Confront — Queen

La décadence.

Voilà ce que vivaient les Lazulis, depuis la sanction des dieux. Depuis que leur vie était maintenue sous ce dôme. Pourtant, loin de là l’idée pour eux de ramener l’union au sein de la meute. Loin de là même. Gloriel semblait s’être retiré de sa fonction, laissant la meute sans réel dirigeant. Qui lui en voudrait ? Lui qui, avait sa part de responsabilité dans la déchéance de sa meute, qui n’avait su contenir les pulsions des plus jeunes. N’était-il pas normal qu’après ça, il choisisse de prendre une retraite bien mérité ? Profitant de sa descendance, aux côtés d’une prêtresse dont les intentions n’avaient de sens. Le Bleu observa le dôme sans émotion visible sur ses traits. Cette prison n’était que temporaire, les dieux n’affameraient pas les disciples, à défaut de s’être débarrassés des hérétiques.

Depuis la destruction du temple d’Ao et Moiro, Avalon n’avait plus donné quelconque signe de vie, disparaissant subitement de la circulation. Un païen qui n’était pas là au bout de ses convictions… Quelles dommage. Que dire de Mésange et Méluciole ? Deux enfants qui avaient saccagé des temples ? Comprenaient-elles réellement les enjeux, ou étais-ce plus un acte en contradiction avec les convictions de leurs parents ? Mo’ n’en avait que faire en réalité, qu’ils périssent si cela leur chantait, qu’ils vivent en défendant leurs idéaux si c’était cela qui les maintenait. Aucun d’eux ne représentaient un quelconque intérêt à ses yeux, lui voulait juste la disparition d’Ao, au moins la blesser suffisamment. Ses prêtres semblaient maudits, cela ne devait cesser.

L’odeur de Queen vint chatouiller les sens de Mozarthamès qui tourna légèrement en sa direction, sans jugement apparent, quand bien même c’était une enfant qu’il avait face à lui.

« — Que veux-tu apprendre Queen ? Attention, le savoir est chose dangereuse, tout le monde n’y est pas forcément préparé.  »

Certains ne sont jamais prêts à accepter la vérité en face, préférant de loin la beauté du mensonge.

< Queen ; 1 an


Les cheveux hirsutes, le poil en bataille, Queen revenait d'un entraînement intensif de mêlant courses et demi-tour brutaux afin d'entraîner son myocarde à une meilleure endurance et son souffle à s'adapter à des rythmes changeants. Tous les matins elle commençait ses journées de manières actives pour brûler des calories et épuiser son corps. C'était là sa seule façon de ne pas tourner du chapeau dans cet environnement restreint. La jeune louve blanche n'appréciait pas l'autorité de manière générale, et se voir imposer une vie de captive l'agaçait au plus haut point. Vivre sous ce dôme avec des loups qui ne représentait rien pour elle ne l'aidait pas à la patience. Elle voulait découvrir le monde, elle voulait devenir puissante et surpasser tous les autres, elle voulait dominer. Et plus que tout, elle voulait revoir son paternel bloqué de l'autre côté. Ses crocs se serrèrent alors qu'elle revenait, grincheuse, de ses exercices matinaux. Elle haïssait cette situation où elle et les siens dépendaient de la volonté d'une entité certes aux pouvoirs élevés, mais médiocre à ses yeux d'adolescente. Les Dieux Lazulis n'avaient inspiré chez elle que le mépris pour leur manque de conviction. Pour des divinités, ils étaient bien laxistes... A leur place, elle aurait fait pire que de rendre aveugle un prêtre déchu ou marqué des jeunes loups d'une croix dans l'oeil. D'ailleurs, ce n'était même pas tant une punition ça... Et cette bulle qui les coupait du monde. Ca n'avait rien de sévère. Le panthéon Lazuli, ou même le Raptor, espérait-il vraiment que les loups s'entendraient mieux dans un climat de stress permanent de voir les proies manquer, d'une meute qui n'avait plus de vastes terrains pour se défouler et qui se marchaient sur les pattes ?

Queen se retint de cracher au sol. Ce n'était pas un geste très beau, même si elle n'en pensait pas moins. La femelle aux yeux très pâle jeta un regard un l'air, énervée d'avance d'y voir le voile verdâtre moisissant leur beau soleil. Elle finit par arriver au lieu de rendez-vous. Mozarthamès l'y attendait déjà, fixant lui aussi ce mur d'enceinte de prison. Il dû la sentir ou l'entendre car il se tourna un peu vers elle. Puisqu'elle l'avait choisi comme mentor et qu'il avait excepté de lui enseigner ce qu'il pouvait, elle avait un minimum de respect pour lui. Assez pour baisser le museau pour le saluer placidement. Chose qu’elle ne faisait qu'à de très rares chanceux. Personne en fait. Pour sa famille, elle avait de l'affection, pour les autres Lazulis, elle n'avait que mépris, affliction ou indifférence totale. L'adolescente vint s'asseoir à la droite de son tuteur et entama une toilette rapide pour mettre de l'ordre dans son poil.

« Tout savoir peut être utile, à qui sait réfléchir. »

Répondit la jeune louve en levant ses orbes de givre vers le mâle brun à la tignasse cyan. Elle avait beaucoup de prétention cette gamine, mais elle le savait. Elle avait pleinement conscience de la supériorité qu'elle se donnait, tout comme elle avait comprit que trop le montrer ne lui apporterait pas toujours des bénéfices. Mais elle voulait s'élever, et l'avenir appartenait à ceux dont la persévérance primait.

« Comment séduire les foules et me faire respecter ? Que dois-je savoir, pour les surpasser sans me faire détester ? »

Eux. Les autres. Les faibles. Les ignares. Les ingrats. Mais aussi les guerriers. Les guérisseurs et leurs cueilleurs. Le peuple tout entier qu'il lui faudrait diriger en premier. Ah moins qu'une fois ce dôme effacé et son apprentissage terminé, elle ne quitte cette meute dégradante, aux croyances méprisables et où chacun se suffisait de son égocentrisme.

« Non. Première chose, comment devenir puissante sans accepter le joug d'un être supérieur ? »

Peut-être pourrait-elle mieux exercer ses talents dans la meute de son père. Ou bien elle se forgerait sa propre armée pour gouverner et réunifier tous les loups de ce continent. Un beau projet, poussée par un reste d'innocence enfantine qui rêvait de voir réunis ses parents et le début d'une volonté d'adulte à vouloir contrôler, diriger, dominer. Une soif de pouvoir dont la source devenait plus floue à mesure que Queen grandissait.

La louve n’était pas aussi tête-brûlée qu’elle laissait le croire. Mo’ conserva son regard dénué de tout sentiment, alors que Queen venait le rejoindre à la lisière du dôme. Au moins savait-elle fixer ses objectifs, déterminer ses priorités. Le loup conserva un moment le silence, la réponse à ses questions déjà en tête, mais cela ferait durer un peu le suspense. Finalement, un mot traversa ses babines.

« — La peur. »

Ce sentiment tellement craint, que certains pensaient enfouie à jamais. Stupides qu’ils étaient ! Nul ne peut être définitivement débarrassé de ses peurs, lorsqu’une disparaît, une autre surgit. C’est dans l’ordre des choses. Sans peur, les loups ne se seraient maintenus jusqu’ici, la peur c’est ce qui a éveillé l’instinct, la volonté de vivre.

« — La peur guide les actes, la peur inspire la crainte. Connais les faiblesses de tes adversaires, c’est comme ça que tu gagneras. » Le bleu marqua une pause, avant de tourner vers la jeune louve. « Une mère craindra pour ses enfants, une louve entiché pour son amour, celui qui n’a rien craindra d’avoir… »

C’est dans l’ordre des choses, faisant parti du lot de faiblesse des loups. On ne pouvait lutter contre cela.

« — Suggères-le une protection, une garantie de la viabilité de ceux à quoi ils tiennent. Tu serais surprise de ce que cela peut apporter. Certains sont à la recherche de pouvoir, n’oublies jamais cela, le pouvoir est chose convoitée, mais n’oublies pas, chaque allié est un ennemi, mais chaque ennemi peut être corrompu. »