Blessure de guerre - épreuve de vie

Petit loup, chantonne tant que la Mort te le permet, car lorsqu’elle viendra t’arracher ton dernier souffle, tu hurleras de désarroi. La peur vaincra ta raison.

Immondice. Débris. Détritus. Cafards. Comment avaient-ils osé ? La mettre à terre de la sorte ? Combattre à plusieurs ? N’avaient-ils aucune idée de ce que représentait un réel combat ? Ne comprenaient-ils pas le sens d’un duel ? Et cette morveuse bleue… Elle. Cette gamine qui n’évoquait que dégoût, mais qui pourtant rappelait tant à Oxomo celle qu’elle fut jadis, menée par le goût du combat. Qu’ils sont naïfs de croire qu’elle ne reviendra pas à la charge. Stupides d’imaginer que tout allait s’arrêter.

Qu’il fait froid en haut des montagnes, la pluie pénètre le pelage épais de la louve-aztèque qui loin d’être démoralisée, sourit. La nuit était son élément, c’était dans l’obscurité qu’elle se fondait le mieux, loin des rayons du soleil, loin de son bourreau des temps anciens. Pourtant ce n’est pas cela qui éveillait son excitation, car ses yeux rouges jubilaient d’excitation, son corps tremblait sous l’odeur du sang. Parce qu’elle flottait dans l’air cette odeur, indiquant rien de mieux qu’un combat. Oxomo se redresse de toute sa hauteur, sentant le sol meule sous ses pattes, mais quelle importance ? Leurs regards se croisent, lui la bête grincheuse, blessée, elle, la bête sauvage qui ne demandait que d’évacuer sa colère. Peut-être aurait-elle dû renoncer face à un tel adversaire, car il était imposant cette ours, dépassant largement la solitaire qui pourtant abordait une taille des plus respectable.

Les deux bêtes se regardent, attendant que l’un se jette à l’eau, se décide à prendre enfin le risque de se jeter dans la danse. L’ours est stupide, sa masse le fait glisser, le contraignant à attaquer sous peine de perdre son équilibre. C’est ainsi que tout commence.

Oxomo n’esquive pas, car rien de plus chochotte que d’esquiver une attaque qui ne parviendrait à terme. L’animal pousse un rugissement féroce, levant une patte griffue, tandis que la louve pousse sur ses pattes arrières pour se donner de l’élan. Le terrain donne un avantage à la louve-aztèque, habituée aux attaques dans les montagnes. N’étais-ce pas là où elle avait combattu ses premières fois après tout ? Les crocs de la louve s’enfoncent dans la chair du prédateur qui gémit de douleur, pour finalement détacher violemment la louve d’une de ses pattes. Le corps de l’assassin atterrit brutalement, réveillant la douleur de ses côtes dont les blessures était encore récentes. Fichus Etelkrus ! Malgré la douleur, la solitaire bondit, mord, griffe dès que l’occasion se présente, exactement comme la bête brune.

Au bout d’un moment, la pluie vint se mêler à l’orage au-dessus des deux combattants, dont aucun ne veut admettre la défaite. La terre devient boue, devenant plus glissante encore. Oui. Cela rendait la chose plus dangereuse encore, plus risquée. Oxomo passa sa langue sur ses babines pour goûter le sang de sa proie, car c’était ce qu’il était devenu ce petit ourson. Ce dernier attaqua de nouveau, plongeant cette fois sa tête en avant, dévoilant des crocs jaunâtres. La boue surprend la solitaire qui glisse au moment d’esquiver, bloquant tant bien que mal la mâchoire du mammifère de ses pattes avant.

« — Petit ourson, l’état de ta dentition laisse à désirer… »

L’animal gronde, laissant une morsure sur l’épaule de la louve qui sent son sang ruisselait. Ce n’était que justice après tout, après avoir tant fait pour l’abîmer ce pauvre ourson.

C’est dans une ultime joute, que tout se joue. Les deux adversaires semblent à bout, pourtant aucun n’arrêtera, l’ours trop téméraire, la louve trop fière pour renoncer. Alors, elle sort son arme, la tenant entre ses crocs, ce poignard qui a arraché tant de vie, dont certaines de sa famille. Ce poignard qui pourrait devenir l’arme même de la faucheuse. C’est avec cela que tu perdras la vie, ourson, parce qu’Oxomo ne connaît pas la clémence, que tu connaîtras que la souffrance dans tes derniers moments. La boue qui glisse sous les pattes de la noiraude lui permet de prendre l’élan nécessaire pour se propulser. Alors que l’assassin tombe en avant sur son adversaire, le corps de ce dernier semble tiré vers l’arrière. Quelle erreur n’a-il commise en se mettant debout… Ce n’est qu’après une longue chute, qu’après une grande démonstration de force, qu’Oxomo se place au-dessus de lui, abaissant son poignard dans sa cage thoracique. L’animal gémit de douleur, mais la louve n’écoute pas les plaintes, se contentant de regarder la vie quitter les yeux noirs. La queue féline de l’aztèque remue doucement, pendant qu’un temps rien ne se passe, seul le bruit de la pluie raisonne après les cris de guerre.

Finalement, Oxomo entrouve la gueule de l’ours de son poignard, usant de son poignard pour en détacher quelques dents qui viendront s’ajouter à celles présentes sur ses colliers. Elles n’étaient que des trophées de plus, qu’un témoignage supplémentaire de force sur la vie. À bout de souffle, la louve noire ferme les yeux un temps, avant d’enfoncer ses crocs dans la chair de sa proie. Rien ne serait perdu, la fourrure utilisée comme couverture, la chair comme moyen de subsistance… ce qui ne servirait à la louve reviendrait aux autres prédateurs qui à leur tour deviendront assez fort pur qu’Oxomo les mette à genoux.

Oui, désormais c’était tout ce qui comptait, témoigner de sa force aux plus faibles, que l’on tremble sur son chemin, que l’on craigne sa présence… Jusqu’à ce jour où elle recroiserait son chemin, à cette enfant bleue, pour livrer l’ultime joute. Cette guerrière représentait la seule en ce bas-monde capable de prendre la succession d’Oxomo, la seule qui méritait de mourir sous ses crocs.

Pepper devenait son objectif.