Méchants très méchants s'abstenir, merci... [feat. Edrakan]

Ca faisait un moment qu'elle n'avait pas tant voyagé. Ou plutôt, c'était la première fois qu'elle reprenait la route depuis l'évènement dans le monde rouge. Elle avait eu beaucoup de choses à régler, et c'était loin, très loin d'être fini. Il lui restait encore tant de choses à finaliser pour que son esprit puisse être en paix ! Elle était déjà passée chez Yurai, et ce rendez-vous lui avait procuré une certaine dose d'apaisement, mais ça n'était pas assez. Alors elle commençait à suivre ces chemins, ces multiples chemins qui résonnaient sous son crâne et l'emportaient loin, loin d'ici. Elle avait choisi l'un des fils qui semblait se diriger en territoires neutres, et avait entamé son périple dans les Monts Célestes. Pour l'instant, le lien était ténu, la personne au bout du fil devait être loin. Mais Eva était acharnée, et elle ne comptait sûrement pas s'arrêter en chemin.

Elle avait survolé une partie des monts céleste, puis s'était posée sur un promontoire rocheux pour se repérer, lorsqu'un bruit avait attiré son attention. Elle avait fait quelques pas, passant de rochers en rochers, ses coussinets heurtant la pierre dans un son mat, avant de se faire interpeler.

Elle s'était arrêté net, le temps de humer les environs. Elle percevait le fumet ténu des Nakhus, mais elle n'en était pas vraiment sûre. Peut être même pouvait-elle reconnaître la fragrance de Raison ? Mais tellement léger, qu'elle se trompait sûrement. Elle avança d'encore quelques pas, jusqu'à bien distinguer la voix tremblotante. Elle songea un instant à rester cachée et lui faire peur, mais la voix lui semblait si jeune que ça en était criminel.

Elle fit un dernier bond, agitant ses ailes pour ne pas perdre l'équilibre, et se posa juste devant une louvette grise, assez loin pour ne pas lui faire trop peur. Elle lui offrit un large sourire.

Bonjour toi ! N'aies pas peur, je ne te ferai pas de mal. Qu'est-ce que tu fais dans ces montagnes si inhospitalières, loin des terres Nakhu ? Tu t'es perdue ?

Elle en était sûre, maintenant, de reconnaître vaguement le fumet de son clan sur cette petite.

Eva ne l'avait absolument pas remarqué de prime abord, mais c'était maintenant une évidence : la louvette l'observait sans la voir, son regard posé sur un horizon lointain et inexistant, impression renforcée par le gris de ses prunelles. Les inquiétudes d'Eva s'avivèrent à ce constat, en plus du jeune âge de la louvette. Ses paroles, hésitantes, ne la rassurèrent qu'à moitié.

D'accord ! Je comprends tel attrait. Fais attention toutefois, s'il venait à pleuvoir ça pourrait être dangereux pour toi. Tu es sûre de ne pas vouloir que je t'accompagne où tu souhaitais aller ? On s'amuse tout autant à explorer à deux.

Elle ne voulait pas non plus être poussive, mais souhaitait être certaine que la petite souhaitait vraiment être seule. Si elle n'avait pas été élevée dans un environnement où les parents étaient particulièrement protecteurs, et empêchaient les gamins de faire des bêtises, au vu des évènements récents sur le continent elle ne pouvait décemment pas laisser un jeune aller seul sans protection. Elle agita une oreille, toujours souriante.

Oh, A vrai dire je vais aussi du côté solitaire, mais comme je cherche quelqu'un je fais des détours et reviens parfois sur mes pas.

La petite semblait gênée et Eva n'arrivait pas à déterminer si c'était pas pure timidité, ou si elle souhaitait lui cacher quelque chose et se donnait beaucoup de mal pour ça. Mais la louve bicolore n'arrivait pas à trouver ce qu'elle pourrait bien vouloir lui cacher, et se replia donc sur la première solution.

Elle n'avait pas beaucoup de chance, cette petite, parce qu'Eva aimait converser, et surtout aimait en découvrir toujours plus sur ses interlocuteurs.

Ah elle ne se désintéresse pas. Pourquoi faut-il que les grands s’inquiètent comme cela pour moi. Je suis juste aveugle, mais pas si différente des loups ordinaires. J’ai quatre pattes pour avancer, et une gueule pour parler et me faire comprendre. J’ai un cœur, et une âme, et ne souhaite que le bonheur, le mien, et celui de ceux que j’aime. Mais au moins, elle ne se moque pas de moi, cela n’est pas plus désagréable après tout.

Un sourire timide effleura mes babines, j’étais en général très souriante, mais là, j’étais un peu gênée, mais je voulais pourtant lui sourire. Parce que j’étais touchée qu’elle se soucie de ma petite personne sans importance. Je ne suis qu’une petite louve sans histoire qui erre un peu partout. Mais elle est bien gentille quand même, cette femelle la.

« Merci de votre conseille, je prendrais garde. »

M’accompagnais là où je souhaitais, ô je n’avais pas de désir particulier. Je voulais juste, et bien explorer, découvrir le chemin, pour m’en souvenir. Me rappeler des différents sols sous mes pattes, des odeurs, de sons, et de la topographie de la route pour mieux y avoir accès. J’avais fais comme ça pour la Vallée au Murmure et je commençais à faire pareille pour l’île fantôme. Mon problème était principalement le Dédale. L’étouffement des sons par les murs m’empêchait de me repérer correctement.

Je finis par détourner la tête, un peu mal à l’aise par sa proposition, je ne veux pas déranger. Je ne mérite vraiment pas d’intérêt, je n’ai rien de spéciale. Agitant doucement mes oreilles, je me mis à faire des cercles sur le sol du bout de la griffe.

« Ne vous occupez pas de moi, ce n’est pas nécessaire. J’essaie seulement de me souvenir du chemin, pour pouvoir revenir au besoin, comme je suis aveugle ça me demande un peu plus de travail. »

Lui avouais-je doucement, d’une voix encore timide et un peu étouffée. Je ne veux pas la froissée non plus en refusant sa gentille proposition. Mais il est vrai que ce n’est pas nécessaire. Je finis par tourner la tête vers elle, les oreilles basses.

« Pardon, je ne veux pas vous froissez… C’est… votre proposition est vraiment très gentille, mais… Je ne veux pas vous embêter. »

Me rattrapais-je vivement. Elle ne me semblait pas méchante du tout, je le sentais de là où je me trouvais, elle n’avait vraiment pas d’animosité avec moi. Juste une effroyable curiosité qui me mettait dans tout mes états. J’avais l’impression d’être face à Raison le premier jour de notre rencontre, à ne pas du tout savoir où me mettre et quoi faire.

Ainsi donc, elle allait aussi du côté solitaire, mais faisais des détours car à la recherche de quelqu’un. Je dressais les oreilles en m’avançant d’un pas hésitant vers elle.

« Puis-je… vous aider à chercher ? »

Demandais-je timidement sachant qu’avec ma cécité ça serait difficile, mais avec mon ouïe, je peux repérer un loup très facilement même s’il est loin et qu’il n’y a pas de vent. Alors peut être que je pourrais me rendre un peu utile pour elle. Ça me ferait plaisir, de pouvoir aider un peu, plutôt qu’on s’occupe toujours de moi.

Sourire timide sur le visage de la louvette, elle n'est pas à l'aise et ça se voit. Eva pencha la tête sur le côté. Elle ne voulait pas la brusquer, avec tout ça... Surtout qu'elle semblait ne pas vraiment savoir ce qu'elle voulait. Disparaître sous la roche, visiblement. Ne pas l'accompagner ? Mais... L'aider dans ses recherches ? Eva huma doucement l'air. Elle avait des ailes, mais pouvait-elle s'en servir ? Non pas qu'elle n'aimait pas la compagnie, mais ses recherches allaient l'amener loin, bien loin des Monts Célestes elle le craignait, son instinct le lui disait. Enfin, en guise d'instinct, c'était plutôt le lien qui l'unissait aux autres et la guidait qui était encore très faible.

Tu peux te déplacer en volant ?

C'était une question innocente. Trop personnelle, peut être ? Et si elle possédait un handicap qui l'empêchait de - non, Eva, tu réfléchis trop. Elle se concentra plutôt sur ce qu'elle avait dit. Des difficultés à se repérer ? Une discussion qu'elle avait eu avec Sobieski lui revint en mémoire, et elle jappa joyeusement :

Peut-être pourrait-on mettre en place des petites marques qui indiqueraient le chemin, pour que tu puisses mieux te repérer ? Et puis ça aiderait tout le monde, je suis sûre que beaucoup se perdent dans ces montagnes ! On pourrait indiquer les directions les plus importantes, et baliser la route. Qu'en penses tu ?

Ce pourrait être une action intéressante, et puis comme ça elle pourrait en même temps fouiller un peu les montagnes, elle n'avait pas encore eu beaucoup l'occasion de les explorer.

Elle agita les oreilles en entendant la justification de la petite louve noire.

Oh ! D'accord. Elles sont jolies !

Elle lui faisait un peu penser à Moineau, qui avec ses grandes ailes de chauves-souris beaucoup trop lourdes ne pouvait décoller. Cette dernière en était d'ailleurs si triste ! Un pincement prit Eva, qui le chassa instantanément. Non, ça n'était pas le moment.

Son sourire revint en voyant la réaction de la petite aux indications de repérage. Oui, décidément, c'était quelque chose à faire ! Ils pouvaient peut-être même commencer tout de suite ! Eva hocha la tête. Qu'elle connaisse Raison ne l'étonnait même pas - ce loup avait le coeur sur les pattes, il recueillait tout ce qui passait à sa portée. C'était tellement... Nakhu.

Je m'appelle Eva. Et toi ?

Après tout, elle ne savait même pas qui était cette personne en face d'elle ! La louve bicolore fit claquer sa langue dans sa bouche.

On peut peut-être commencer tout de suite, à faire ces marquages. Qu'en dis tu ? On pourrait les graver ensemble, et tu pourrais tester le chemin pour voir s'il est praticable ?

Elle était toute contente.

Eva lui fit un large sourire :

Enchantée de même ! Ca fait longtemps que tu es sur les terres Nakhu ? Tu parlais de Raison, tu connais bien notre meute ?

Elle réfléchit. Elle effet, graver la pierre n'était pas si simple. Elle s'assit sur le sol et réfléchit un instant.

Peut-être pourrait-on taper d'une pierre sur le sol ? Ou tailler dans du bois, des sortes de pancartes qu'on poserait au sol ? C'est moins durable, mais ce serait plus simple à faire, on aurait une chance d'y arriver assez rapidement.

Elle avait mille idées, mais beaucoup moins qu'elles pouvaient mettre en œuvre. Le bois lui semblait être la meilleure idée, à tailler des griffes. Et en mettant des marquages odorant dessus, pour en plus aider à les repérer... Oui, c'était une idée qui valait le coup d'être tenté.

On devrait aussi trouver des fleurs au fumet caractéristiques. Quelles sont les fragrances qui te marquent le plus ? On pourrait commencer par là, et les raviver régulièrement.

Ah ! Trop de question à son sujet, non pas tout à fait, plus au sujet de la meute. Quand bien même, elle sentait que Eva s’intéressait surtout à sa personne, et cela la gênée grandement. Hayndriel n’était pas habituée à devoir parler d’elle. Elle était intimidée par la louve, mais trouvait que partir serait malvenu de sa part. Surtout que la femelle était réellement agréable et qu’elle semblait seulement vouloir l’aider.

« Raison m’a adopté, je suis parmi les Nakhus depuis un an désormais »

Répondit-elle en remuant vivement la queue. Elle aimait énormément Raison, elle se sentait en sécurité avec lui, et elle arrivait à lui parler sans craindre quoi que ça soit. Elle l’écouta alors faire sa proposition. Agitant doucement les oreilles. Elle ne verrait pas des pancartes. Elle pencha la tête, se grattant nerveusement l’arrière de l’oreille.

« Je serais incapable de voir des pancartes une fois seule… Comment on pourrait faire pour laisser une emprunte olfactive à ton avis ? »

Demanda-t-elle car c’est ce qui lui semblait être le plus censé. Car pour le son, il fallait poster des veilleurs qui s’occuperaient de diriger les aveugles. Mais alors pour les odeurs, un loup était capable de les sentir pendant plusieurs semaines. Ce qui éviterait d’avoir à retracer le chemin trop souvent. De plus à force de passer, les odeurs de passages finiraient par rester.

A sa question sur les odeurs qu’elle retenait le plus la femelle détourna la tête et baissa les oreilles. Ce n’était pas des odeurs dont elles aimaient parler. Elle secoua la tête.

« Je … Je retiens facilement les odeurs amers, acres, ou de sang… Pas très sain tout ça… »

Elle hocha la tête aux paroles de la jeune louve. Oui. Les odeurs, voilà qui était une bonne idée - elle pourrait peut-être même en parler à Clou ou à un autre Etelkru se rendant de temps en temps au cimetière pour entretenir le chemin, lorsque les Nakhus ne le pouvaient ! Elle était persuadée qu'ils aideraient, pour le bien commun. Et s'ils souhaitaient quelque chose en échange, comme s'ils ne leurs auraient pas donné sinon, c'était une possibilité.

Elle réfléchit. Une odeur âcre ou amère ? Elle ne tient pas compte de sa suggestion sur le sang, ni son repli à cette idée - elle est sûre que l'on peut sortir quelque chose de constructif de l'ensemble :

De l'amande peut-être ? Ces petits fruits à coque que l'on pourrait frotter sur la pierre. Je suis sûre qu'on peut en trouver jouxtant les Jardins Mystiques.

Elle s'assit, pensive.

il y a la menthe poivrée, aussi. Ca n'est pas amer, mais ça a le mérite de résister et-

Un sourire éclaire son visage.

Et on pourrait tout simplement en planter sur un chemin défini, et l'entretenir !

L'idée l'électrisait, de former des chemins de plantes. Même pas besoin d'arracher des fruits, il suffisait de les cultiver ! Elle était sûre que Raison s'intéresserait à ça.

Hayndriel la laissait réfléchir tout en réfléchissant elle même, habituée aux réflexions silencieuses de Raison, à chaque fois qu’Eva prenait la parole, elle se coupait de sa pensée. Ses oreilles se dressant, se mettant à l’horizontal, dans une dynamique assez vive. Des amandes ? Pourquoi pas, elle pencha la tête, l’idée n’avait rien de stupide. Puis elle parla de menthe poivrée et dressa vivement les oreilles en remuant la queue.

« En voilà une idée fabuleuse ! En plus, d’après Raison, la menthe poivrée aide à calmer les maux de têtes. Donc ça fait une plante médicinale facile d’accès en plus de guider les non voyants. »

Elle étira un sourire, Eva avait eut une idée tellement parfaite ! Comment n’y avait-elle pas pensé alors que c’était elle que ça concernait. Elle remuait la queue avant d’entendre dans le loin la voix de Raison. Elle dressa les oreilles, tourna la tête par-dessus son épaule et pointa les oreilles dans la direction de l’immensité noire. Oui, c’était bien la voix de son père adoptif, il devait sans doute s’inquiéter qu’elle ne soit pas rentrée alors qu’il faisait nuit.

« Pardon Eva, je crois que Raison me cherche… Je ne veux pas l’inquiéter alors, je vais te laisser »

Lança-t-elle doucement à la femelle, légèrement mal à l’aise de devoir couper court à la conversation. Elle lui fit un dernier sourire avant de se retourner. Commençant à partir avant d’agiter ses ailes.

« Tu es géniale Eva ! »

Lui cria-t-elle en s’éloignant. Gardant en tête l’idée de la louve, faudra qu’elle en parle à Raison. Peut être que ça le bottera de planter de la menthe poivrée, et peut être qu’il aura des idées d’autres plantes odorantes qui pourraient en même temps servir à la médecine.