regards méfiants des autres. Le disciple de la Renarde et architecte l'avait très mal vécu, et s'il avait déjà été un loup solitaire, cela l'avait rendu plus renfermé et maladroit socialement parlant. L'adolescent beige ne voulait surtout pas devenir comme son tonton, même s'il l'aimait beaucoup ! De toute façon, lui n'avait rien de disgracieux, Maman lui disait toujours à quel point il était un charmant jeune loup. Mais bon... Il ne visait pas la déesse des Lazulis donc bon... Ca ne l'avançait pas beaucoup ! Par ailleurs il réalisa la portée de ce que disait la femelle. Il devait être lui-même, pour lui même. Et logiquement, son épanouissement rendrait heureux ses parents. Même s'il ne se trouvait pas là on on l'attendait...

« Il n'y a pas d'abomination dans cette meute Prêtresse. Mais peut-être vos paroles seraient réconfortantes pour mon oncle Ptah. Le regard des autres a toujours été une angoisse pour lui. »

Horus se releva, regarda autour de lui et fixa la femelle ailée.

« Je vous remercie de vos paroles sages. Je crois avoir trouvé la lumière qu'il me fallait. »

Bien sûr il lui fallait réfléchir encore un peu mais, il pensait effectivement à une solution qu'il n'aurait jamais envisager auparavant. Son réel soucis était d'abord de terminer son apprentissage, le reste viendrait ensuite. L'enfant offrit un sourire rayonnant à la louve de bons conseils.