Remémore toi, mon amie | Libre

Diantre n'en pouvait définitivement plus. Toutes les nuits, pratiquement tous les soirs elle toussait. Où plutôt, elle rendait un peu plus son âme à chaque quinte de toux. Et là, ça avait recommencé. Encore un petit pas, un petit pas vers la frontière de la mort... Pourquoi ? Pourquoi fallait-il qu'elle s'y approche maintenant, elle qui fumait sans cesse depuis son plus jeune âge ? Pourquoi ses poumons tant abîmés ne l'avaient-t-elle pas emportée bien avant ?Malgré toutes ces années passées à tirer sur son calumet ? Voilà plusieurs années que ses propres soeurs avaient rendu l'âme et elle, Diantre, vivait encore malgré ses bêtises à fumer encore et encore, tel un volcan. Et pourtant, en ce début de journée, le moment où le soleil montre ses premiers rayons derrière les montagnes, elle sentit une nouvelle fois un petit fragment de son âme partir... Elle se leva donc, s'ébrouant, avant de s'étirer, faisant ainsi craquer chacun de ses muscles engourdis par la vieillesse. Dormir par terre ne lui avait pas fait grand bien. Car oui, étant donné son âge bien avancé, son sommeil était souvent infecté par la position qu'elle prenait. Diantre se demanda alors combien de temps durerait cette mascarade, combien de temps devra-t-elle supporter sa dure vie auprès des siens. Ne laissant le temps à ces questions d'hanter son esprit, la vieille penseuse partit vers la sortie de la meute. Et c'est tout en marchant qu'elle leva la tête vers le ciel ; les dernières étoiles s'eteignirent une par une. Admirant les étoiles, la féline eut un sourire triste. Là-haut, ses chers frères et soeurs, ses parents. Les loups d'antan semblaient veiller sur elle, l'accompagnant durant toutes ces années jusqu'à sa future mort. Pourtant, au fond d'elle, Diantre savait, elle savait pertinement que la faucheuse n'était pas loin et que tôt ou tard, elle viendrait la chercher elle, la vieille louve qui n'avait pas fait grand chose de sa vie.

Alors qu'elle s'apprêtait à sortir du château, elle jeta un dernier coup d'oeil aux membres endormis de la meute, ils étaient si paisible, dans les bras de Morphée. Diantre sourit malgré elle, un sourire bien faiblard alors qu'une larme translucide tomba de son oeil. Parmi les Etelkrus, deux petits frères, encore en vie et des neveux. La louve brune soupira, délicatement, sachant pertinement qu'elle ne les verrait plus, sa petite famille encore en vie. Elle huma l'air, inspirant l'odeur de ses partenaires une dernière fois car pour elle, ce départ serait son dernier voyage.

" Adieu, mes chers frères et amis. "

Puis, silencieusement, discrètement, Diantre prit la poudre d'escampette, relevant la tête vers les dernières étoiles qu'on ne voyait presque plus, comme si sa famille la quittait à tout jamais. Elle voulut pleurer, mais ne le fit pas, bien trop forte dans l'âme pour se laisser vaincre par la mort.

Elle se rappelait, Diantre, de son adorable famille, de ses parents qui s'aimaient plus que tout. Ah... Darius et Nout formaient sûrement le plus beau couple qu'est connu Punk Wolf. Deux doux amoureux, fait l'un pour l'autre. Des parents aimants, oh oui, la louve brune les aimaient tant, ils sont morts ensemble, laissant derrière eux une grande descendance. Il y avait sa fratrie, son adorable fratrie. Diantre avait de magnifiques souvenirs d'eux.

Fatiguée, la route fût longue et épuisante. C'est que son âge n'était pas fait pour ce genre de voyage. De nouveau, Diantre toussa, violemment cette fois-ci, laissant perler une goutte de sang sur ses babines qu'elle essuya aussitôt d'une de ses pattes reptiliennes. Finalement, la mort n'était pas si loin que ça, tant mieux. La vieille louve continua son chemin parmi les marais, nullement dérangée par les obstacles, étant donné que ses pattes avant lui permettaient une meilleure tenue dans ce genre d'endroit.

Finalement, ses muscles lachèrent, l'obligeant à se coucher sur un rocher gris mousseux, un peu plus confortable que son lit au Grand Castiel. Diantre s'étira sur son nouveau matelas, faisant alors craquer ses vieux muscles rouillés désormais engourdis par la marche qu'elle venait de parcourir. Désormais, le soleil atteignait son sommet, peut-être que les siens la cherchaient... ou peut-être pas. Qui s'intéresserait d'une vieille locque comme elle, maintenant qu'elle avait atteint un âge plus que respectable ?

Ah... elle le savait plutôt bien désormais, crachant ses poumons après tant d'années à fumer sa pipe indienne, que la mort n'était pas si loin d'elle. Et, au lieu d'avoir peur de la terrible faucheuse, Diantre n'avait aucune once de peur, elle était plutôt paisible, en paix, à se dire qu'au final, sa vie n'aura pas été veine. La louve a bien vécu, elle a pu voir ses aînés mourir mais elle ne verra pas ses chers petits avant elle. Et elle en remercia le ciel pour cela.

C'était une toute nouvelle génération qui prenait place. Oui, Diantre savait qu'elle avait beaucoup de neveux et de nièces, et des petits qu'elle ne verra plus jamais. Elle en était fière, fière d'avoir eu des frères ayant donné la vie.

"Regardez, père et mère, comme votre descendance est grande..."

Murmura-t-elle en relevant la truffe au ciel, cherchant le soleil parmis l'épais branchage du marais aux lianes. Diantre ne pouvait voir l'astre solaire mais elle savait pertinement que quelque part, là-haut, sa défunte famille l'attendait. Diantre sourit, un sourire bien triste. Elle avait beau être heureuse, il y avait juste un petit bémole à sa vie.

"Vous savez, je regrette juste de n'avoir pas beaucoup participer à la vie de famille. Ah... Quel dommage de ne pas en connaître plus sur ma nouvelle famille que je ne connais presque pas... Il a l'air doué, le petit Horus. Et... Je suis désolée, j'aurai tant voulu les connaître un peu mieux, eux qui reprennent le flambeau de notre si grande famille. Pardon, père et mère. Je ne pourrai pas vous raconter de merveilleuses histoires sur eux."

Diantre lança un long soupire parmi les feuillages du grand marais, sortant alors son calumet qu'elle alluma et empocha dans sa gueule.

" Allez, une petite dernière pour la route."

Grogna-t-elle, sachant que ses poumons déjà abîmés n'en patiront pas, étant donné que sa mort approchait à grand pas. Diantre recracha la fumée, éprise d'un calme soudain, elle croisa ses pattes reptiliennes face à elle.

"Quel endroit magnifique pour mes derniers instants de vie. N'est-il pas ? "

Demanda-t-elle un peu plus fort, comme si elle voulait se faire entendre de ses confrères serpents et crocodiles. Puis, de nouveau, Diantre toussa, plus faiblement qu'avant alors que le sang dégoulinait de sa gueule. Etait-ce la fumée ou la vieillesse qui l'emportait ? La louve ne savait guère mais dans tout les cas, c'était un âge plus qu'honorable qu'elle venait de faire alors... elle pouvait partir en paix, la vieille lupine au pelage désormais dégarni.

Finalement, fatiguée, Diantre déposa sa tête au sol, fermant doucement les yeux. Sa respiration était lourde, rauque et descendait petit à petit. Oui, la louve voyait le bout du tunnel et ne put s'empêcher de sourire car avant que ses yeux se ferment à tout jamais, elle les voyait, sa famille d'autrefois, l'attendant au seuil de la mort.

"Vous êtes venu me chercher ? M'en voilà... ravie. Partons, maintenant. "

Murmura-t-elle toujours le calumet entre les crocs.