Charognards [Libre]

Limule

L'été passait, il y avait eu des jours bien plus chaud et pourtant, cette après-midi sur les plages sablonneuses des Côtes de Nacres, l'air était étouffant. Dans le ciel trônait un soleil de plomb dont la lumière dévorait presque les silhouettes noires d'une nuée d'oiseaux marins. Pour beaucoup, pour les non initiés, ces plages devaient être magnifique avec son sable blanc, ses coquillages colorés, cette image idyllique d'un paysage en bord de mer. Limule la détestait cette plage, elle la trouvait inintéressante mais surtout effroyablement pauvre. La marée ne se retirait que sur des bancs infinis de sable, petit désert longiligne qui bordait les flancs du précieux Océan. Il n'y avait pas de pièges rocheux pour venir détruire le paysage de leurs masses noires, pas de petites  flaques qui emprisonnait tant de créatures nourrissante, pas de moules accrochées aux rochers, pas de crabes ou de crevettes coincées, pas de poulpe qui s’échappaient non juste une étendu déprimante agrémentés de quelques trous couteaux mais ils étaient de toute façon bien trop technique à pêcher pour vraiment s'embêter avec eux. Peut-être y avait-il à une certaine période une éclosion de tortue mais si c'était le cas, Limule n'était pas au courant.

Elle détestait cette plage et pourtant, elle y était depuis le petit matin. Couchée derrière une dune, elle attendait, ayant même fini par rentrer dans une semi somnolence, les yeux clos mais la tête et les épaules relevées, haletant un peu à cause de la chaleur qui commençait à lui taper un peu sur la tête. Parfois, une réaction soudaine, ouvrant à peine les yeux pour venir faire claquer brusquement ses mâchoires vers un oiseaux s'approchant trop près.
Elle attendait et puis d'un coup, ses oreilles se redressèrent. Elle se jeta alors contre la dune, ses yeux dépassant à peine pour voir de l'autre côté, sa queue remuante balayant le sable derrière elle. Elle se pencha un instant vers une mouette posée non loin d'elle, choisissant l'oiseau en compagnon à qui s'adresser en cet instant.

« Ils crient à l'intérieur, ça va bientôt commencé ! »

A une petite cinquantaine de mètre de là, la carcasse échouée d'une baleine. Oh pas une très grosse mais une suffisamment grande pour que crabes et oiseaux n'aient eu le temps d’abîmer guère plus que la peau malgré une présence de plusieurs jours déjà. Le corps était gonflé et boursouflé comme un ballon difforme, il n'y avait plus rien de majestueux dans la créature dont les vagues venaient lécher le bout de la queue. Le dos avait été partiellement dévoré, laissant graisse et chair se découper de façon immonde vers le ciel, contrastant avec la peau noire. L'odeur qui se dégageait de la carcasse était infecte, comme si l'Océan se putréfiait sur cette plage, une odeur si forte qui avait même dérangée la pirate lorsqu'elle avait commencé à attendre, une odeur qui vous prenait par les tripes et aurait donné la nausée à n'importe quel continental selon la louve blanche.
Mais la mer puait facilement une fois sur terre, comme une réaction chimique qui l'empêchait d'en faire partie et de cette énorme carcasse qui n'appartenait pas à ceux du Continent, Limule comptait bien se servir une part également, tout comme les oiseaux qui tournoyaient dans le ciel, tout comme ceux posés à ses côtés.
Tout le monde en voulait un morceau, tout le monde guettait.
Et pourtant, à cet instant, pas une âme marine ne tentait de s'approcher.

Elle ne bougea pas, ses oreilles pivotant à peine lorsqu'il vint se coucher à côté d'elle. Ça aurait pu être n'importe qui, avec n'importe quelle intention, visiblement, elle ça ne l'aurait pas détourné de la carcasse, à moins qu'elle ait reconnu le mâle qui l'avait rejoint qui sait ? Elle ne lui fit même pas le plaisir de s'étonner de sa présence, cette plage était la zone la plus proche de Morne-oeil, un des premiers lieux sur lequel on pouvait arriver. Oh elle savait également de Cendrillon ne l'appréciait pas vraiment, c'était même plutôt réciproque, Limule ne se souvenait pas d'un instant où ils n'avaient pas fini par se chamailler. Elle ne le détestait pas pour autant, il était un peu ce genre de frère ou de cousin avec qui on ne s'entendait jamais mais dont on n'aurait jamais renié de la famille et qu'on aurait tout de même aidé en cas de besoin. Cendrillon n'était pas de sa famille à proprement parlé mais elle n'aurait jamais mis en cause son appartenance actuelle aux Raeders, elle le plaçait au même titre que les autres même s'il était arrivé plus tard... et qu'elle le trouvait idiot, par simple fait qu'elle ne l'aimait pas.

« On attends que ça explose. Ça arrive bientôt, vraiment bientôt ! »

Elle jubilait sur place, malaxant le sable en le piétinant de sa position couchée, oreilles en avant, queue remuante. La carcasse elle continuait à doucement se gonfler se boursoufler, laissant échapper de plus en plus son odeur nauséabonde qui empoisonnait l'air.

« LA ! Ça arrive ! »

La louve blanche sauta sur le mâle, comme pour le mettre à couvert bien qu'elle cherchait plutôt à lui enfoncer la tête dans le sable dans cette  pseudo protection. A moitié allongée sur sa tête, elle contracta tout ses muscles alors que résonna sur la plage, le bruit d'éclatement de ta carcasse, envoyé dans les airs sang, morceaux de chairs, d'organes et d'os. Limule releva la tête alors que les morceaux projetés s'écrasaient sur le sol. Les mouettes s'envolèrent, hurlant à l'unissons pour venir se jeter sur les restes tandis que d'un bon, la louve blanche se releva, jetant un regard de défi au mêle qu'elle avait écrasé.

« Prem's ! »

Elle lui renfonça la tête dans le sable d'une patte avant de partir à toute vitesse, glissa avec aisance dans le sable chaud, bondissant jusqu'à la carcasse. Elle chasse une mouette d'un vif mouvement de crocs, manquant de lui arracher quelques plumes puis vint dérober un épais morceau de viande sur lequel était encore accroché une grosse couche de graisse gélatineuse.

Plus petite, plus légère, Limule chuta lorsque Cendrillon la bouscula, chipant le morceau qu'elle tenait entre les crocs. Elle fronça les sourcils alors que s'éloignait d'elle le mâle avec un regard de défi plein de fierté, avalant tout rond le morceau sans même le mâcher un peu. La louve blanche se releva, se secouant pour chasser le sable de son pelage.

« Et toi tu vas pleurer toute la nuit que t'as mal au ventre ! »

Des morceaux si gras, ça ne s'avalait pas comme ça, ce n'était pas fait pour tout les estomacs non plus. Est-ce que Cendrillon était-il assez habitué à l'Océan pour y dévorer toute ses créatures ? Dans tout les cas, Limule se précipita  vers lui, le poursuivant à un peu pour venir lui pincer une cuisse avant de lui passer devant la truffe pour aller directement sur la carcasse.
Les galets étaient couvert de sang nauséabonde, ayant commencé à pourrir à l'intérieur même de la baleine. A l'intérieur, c'était pire, même habituée à la puanteur de la mer, limule fronça le museau alors que son pelage blanc de mélangeait au plumage des trop nombreuses mouettes. Elle arracha des bout rougeoyant des os, en avala quelques uns, juste pour se rassasier un peu avant de s'attaquer à nouveau à la graisse de l'animal, aboyant, se battant à demi avec les oiseaux marins, elle qui faisait partie du même monde qu'eux.
Enfant sauvage de l'Océan, oubliant quelques instants le mâle qui l'avait rejoins, ou du moins l'hostilité qu'il avait tenté de lancer puisque les mouettes étaient plus forte. Elle ne l'oublia pas lui pourtant, et elle quitta la carcasse avec un lambeau de graisse qu'elle vint lui poser sur le museau.

« Faudra penser à ramener aux autres, ça coupe bien la faim. »

Sur une île où la nourriture était pauvre, ce n'était pas négligeable, surtout avec l'automne qui s'installait, il était cruel en plein océan, tout comme le serait ensuite l'hiver.