Manichéen [Libre]

Vagabond

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il était étrange de constater comment une journée pouvait changer. D'une matinée, enfin, si l'on pouvait nommer cela ainsi sous les cieux d'arcanes, calme, voir terriblement monotone, en découlait une après-midi des plus tourmentées. Cela ne faisait pourtant que quelques jours qu'il s'était remit de son expédition en terres enneigées, cumulant grise-mine et engelures. Le repos sous la chaleur bienfaisante des Nahkus, bien mérité, l'avait ainsi requinqué ;tout du moins, dans les limites que sa carcasse pouvait subir. Toujours aussi maigre, brisé, il avait cet atout que seul les vagabonds pouvaient posséder : celui de provoquer à la fois la pitié et la méfiance. Comme une sorte de chien errant. Pas vraiment mignon, pas vraiment propre, et dont, pourtant, l'on avait envie de caresser sa petite tête déconfite, au risque de se faire mordre par une gueule béante de bactéries.

Il avait dormi sur un rocher, loin des tanières du royaume de la Corneille. Il n'avait jamais trop apprécié la vie en communauté, séquelle d'une traumatisante enfance. Mais pour une fois, pour une toute première fois, il voulait du calme. Du repos. Et ce salvateur sommeil, il le savait tout au fond de ses entrailles, il ne pourrait le trouver tant que le dôme serait d'aplomb. Ce fut donc d'un pas traînant qu'il quitta son logis de fortune, se pas le traînant bien vite au loin, dans le royaume où les rois sont fous et les fous sont rois.

Alors, marchant sans vraiment de but, il contempla les étoiles, hautes, brillantes, comme une lueur d'espoir dans ce monde de ténèbres. La lente ascension nuageuse fut son horloge ; le vent dans les branches, caressant son pelage d'un souffle tiède, sa berceuse ; la rumeur des proies fuyant sa carcasse, l'ancre la maintenant éloignée des rêves. Le raccrochant, désespérément, à ses pensées, lui, si loin de sa famille, de son sang, de ses origines. Loin de tout. Et pourtant. Pourtant.

Depuis qu'il avait quitté la neutralité solitaire, tout lui semblait plus confus que jamais.
Sa place.
Ses desseins.
Et même le ciel, sous ses paupières tombantes.

Sans vraiment s'en rendre compte, ses pattes foulèrent le sable frais de la nuit à peine achevée, tandis qu'au loin, se pointait enfin l'aube, colorant les dunes d'ombres mielleuse coulant le long de sa chair. Ce ne fut que l'aurore d'un rose pétillant qui, enfin, le sortit de ses pensées, de ses idées, toutes aussi incongrus les unes que les autres. Car si de sa besace il s'était armé, remplit de présents et d'ingrédients, il se rendit vite compte que son miroir de glace aux étoiles ancrées n'étaient que fioriture. Et quand bien même il réalisait son plan, grimpant cette montagne qui l'avait si férocement repoussé, la dragonne quémanderait elle aussi son dû.

Il s'arrêta dans sa marche, laissant enfin à ses pattes le souffle de vie, de repos, qu'elles méritaient.
Un dragon, hein. Une bête mythique, friande de chair et d'or. De trésors et de fierté. Probablement reine de la détermination, elle ne serait que satisfaite s'il ramenait, des terres encore inconnues, un présent lointain.

Alors il marcha.

Le soleil l'avait fait cuire. Son pelage sombre n'avait pas été d'une grande d'aide. Pire encore, ses sacs et son écharpe l'avaient étouffés, le noyant dans la sueur et la déshydratation. Il n'avait eut son salut qu'a l'odeur appétissante de l'eau fraîche et des fleurs épanouies, qu'abritait un petit oasis tout à fait atypique. Il avait alors traîné sa carcasse avec rapidité, pour boire tout son content, avant de s'affaler à l'ombre d'un palmier.
Et il était là, heureux, en paix avec le monde, d'avoir ainsi été sauvé. Il était étrange de voir que si proche de la mort, la vie n'en semblait que plus belle. Ou bien était-ce l'endroit ?

Car si l'eau limpide et cristalline reflétait l'éclat ardent du soleil et de la végétation, il semblait que les cristaux qui poussaient en ces lieux, eux-aussi, avaient quelques reflets à offrir. Les rayons les pénétrant, ils teintaient l'endroit d'un doux arc-en-ciel, comme les vitraux d'une cathédrale naturelle. Cela en était presque reposant.

Des cristaux, poussant comme des champignons. De tailles parfois titanesques. Le tout, au fin fond d'un désert inconnu, apparut comme la vieille et étrange bâtisse des terres Nahkus. A moins que ce ne soit la désertification de la savane, poussant les vents chauds du sud à éradiquer la végétation en un tas informe de minéral ?
Bah, qu'importe. Car il avait là les yeux aussi pétillant que l'éclat céleste de ces soudains présents.

Il se leva alors, profitant de l'air tempéré de ces lieux, probable rafraîchissement dû à l'eau et a la réfraction par la flore environnante, pour se diriger vers quelques reliques minérales, d'un bleu azur profond.

Les arracher. Sans trop les abîmer. Peut être même les tailler...
En récupérer plusieurs, des couleurs des dieux fâchés, et les tailler, oui. En petite statue. En effigie, totem sacrés de leur puissance. Chacun arborant un autre présent, gravant leurs motos.

Détermination. D'un combat sans peur.
Vivacité d'esprit. D'une carte stellaire, boussole du savoir.
Grâce. Des sèves et pétales offrant la vie.

Cristaux de sel

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Mais comment faire, sans force, sans outils ? Devait-il creuser ? Probablement. La force des vents avaient enterrés profondément chaque cristaux, qui, pourtant, continuer littéralement de pousser de ci de là, comme imbibés d'une énergie propre. Et quand il les toucha pour mieux déterminer l'angle d'attaque, il ne put que constater la puissance qui pulsait en chacun d'eux.

Bien. Il commença alors à creuser, presque assuré d'obtenir un parfait présent pour un dieu en colère. Enfin, il osait l’espérer. La tâche ne fut pas des plus faciles. A de nombreuses reprises, il heurta les cristaux camouflés. A de nombreuses reprises, il s'y cassa les griffes déjà fragilisées par son manque cruel de nutrition équilibrée. A plusieurs reprises, il libéra la fureur d'un fourmilion.

Mais jamais il n'abandonna.

Ce ne fut qu'une fois presque libéré de leur emprise, qu'il attacha les lianes de la plante farouchement combattu. Serrant de toutes ses forces, il passa par delà un yuka son stratagème, usant alors uniquement de la force de la gravité pour soulever les futurs cadeaux célestes. Car il allait grimper sur cette plante. Et de tout son poids, il allait sauter, tenant dans sa gueule l'autre bout de l'écharpe. Résistante, elle avait combattu et amoché bien des monstres. Elle ne se déchirerait pas si facilement. Le sable dégagé, cela ne devrait pas demander bien de temps. Au pire, il serait suspendu au dessus de l'eau, comme un parfait crétin. Mais au mieux, ô grâce, il serait le plus heureux des loups.

Cristaux de sel

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il resta un instant en l'air. Etait-ce le saut qui durait dans le temps, lui si peureux du vide depuis sa brusque et violente chute de la montagne ? Ou bien son échec qui se résultait pas une pendaison non létale ? Il était là, à quelques centimètres de l'eau. Se balançant comme un appât un peu trop gros. Et puis, soudainement, il plongea. Le choc fut si rapide qu'il but la tasse, s'obligeant à remonter, lâchant la corde. D'une grande inspiration, il cracha eau et surprise lorsqu'il vit le sable se soulever pour libérer le premier monolithe de cristal, qui s'écrasa à terre, abattu par l'ingéniosité du loup.

Il était capable d'abattre ces monstres de minéral. Il était capable de bien des choses avec un peu de savoir-faire.
Il devait donc continuer. Avec chaque monolithe. Sept couleurs. Sept dieux.

Il se devait d'en être capable.

Il plongea une énième fois dans l'eau, avec plus de facilité cette fois-ci, tant le cristal était de piètre taille par rapport aux autres. Simple pousse plus lente, erreur de croissance ou rareté, le cristal violet c'était montré unique. Ou tout du moins, unique pour une taille respectable. De plus petits poussaient au pied des rouges et des bleus, comme s'ils étaient les enfants bâtards de ces deux derniers. Chose assez étrange pour des pierres. Mais la magie, probablement, respectait elle certaines lois naturelles communes aux animaux et aux plantes.

Quoi qu'il en soit, la journée avait été plus qu'entamé, le soleil déclinant lentement au travers des dunes. Fatigué, et bien que trempé, il prit une pause rudement méritée, lapant eau fraiche, et croquant non seulement la viande séchée apportée dans sa besace, mais aussi, par pure curiosité, quelques uns des fruits d'argents, dates d'acier, poussant sur les arbres environnants. Si le gout était proche d'un fruit, c'est-à-dire pas franchement cool pour un carnivore, la coloration grise de sa langue l'amusa beaucoup.
Enfin, tant qu'il pensait que ce n'était ni toxique ni permanent.

Quoiqu'il en soit, quand il eut finit, il rassembla les cristaux au sol, et entama lentement leur cassure via un silex. Ce dernier avait été taillé contre d'autres rochers, étincelles et hématomes en résultant en plus d'une pointe semblable à une ébauche de dague.

L'important était de transporter des morceaux de cristaux assez gros pour les sculpter, mais assez petits pour ne pas à être surchargé.

Cristaux de sel

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

D'un silex taillé, il entama le premier des joyaux. Comme un symbole de paix entre dieux et mortels, véritable symbole biblique, il avait décidé de les tailler dans l'ordre d'un arc-en-ciel, mélangeant chaque paillettes sur le sable d'or et de miel, coulant d'une fin de journée laborieuse mais riche.
Il avait pour idée de tailler les monolithes dans l'aspect des totems de chaque dieu. Grizzli sur deux pattes, menaçant, présentant toute sa force de ses griffes et de ses crocs. Renarde jouant dans les vents, rusée et agile à la fois. Serpent replié sur lui même, prêt à bondir de toute sa nervosité et vivacité, d'un éclair jaune dans la vision adverse. Le raptor scrutant l'horizon, perplexe sur ce qui l'entoure, curieux, d'une redoutable intelligence. Le dragon, féroce, puissant et pourtant si calme, imposant son ombre sur ses disciples, les forçant à le regarder dans les yeux comme pour jauger de leur détermination. La corneille perchée, si neutre, si détachée de ce monde, la couvrant pourtant de ses ailes adamantines comme mère sagesse protégeant ses petits de l'horreur de la vérité et de la trahison du mensonge. Et enfin la tigresse voluptueuse, ronronnant dans son regard à la fois braise et mélancolie, un soupçon de menace dans le sourire si enjoliveur.

D'un premier coup ferme de la gueule avec le coutelas improvisé, il tailla un large morceau de rubis, le cassant net. La faille, lisse, brilla d'un éclat presque magique lorsqu'il passa la griffe dessus. La tenant alors fermement, il continua sa conviction, jusqu'à obtenir un bloc rond, d'une vingtaine de centimètre de diamètre. Pas trop gros, ni trop petit, la statuette devait être transportable facilement, solide et surtout, visible de tous une fois sur l'autel. Il tailla alors deux fissures, au premier et second tiers, délimitant la gueule des bras menaçant. Le dos fut limé, rond, comme une bête ne tenant pas sous le poids de ses propres muscles. La nuque ensuite, puis le front, évitant avec précision les oreilles, petites cornes sur cette statue polie. Il ne s'attarda pas de suite sur la gueule, préférant laisser le détail à plus tard. Ainsi, il attaqua les pattes avant, d'abord saucisses fortes, puis bras musclés, dont il taille trois griffes sur chaque finalité par des entailles. Il aurait été dommage de réellement se blesser avec ce présent. Le ventre ensuite, bourru, gras, celui d'une bête qui mangeait à sa faim, démontrant alors toute sa puissance dans la traque et la chasse. Les pattes arrières, poteaux repliés sur eux même pour donner à la statue une solide base pleine, équilibre fort pour éviter tous chocs avec le sol une fois posé. Pas de précarité chez Aka. Et encore moins de faiblesse en tombant et se brisant au moindre accoues. Enfin il termina par la gueule, véritable travail d'horloger, cherchant a donner un air féroce à ce museau de prisme. Des trous pour les yeux, des dents gravées dans une gueule fermées mais découverte, des joues rebondies et fortes. Quand Yersine se reculant pour contempler ce qu'il avait fait en seulement quelques heures, il fut satisfait du résultat. Et épuisé. La nuit était tombée sur lui comme un aigle sur un agneau, le soulageant soudainement d'un lourd fardeau qui pesé sur lui.

Penaud, mais heureux, il décida alors de festoyer d'eau, de baies et de viande séchée, avant de se coucher dans le sable moite d'une chaude soirée d'automne. Le réveil fut rapide, sentant les premiers rayons sur son pelage d'obscurité le bruler. Il se leva alors, buvant tout son content avec de se baigner un peu, préférant gagner du temps quant à une toilette de chat.

Le vent avait soufflé sur la poussière de l'ours, le rendant plus luisant. Ou bien était-ce l'éclat du soleil se reflétant dans chaque facettes taillées du rubis ? Quoiqu'il en soit, il devait continuer.

La renarde devait avoir l'air maligne. A l'instar d'Aka, le jeune mâle tailla une boule d'une vingtaine de centimètre, qu'il incurva bien vite en une délicate courbe. La tête fut brève, simple rond et rectangle de museau, grossier dans l'attente de plus de détails. Un poitrail fin, mais bondissant, fier et agile. Des pattes avants levées, comme pour mulotter, qu'il tailla fines, rapides. Un ventre chatoyant, sur des pattes arrières puissante mais tout aussi gracieuses, reposant solidement sur le sol, à l'instar de l'ours, pour une base plus solide et équilibrée. Et une queue, longue, touffue, dansant dans le vent. La silhouette grossièrement taillée pour donner l'aspect général de l'animal, il s'attaqua aux détails. D'abord la tête. Une attitude sereine, mais souriante, comme pour défier quiconque essaierai de l'attraper. Les yeux furent simples et les oreilles rapides, couchées en arrière contre une nuque qu'il gonfla de quelques délicats traits pour symboliser la fourrure. Le museau, ensuite. Un petit coup sur le nez, pour l'affiner et.
Et il le cassa.
Un saut dans son cœur le fit se réveiller de cette transe dans laquelle il entrait lorsqu'il sculptait. Rapidement, il trouva cependant une solution, moins arrangeante que la première idée, mais tout aussi bonne. Il rongea la queue en quelque chose de moins touffue, de plus puissant. Le nez fut limé jusqu’à ne parfaite truffe. De loup. Si renard il n'y avait pas, le loup qu'il venait de réaliser était plutôt sympathique.

Le serpent fut des plus simple à réaliser. Recroquevillé sur lui-même, il n'eut qu'a creuser un sillon comme simple esquisse tout du long de son joyau, avant de le limer en demi cercle, l’amincissant par endroit. La tête fut un rectangle qu'il adoucit de quelques coups de silex. Les yeux, deux perles au centre en fente, qui dardait toute sa lumière soleil sur son interlocuteur. Une fine bouche, prête à siffler, a attaquer, ou a rire. Oui, définitivement le plus simple à réaliser. Et pourtant, cela restait une statue de très bonne qualité. Il aurait eut, de toute façon, bien du mal à rattraper une telle forme en loup, comme il avait pu faire pour Dairo.

Le raptor n'allait pas être une mince affaire. Yersine décida de le faire coucher pour s'épargner les pattes aux griffes recourbées. D'abord silhouette de cygne, le loup tailla le visage droit, fier. Ne sachant pas réellement l'anatomie de ces dinosaures, il décida d'une crête de plumes, qu'il dessina avec délicatesse, d'abord comme des écailles se chevauchant, puis, les détachant les une des autres via quelques légers coups tout du long de chacune d'entre elles. La gueule fut carrée, puissante, fermée, ne laissant dépasser que quelques gravures de dents. Les yeux, intelligents, semblaient jauger la personne en face. Ami ou ennemi. Digne d’intérêt ou non. C'était presque à se demander si les statuettes ne prendraient pas vie, à l'instar de Pinocchio. Mais probablement le soleil commençait à lui taper sur le crâne.
Yersine, après une brève pause faite d'un repas, de beaucoup d'eau et d'une sieste, continua finalement sur le torse et la gorge, épaisses parois écailleuses, délicates chairs. Les bras, recroquevillés, furent petits, mais plutôt légitimes, les doigts se crispant pour éviter un superflus de détails qui mettraient en péril la sécurité des membres cristallins. A trop les tailler, il finirait par les briser, un par un. Et il en était hors de question. Enfin, les pattes suivirent la ligne du dos, courbe lente découlant sur une queue puissante. Il insista cependant pour graver une griffe plus grande et incurvée sur les pattes, préférant ne pas que l'on confonde raptor et galiminus. Des plumes furent discrètement taillées sur les bras, comme les ébauches d'ailes modernes.

Bien, plus que trois. Yersine était fier de son avancée, même si cela impliquait de dévorer la journée rapidement et sans véritable hygiène de vie. Surtout au milieu du désert.

Il entama alors le dragon. Le bloc fut carré et non rond. Il le voulait se dressant sur ses quatre pattes écartées, gueule ouverte, prêt à souffler son feu magique, ailes déployées. Il tailla alors, encore une fois grossièrement la forme. Une gueule qu'il fit finalement fermée, sentant le saphir trop fragile pour les futurs chocs donnés pour faire naitre les dents et a langue, un front généreux en corne, dont deux grandes filaient comme une gazelle. Un cou puissant, sur lequel il comptait graver des écailles par la suite. Deux pattes avant puissantes, simples poteaux pour l'instant. Un torse et un ventre fins mais gonflés de fierté. Deux cuisses bien fermes, là aussi, à la vague allure de sucette. Une queue posée à terre, serpentant contre les pattes arrières, toujours dans un soucis de stabilité et de fragilité. Puis deux ailes. Le plus dur. Elles devaient être fines mais tenir. Mais comment ? En limant, peut être. Alors, c'est ce qu'il fit. Lentement, longuement, il tailla la première aile dans un simulacre de chauve-souris. Puis la seconde.
Qui se brisa rapidement.
Dépité, surtout après tant de travail, il préféra prendre une pause, buvant, mangeant et se baignant tandis que la course du soleil déclinait doucement dans les cieux bleus.

Ce ne fut qu'après une bonne demie-heure de pause qu'il reprit son travail, énervé mais vigoureux dans sa motivation. D'un bref accoue, il brisa la seconde aile qui tenait toujours, puis, cassa la queue en quelque chose de plus court. Là encore, il allait ruser et réaliser un loup de saphir, tel le renard transformé. Les cornes furent limées en poil rebroussé. Les pattes affinées en coussinets. Le cou raboté. La gueule amincit. Mais le regard, lui, resta solide, brûlant d'une ardeur presque carnassière. Plutôt satisfait de la nouvelle silhouette, il entama alors les détails. Stries dans la fourrure du cou. Coussinets et griffes sur les pattes. Sourire ridulé par l'air narquois généralisé de la bête. Oreilles naissant des dernières cornes.

Bien que ne rentrant pas dans son idée originelle, Yersine était cependant satisfait du résultat. Pour l'instant, toutes les statues avaient quelque chose de vivant en elle, probable résidu de la magie de ce désert d'ivoire, et donnaient alors toutes véracité aux crédos des dieux qu'elles symbolisaient.

La corneille n'allait pas être d'une grande facilité non plus. Il voulait la faire, elle aussi ailes écartées. Mais au vue de l'échec retentissant sur le dragon, il décida de les faire ouverte mais se reliant entre elle, créant un espace de vie entre le corps et elles. Comme un anneau, une légère ouverture pour que le regard de l'oiseau se pose sur son interlocuteur.  Il tailla alors un rond, qu'il rabota de l’intérieur via une lingette mouillée et roulée dans le sable. Le grain fit son office, et après plusieurs longues minutes d'effort, l'aspect concave commença à naitre.
Mais cela lui prit bien du temps. Bien de l'acharnement. Et pourtant. Il voulait que cette statue soit parfaite. Pour elle. Elle qui l'avait guidé. Qui l'avait compris. Alors, sans relâche, à s'en faire saigner les pattes, il gratta. Il ponça. Jusqu’à ce que la forme lui soit correcte. Il tailla alors la tête de l'oiseau, moins grossièrement que voulu, puisque simple et neutre, une expression d'intime sagesse et jugement dans ses yeux, billes cramoisies. Le torse fut gravé de quelques plumes, tandis que les pattes étaient repliées sur elles-mêmes, offrant une stabilité sans pareil à l’icône. La queue fut étalée en arrière, éventail gravé. Puis vint les ailes. La forme, bien qu'épaisse, donnait une allure forte, sans faille, comme la conviction qui animait les deux êtres. Chaque plumes fut dentelées. De ci de là, l’améthyste, enfant bâtard du saphir et du rubis, se voyait tacheté de ces deux couleurs parentales, comme un mélange hétérogène. Cela donnait un aspect de galaxie à l'ensemble de la statue, et ce n'est qu'une fois finit que Yersine réalisa qu'ainsi superposées, les couleurs, les ailes et le corps, donnaient une véritable impression de de ciel étoilé.

Il contempla encore un peu la statue, avant de la placer avec les autres, dans le plus grand soin.

Plus qu'une. Plus qu'une et il se reposerait. Il allait partir le lendemain et enfin livrer ses trésors, quémandant l'aide de toutes les nations, de tous les dieux, pour réaliser son dessein. Réunir sa Famille. Réunir PunkWolf.

Alors, motivé plus que jamais, il attrapa le cristal rosé, parfois irisent d'un blanc éclatant. Tel un gros chat se lovant contre quelqu'un, il tailla l'aspect du tigre en demi-lune. La tête, ronde, fit naitre un museau tout aussi rond. Le corps, musclé mais souple, fit bridé de quatre pattes en tronc, ainsi que d'une queue collée à sa cuisse pour éviter toute cassure. Puis, vint les détails. Précipitation, envie de changer d'air ou ras-le-bol, Yersine était bourru dans sa tâche et pourtant, chaque coups étaient portés avec délicatesse. Surtout sur la déesse de la grâce, du charme. Il aurait été indécent de lui donner l'aspect polygonal de l'ours Aka. Alors, lentement, il tailla les joues rondes et pelucheuse, le museau fort mais souriant, les yeux d'une intense gentillesse. Le cou, épais d'une pseudo crinière qu'il voulait douce au visuel. Les pattes, bien que puissantes, telle la rose aux délicates épines, rétractant ses griffes dans des pattes rondes et adorables. Les cuisses, aux fesses bien poilues, démontrant des muscles au repos, comme en confiance face à son interlocuteur. Quelques aspérités furent taillées pour donner volume au poil de l'animal. Mais Yersine se fit une raison bien rapidement.

Il avait finit.
Il avait finit.

Alors, épuisé, il rangea les statuettes dans ses besaces avec délicatesse, puis, sans plus de soin envers sa personne, il s'allongea pour se reposer. Dormir.
Avant qu'une nouvelle route ne se dégage pour lui.