Côtes de Nacre — Eveil de Limule & Oxomo

Elle se prit un coup de patte dans la truffe qui lui fit avaler quelques quelques gorgée d’eau salée, l’incitant à remonter à la surface. Elle toussa, fit une grimace, ça faisait très longtemps qu’elle n’avait pas bu la tasse, avec le temps, on finissait par apprendre à ne plus le faire. La petite louve blanche remua le nez dans une grimace, étonnée d’avoir été ainsi rejetée, le démon lui était vexé, furieux même bien qu’il le soit en permanence. Par extension Limule était un peu contrariée aussi. Ce grand loup sombre qui voulait se noyer, elle aurait pu l’aider à le faire aussi, le maintenir sous l’eau encore et encore au moment où son instinct lui aurait fait changer d’avis. Elle lui aurait volontiers permis de s’offrir ainsi à l’Ocean, elle aurait pu replonger si ça avait été le vrai et non cette copie sans profondeur qui ne faisait que rappeler ô combien elle n’était pas dans son monde, un manque bien plus significatif que la lueur rouge qui baignait le paysage de sang.

Ce fut au moment où son regard chercha à nouveau la plage qu’elle le vit en entier pour la première fois, ce monstre immense au cou bien trop long, aux doigts longiligne comme des serpents accrochés aux pattes, un corps à demi nu comme si la gale l’avait trop dévoré. Lorsqu’elle l’avait vu entre les vagues, elle avait su par ces souvenirs qui ne lui appartenaient pas qu’il fallait se méfier, maintenant elle savait pourquoi.
Pourtant... pourtant lorsqu’elle vit la patte serpent s’abattre sur son Capitaine, son cœur rata un battement pour venir se couvrir de toute la haine qu’incarnait le monstre qui vivait à travers elle. Elle la sentit bien plus vivement qu’à l’accoutumé, se lassant devenir complètement lui, lui devenant complètement elle.
Peut-être que si la nuit du démon n’avait pas été écourtée, la petite pirate aurait continué à chercher timidement une solution plus sûre, peut être mais là, elle laissa cette envie d’en découdre l’envahir. Elle détestait ce monde qui lui prenait tout, ces créatures qu’elle ne voulait pas apprendre à apprécier, ces loups qu’elle ne connaissaient pas, celle à qui elle avait mordu une babine, celui qui voulait se noyer.
Elle ne hurla pas, ça la ferait couler, mais elle gronda d’un son du fond de l’âme.
Entends le Océan lointain, avec l’espoir que le lien existe toujours. Nous nous vengerons d’eux qui essayent de tuer le Capitaine, qui t’ont grossièrement recopié, qui nous ont volé à toi.

[PC FOR: Les mains sont visées dans l'objectif de les bousiller au maximum, tentative d'arracher des doigts, briser le poignet, ce genre de chose]

Il n'y avait plus beaucoup de Limule, beaucoup de Bête lorsqu'elle s'élança à travers les flots.Le démon était moins bon nageur, ce fut probablement la raison pour laquelle les crocs ne se refermèrent pas si fort que ça sur cette patte de serpents mais les mâchoires se serrèrent quand même dans cette volonté de faire couler le sang, dans celle plus grande de briser les os.

Le serpent n’est que déception au final. La volonté du combat semblait lui manquer ou bien ses assaillants étaient trop forts ? C’était probablement la deuxième option, parce que le serpent se faisait facilement amoché. Peut-être qu’oxoxo avait nourri bien trop d’espoirs en lui ? Avait trop attendu de cet être qui semblait pourtant si particulier ? Oui, sûrement. Il n’empêche que la bête aurait pu être la plus innocente des créature, la solitaire n’aurait pas hésité à attaquer. Parce que l’écureuil sur la plage lui avait ravi l’enfant dont-elle s’occupait, parce qu’il avait osé capturer ce qui était sien. Lui aussi, le paierait à un moment, même si cela l’est de sa vie.

La queue féline d’Oxomo remue doucement, tandis que le sang du Serpent se mélange au sien sur son palais. Le démon qui a laissé place à l’enfant tente une attaque, mais sa force laissait à désirer. Où diable étaient passés les autres ? Pas un seul vaurien sur ces terres en mesure d’offrir à la louve noir un combat digne de ce nom ?

(Lancé de dé)

Pourtant Oxomo ne cherche pas à réfléchir davantage, profitant de l’attaque de la blanche pour rebondir à son tour, refermant ses crocs sur l’autre main du Serpent, cherchant à broyer, à arracher ce qui le pouvait. Parce qu’en l’absence de ses mains, le grand Serpent ne pourrait alors que marcher.

La lumière se mit à danser, châtoyante, enveloppant ses griffes et remontant le long de ses pattes d'une manière qu'il ne serait parvenu à décrire tant elle lui semblait irréelle.
Etait-ce ce à quoi ressemblaient les choses, sous l'eau ?
C'était beau et c'était captivant, et Justice en oublia presque qu'il était écrasé sous le poids de l'océan le retenant prisonnier. Ses poumons comprimés lui rappelèrent d'une sensation désagréable la situation dans laquelle il se trouvait. Il ramena sa patte à lui, recourbant ses doigts en espérant ramener cette lumière presque collante à lui, ne sachant pas réellement à quoi s'attendre. Et c'est une perle, orbe pure et brillant puissamment au coeur de ce monde si sombre, qui vint finalement se loger au creux de ses griffes d'argent. A son contact, il ressentit sans la comprendre une vague d'espoir qui l'envahit.
Cette orbe brillait comme le soleil. Ce petit objet des profondeurs illuminait désormais son corps et les eaux troubles, chassant les ténèbres qui l'avaient avalé.

Il devait la garder, il devait la défendre, il devait la ramener.

L'énergie qui le mût à ce moment lui fit oublier sa fatigue et sa confusion, ne lui implantant qu'une seule pensée en tête. L'idée fixe de rejoindre la surface.
L'idée fixe de rejoindre le monde réel qu'il avait quitté depuis trop longtemps déjà et dont la perle semblait porter l'âme vive et chaleureuse.
Rassemblant ses forces pour mener un dernier effort contre la pression sous-marine, Justice posa ses postérieurs contre les étranges roches rouges et se propulsa de toutes ses forces, gardant la perle précieusement logée entre un coussinet et une griffe recourbée.
Il se sentit remonter, bien plus vite qu'il n'était descendu grâce à cet élan - et grâce à la force que semblait communiquer la perle.
Quelques secondes plus tard, sa tête brisa la surface de la mer, émergeant au milieu des vagues. La respiration rauque qu'il prit, gueule grande ouverte, lui parut synonyme de rennaissance.
Désormais, il ne pouvait plus aller dans une autre direction. Ses yeux étaient brouillés sous l'assaut des vagues s'acharnant de nouveau contre son corps, mais sa détermination le conduit à mouvements puissants vers la berge, luttant contre le ressac, s'échinant pour aller de l'avant. Car la perle serrée contre lui lui avait été donnée à lui. Lui qui n'était pourtant pas enfant de ses terres.
Il était hors de question de la laisser retourner se perdre dans les profondeurs.

Justice ne comprit pas tout de suite qu'il touchait au but quand ses postérieurs frappèrent le fond vaseux, rencontrant enfin une pente remontante vers la plage. Il se démena plus encore. Sous l'écume soulevée par ses foulées, la perle brillait plus intensément encore que sous l'eau.
Il finit par quitter complètement l'emprise de l'eau, et d'un geste de l'encolure il se saisit de la perle pour lui faire gagner la sécurité de sa gueule. Il s'ébroua rapidement, son esprit se rétablissant tant bien que mal désormais qu'il était de retour sur la terre ferme.

Sur la plage, le chaos régnait. Deux louves étaient aux prises avec la créature en colère, un autre mal en point tentait de s'éloigner tant bien que mal.
Un frisson de colère et d'adrénaline faillit donner à ses muscles l'impulsion de courir vers les louves pour les aider à déchirer la Bête.
Mais il y avait la perle.
Il la laissa tomber sur le sable, laissant sa lumière envahir ses prunelles, sa chaleur le gagner comme les rayons du soleil -et il pouvait en sentir l'appel important qu'elle dégageait vis à vis du monde réel. Qu'était-il censé en faire, bordel ?
Il abattit une de ses pattes pour tenter de percer la perle de ses griffes, mais les appendices métalliques glissèrent avec un son cristallin sur l'orbe immaculée.
Il la reprit dans sa gueule avec empressement, décidé à résoudre cette affaire au plus vite pour pouvoir s'occuper de la créature. Il la sentit rouler sur sa langue -pure, sans infractuosité, parfaitement ronde et lisse.

Une pensée fugace le traversa qui le ramena à cet autre loup noir qu'il avait vu à la Savane juste avant cette catastrophe.

Et d'un puissant coup de mâchoire, il croqua de toutes ses forces la perle pour en briser la carapace et laisser échapper cette lumière et cette énergie qu'elle contenait en son coeur nacré.

Alors que sous ses crocs craquent l'os du membre glacé, elle entend une voix, une voix familière. Pas une qu'elle aurait pu trouvé comme celle des trois frères, pas une qu'elle aurait tant voulu entendre à nouveau comme celle de son père, sa sœur mais surtout Ajani, pas une qui lui aurait fait se hérisser le pelage autant qu'élargit le sourire, non une plus neutre qu'elle n'aurait pas imaginé entendre ou penser dans ce genre de situation bien que Raeders tout de même. C'était celle de Lewis, l'autre louve de son âge de l'île. Ça étonna tant la pirate blanche qu'elle se figea un instant pour chercher du regard le pelage violet se détacher sur la plage grise. Précieuse secondes d'inattention dont profita le monstre pour attraper de sa main mordue, cherchant à la broyer d'une pression de ses doigts. Quelque chose au fond d'elle, le démon probablement, maudit cette part d'instinct de meute et d'attention de l'autre de s'attacher autant à ces voix recherchées, à ces loups alliés auxquels on pensait et qu'on croyait entendre.

[dé: esquive+morsure poignet pour le -2]

Mais croit-il vraiment pouvoir la broyer si facilement ? Ce monstre qui avait tout de bien trop long. Limule était la fille de l'Océan, le démon qui était le fils de la lune la rendait un peu pataude parfois, certaine, lorsqu'il décidait que c'était lui et lui seul qui avait droit de maîtrise mais la nuit avait passé, probablement. Il était là, elle pouvait toujours le sentir, probablement qu'encore il essayerait d'être plus présent qu'elle mais elle arrivait à cet instant à être plus présent que lui. Elle était louve qui glissait agilement entre les vagues, elle était ce prédateur qui savait marcher sur les falaises pour y piller des nids des oiseaux marins, elle savait marcher parfaitement sur le sable et sur les planches pourries des deux navires. Elle avait aussi appris à se démêler des algues qui entraînaient vers le fond, alors, de la même façon, elle glissa entre les doigts qui cherchaient à la compresser.
Elle se tortilla, de la même façon que les anguilles si difficile à maintenir entre les pattes et les crocs. Et elle s'extirpa, non sans oublié de refermer ses mâchoires sur le poignet de la bête, pour mieux se dégager et pour se venger, aussi, un petit peu. Ceci, juste avant que la créature ne l'envoie d'un geste à la mer, atterrissant bien droite sur ses pattes, glissant un peu à cause de l'élan, laissant d'épaisses marques devant elle qui furent rapidement avalées par la marée.
Elle passa une langue rose sur les babines maculées du sang du monstre, les papilles captant le goût métallique en plus de celui du sel de la mer. Elle montra les crocs quelques quelques instants avant qu'un bruit de remous derrière elle ne l'incite à tourner la tête.

D'un bond sur le côté, elle se décala alors pour laisser immergé le loup gris qui avait refusé son aide. La louve blanche laissa son regard parfois bleu, parfois vert selon l'instant où on regardait sur cet inconnu, bien plus sur la lumière qu'il apportait comme un espoir dans ce monde sombre. En était-ce vraiment un? Les dieux brillaient, leurs présents brillaient et peut-être que c'était leur oeuvre, une volonté d'aide de leur part? Oui mais pour qui? Limule ne relâcha pas la pression.

"Tu ne souhaites plus te noyer finalement?"

Pas d'amertume, pas de sarcasme, elle ne lui en voulait pas. Elle aurait peut-être été un peu déçu s'il avait renoncé à la noyade dans le vrai monde, mais ici, pas de vie à offrir à ce faux Océan. Alors ce n'était au final qu'une salutation, bienvenu face au monstre, toi qui porte peut-être la lumière de l'espoir au moins pour quelques loups. Sa tête pivota à nouveau sur la créature, elle dressa la queue, se tint droite et prête, campée sur ses quatre pattes, évitant dans un heureux hasard de se faire éblouir par la lueur qu'on éclatait, sentant au même instant dans son coeur, comme un souffle familier de l'Océan lointain retracé un lien avec elle.

Le Serpent était fier, lui aussi.

Oxomo avait toujours ses crocs enfoncés dans la chair de la créature, alors qu’au loin une voix leur parvenait. Évides-le. Que c’était tentant… Voir de quelle couleur étaient les entrailles de ce Serpent, sentir son coeur encore battant entre ses pattes… Oh oui l’évider était chose tentante, incroyablement tentante. La solitaire sent sa victime remuer, siffler de rage. C’est qu’il mauvais perdant le serpent qui danse. Presque autant qu’elle à croire. La louve-aztèque sourit, tandis que ses yeux rougeoyants observe de temps à autre ce que font les autres. L’un ressort avec une pierre brillante de l’eau, leur porte de sortie ? C’est quand vient le moment où le Serpent cherche à attaquer, qu’Oxomo se déconcentre sur lui.

(Lancé de dé)

Relâchant son emprise, l’assassin esquive tout juste le coup de patte qu’il tente de lui infliger, évitant probablement une violente attaque. C’est qu’il ne contrôlait pas sa force le Serpent. Brute épaisse et virulente. Sans sa coiffe de plume, la louve se sentait moins imposante, moins intimidante. Le Serpent n’aurait-il pu lui permettre de l’emmener dans ce monde ?


« — Avez-vous l’intention de discutailler ou comptez-vous vous battre aussi ? »

C’est que le loup qui venait sortir de l’eau semblait être un adversaire intéressant.

Du coin de l’œil, il put voir une des louves sur la plage, celle qui était petite et blanche, qui semblait lui adresser la parole au moment même où il avait refermé ses mâchoires sur le morceau de lumière.

Mais il ne put entendre davantage qu’un son brouillé quand il la sentit éclater et relâcher sa puissance.
Il ne ressentit aucune douleur lorsqu’elle laissa jaillir son énergie avec une force qui aurait dû le souffler. La perle avait été solide comme le roc, pourtant il eût l’impression de mâcher de l’eau quand celle-ci disparut sans le moindre résidu d’éclats dans sa gueule.
Et la lumière les aveugla temporairement, s’échappant de sa gueule en rayons avides de liberté, éblouissant ce monde si sombre d’une pureté si blanche qu’il pensa finir aveugle.
Mais la vision revint.
Et cette fois-ci, qui déchirait l’atmosphère au milieu de cette plage apocalyptique, une faille ouverte devant eux trônait sur le tableau comme un coup de couteau asséné à une toile. Une ouverture vers le monde réel. De cette brèche encore floue il pouvait ressentir cette chaleur qui avait émané de la perle lorsqu’il s’en était saisi, cette chaleur qui correspondait aux rayons du soleil chauffant sa fourrure, cette chaleur dont ce monde rouge manquait cruellement avec ses cendres et son ciel sans astre.

Il resta un instant figé, fasciné par l’apparition qu’il avait sorti des profondeurs de cet océan noir. L’image de l’autre côté se précisait et il y reconnaissait la plage et les côtes –celles du monde réel. Derrière, des éléments luisaient de la même lumière qui les avaient enveloppés. Et il pouvait le sentir venir. Le loup noir.
Son corps fut pris d’une violente envie de se jeter contre la brèche, de rejoindre le peu de normalité qu’il avait connu dans sa vie. Le monde réel.
Pourtant un bruit fit pivota sa tête vers l’arrière, l’arrachant à cet état de pétrification dans lequel l’avait plongé l’apparition soudaine de cette porte de sortie.
L’autre louve combattante, dotée d’une chevelure rouge sauvage, s’adressait à lui également mais son cerveau ne recevait que des informations partielles et incomplètes de la multitude de stimuli qui se pressaient autour de lui. Il comprit cependant l’essentiel.
Se battre.
Son corps vibra instantanément à la formulation de la pensée, ses muscles se bandant sans attendre.

Et puis il y avait ce loup brun, aussi. Celui qui s’approchait en rampant de la créature au lieu de s’en éloigner, celui dont Justice ne parvenait à comprendre les intentions.
La suite s’enchaîna très vite, une fois encore. Cette mâchoire surnaturelle et mal placée qui s’ouvrit dans le thorax de la Bête, claqua sur ce même loup, et l’envoya traverser les airs en sens inverse pour s’écraser dans les vagues dont il venait juste de s’extraire avec une puissante éclaboussure. Et les autres membres difformes de l’anomalie de la nature se murent également avec une agilité sans pareil, tentant de saisir tour à tour les deux louves qui s’en prenaient à lui. Mais la petite louve au pelage trempé –se pouvait-il que ce soit sa présence qu’il ait ressenti et chassé sans considération, lorsqu’il se laissait couler ?- se faufilait avec agilité entre les doigts larges, parvenant même à les mordre.
L’autre louve, apparemment exaltée par le combat, n’eut pas cette chance. L’assaut la prit de plein fouet, et elle aussi elle décolla du sol en une brume de sable et de cendres mêlés. Il vit une dague fuser mais manquer sa cible.

Et il vit également que le corps de la créature s’était sensiblement rapproché et orienté vers lui. Lui qui avait créé une jolie plaie dans son monde sans vie, lui qui se tenait juste devant. Et la chose avait beau ne plus posséder d’yeux ici-bas, il pouvait malgré tout sentir la brûlure que lui infligeait la sensation qu’il le regardait sans se détourner. La créature avait dirigé toute son attention vers lui, car il avait enfreint les règles de son univers vicié, il en avait déchiré la peau fine et imparfaite. A de multiples reprises. Il voulait désormais déchirer sa chair, celle qui était tangible, celle qui saignerait de la même couleur que le ciel.

Un sourire carnassier retroussa ses babines en dévoilant l’intégralité de ses crocs.

Il tourna la tête une dernière fois au son de l’écume qui se brisait et put distinguer l’autre mâle s’extirper de l’eau, encore vivant. Il espérait qu’il aurait la présence d’esprit de se diriger vers l’ouverture qui brillait de milles-feux au lieu de se jeter à nouveau dans la gueule de l’ennemi.
Il s’élança, s’arrachant à l’attraction muette de la déchirure lumineuse.

Il empêcherait cette chose de revenir les emmerder dans leur monde. Elle avait déjà le sien. Que son cadavre y reste.
Ses foulées puissantes le propulsèrent dans un galop déterminé et il avala les quelques mètres le séparant de l’adversaire en un battement de cils, un grondement guttural le suivant. Transcendé dans cette seconde nature que le combat avait imposé à son corps, Justice ne pensa à rien de particulièrement intelligible quand il s’élança vers la créature.
Il aurait dû avoir peur, il aurait dû douter.
Mais les réflexes d’antan étaient prompts à se réveiller et ne semblaient jamais vouloir mourir. Sa seule pensée pertinente fut celle de calibrer son attaque sur les points faibles de l’adversaire, les endroits qui lui permettraient d’asséner des coups violents tout en se mettant lui-même à l’abri, car chaque opposant en possédait –oui, même cette créature, car elle avait beau avoir la capacité de relier deux réalités pour les traverser, elle restait faite d’os et de viande.

Ses postérieurs prirent appui dans le sable humide pour le déporter brutalement sur le côté lorsqu’il était arrivé juste en face des crocs démesurés, le plaçant sur le flanc dégarni du monstre.
Il virevolta dans les airs pour tourner sur lui-même, changeant de direction.
Et il bondit vers la nuque qui culminait, prêt à y enfoncer l’intégralité de ses crocs et des griffes qu’il lui restait.