Forgé dans la douleur ♣ Kiro

< Horus ;


Tout avait été chamboulé. Son existence simple et paisible à apprendre du Croquemort tout ce qu'il pouvait, son enfance restée tardivement disparue en une claque monstrueuse, son corps trop filiforme qui juste là ne l'avait pas dérangé, son manque de certitudes... Tout avait changé désormais depuis son immersion dans le Monde Rouge. Là où pour la première fois de sa vie, il avait dû se battre lui-même pour se protéger, pour survivre, mais plus encore, pour aider les autres à en faire de même. Pour la toute première fois, ce n'était plus lui qui avait dû dépendre de ses congénères, c'était lui qui avait dû être le rempart pour eux. Il revoyait encore le regard de la louve ailée, ceux des deux louvettes perdues dans cet effroyable endroit avec lui, même le mâle bleu et paniqué -il devait d'ailleurs absolument les retrouver, un besoin impérieux le taraudait de revoir ces Nakhus qui avait côtoyé comme lui la Bête-, mais il avait fallu d'abord rentrer, se soigner, retrouver ses parents et perdre sa soeur de portée. Comme si passer si proche de la mort n'avait été suffisant pour lui, comme si ses géniteurs n'avaient pas été assez éprouvé par sa disparition, il avait fallu que Sokaris ne donne plus signe de vie... Alors le jeune mâle beige avait décidé de quérir l'aide de l'Anaconda, la divinité dont sa soeur était disciple. Et puis, sur le chemin vers le marais, son esprit perturbé avait fini par trouver un certain ordre. Une forme de calme l'avait envahit, chassant la peur et les doutes, comme si tout avait été fait pour le mener ici et maintenant, sur cette route...

Il se remémora le jour où il avait demandé réponse auprès de la Prêtresse chauve-souris. Il se rappela ses paroles qui n'avait fait que l'enfoncer plus loin dans la pénombre de son incapacité à décider quelle voie emprunter. Contrairement à ses aînés ou ses parents, Horus n'avait jamais pu s'identifier à Aka, Seigneur de la Force physique et de l'Endurance, ni à Dairo, Déesse de la Ruse et et de l'Imagination. Geb et Thalion avait la puissance des muscles, Korra et Nòtt le pouvoir de l'esprit vif, et Sokaris, elle, avait choisie la voix de l'agilité et de la rapidité. Et si autrefois, Kiro avait été le seul vers qui peut-être, le mâle au regard vert d'eau aurait pu se tourner, bien que trop hésitant et incertain de ses capacités, désormais, après avoir traversé cet enfer de rouge et de cendre, il sentait qu'ici était bien sa place. Il retrouvait foi en sa meute, en sa soeur, et en son sang. Après tout, l'Anaconda n'était-il pas le premier Dieu a s'être penché sur sa longue lignée d'Hybride loup-crocodile ? Même s'il était loin de posséder les attributs familiaux comme son frère, son père ou son oncle, il se savait au bon endroit. Ses pattes légères louvoyait dans les marécages avec facilité, il évitait les trous d'eau et les zones trop boueuses. De temps en temps, il croisait le regard serein d'un gavial qui se reposait en bord d'eau plus ou moins vaseuse. Il s'était battu avec ténacité dans l'autre monde, il avait fini par survivre et vaincre, en dépit des échecs et des déboires. Jamais sa détermination n'avait failli, jamais il n'avait abandonné.

Parce qu'au delà de l'horreur, Horus avait trouvé un but : protéger et servir. Chose qui s'allierait sans difficultés avec sa passion pour le cimetière et le voyage des âmes qui venaient y passer. Peut-être même que s'il parvenait à vaincre l'épreuve de la Divinité Serpent, on lui offrirait un pouvoir utile dans cette tâche. Que ce soit pour aider et protéger son prochain, ou accompagner les défunts vers un ailleurs plus doux et reposant. Peu importait en fait, il n'était pas là pour recevoir un capacité magique. Son but premier était de réclamer son appartenance aux Etelkrus, de montrer à tous qu'il n'était plus le louveteau chétif et maladroit qu'il avait été, de se prouver à lui-même qu'il était valeureux et que son objectif de rendre le monde meilleur pour la majorité était légitime. Ainsi il passerait l'épreuve de l'Anaconda et le prierait de l'aider à retrouver sa chère soeur Sokaris, pour rendre le sourire à son père et sa mère dont il sentait au fond de lui les jours comptés... Finalement, lorsque Horus parvint, le poil ébouriffé et le regard plus résolu que jamais devant l'Arbre aux Serpents, il s'arrêta pour observer l'antre de Dieu flavescent et écouta les sifflements de ses branches mortes. L'apprenti Croquemort inspira profondément, calmant son coeur qui, quand même, avait accélérer le rythme. Puis, il se glissa dans son sein, descendant sous terre, où l'odeur d'humus et de marais le prit à la truffe. Cela aurait pu être inquiétant, mais après le Monde Rouge, plus rien ne pouvait vraiment l'être.

Et puis il était déjà venu une fois. Voir Sheina.

Son poil se gonfla un peu alors que la pénombre l'environnait quelques peu. Mais rien ne pouvait plus lui faire peur. Le souvenir de la Chose et de ses mains affreuses sur son corps le hantait encore, rien d'autres ne provoquait plus de sueurs froides et de frissons de dégoût. Puis il parvint à la fontaine, brillante comme un soleil, chaleureuse et palpitante de magie. Horus était prêt. Alors il débuta d'une voix ferme qu'il se découvrait :

« Bonjour Seigneur Kiro. Je viens ici pour deux choses. »

Horus marqua une pause.

« Tout d'abord, je souhaiterais retrouver ma soeur, Sokaris. Son sort m'inquiète, n'ayant de nouvelles d'elle depuis mon retour de... Là-bas. J'espère de tout mon être qu'elle aille bien, et qu'il ne lui soit rien arrivé de grave. Sauriez-vous m'éclairer, ou me conseiller ? Mes parents sont vieux et ils méritent de pouvoir terminer leur vie paisiblement et heureux, auprès de leur famille complète si possible. Sokaris ne mérite pas non plus d'être séparée des siens, sauf si cela est son choix bien entendu. »

Nouvelle pause, pour avaler sa salive et achever sa demande :

« Je suis aussi ici aujourd'hui pour prétendre à votre couleur, Dieu Anaconda, et vous louer tous les jours restants de ma vie. »

Tout était dit, avec simplicité et assurance. Horus avait trouvé plus qu'un but dans le Monde Rouge, il s'était aussi trouvé lui-même, et avait désormais assez de confiance en lui pour croire qu'il pouvait changer le monde et s'évertuer à la rendre plus beau et plus lumineux pour ses pairs. C'était sa vocation, ça l'avait toujours été. Il fallait juste qu'il s'en rende compte et qu'il réalise qu'il en était capable.

Les disciples étaient rares, aussi, Kiro se devait d’accueillir comme il se devait quiconque se présentait à son temple. Le jeune Horus se rendit jusqu’à la fontaine, sous l’oeil taquin de l’Anaconda qui décida d’apparaître dans le dos de l’Etelkrus, l’oeil brillant d’amusement. Ce potentiel disciple émit une requête, qui arracha un sourire au dieu qui

« — Tu as grandi, Horus, depuis ta dernière visite ici. »

Depuis son entrevu auprès de la prêtresse Sheina. Le corps du dieu semblait flotter mystérieusement dans les airs, alors qu’il se mit sur le dos, observant Horus à l’envers.

« — Ce ne serait pas drôle, si je répondais à ta question immédiatement, n’est-ce pas ? »

D’ailleurs, l’idée de répondre à une question avant une épreuve ne l’arrangeait guère, lui qui avait bien vu ce que cela avait occasionné avec un ancien disciple d’Ao. Beurk ! Pourvu que celui-ci ne soit pas trop perturbé par la réponse qui serait loin de là dramatique. Enfin, trêve de bavardages ! Le loup jaune disparut, se manifestant sous l’apparence d’une boule dorée lumineuse qui voleta tout autour du jeune loup beige. S’amusant de la sorte un instant, Kiro finit par reprendre son apparence normale, désignant d’un mouvement de la tête une lumière jaune qui au loin continuait de briller.

« — Regardes donc par ici, tu vois la lumière jaune qui y brille au fond ? Il te faudra te rendre jusqu’à là-bas pour récupérer une fiole, mais avant… »

Le dieu se volatilisa pour réapparaître sur une branche étroite, qui ne vint pas ployer sous son poids.

« — Il te faudra faire preuve d’équilibre, car sous toi, tu trouveras de terrible sables mouvants, voir même des prédateurs. Gare à toi si tu tombes, tu auras échoué. Ramènes-moi ma fiole, Horus, je te surveillerais.   »

L’Anaconda disparut pour réapparaître sur une branche qui lui permettait de surveiller tout le déroulement de l’épreuve.

< Horus ;


Horus sursauta en entendant une voix dans son dos. Il tourna le museau pour découvrir derrière lui la projection d'un loup doré dont les contours s'embrasaient de lumière chaleureuse. La divinité venait de lui apparaître sous cette forme flottante et séraphique, l'air de rien et l'oeil moqueur. Le jeune loup au pelage clair ne savait pas vraiment à quoi s'attendre, ne sachant même pas si l'Anaconda lui ferait l'immense honneur d'apparaître sous ses prunelles de mortel. Aussi découvrir un être dont il sentait la puissance divine, si proche et à la fois si aérien, lui fit perdre ses mots. Il resta un instant à observer le dieu flavescent, subjugué et plein de déférence. Kiro se retourna, le regardant à l'envers, dans un sourire jobard, voltigeant à peine plus haut que les yeux du jeune Etelkru dans ce qui sembla à ce dernier être un remake d'une histoire lue par sa cousine Séchat, une fois. Un conte biscornu ou les chenilles étaient philosophes, les lapins en retard et les chats étranges, versatiles et aux discours ambigus. Le Maître de l'Agilité et de la rapidité serait-il friand du pays des merveilles, à ainsi imiter le chat du Cheschire ? Ou bien le roman était-il inspiré du taquin démiurge ? Le disciple du Croquemort cligna des paupières et se reprit, s'il avait apprit quelque chose dans le monde Rouge c'était que l'inaction était synonyme de danger voir de mort. Même si ce n'était pas le cas ici, l'instinct lui était désormais acquis de ne pas rester immobile plus de quelques secondes, alors il se retourna complètement pour faire face au Dieu, tandis que l'Anaconda lui, s'évaporait subitement.

Le jeune mâle vit reparaître une boule d'énergie et de lumière dorée qui lui tourna autour comme une luciole autour d'un saule pleureur quelques instants avant de redevenir une forme lupine. Kiro désigna du museau quelque chose derrière Horus, qui suivi le regard divin pour découvrir le sujet de son épreuve. Il lui faudrait donc rapporter au Dieu serpent cette fiole pleine de liquide couleur soleil, probablement remplie à la fontaine. Rapidement avec une résolution sans faille, l'Etelkru se dirigea vers le marais et l'objectif au delà. Si passer son épreuve -et la réussir- était son seul moyen d'obtenir une réponse quand à la situation de sa soeur et donc le seul moyen d'offrir un peu de réconfort et d'apaisement aux âmes tourmentés de ses parents, alors il ne pouvait faillir, il ne pouvait pas échouer, il ne pouvait pas revenir les pattes vides. Le regard vert d'eau du loup beige au collier fleuri jaugea les branches posées ça et là sur la partie liquide du marécage. Dessous, la vase cachait par endroit les potentiels danger tapis au fond. Le Dieu flavescent avait parlé de prédateurs, hors les bêtes autochtones n'étaient autres que des gros sauriens et des serpents. Les premiers possédaient des mâchoires capables de vous écraser et vous broyer en quelques minutes, les seconds avaient venins parfois mortels ou capacité d'étrangement incroyable qui vous menait au même résultat : de la bouillie de loup. Si Horus descendait d'une longue lignée d'hybride loup-crocodile, il n'en portait toutefois pas les attributs si ce n'est les pupilles fendues et verticales.

Il lui faudrait donc se montrer plus malin, plus leste encore que ces animaux vifs et souples. Sans quitter les zones d'ombres des yeux, le jeune mâle s'engagea sur la première branches de bois flotté qui vacilla sous son poids. Il écarta rapidement une patte, recula une autre et se tapi légèrement afin de faire baisser son centre de gravité et donc stabiliser sa position. Si la première avait été facile à gérer, c'était uniquement parce qu'il se trouvait tout proche du bord de terre dur et plat. Plus loin les sables mouvants et gorgés d'eau trouble ne lui permettrait pas vraiment de faux pas. Il étudia avec vigilance la suite du parcours qui devait l'emmener jusqu'à l'étang. Ce n'était pas très long, mais ce ne serait pas aisé pour autant. Horis chercha rapidement dans sa mémoire les enseignements de son père, les conseils de Thalion où encore les paroles de son mentor. Le premier lui avait surtout appris à se servir de sa tête, à réfléchir avant d'agir et à être un loup honorable. Le second lui avait raconter comment les actions étaient valorisantes et comment se sortir parfois de situation embarrassantes par la force ou par leur gènes hybrides. Ceux qu'il ne possédait pas, visuellement. Il n'avait pas la longue queue d'écaille de Geb ou de son frère, mais peut-être pourrait-il s'en servir comme balancier ? Il n'avait pas le physique imposant et intimidant, ni la carrure râblée et épaisse de ces derniers, mais il avait le regard aussi franc et peut-être aussi redoutable ? Il avait aussi, forcément la patte plus légère. Il tenait plus de sa mère, et donc possédait sa douceur et sa souplesse.

Horus se rendit compte qu'il avait les atouts nécessaires à la réussite. Il n'avait qu'à mettre en pratique tout ça, et user de ses forces et faiblesses à bon escient pour parvenir à ses fins et apporter une réponse à Korra et Geb. Et pourquoi pas, leur apporter la fierté d'être devenu un véritable Etelkru, porteur de glowstick de l'Anaconda jeune adulte enfin bien dans ses pattes et sa tête. Le beige profita donc de la relative stabilité de sa première branche flottante pour tester les réactions de cette dernières aux mouvements plus ou moins brusques de sa queue. Elle n'était pas lourde et ne servirait donc finalement pas vraiment de balancier, mais ses gestes pouvaient eux, servir à contrecarrer son poids le temps de s'équilibrer et d'affermir sa prise. Une fois qu'il se sentit prêt, alors le disciple du Fossoyeur bondit sur la planche suivante et sur une troisième. Elles étaient assez larges et donc en envoyant sa queue d'un côté, il pouvait contrecarrer l'effet de son poids rapidement pour sécuriser sa position. La suite fût moins facile, et il lui fallu être beaucoup plus prudent et doux, sans quoi il aurait vu de prêt ces sables mouvants avides d'âmes perdus. Il remarqua aussi des yeux dorés, pétillants et suspicieux, qui dépassait à peine sous un amas de fange. Nul doute qu'un prédateur se terrait là en attendant de pouvoir se jeter sur une proie tombée malencontreusement dans l'eau. Horus fronça les sourcils en fixant ce regard si semblable à celui de son père, et pourtant si différent. Il y brillait une sauvagerie que Geb ne possédait pas, évidemment.

Lorsque l'animal disparu complètement dans sa cachette d'eau verdâtre, le loup au pelage clair ne demanda pas son reste et préféra vite s'éloigner, au cas où le gavial souhaiterait tenté une approche qui risquait fort de renverser la branche instable sur laquelle il se trouvait là. La seule chose que le mâle n'avait pas prévu était qu'à mesure qu'il s'éloignerait de la berge, les branches deviendraient plus humides et glissantes, comme si elles pourrissaient dans cet environnement depuis plus longtemps. Il lui fallu donc être plus attentif encore et précis en posant les pattes sur le bois flotté, et y ancrer ses griffes pour éviter de déraper. Le souffle court et mesuré, la tête basse et le pas presque assuré, le jeune adulte parvint enfin jusqu'au plan d'eau où brillait chaleureusement la fiole magique. Il se sentit un peu ragaillardi par cette vision de proximité avec son objectif. Il avait chaud, ses muscles étaient un peu raides de s'être tant crispés sous la concentration et la minutie des gestes pour avancer adroitement. Horus se rappela à l'ordre en pensant à ses parents, désespérés de la disparition de Sokaris, et à sa soeur, peut-être inquiète, perdue, angoissée ou blessée, quelque part. Ce n'était pas pour lui qu'il faisait tout ça. Pas que. Il le faisait pour apporter chaleur et réconfort, pour aider et soulager les autres. Fronçant le museau et inspirant profondément pour calmer son rythme cardiaque -après tout il n'avait pas l'endurance des grands guerriers-, il se laissa alors tomber dans l'eau plus claire que la précédente, mais probablement non moins froide.

Tout d'abord, il se laissa glisser un peu vers le bas, jusqu'à toucher le fond quand même vaseux du bord de l'étang. Le précieux trésor à récupérer était bien plus loin au centre. Cette vision sous marine lui permit d'évaluer grossièrement la profondeur de plongée, mais non la distance à parcourir à la nage. Il se propulsa avec ses postérieurs pour retourner à la surface et avaler goulûment de l'oxygène. D'en haut il estima un tout petit peu mieux la séparation entre le bord et le centre, mais impossible d'en être certain. Le mieux était donc de nager la tête hors de l'eau, même si cela serait plus long et sans doute plus fatiguant, puis plonger ensuite plutôt que d'essayer tout de suite de récupérer la fiole sans savoir s'il aurait la capacité pulmonaire d'aller jusqu'au bout. Il vérifia d'abord qu'aucun animal dangereux ne se trouvait à proximité, dans cette partie du marécages, avant de se lancer dans ce terrain peu avantageux pour un loup lambda comme lui. Tirant sur sa nuque pour tenir la truffe en l'air et battant furieusement des pattes et de la queue pour avancer jusqu'au milieu du plan d'eau, il fallu plusieurs minutes peu agréable à Horus pour parvenir là où il l'avait décidé. En effet son cou devenait douloureux à forcer une posture inhabituelle et peu propice à la nage et la douleur s'étirait lentement entre ses omoplates. De plus son souffle était rendu saccadé par l'effort et les petites inspirations pour éviter de respirer les gouttes d'eau qui sautaient sur son museau à chaque brassée. Une fois au milieu, il prit à peine le temps de faire une pause.

Ne voulant pas perdre plus de temps malgré la fatigue qui s'accumulait, le loup au regard vert d'eau gonfla ses poumons de tout l'air possible et plongea la tête la première vers son objectif lumineux. Devant ses prunelles claires, il y avait, bien entendu, le trésor à récupérer, mais aussi le sourire plein de tendresse de sa mère, il y avait le regard bienveillant de son père, il y avait la patte de son frère qui lui ébouriffait la crête avec complicité, il y avait le sourire avenant de Nòtt, il y avait les boutades gentiment moqueuse de sa soeur de portée, il y avait la voix assuré et confiante de Clou, il y avait aussi le museau de tous les autres loups qu'il appréciait qui s'imprimèrent dans son crâne pour l'encourager. La Prêtresse Sheina, pour qui il avait un immense respect, son oncle peu bavard mais attachant, sa cousine à l'imagination débordante, les guerriers amis de son père comme Athelstan ou Sly,  ses amis Cookie et Thid et Crystal, même si elle faisait partie d'une autre meute, ceux avec qui il avait partagé l'enfer, Eva, Daez, Moineau et Kerguelen, tous Nakhus et à qui il se sentait désormais étroitement liés, et d'autres visages croisés qui se rappelèrent à lui a cet instant comme par exemple Ciel Noir. Tous étaient des loups qu'il voulait pouvoir aider d'une quelconque manière, eux et toutes les âmes prochaines qu'il croiserait. Chaque sourire dans sa mémoire lui offrit la force d'une brassée alors qu'il s’abîmait dans cet étang, plus profond que chaque rivière qu'il avait pu rencontrer dans sa courte existence. Jusqu'à la fiole qu'il attrapa entre ses crocs avec délicatesse.

Le jeune mâle eu la sensation que sans toutes ces rencontres il n'aurait pu y parvenir, réalisant alors que chaque congénère croisé jusqu'ici était une part de lui, que chaque discussion l'avait forgé petit à petit, que chaque situation l'avait mené à ici et maintenant, et que grâce à eux tous, il avait la volonté de réussir et la force d'y parvenir. Ses pattes touchèrent le sol alors que ses poumons commençait à le brûler, indiquant sans détour qu'il était temps de revenir au territoire terrestre auquel il appartenait. Détendant ses muscles aussi fort qu'il le pouvait pour se hisser vers la surface lointaine et donc vers l'air si indispensable à sa survie, son corps fin de jeune adulte se hissa vers le haut, glissant dans l'eau sans accroc. La montée fût lente, et bien qu'Horus ne relâche les dernières bulles d'air petit à petit et avec régularité, son thorax menaça d'exploser, ses bronches réclamaient tellement de l'oxygène qu'elles finirent par le forcer à inspirer au moment où sa tête crevait la ligne horizontale, inhalant alors une bonne gorgée d'eau pas si propre. Une bonne grosse tasse comme tous les louveteaux en avalait une en apprenant à nager. Une quinte de toux virulente le prit pour éjecter de ses voies respiratoires ce qui n'avait rien à y faire et il failli perdre la fiole pour éviter de la briser entre ses crocs. Heureusement, il parvint à la rattraper entre ses pattes le temps de calmer ses poumons en feu et malmenés. Puis, lentement, il rejoignit la rive de cette même technique qui faisait grincer sa nuque, la fiole coincée dans sa gueule entre ses crocs et sa langue.

Une fois hors de l'eau, l'Etelkru lâcha la fiole dans l'herbe pour s'ébrouer vigoureusement. Son poil épais de loup nordique et qui le maintenant en général à bonne température alors que le climat faisait des siennes était détrempé, gorgé de cette eau presque claire mais à l'odeur déplaisante et surtout, bien trop froide. Il lui faudrait faire attention à ne pas tomber malade suite à son épreuve, ce serait un comble quand même. Sa crête blanche lui tomba dans les yeux, les cheveux rendus lourd par le liquide. Il eut beau s'essorer encore une fois, trop d'eau continuait à dégouliner de ses pattes, sa queue, son ventre, son torse, son menton et même ses cheveux aplatis. Le retour serait donc bien plus compliqué, car il était plus lourd ainsi et donc son centre de gravité serait différent. De même l'épuisement qui commençait à courbaturer ses muscles ajouteraient un niveau de difficultés à l'exercice. Horus claqua sa langue contre son palais, agacé. Il devait vite trouver une solution, vite bouger, vite réagir. Il avait réussis le premier passage, pas de raison de raté sur le retour. Il devait être victorieux. Il serait victorieux. Soufflant pas la truffe un petit nuage de vapeur, signe que son corps restait pour l'instant plus chaud que l'air humide tout autour de lui, il reprit délicatement entre ses crocs la petite fiole dorée et lumineuse et s'avança vers les branches flottantes. Il fallait éviter de casser le petit contenant entre ses dents lors de ses bons ou de ses reprises d'équilibre,  la tenir dans la gueule n'était pas la meilleure solution donc.

Il pourrait la faire tenir dans une de ses manchettes, mais si le verre se glissait jusque sous ses coussinets il risquait de l'écraser en atterrissant et dans son collier, il craignait que ça ne tienne pas assez bien. Il n'avait donc d'autres choix que de garder la fiole entre les mâchoires et faire très attention à ne pas serrer trop fort ou croquer dessus à chaque vibration de son corps. Finalement il s'élança, leste, sur la première branche qui tangua un coup avant qu'il n'appuie en contrebalançant de l'autre côté du bois. Les ondes se propagèrent dans la vase autour et une étrange sensation alerta le jeune loup. L'idée que le temps lui était désormais compté le tarauda, en voyant comme des ombres se mouvoir dans le marais. Il l'avait fait une première fois, il fallait juste le refaire, en plus vite, et en mieux. Horus ferma les paupières une fraction de seconde pour se concentrer sur ses ressentis et ses souvenirs du premier passage, afin de ne plus perdre de temps et d'agilement rejoindre l'autre côté. Après tout, c'était aussi de ça qu'il était question, montrer sa capacité à être adroit et véloce, à être habile et alerte. Maintenant qu'il connaissait le chemin. La résolution revenue sur la première marche du podium de ses émotions motrices, l'apprenti du Croquemort s'élança avec confiance sur la suite du parcours, juste au bon moment pour éviter le crocodile qui venait claquer ses mâchoires sur la planche où il se trouvait quelques minutes plus tôt. Comme un rappel qu'il n'était pas au bon endroit, que ce n'était pas terminé, et ré-injecter un peu d'adrénaline dans les veines du jeune adulte au pelage pâle.

Avec une certaine aisance et sans une seule fois dérapé, Horus parvint enfin à retrouver la terre meuble et ferme au pied de l'Arbre mort où sifflait les enfants de Kiro, son souffle très court et son pelage tout ébouriffé et mouillé. Bon, il lui faudrait continuer à travailler le cardio et l'endurance ! Fier et un grand sourire barrant son museau dégoulinant, le mâle au yeux vert clair aboya joyeusement en direction de la divinité perchée, après avoir humblement posé la fiole à ses pattes.

« Ai-je mérité d'obtenir réponse pour ma soeur, Seigneur Kiro ? »

Demanda l'Etelkru, haletant, en baissant le museau avec respect. Pour l'instant, rien d'autre ne comptait plus à son coeur.

Perché, Kiro observa le moindre mouvement du loup, dans un silence des plus respectable quand bien même il se retenait pour ne pas venir taquiner l’Etelkrus durant son épreuve. Le beige dû réfléchir à la manière de traverser sans encombres le parcours préparé par le dieu. L’Anaconda releva le fait que le mâle beige prenait le temps de réfléchir à chaque étape, pesant le pour et le contre de chacune de ses actions dans le parcours. Penchant légèrement la tête sur le côté, le dieu observa le corps disparaître dans l’eau, ressentant tous les souvenirs qu’Horus se remémorait pour mener à bien son action. Courageux. Futé. Parfaite source de motivation pour atteindre son objectif. Il finit par remonter avec la précieuse fiole avant d’effectuer le parcours en sens inverse.

Alors même qu’il déposait la fiole aux racines de l’arbre, Kiro avait disparu pour réapparaître à ses côtés, faisant preuve d’une certaine proximité, comme toujours avec ses interlocuteurs.

« — Avant même de savoir si tu as réussi mon épreuve, tu me questionnes au sujet de ta soeur ? »

Un sourire vint étirer les babines du loup jaune qui n’en tenait nullement rigueur au mortel, ses yeux brillants d’une certaine malice alors qu’il disparaissait de nouveau pour réapparaître face au beige cette fois. Faut dire qu’il aimait bien bouger l’Anaconda ! La fiole vola entre ses pattes alors qu’il en renversait le contenu qui pris la forme du glowstick de son disciple.

« — Ainsi, la fameuse fiole contenait ton glowstick en personne. Te voici donc devenu un de mes disciples, Horus. N’hésites pas à demander aux Jaunes de l’aide pour organiser des entraînements régulier, cela t’aidera grandement… »

Défiant les lois de la gravité, Kiro se posta juste au-dessus du disciple, flottant dans les airs, avant d’incliner la tête pour mieux regarder le loup.

« — En ce qui concerne Sokaris… » L’Ananconda se tut un instant fermant ses paupières, avant de les réouvrir un sourire aux babines. « À l’heure actuelle, elle se trouve sur le territoire de mes comparses Lazulis, sous le dôme. Il semblerait que Mido se soit intéressé à elle, mais n’ais crainte, elle va bien. En revanche je ne saurais te prédire son retour, Horus. »

Cette fois, l’Anaconda se plaça à l’entrée de l’arbre, un air plus sérieux étirant ses traits.

« — Je veille sur vous tous, Horus, ne l’oublie pas, car désormais mon regard sera également posé sur toi. »

Le corps du dieu se volatilisa alors, laissant derrière lui le nouveau disciple ainsi que les réponses qu’il attendait.