Roses Can Fade Away Too - Libre [TW: Suicide]

- Thème -

C'est un fantôme.
Fantôme pâle qui marche, non, vole à travers les rosiers.
Alourdi de pensées, il est lent.
Lui qui ne sort qu'aux heures douces, il est là, dehors à midi, ébloui par un soleil aveuglant.
Il s'arrête, la tête tournée vers cet astre qui lui brûle la peau, qui lui brûle les yeux. Il se permet de le regarder, une dernière fois. Lui aussi, il a vu. Il a vu toute l'horreur, toute la haine qui s'était emparé de sa meute comme une maladie. Il l'a vu de haut, au-dessus des nuages. Peut-être était-ce moins triste, parmi les étoiles ? Lysandre le saurait bientôt.
Ses yeux de sang brûlent, se remplissent de larmes. Mais il ne peut s'empêcher de le regarder. Des points noirs commencent à apparaître dans sa vision, remplaçant le rouge des roses épanouies par du néant.

Another head hangs lowly,
child is slowly taken
and the violence causes silence,
who are we mistaking ?

Son glowstick palpite avec violence sur sa cuisse, en écho avec son cœur qui débat. Était-ce cette panique froide qu'Avalon avait ressenti, aveuglé par la déesse qu'il reniait ? Non, impossible. Lysandre ne paniquait pas. Il était simplement ébloui. Ébloui par l'astre du jour, ébloui par cette étoile qui l'avait toujours fait se cacher. Sa vision s'assombrissait de plus en plus. Les larmes coulaient maintenant abondamment sur ses joues immaculées. Il n'était pas sûr s'il s'agissait simplement de ses yeux qui le suppliaient de détourner le regard, ou s'il s'agissait de l'horreur qui lui étreignait le cœur. Ses frères et sœurs, sa famille. S'entre déchirant, reniant les dieux, se crachant l'un sur l'autre. Il avait senti le désespoir. La peur d'une guerre. Il avait senti la douleur.
Maudit soit son pouvoir.

But you see, it's not me,
it's not my family
In your head, in your head
they are fighting

Il n'en pouvait plus. Il n'en pouvait simplement plus.
Il avait absorbé tant de douleur, séché tant de larmes.
Leurs pleurs lui revenaient à l'esprit, spectres douloureux, tous recrachés par son glowstick cruel. Le rose fuschia palpitait, luisant avec cruauté. De plus en plus fort.
Leurs larmes lui revenaient à l'esprit, spectres meurtriers. Il se souvenait de la douleur étouffante du prêtre bleu à la mort de son père. Il se souvenait de la douleur hurlante de cette mère qui avait perdu son petit dans la rivière. Il se souvenait de la douleur terrifiante de cet aîné qui avait peur de la mort.

Les douleurs revenaient toutes, puissantes, incontrôlables, comme si l'enfer lui-même avait relâché tous ses démons en une seule personne, une seule, fragile, personne.
Lysandre.

With their fangs, and their gods,
and their gods, and their shouts
In your head, in your head,
they are crying


Sa vision est désormais complètement noire, perdue dans un néant aveuglé. Ses yeux rouges sont grand ouverts, mais il ne voit rien. La douleur du soleil sur sa rétine, il ne la sent pas. Elle est minime, comparé aux douleurs d'autrui qui lui reviennent.
Elle est minime.
Il s'avance vers la fontaine profanée à l'aveugle. Il sait où elle se trouve, pour y être venu des centaines de fois. L'odeur des fleurs est étourdissante. Il aurait aimé dire au revoir à Hubert. Il ne savait même pas où il était. Il ne l'avait plus revu depuis des lunes. Simplement disparu.
Il l'avait abandonné.
Son propre frère.

What's in your head, in your head ?
Zombie
Zombie
Zombie
What's in your head, in your head ?
Zombie
Zombie
Zombie

Son corps frêle, maigre, est couvert de coupures d'épines. Son pelage toujours bien soigné est ébouriffé, sali. Rouge.
Ses coussinets son craquelés, ses genoux meurtris d'avoir trop marché en rond.
S'en est fini, il le sait. Il n'a pas pu se mesurer au défi immense que les dieux lui jetait. À avoir trop compatis, à avoir trop pris les malheurs des autres sur ses épaules, il s'était sûrement mais lentement assuré une mort certaine.
Mais même vers la fin, le prince des roses gardait un semblant de dignité. Il refusait de se laisser mourir de faim et de soif comme il avait si bien commencé dans les dernières semaines. Il allait en finir, pour de bon. De sa propre patte. Proprement.

What's in your head, in your head ?
Zombie
Zombie
Zombie
What's in your head, in your head ?
Zombie
Zombie
Zombie

Il laissa sa tête retomber lourdement sur un rebord brisé de la fontaine. La pierre tranchante fit son travail; le rose bouillonnant de la fontaine se teinta d'un rouge profond. Il se sentait se vider de son liquide vital, son corps refroidir petit à petit. Il retrouva juste assez de vision pour voir la pierre ou il reposait, l'éclat délicat des roses dansantes. Il n'en avait plus que pour quelques minutes. Quelques minutes... quelques minutes, puis le prince des roses irait danser parmi les étoiles.

Anianka

Elle était la, elle était toujours là, Anianka. Jamais loin de la fontaine, jamais loin des disciples de Moiro dont elle avait une forme de responsabilité. Tout s'était enchaîné très vite ces derniers jours, avec sa meute de gosses, la prêtresse rose ne voyait plus le temps passer, à vrai dire, elle n'avait presque plus une minute à elle. Bien que le cœur lourd de chagrin, les yeux tiraillés par une tristesse que trop dissimulée, elle était venue, pour lui, pour cet être qui n'était rien pour elle. Mais sa tristesse n'était pas pour lui.. non.. Elle était accablée pour sa fille, Akira, et pour la profanation du temple de sa déesse bien aimée. Elle n'avait pas su réagir avant, partagée entre son devoir de mère et celui de prêtresse, elle avait fait son possible. Et le pire dans cette histoire est qu'elle avait échoué des deux côtés..
Mais l'heure n'était pas aux pleures pour la féline, elle s'avança, le corps toujours gracieux, souple, sa démarche toujours aussi délicate et raffinée. Cependant, aucun sourire n'illumina son visage d'ordinaire radieux. Elle était froide, elle était sévère. Elle posa sur le blanc un regard vide, un peu peiné. Peiné ? Vraiment ? Peut être qu'elle avait un peu de pitié, après tout, ils étaient tous pitoyables ces derniers temps.
Elle contourna le tas de pierres qui jonchait le sol, des roses et des feuilles mortes recouvraient le tout, parfois saupoudrées d'un peu de poussière. Face au mourant, elle resta immobile, fière et forte sur ses quatre pattes.

Lysandre. Tu n'es pas seul Lysandre. Sa voix murmurait presque à son oreille, douce et lointaine.

Tu ne l'as jamais été.

Elle tourna ses prunelles brûlantes sur la tête de la tigresse fissurée là, entre les restes de sa poitine et de ses pattes brisées.

Ne la vois-tu pas ? Elle est ici, autour de nous, en nous.

Elle bat des paupières et fait revenir doucement son regard vers lui, vers son corps blessé, tâché de sang et d'amertume. Ce sang sur ces ruines ne devrait pas être le tien..

Ne l'oublie jamais, Lysandre.

Car elle, n'avait pas pu être présente pour lui. Il avait été rongé par la peur, et elle l'avait abandonné. Elle avait voulu tous les aider, mais Gloriel avait pris la décision seul de l'en empêcher, de l'exclure. Tout cela était de sa faute.. Cette grossesse n'avait rien arrangé, certes, mais désormais, elle était de nouveau la redoutable prêtresse, l'impitoyable louve et tout allait changer. Anianka s'était jurée de remettre de l'ordre, car elle était la seule à garder la tête sur les épaules, la seule qui avait prédit ce qui allait se passer.

Personne ne l'oubliera jamais, désormais. Sa voix se fait plus sévère, son glowstick semble briller un peu plus sur sa poitrine.

Un sourire, faible, apparaît finalement sur le coin de ses babines, chaleureux, presque rassurant. Son cœur bat plus fort, un élan de courage et de détermination fait bouillir son sang dans ses veines. Elle espère qu'il le ressent, lui aussi. Il a besoin de ça pour être en paix.. Ou qui sait, peut être qu'il se relèvera et qu'il se battra, car c'est lorsque l'on est au plus bas que l'on devient plus fort.