What I've done — Siam

C’était une de journée, où ne régnait ni le soleil ni la pluie, mais où  le ciel était couverts de nuages gris. La mer au loin grondait, les vagues s’écrasant avec bruit sur le sable. Cela n’avait en rien empêcher Lewis de parcourir les terres. Sa tanière était bien vide, Hypoxie n’était toujours pas rentrée, laissant sa fille seule dans leur antre, avec pour seul réconfort l’odeur de sa mère, sans parler de celle de son père qui lui avait laissé son capuchon. C’était tout ce qui lui restait de lui, ça et une fiole emplie d’un sang dit magique. Alors oui, il arrivait que la nuit tu te sentes seule, que tu cauchemardes puis te réveilles sans personne pour te réconforter, comptant sur les autres pour avoir une chance de manger…

Une existence encore bien affligeante aux yeux de la petite qui soupira. Serrant Poe entre ses pattes, Lewis posa sa petite tête doucement sur la tête de sa grenouille, la seule sur qui elle pouvait compter. Une effluve inconnu chatouilla alors la truffe la jeune pirate qui se tourna vers cet inconnu, plutôt ravie d’avoir de la compagnie sur cette île manquant de louveteaux.

« — Corbeau noir, porteur de mauvaises nouvelles… », maugréa Poe en voyant le loup.

« — Poe, combien de fois t’ai-je dit de ne pas être malpoli !  » La petite caressa avec tendresse la tête de sa grenouille, avant de porter son attention sur l’étranger, un sourire aux babines. « Alors Sir Corbeau, qu’es-tu venu faire ici ? »

Apporter de noires nouvelles ? C’est que Poe n’avait pas faux sur toute la ligne, alors la loupiote se contentait d’attendre avec un air innocent.

Ce loup était bien étrange.

Durant un instant, Sir corbeau se contenta d’observer Lewis, qui n’aimait guère qu’on l’analyse de la sorte. Cet être des continents semblait particulièrement perdu, à la fois mentalement et physiquement, la pirate ferait peut-être mieux de ne pas trop s’attarder en sa compagnie. Histoire d’éviter les problèmes… mais bon, ce n’était clairement pas son genre, après tout là où il y avait des problèmes, il y avait amusement non ? Poe coassa en entendant la réponse bien trop vague de leur interlocuteur.

« — Comment ça t’sais pas ? Nous prends pour des pigeons ou quoi ? »

Faut dire que Poe n’avait pas tout à fait tort sur ce point. Rares étaient ceux qui échoué sur l’île sans objectif précis. Fronçant légèrement les sourcils, l’enfant concéda à répondre à la question.

« — Lewis, c’est comme ça qu’on m’a appelé à la naissance. »

Enfin… Le nom véritable était Minra-Lewis mais ça sonnait tellement moins bien. Beurk. Puis bon cet étranger n’avait pas besoin de connaître tous les détails de sa vie, alors qu’elle ne savait rien de lui. Un silence s’installa, pendant lequel la petite détailla l’inconnu. Visiblement, les plumes c’était un de ses accessoires fétiche. Les yeux mauves de Lewis s’attardèrent sur la plume bleue, sa mère en avait porté une similaire… son père aussi… Toutefois son attention fut attirée par le capuchon que portait Sir Corbeau. S’en approchant, la Raeder ne put qu’admirer le travail réalisé.

« — Whouah il est trop cool ton capuchon Sir Corbeau ! Ma soeur en a un tout neuf aussi, parce que papa il a eu le temps de lui en faire un… » La petite marqua une pause en fronçant légèrement les sourcils, en reculant légèrement. « — Lui aussi adorait les plumes… Quel est ton nom ? »

Le ton de Lewis s’était durci. Ce loup du continent et elle, avaient bien trop d’accessoires en communs… Se pourrait-il que ?

Le temps sembla se suspendre un temps. Lewis demeurait impassible toujours un sourire aux babines, tandis que ses yeux mauves étudiaient la réaction de son interlocuteur. Haussant un sourcil, la pirate ne réagit pas lorsque le loup noir vint renifler son capuchon. Que de manières… Heureusement que la Raeder n’était pas une petite princesse en porcelaine qui avait peur de tout. À ses pattes, l’amphibien croassa, son regard laissant supposé qu’on l’avait hypnotisé… ce qui était presque le cas après tout ? Le baiser magique contraignait les grenouilles à lui devoir fidélité.

« — Bien curieux le corbac… »

Le nom d’Alys fit remuer les oreilles de la petite qui laissa échapper le son d’un rire cristallin. Visiblement, le grand loup noir semblait en savoir bien plus qu’en apparence. Les yeux de la petite se posèrent de nouveau sur la plume bleue visible dans la coiffure du dit Siam. La même… Se redressant sur ses pattes, la Raeder fit le tour du continental. Alys lui avait dit qu’elle avait un frère plus vieux, sa descendance était reconnaissable grâce aux plumes et au capuchon. Aucun doute n’était ainsi possible.

« — Tout comme tu es son fils j’imagine, Siam. »

Son ton donnait l’impression de devenir plus autoritaire, mais Lewis changea rapidement d’humeur, sautillant presque sous la truffe du loup noir, un air ravi quelques secondes plus tard.

« — P’pa m’a parlé de toi ! Enfin avant qu’il ne disparaisse… C’est drôle de tomber sur toi, tu es le premier membre de la famille que je rencontre depuis un moment ! »

Entre Trixie qui avait rejoint dès la naissance une meute, Alys qui n’était plus jamais revenu à leurs rendez-vous habituels et Hypoxie qui avait disparu nul ne savait où…

« — J’suis heureuse de te rencontrer, grand frère. »

Le mâle ne semblait pas savoir sourire. Étais-ce chose si difficile ? Au contraire, Siam semblait plongé dans une sorte de mélancolie. Qu’avait-il à regretter ce loup des continents ? Ce corbeau échoué sur l’océan ? Alors vient la révélation. Cella qui aurait probablement du provoquer tristesse et larmes chez l’enfant. Probablement qu’une partie d’elle tentait d’enfouir tout cela, s’obligeant à ne pas pleurer, ne pas montrer sa faiblesse. Alors la petite adopte une expression neutre, ne sachant que dire à cet aîné assassin, lui qui avait définitivement enfoui et enterré leur famille. Ainsi, cela expliquait pourquoi l’Etelkrus n’était jamais revenu la voir, ne lui avait jamais plus raconté d’histoires… C’était pour cela même qui lui avait donné une fiole de son sang, parce qu’au fond, lui-même savait que la fin approchait, que ses heures étaient comptées. La loupiote porte son attention sur les rivages, conservant le silence un moment, laissant le bruit de vagues bercer son coeur.

« — Quel fils tu fais, grand frère. »

Probablement aurait-elle dû dire autre chose, mais quoi ? Fallait-il remuer un peu plus le couteau dans la plaie ? La pirate observa son frère, lui qui semblait attendre quelque chose de sa part, lui qui semblait culpabiliser plus que les apparences ne l’aurait laissé pensé. Un rire sans joie résonne un instant dans le gorge de la petite, qui sert son amphibien contre elle.

« — De toute façon, Alys n’était pas de première jeunesse, c’était dans l’ordre des choses, inutile de remuer le passé. »

Avec un air qui la vieillissait, Lewis plongea ses yeux améthystes dans ceux de son frère.

« — T’es venu pour me tuer aussi ? »

L’enfant tourna le dos à son aîné, observant les vagues s’écraser sur le sable, laissant l’air marin envahir ses sens. Bientôt, seul le bruit des grenouilles et des vagues ne cassèrent ce silence naissant, un silence que Lewis ne connaissait que trop bien. Celui qui régnait dans la tanière autrefois partagée avec sa mère, celui qui régnait depuis le départ d’Alys… Un silence qu’elle se devait de supporter, lui qui, était devenu son seul ami dans cette longue route. Siam lui assura ne pas vouloir la tuer… devait-elle le croire ? Au fond quelle importance s’il mentait ? Lui qui s’était laissé bercer par les murmures d’une autre corneille, lui qui avait tué leur père. Cette fois ce n’était plus Poe qui parlait, parce que l’amphibien ne se prononcerait pas sur une question aussi sensible, parce que la grenouille n’était qu’une façade, qu’un moyen de parler sans risque.

« — Alors bas-toi pour ce qui est juste. Bas-toi pour ce qu’il te reste d’honneur. »

L’enfant adopta une expression neutre, ressemblant particulièrement à Alys, s’adressant à l’adulte rongé par ses tourments, choses qui ne la touchaient pas encore.

« — Bas-toi pour exister Siam, c’est ce que père aurait et a toujours voulu. »

Parce qu’il avait suffisamment dit à quel point ô combien il aimait ses enfants, parce que c’était la chose qu’on ne pourrait jamais lui reprocher.