Étrange demeure · Yersine [FINI]

Lassitude

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Quelque chose cliqueta derrière la porte qui venait de se claquer, le laissant dans ce frisson d'arrêt cardiaque qui le survolait depuis son entrée en ces lieux. Griffes sur l'ancien parquet, grinçant d'un silence menaçant. Rire d'enfant lointain. Sueurs froides le long de l'échine. Et avant même qu'il ne réagisse, elle virevolta, déchainée, vers la fenêtre.
Elle fuyait, terrifiée. Elle fuyait, le poil si ébouriffé, que les gênes d'un hérisson devait se trouver quelque part la dedans.

- Attends Nocera, c'est peut-être l'auteur du li-

Et un coup de faux lui coupa la voix, l'emportant avec elle dans une chute vertigineuse. D'abord le fracas du verre brisé, du bois explosé par les deux corps entremêlés. Puis le vent sifflant. Et l’atterrissage, dans les verts fourrés, qui le laissa pantois. Tout ceci s'était déroulé en seulement quelques secondes. Un clignement d’œil tout au plus.
L'air frais de l'automne le réveilla de cette pseudo trans.

- MAIS T ES MALADE ???

Il se releva d'un bloc, feuilles et brindilles encastrées dans son poil et ses cheveux devenus toison anarchique.

- C'était peut être juste un mec random qui se baladait comme nous !

Il jeta un regard à la fenêtre, cherchant à entre, à savoir, si la silhouette s'était penchée vers eux. Mais merci Nocera de lui avoir sauvé la vie. Il était prêt à ouvrir la porte sans soucis. Et puis, d'un mouvement rapide, il dépassa la louve, sortant du buisson sans grand mal, une mine effarouché, boudeuse, gravée sur son visage d'habitude si apeuré. Ses pattes, longues et élancées, menaient la cadence jusqu'au portique du manoir. Prêt à gravir de nouveau les escaliers et à pénétrer dans la démeure, si terrifiante et pourtant si attrayante.

- Soit cette personne est rentrée comme nous, par dehors, et nous n'avons rien à craindre. Soit elle provient de la cave. Nous avons fait quasiment toutes les pièces, et il n'y a eut aucun bruit, aucune odeur nous indiquant sa présence. Et s'il provient d'en dessous...

Son raisonnement se stoppa net. Il fronça les sourcils. Auteur du livre, ou bien tueur d'enfants ? Les deux peut être. Il ne savait pas. Mais quelque chose en lui brûlait.
Des enfants avaient été tués ici. Des enfants. Prit par des monstres. Des monstre aux fleurs.
Des enfants et des fleurs.

Il n'avait pas put se protéger. Mais il s'était vengé.
Il n'avait pas put les protéger. Mais il pouvait les venger.

Il gronda.
Pour la première fois de sa vie, il gronda, montrant les crocs à la simple pensée d'être de nouveau en face d'un tueur d'innocence.

Et il hurla.
Nocera se courrouça tout autant que le mâle en face d'elle, sortant des buissons dans un piteux état similaire d'ailleurs. Mais branches et feuilles dans ses cheveux flottants désormais nid en lévitation ne firent rien pour enlever à son air outré et son échine dressée. Le grondement qu'il poussa à la fin de sa conclusion plutôt logique l'augmenta, elle rentra la tête dans les épaules et contesta d'une voix impérieuse.

"Qui ou quoi que ce soit, aucun bruit, la porte qui a claqué et un vent venu de nul part alors que le temps est clair ?"

Elle désigna l'absence de vent avec une patte. La température n'était même pas encore si glaciale que ça, dans cette entrée de l'automne. Oh, évidemment la brume donnait un côté un peu humide au coin, mais rien d'insupportable. Elle se dégourdit la dite patte en l'agitant, douloureuse de la réception dans les fourrés malgré tout. Elle récupéra sa faux d'un mouvement.

"Ça n'était certainement pas vivant, et ça nous voulait du mal." Elle brandit la faux au cas où, le regard sombre. "Et ça, c'est hors de question."

Elle n'en démordrait pas, boule de fourrure hirsute et agacée qu'elle était actuellement.
La menace contre la chose était clair, elle prévenait doucement aussi Yersine qu'elle était totalement opposée à l'idée d'y retourner. Il valait mieux partir, prendre ce qu'ils avaient et ne pas demander leur reste. Tant pis pour le vin raffiné, les chandeliers. Il avait le livre, elle avait la faux, ils pourraient se défendre temporairement si la chose indistincte revenait, mais...

"Il vaut mieux partir."

Lassitude

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

"Qui ou quoi que ce soit, aucun bruit, la porte qui a claqué et un vent venu de nul part alors que le temps est clair ?"

Elle avait grondé. Comme pour répondre à son propre appel. Ou pour le désamorcer. Car la femelle était courroucée, non pas contre l'intrus et l'acte immonde réalisé au sein de ce royaume, mais par Yersine lui-même. Comme s'il était fautif de ce qui arrivait. Pourtant, si lui aussi avait pénétré l'endroit, c'était en solitaire. Elle n'avait pas eu besoin de lui pour venir. Et encore moins pour explorer.

"Ça n'était certainement pas vivant, et ça nous voulait du mal."

Il baissa les yeux, couchant ses oreilles, les crocs toujours découverts, non plus de colère mais de dépit. Oui. Il avait été stupide de croire qu'un être charnel avait put réaliser tout ceci. Lui, héritier des Nécromants, incapable de détecter l'au dela quand il l'avait devant lui. C'était pathétique. Il était pathétique.
Alors, tandis qu'elle brandissait sa faux comme pour le menacer de toute approche, il se détourna, la dépassant, tête basse. Les yeux plissés sur le sol. La mine boudeuse, dégoutée de lui-même. Et l'estomac noué, contenant toute la colère d'être incapable de protéger, et même de venger, les innocents qui avaient péris ici.

Mais s'il n'arrivait même pas à se protéger lui-même, comment pouvait il espérer secourir les autres ? Comme Yurai avait-elle pu imaginer qu'il réussirait quoique ce soit ?

- Partons.

Il avait sifflé ses mots, d'un ton sec.
Et sans attendre de réponse, sans ralentir sa cadence monotone et décharnée, il parti, laissant derrière lui le lugubre endroit.

Elle lut la déception dans son attitude. Elle en pinça les babines mais se contint d'ajouter quoi que ce soit. Car elle se sentit malgré tout en partie responsable de son humeur détruite. Elle laissa faire le loup sombre et baissa le regard à son tour. Elle ne resta cependant pas bien plus longtemps que lui, car un frisson la parcourut. Que ce fusse l'oeuvre de ses tripes ou de la présence malfaisante qu'ils avaient croisés, Nocera n'en sut rien ; elle ne voulut pas chercher la réponse.

Elle agrippa sa faux solidement dans sa gueule, posant son regard clair sur la bâtisse une ultime fois, et fit volte-face. Elle suivit le sillage de Yersine pour s'éloigner d'ici une bonne fois pour toute. Elle garderait cette arme en souvenir. Elle pourrait toujours être utile, même si elle savait la meute relativement pacifique.

À l'image de son ami, la demoiselle claire se mit à marcher pour repartir.
Et elle garda en tête cet instant partagé, mais aussi l'histoire sordide qui se cachaient sous des draps remplis de poussière. Triste, terrible histoire.