You're Gonna Go Far Kid — Rhaegar

La vérité était parfois si dure à accepter.

Hypoxie n’était pas rentrée. Son odeur ne devenant plus que souvenir dans la tanière que Lewis habitait désormais. Pourquoi sa mère n’avait-elle pris la peine de revenir après les missions données par la dame Céto ? Pourquoi ne pas lui avoir parlé de son départ ? Cela irritait profondément la gamine, qui avait fini par quitter son antre, histoire de se trouver un autre lieu pour dormir. Tout naturellement, la petite c’était don dirigée vers la Carcasse, lieu assez vaste pour ne pas être dérangée, du moins il fallait l’espérer. Du moment que Lewis serait seule un moment, sans personne pour juger la fuite de sa mère, sans besoin de paraître de bonne humeur constamment alors que c’était le seul moyen trouvé pour fuir les problèmes. Fuir les tourments. C’est ainsi que la jeune pirate se retrouvait perchée sur une poutre de la carcasse du navire, profitant de sa solitude pour se reposer. L’odeur de bois pourri finit par ne plus déranger la petite, pas plus que l’odeur salé de l’océan qui rongeait doucement cette épave. Alors doucement, la Raeder se laissa bercée par les bras de Morphée, les faibles croassement de Poe l’apaisant.

Le grincement du bois fit ouvrir les paupières de l’enfant. Relevant la tête, la loupiote observa cette silhouette qui avait l’audace de visiter ce lieu. Remuant sa queue recourbée assez agacée à la manière d’un chat, Lewis pencha sa tête en avant, un sourire joueur venait étirer ses babines. Les louveteaux étaient biens rares chez le pirates, on devait s’occuper comme il était possible, avec ce qu’on trouvait. La voix enfantine de la petite vint briser ce silence que le lieu rendait assez pesant.

« — C’est un grand garçon que nous avons là ! »
« — Étranger qui fourre son nez là où y’frait mieux d’ne pas aller. »

Poe était juste à côté de la jeune louve, dont la silhouette bien menue ne devrait nullement impressionné son interlocuteur. Qu’importe après tout, Lewis avait certes des défauts, mais attaquer sans prévenir non, trop contraignant un combat en plus. Inspirant doucement, la loupiote entrouvrit la gueule, ses yeux mauves se posant avec neutralité sur l’étranger.

« — Tu sens le loup du continent. Comment t’appelle-t-on de là d’où tu viens ? »

Rhaegar

Aujourd'hui, aucune leçon n'était prévue, il était libre de ses occupations, libre de dormir toute la journée ou de se rendre utile. Se rendre utile.. Arrh, certainement pas. C'était déjà assez frustrant de devoir obéir à son mentor et l'écouter pendant toute une après midi. Mais il le devait, il n'avait pas le choix si il voulait rester dans la meute, il devait grandir.
Âgé tout juste d'une lune, il rentrait dans l'âge de l'adolescence, un âge à ne surtout pas prendre à la légère. C'est l'âge rebel où l'on cherche l'indépendance, l'âge où l'on découvre la sexualité, où l'on découvre ses premiers sentiments. Plus encore, l'âge de l'impertinence, l'âge de l'incompréhension et des remises en questions. Rhaegar entrait dans la période la plus difficile de sa vie, et il n'en était même pas conscient..

Envie de changement, envie de découverte, de rencontres. Envie de.. se battre ? D'attention ? D'affection ? D'un père peut-être..
Ses pattes foulèrent le sable tiède, l'eau gicla autour de lui, sur ses pattes, sur ses flancs, sur son visage. Son corps entier se mouvait dans un galop rythmé, sa fourrure épaisse virevoltait dans le sens inverse de sa course. Il se sentait libre, il s'élançait sans but, sans contraintes, avec pour seule envie de se dégourdir les pattes, d'être loin de tout. L'air marin giflait son visage, ses muscles en demandaient plus, il en voulait encore. Alors il se jeta à la mer et se mit à nager, sous l'eau, puis hors de l'eau, la fraicheur de cet immense liquide lui glaça le ventre. La fatigue arriva, finalement, alors qu'il se trouvait en pleins milieu de.. de rien. D'une infinie couche bleue mouvante, d'un monde qui n'était pas le sien. Plus loin, une terre lui tapa dans l'oeil, elle était plus proche que son point de départ. Ce devait être l'île de Morne Oeil dont lui avait parlé Ajani. Il n'avait pas encore visité l'île, mais il pouvait bien y jeter un coup d'oeil quand même, c'était une découverte comme une autre.

Arrivée sur le sable, il s'ébroua et propulsa de l'eau partout autour de lui, il ressemblait à un ours avec son poil mouillé, ses cheveux lui retombaient sur les yeux. D'un coup de patte, il s'efforça de ramener cette mèche rebelle en arrière, puis il s’aperçut qu'il venait de se foutre du sable sur la tête. Il jura dans sa barbe et claqua des mâchoires, il était à fleur de peau.
Foutu sable.

Après un moment à observer ce qui l'entourait, il se mit à trottiner, longeant la berge pour ne pas se perdre. Peut-être qu'il tomberait sur ce lion blanc qu'il avait rencontré, peut-être sur des pirates sans pitié qui l'emprisonnerait et utiliserait son sang dans un sacrifice étrange et inutile. Ou peut-être que l'île était déserte et qu'il la baptisera Rhaegaaaaar. Un sourire s'esquissa sur ses babines à cette idée. L'île de Rhaegar, où les bagarres sont des rituels d'initiations et d'intégrations.

Il accéléra le pas lorsqu'une carcasse en bois se dessina à l'horizon, épave d'un bateau détruit par les aléas de cette mer indomptable. Peut-être qu'en bricolant dessus, il pourrait se faire un petit radeau sympa. Il n'était pas très ingénieux, mais il apprenait vite. Il admira ce tas de ruine d'en bas, les yeux plissés avec une concentration qui lui donnerait presque du charme. D'un bond, il atterrit sur le pont, son corps lourd fit grincer le vieux bois et il en fallut de peu pour qu'il tombe à travers. Les pattes écartées, il serra les dents en voyant à quel point cette chose était fragile.
Ses oreilles remuèrent à l'écoute d'une voix féminine, plutôt enfantine d'ailleurs. Son corps se tourna, doucement, prudemment pour faire face à cette gamine. Il se tint droit, les muscles encore gonflés par son périple. Ses yeux fins la détaillèrent sans scrupule, elle et son.. crapaud ? Grenouille ? Il haussa un sourcil en entendant cette chose siffler mauvaisement.

L'étranger va vite te faire ravaler ta langue, le crapaud. Maugréa le mâle sombre en souriant vulgairement.

Rhaegar. Se présenta-t-il en avançant d'un pas, avec plus de confiance.

Confiance qui rabaissa bien vite lorsque le bois craqua de nouveau, plus bruyamment encore, ce qui lui fit esquisser une grimace. La gamine elle, semblait plutôt tranquille sur son perchoir. Son corps fin entrait tout juste dans le processus de transformation, bientôt elle verrait ses atouts féminins prendre du volume et ses courbes se dessiner plus gracieusement. C'est comme ça qu'il voyait les femelles lui, en tout cas.

Quel nom t'ont-ils donné à toi, sur cette île ?

A supposé qu'elle vive bien ici.

C’était un grand loup aux teintes brunes et noires.

L’agneau qui entrait innocemment dans l’antre des grands méchants loups. Les Raeders n’avaient-ils pas cette réputation après les sacrifices qui avaient eu lieu ? Lewis n’était pas encore née à l’époque, mais faisant partie de cette meute, elle endossait également pour tout le groupe. La solidarité était la clé dans un groupe aussi petit. Avec attention, la gamine écouta la réplique du mâle, bien au moins un qui n’aurait pas la langue dans sa poche, cela promettait quelque chose de distrayant !

« — Grand méchant loup. »

Dans un geste affectueux, la loupiote donna un petit coup de truffe à l’amphibien, pour le calmer. Bien sûr, en réalité, ce n’était pas réellement Poe qui parlait, mais la pirate qui s’exprimait à son travers. Toutefois, malheur à celui qui oserait faire la remarque à la ventriloque. D’ailleurs, c’était si bien réalisé qu’il était difficile de réellement faire la différence. Se redressant sur son perchoir, Lewis observa cet étranger qui sembla se détendre. Étais-ce une bonne chose ? Les pirates n’avaient pas vraiment la réputation d’être agressifs… Enfin normalement, si on oubliait leurs dernières actions. Toutefois, la fille d’Hypoxie pouvait se montrer imprévisible.

« — Lewis. »

Avec douceur, la petite glissa Poe dans son capuchon, afin qu’il reste à ses côtés.

« — N’en veux pas à Poe, les étrangers ce n’est pas vraiment son truc en ce moment. »

Faut dire que Celle-qui-se-tient-tranquille-dans-la-mort avait eu l’audace de dévorer le prédécesseur de l’amphibien, sans nul remords. Vil petit Moustique sans aucune tenue ! Avec une certaine agilité, la pirate se laissa tomber sur le plancher qui grinça. Faut dire que c’tte vieille coque était bien plus vieille que les tous les Raeders réunis, menaçant de s’écrouler à tout instant. D’ailleurs, à certaines zones l’on pouvait voir des trous dans le plancher, signe que certains avaient atterris à l’étage inférieur. Une expression sérieuse sur son petit minois, la pirate s’approcha de son interlocuteur, n’étant qu’une crevette à côté de lui. Pour tout dire, Lewis ne le surplomberait jamais en hauteur, conservant une taille de jeune adolescente pour le reste de ses jours… Frôlant le mâle noir, la loupiote finit par passer sous son ventre, avant de ressortir sa petite tête entre les deux pattes avants de Rhaegar, observant d’en-dessous.

« — C’est peu commun de voir des loups du continent ces derniers temps, aussi calmes surtout. Ne devriez-vous pas nous chasser pour nos dernier agissements ? »

Après tout, les pirates avaient voulu la bataille, voilà qu’ils risquaient de se retrouver avec une guerre sur les pattes.

Rhaegar

Cette chose visqueuse semblait être amie avec la jeune loupiote, à en juger par leur lien affectif. Comment pouvait ton être proche d'une grenouille ? C'est un animal lent, gros, gluant. Et elle n'est pas très belle en plus, il en a vu des plus jolies sur le territoire Lazuli.
Elle a même un nom cette grenouille, Poe, nom étrange donné à une créature étrange.
Il se doutait bien qu'ici il ne devait pas y avoir grand monde, l'île était perdue au milieu de la mer, à peine visible de l'autre côté du continent. Puis pour se lier à une grenouille elle devait être bien seule la gamine.. Les paroles de l’étrangère lui confirmèrent qu'il s'agissait bien de Morne Œil, l'île aux pirates. Il en avait entendu parlé par les membres de sa meute et par Ajani, mais il ignorait tout de ses habitants. Leur image n'était pas très flatteuse, ils étaient comparés à des voleurs, des fous, des vauriens, et ils étaient au cœur des soupçons concernant le kidnapping de certains membres Lazulis.

La gamine descendit de son petit promontoire pour s'approcher de lui, doucement, le contournant, passant entre ses larges pattes. Il recula d'un pas mais s'immobilisa rapidement lorsque le plancher hurla, l'avertissant d'un effondrement imminent. Une latte se releva un peu plus loin et sa patte arrière se bloqua dans le bois. Il sentit le poil de la petite lui caresser les pattes avants, elle était là, sous son ventre, la tête levée vers lui. Il baissa le regard sur elle, ce qui lui donna un air plutôt sévère de cet angle là.

Je pourrai oui, tu serais un délicieux encas. Menaça-t-il avec un sérieux déconcertant, ses crocs dévoilés en un grand sourire carnassier.

Il claqua ses mâchoires d'un petit mouvement sec près de la tête de la louve, mais il était si large qu'il ne pouvait même pas l'atteindre dans cette position. Il se contenta alors d'attraper le vêtement qui lui entourait le col avec sa grosse patte, il la souleva pour la mettre juste en face de son visage, la faisant pivoter vers lui avec ses griffes.

Je plaisante, cure-dent. Je ne fais pas de mal aux enfants, tu as de la chance.

Il la reposa doucement sur le pont du bateau, puis d'un coup il tira sur sa patte arrière pour se libérer de ce maudit plancher, brisant le bois d'un geste brutal. Il gronda en sentant qu'il s'était écorché, mais il n'eut pas le temps de tourner la tête que tout s'écroula en dessous de son corps.

Le plancher ne cessait de grincer.

Bah dit donc, c’est qu’il devait être bien lourd ce Rhaegar pour faire crisser autant le navire… C’est vrai qu’il était assez massif, nettement plus que les loups croisés jusqu’ici. Un vrai géant à côté de la petite crevette qu’était Lewis, même son père n’atteignait pas cette taille, pourtant Alys était loin d’être petit. Du moins dans le dernier souvenir qu’en conservait la petite… Un sourire innocent aux babines, Lewis n’était nullement effrayé par cette espèce d’ours, il lui fallait beaucoup plus, mais c’était assez amusant de voir toutes ses tentatives pour tenter de l’impressionner, les adultes pouvaient être si créatifs des fois.

« — Peut-être bien ou alors je te provoquerais une indigestion. »

Fallait toujours se méfier des couleurs, c’était comme les grenouilles, plus c’était des couleurs vives, plus dangereux c’était… Une des pattes vint saisir la pirate par son capuchon qui se trouva suspendu aux griffes du grand loup. Plutôt amusée, ses yeux brillaient d’espièglerie, alors qu’il tentait de la rassurer. Bah, pourquoi s’en prendrait-il pas à un louveteau ? Ils avaient quoi les gamins qui lui revenaient pas ? Penchant légèrement sa tête sur le côté, la petite interrogea Rhaegar.

« — Pourquoi tu fais du mal aux adultes ? »

De nouveau à terre, Lewis remua sa queue recourbée, nullement contrariée. Du fond du capuchon, sa grenouille laissa échapper un croassement, ayant visiblement peu apprécié le voyage au-dessus du sol, faut dire que cette Poe était un peu trouillarde, nettement plus que son prédécesseur. Posant son arrière-train sur le sol, la gamine observa le loup retirer brusquement sa patte arrière du plancher et avant qu’elle ne puisse l’avertir, le loup tomba d’un étage. Outch. Ça ne devait pas être agréable tout ça ! S’approchant du trou, la Raeder passa sa petite tête par le trou.

« — Bah dit donc, tu n’y es pas allé de main-morte… Ça va pas le faire si tu commences à détruire notre patrimoine.  »

Déjà que les pirates n’avaient pas grand chose, alors si les loups des continents se mettaient en tête de tout détruire… ils étaient pas rendus ! Faisant volte-face, Lewis disparut du champ de vision du mâle, se faufilant vers l’escalier encore en état. Faisant de petits bonds pour descendre avec prudence, la petite s’arrêta à l’avant-dernière marche.

« — Hé Rhaegar, y’avait un escalier si tu voulais descendre, t’étais pas obligé de tout casser. » La gamine descendit la dernière marche avant de s’approcher des caisses encore fermées. « Tu crois qu’il y a encore des trucs là-dedans ? »

Se mettant debout sur ses deux pattes arrières, Lewis renifla se demandant bien ce qu’il pouvait y avoir. Le sort de l’étranger ne la préoccupait pas plus que ça, au vu de sa taille, ça ne devait pas être si grave après tout, non ? Bon d’accord, si vraiment Rhaegar ne se relevait pas, l’enfant irait quand même voir… Histoire de ne pas avoir la mort d’un loup sur la conscience, enfin si tant est qu’elle en était dotée.

Rhaegar

Un nuage de poussière s'envola du trou pour remonter à la surface, puis un bruit, un grondement plutôt, frémit en bas jusque dans le bois du parquet. Alors que la gamine pencha la tête pour voir les dégâts, Rhaegar était là, emmêlé dans un filet à moitié déchiré. Qu'est ce qu'il venait foutre là ce filet ? Il se débattit avec rage et brisa ses liens en quelques secondes. Il était recouvert de poussière, le beau noir de son pelage était désormais grisé par la saleté. Il se releva, sa patte arrière lui piquait un peu mais c'était rien de bien méchant, il avait connu pire. La petite était descendue le rejoindre par un escalier qu'il n'avait même pas remarqué jusque là. Il la fixa un moment sans réaction, soupirant bruyamment par les narines. Puis ses yeux détaillèrent la pièce dans laquelle il avait atterri, c'était grand, aussi profond qu'une grotte. Il y avait des caisses, des tonneaux aussi, beaucoup de toiles d'araignées arh.. Des jets de lumière éclairaient le sous sol à plusieurs endroits en passant par les différents trous du plafonds, fait sûrement par d'autres loups tombés comme Rhaegar.

On va bien voir. Répondit-il en s'approchant, surplombant la louvette de sa hauteur.

Il la poussa doucement avec sa patte, la faisant glisser sur le sol, puis d'un coup de griffe, il arracha la partie haute d'une des caisses que la gamine reniflait. Il observa l'intérieur le visage neutre, il n'y avait rien de bien excitant dans celle la. C'était des boîtes de poissons et des épices, sûrement mis là par les autres pirates. Il y avait quelques algues aussi, toutes sèches. Qu'est-ce qu'ils pouvaient foutre avec des algues ? De la médecine ? Rhaegar n'était pas un herboriste et ça ne l’intéressait certainement pas de manger ou de cuisiner des plantes. D'un roulement d'épaule, il s'approcha d'une autre caisse juste à droite de celle qu'il venait d'ouvrir. Même procédure, il rappe l'une de ses griffes sur le couvercle dans un bruit aigu et désagréable puis dégage le morceau de bois.
Ses yeux se plissèrent de déception, puis avec impatience il poussa la caisse et la fit basculer, des rouleaux en sortirent et roulèrent sur le sol jusqu'aux pattes de la pirate.

Ce ne sont rien que des babioles ! Tu parles, si il y avait un trésor ils ne le laisseraient pas ici. Bougonna-t-il.

Bon, au moins Rhaegar semblait vivant.

La pirate remua sa queue recourbée, en regardant le grand loup d’un air innocent qui la poussa gentiment de sa grande patte. Sans rien dire, Rhaegar ouvrit plusieurs des caisses, visiblement déçu de ses découvertes. Une odeur alléchante se dégageait de certaines. Lewis escalada tant bien que mal une des caisse encore ouverte, se trouvant ainsi nettement plus grande. Un sourire ravi aux babines, la Raeder se pencha au-dessus d’une caisse que le grand mâle avait ouverte, ça sentait si bon le poisson séché. Tout en attrapant un, la petite s’exclama visiblement ravie de cette découverte.

« — Regardes trop bien ! Y’a des poissons séchés ! »

Tout en mâchouillant son poisson, Lewis observa rapidement le contenu des autres caisses, des épices, des algues… Les médecins trouveraient bien quelque chose à en faire de tout ça ! Redescendant de son perchoir, les pattes de l’enfant retouchèrent le bois, alors qu’en-même temps des rouleaux roulèrent jusqu’à elle. Probablement que certains contenaient des informations capitales, voir même une ou plusieurs cartes au trésor. Amusée, Lewis ne ut s’empêcher de rire en voyant l’air grognon de Rhaegar.

« — C’est bien vous ça, les loups du continent. Le trésor est bien ici. » La gamine écarta les pattes pour désigner l’ensemble du navire, ainsi que les nombreuses caisses du trésor. « C’est notre trésor. »

Probablement le plus précieux de tous. Le reste n’était que bonus. Se faufilant à proximité du loup, Lewis dut faire un bond pour s’accrocher au harnais qui entourait tout le corps du loup. À l’aide de ses pattes, la pirate escalada tant bien que mal, pour arriver sur le dos du mâle. Peut-être aurait-elle dû s’arrêter là, l’ours grincheux n’apprécierait probablement pas qu’on se serve de lui ainsi, mais la Raeder continua, jusqu’à s’installer sur la tête, avant de pencher la sienne pour croiser le regard à l’envers de Rhaegar.

« — Dis Rhaegar, pourquoi t’es venu sur notre île ? »

Question emplie d’innocence qu’était celle des enfants, mais d’une certaine curiosité aussi. Posant ses pattes avant de chaque côté du visage du mâle, Lewis posa une autre question.

« — Tu cherchais quelqu’un ? »

Rhaegar

Le regard blasé posé sur la petite, il l'observa découvrir à son tour la médiocrité du contenu de ces caisses. Elle semblait y trouver son bonheur elle au moins, il lui en fallait peur pour la satisfaire. Il haussa un sourcil lorsqu'elle avala l'un de ses poisson, une expression de dégoût collée sur son visage. Comment pouvait elle avaler ça ? Elle n'avait probablement jamais mangé de viande rouge, pour sûr. Ses yeux tournèrent de gauche à droite, mais lui ne vit aucun trésor, que du bois mort et des babioles inutiles.

On dirait bien que toi, tu n'as jamais mis les pieds sur le continent. Rétorqua-t-il.

Une grimace mêlant la surprise et l'indignation peignit sa gueule lorsqu'elle tira sur son harney. Il sentit ses pattes s'accrocher à lui, comme si elle grimpait un rocher. Il avait une tête de rocher lui ? Il tenta de l'attraper, mais il était aussi souple qu'un bout de bois.. Alors il se contenta de tourner sur place en vain, jusqu'à ce qu'une petite tête s'affiche devant ses yeux, l'obligeant presque à loucher.

Je ne tue que ceux qui menacent ma famille.

Une poussière rentra dans ses grosses narines et il éternua, basculant sa tête en avant. Les griffes de la pirate lui lacérèrent le visage et il gronda entre ses crocs serrés, faisant résonner sa grosse voix dans sa gorge.

Tu poses beaucoup trop de questions !

L'impatience commençait à le faire bouger dans tous les sens, il se sentait à l'étroit ici, avec la gamine qui lui écrasait la tête ça n'arrangeait rien. Il s'orienta vers l'escalier et monta, faisant craquer ce bois aussi vieux que l'apocalypse de Cronos.
Enfin à la lumière du jour, il prit une grande bouffée d'air par le nez. Ça sentait la pourriture et le sel, mais l'air restait plus respirable que dans les sous sol poussiéreux de cette épave.

Je ne cherchais personne en particulier, je suis arrivé ici par hasard, faut croire. Dit-il avec plus de calme.

Il leva les yeux vers la petite qui profitait de la vue, elle était pot de colle celle là, bien décidée à rester sur son nouveau perchoir. Une idée lui parvint et un sourire étira ses babines d'un air malicieux.

Accroche toi bien, gamine ! Lança-t-il d'une voix pleine de défis.

D'un coup, il sauta du navire et s'élança à toutes vitesses sur le sable. Bondissant à grandes foulées, une trainée de sable volait derrière eux tant il était rapide. Le vent fouettait leur visage, à tel point qu'il se demandait si la gamine pouvait ouvrir encore les yeux. Il se mit à rire en sentant ses petites pattes l'agripper, un rire que personne encore n'avait jamais entendu. Il repensa à ce crapaud mal élevé qu'elle portait dans sa capuche, ça devait lui plaire à lui aussi, de se prendre toute l'air dans la gueule. Pas sûr qu'il reste longtemps dans sa cachette, en revanche..  

La remarque du continental arracha un sourire à la gamine. Pour sûr, les terres de l’autre côté de l’océan ne l’intéressaient pas encore suffisamment… Y’avait sûrement pas de trésors là-bas ! Rien à voir avec la superbe île qui servait de terre aux pirates. Quoique, cela restait à voir, pourquoi pas après tout ? Elle qui était fille de l’océan face à ce loup des terres, pourquoi ne pas voir ces terres lointaines ? Remuant doucement sa queue recourbée, battant des paupières à moitié closes tandis qu’un sourire empli d’innocence étira ses babines, Lewis prit la parole de sa petite voix fluette.

« — Juste sur les plages ! C’était beau… Dis Rhaegar tu pourras m’y emmener toi, hein ? Je te fais visiter le navire comme ça tu me montreras un endroit pas trop moche de chez toi ! »

Hé, pas trop mal ce p’tit deal hein ? Déjà qu’il avait cassé une partie du navire, c’était bien la moindre des choses non ? Un p’tit dédommagement payé en nature, le coup classique. Un sourire ravi aux babines, tandis que ses petites pattes glissaient sur les poils du grand mâle, la pirate tentait au mieux de soutenir le regard ambré de son interlocuteur. Ça pour sûr, la langue bien pendue ce n’était pas la meilleure de ses qualités ! M’enfin, c’est que c’était plus cool que de lui mordiller les pattes pour le forcer à partir de l’île. Rhaegar déclara tuer uniquement ceux qui menaçaient sa famille, c’était un argument tellement vaste.

« — Normal, j’suis une enfant, vieil ours ! »

Pfff, s’il était tombé sur un des anciens qui rôdent sous les eaux, peut-être que Rhaegar n’aurait pas forcément autant apprécié son intrusion sur l’île. Le hasard. Quelle chose si étrange. Lewis ne souhaitait croire à une chose aussi futile. Tout n’était que destin, rien de plus. C’était le destin qui l’avait séparé de sa soeur, de son père, maintenant de sa mère qui ne reviendrait jamais pour une raison mystérieuse. Le regard vague, la petite prit la parole d’un ton morne, une expression neutre sur ses traits d’enfants.

« — Le hasard ça n’existe pas. Tu es venu parce qu’il le fallait, c’était inscrit dans ton destin. »

Changeant d’humeur rapidement, la pirate haussa un sourcil en entendant le conseil du continental. Intriguée, Lewis mit un moment avant de réagir. Ce n’est que lorsque Rhaegar courut à l’extérieur qu’elle comprit, se cramponnant aux mèches noires tant bien que mal en espérant que Poe soit bien accroché lui aussi. Le vent soulevait ses mèches mauves, provoquant une certaines hilarité chez elle, alors que l’air marin emplissait ses poumons.

« — C’est tout ce que t’as dans le ventre ?! »

Rhaegar

C'est qu'elle tirait fort quand même ! Elle comptait lui arracher les cheveux avant qu'il ne s'arrête ou quoi ? Pourtant, elle en demanda encore, à croire qu'elle le trouvait trop lent. C'était chose dangereuse que de provoquer le grand mâle, il était joueur et surtout, il ne refusait aucun défis, quitte à épouser le danger.

Comme tu voudras. Lâcha-t-il, avant d'accélérer l'allure, plus rapide encore.

Mais il n'était pas au top de ses capacités, non, il était lourd et encore plus que d'habitude avec cette demi portion sur la tête. Le sable l'engouffrait à chaque pas et le retenait davantage au sol. Il finit par être essoufflé et il s'arrêta, haletant.

Sur la terre ferme, tu aurais moins fait la maligne ! Dit-il un peu irrité, déçu de sa prestation.

La navire était loin maintenant, minuscule petite silhouette perdue entre sable et mer. Il était revenu à son point de départ, là où la mer l'avait recrachée.

Tu es trop petite pour traverser la mer, et puis ton navire est pourrie, ça vaut pas le coup.

Il se gratta la gorge, comme un rire qu'il étouffa entre deux inspirations. Après une minute, il reprit enfin son calme et respira normalement. Ses muscles contractés luisaient avec la transpiration, son pelage lui, était complètement sale, parsemé de sable et d'une odeur iodée à piquer le nez.

Il laissa tomber lourdement son fessier sur le sable, afin de se reposer quelques minutes avant de repartir. Le trajet retour promettait d'être épuisant lui aussi, il fallait qu'il reprenne un peu de force.

Il n'y a pas autre chose que du poisson ici ? J'ai la dalle.

Il tourna son regard un peu partout, mais aucune proie ne semblait s'aventurer sur cette île sèche. Rien de tel qu'un bon repas avant de reprendre la route. Puis qui sait ? Si elle parvient à satisfaire ses papilles, peut-être qu'il lui ferait goûter un plat du continent, un de ces quatre.

Le goût du danger. Quelle saveur exquise, que seuls certains pouvaient se vanter de connaître. Bien que le continental accélère la cadence, cela ne va toujours pas assez vite, ce n’est pas toujours pas assez dangereux pour la petite qui se cramponne aux mèches noires. Puis cela s’arrêta, le mâle semblait à bout de souffle, c’était quelque peu décevant, m’enfin la petite ne raterait pas, c’était pas trop mal pour un être aussi grand de taille. La terre ferme, ça sonnait bien. En quoi cela étais-ce si différent de l’île hein ? Lewis se ferait un plaisir plus tard de montrer au grand ours que cela n’était en rien une contrainte pour faire la maligne. Un sourire aux babines, la pirate regarde droit devant elle, plutôt fière.

« — Penses-tu ? »

Le commentaire sur la petite taille de la loupiote arracha une grimace à cette dernière, déjà qu’elle se trouvait plus petite que les autres, inutile de le lui rappeler. De plus, traverser l’océan, ce n’était pas un problème lorsqu’on savait à qui s’adresser. Son passeur habituel ne lui refuserait pas ça après tout ? Pas si elle lui apportait des poissons séchés dont-il raffolait tant.

« — J’ai d’autres moyens pour traverser la mer ! Puis j’vais pas resté petite toute ma vie, alors on se retrouvera sur l’autre rive au moment venu ! »

Cela serait amusant, lorsque la pirate serait en mesure de lui faire voir de toutes les couleurs ! Bien que le loup posa son arrière-train sur le sol, Lewis ne descendit en rien de son perchoir, trouvant ce dernier plutôt confortable d’ailleurs. Tient donc, monsieur avait faim ! Quelle dommage, faut dire que la nourriture ce n’était pas la grosse spécialité des Raeders, le rhum oui, mais ça c’était une autre histoire.

« — Alors attends que je réfléchisse, j’crois bien qu’on a du poisson ou du poisson… ah attends ou encore du poisson ! »

La gamine se moquait ouvertement de lui, car au fond cette île n’offrait que la faune marine en guise de repas, ou quelques mouettes assez lentes pour se faire rattraper, mais ça Lewis n’avait jamais pris le risque d’en goûter, ça mangeait tellement de trucs bizarres les mouettes… Posant son museau entre les deux yeux du brun, Lewis renifla doucement avant de prendre la parole avec une certaine curiosité.

« — Pourquoi tu ne restes pas ici ? »

Rhaegar

Ses babines s’écartèrent doucement en ce qui ressembla timidement à un sourire. Cette petite pirate est décidément bien fougueuse et surtout très têtue, leurs chemins se recroiseraient forcément tôt ou tard. Peut être même qu'adulte, elle serait un peu plus amusante, mais elle resterait toujours plus petite que lui.

C'est pour ça que tu es si petite, manger que du poisson ça t'aide pas. Charria-t-il.

Il leva brièvement ses yeux indifférents vers elle, avant de les placer sur la mer mouvante en face de lui.

Parce que les miens ont besoin de moi. Et j'ai pas envie de manger du poisson jusqu'à la fin de mes jours.

Ark, l'idée de manger cette chose gluante et froide lui arracha une grimace de dégoût. Il aimait beaucoup trop le goût du sang chaud lui couler dans la gorge, la chair tendre se déchirer entre ses crocs acérés. Et puis lui, il n'avait pas besoin de chasser, il avait tout à sa disposition dans les réserves.

Un jour, tu me reverras peut être, qui sait, si tu traverses la mer comme tu le prétends.

Il pencha la tête en avant et fit basculer la petite par dessus ses yeux, puis avec ses pattes, il la décolla de lui et la posa sur le sable.

Allez, je vais y retourner. Tant pis pour le casse croûte, je mangerai quand je serais rentré.

D'un coup de patte, il ébouriffage sa tignasse grise et puis il se releva, laissant tomber une volée de sable sous ses fesses. Il se dirigea vers la mer à pas d'ours, la laissant la, seule sur la rive comme une enfant abandonnée. Avant de s'enfoncer dans l'eau, il jeta un dernier regard derrière son épaule, un dernier sourire. Au revoir, petite pirate. Si les dieux le veulent, alors seulement nous nous reverrons...