PlagueMage Fléau des temps modernes
» Nombre de messages : 8938 » Age : 30 » PUF : Pestilence » Date d'inscription : 21/06/2010
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| Sujet: Univers Parallèle [Solo] Lun 30 Déc 2019, 01:24 | |
| Le Chant Inverse
★ Reverse Song ★ Femelle, Sans Bannière
Le vent hurlait à ses oreilles, déversant toute sa rage entre les voiles déjà arrachées du trois mâts. Les vagues, hautes, s’abattaient sur la coque comme les serres d'un aigle, labourant les flancs de la Mélodie Nordique. Le tonnerre claquait, roulant ses éclairs sur les cieux déjà noirs de colère. La pluie battait, encore et encore, le son des tambours. La mer crachait. L'horizon sifflait. Et au centre de l'orchestre luttait le grand navire.
Un accoue le fit virer de bord, laissant sa cargaison et ses maigres marins au désespoir de la roue libre, s'accrochant du mieux qu'ils purent pour ne pas laisser Poséidon les avaler dans sa fougue aveugle. Un nouveau virement de direction, et tous volèrent à l'opposée, glissant, roulant, hurlant leur peur, tandis que leur fierté océanique était chambardée comme un simple bout de bois, nonobstant son histoire, son expérience, et son capitaine désemparé. Un éclair zébra le ciel d'où serpentaient les nues, tels des vautours scrutant leur proie, emportant avec lui toute l'obscurité de la scène.
Sur le visage fier des marins, il n'y eut plus que la terreur. Sur leurs habits de fortune transpirait l'horreur. Et leurs paroles, brisées par la houle, scandaient les dieux de leur miséricorde. Le regret même de sa pathétique vengeance frappa Veiled Ward, corsaire des hautes mers, tandis que tombait à nouveau l'un de ses compatriotes. L'un de ses fils d'âme. Accroché à la barre, cherchant vainement à lutter avec les éléments, il garda le cap, délaissant par moment sa vieille boussole pour son instinct imperturbable. La pluie claquait son visage. Le vent hurlait l'effroi. Et il resta droit, fier, face aux Kelpies houleux. Son courage, sa folie, abreuva les derniers membres de son équipage au peu d'honneur qu'ils avaient, leur donnant alors la force de maintenir la coque à flot, et ce, malgré le mat d'artimon au travers de la proue.
La pire erreur sa vie, aussi longue soit elle. Personne n'aurait dû embarquer avec cette météo grondante. Personne n'aurait même osé être à sa solde, pour peu qu'il ai de l'esprit. Et pourtant, la licorne d'obsidienne luttait elle aussi avec l'écume, écopant de sa magie ce que les bras musclés de ses compagnons ne pouvaient décharger. Était-ce de la folie pure ? Ou simplement un désespoir profond ? Sa détermination était la seule réponse à ses actes, lui laissant l'amer goût de la désillusion, tandis qu'il cherchait l'horizon brillant du port tant désiré.
Un craquement sourd brisa l'air d'un souffle aussi froid que l'horreur elle-même, emportant en son sein le grand mât, qui percuta alors son frère déjà à terre, l'enfonçant de plus belle au travers du bois et de la mer. Il y eut une vague de panique, un torrent de peur, et lentement, tandis que se dessinait au loin les lumières de Tempest Cove, le navire sombra.
Flash.
- Z'êtes mercenaires non ? Bah j'ai besoin de votre aide.
La voix bourrue et empâtée de chique fit lever les yeux d'Horazon de son comic. Ce n'était pas tant l'aspect brutal et aigri du vieil licorne qui le fit frémir, mais le nombre, non négligeable, de ses compères scrutant de leurs yeux de fouines les étagères, non sans une certaine avidité. Il déglutit, déposant lentement son livre sur le comptoir, tandis que balbutiaient ces quelques mots.
- Euh... Vous êtes dans une boutique d'al.. d'alchimie, vous savez.
Le regard corrompu, et pourtant d'une clarté saline, presque malsaine, du marin le fit taire. Les rumeurs commençaient à monter, les visages à se durcir vis-à-vis de ce simulacre éhonté de refus, et, rapidement l'équipage présent dans la boutique s'accoudèrent au comptoir comme des loups encerclant une brebis.
- Je... euh... Reeeev ? Appela l'ancien paladin, le regard toujours fixé sur la menace.
Pour seule réponse, le silence se fit plus profond, plus puissant, emprisonnant la terreur qui se lisait dans les yeux de l'étalon en un prisme de pure horreur. Il était fort, grand, d'une carrure des plus avantageuses, et pourtant, il n'était qu'un chiot face à une meute de loups affamés. Et puis, soudainement, l'équipage tomba à terre, comme écrasé par un invisible poids. Grognant, se débattant tant bien que mal, les corsaires avaient été, malgré eux, misérablement attrapés par ce qui semblait être des mains simiesques aussi noires que la nuit et sortant du parquet, comme s'il n'en était rien.
- Mais, qu'est-ce que- , rugit le capitaine. C'est comme ça qu'on traite ses clients ?! - Uniquement ceux un peu trop insistants...
La femelle s'avança au dehors de sa réserve, d'un pas lent et ample, presque intimidant, narguant son regard féroce sur la troupe paralysée. Un petit mouvement de tête en direction d'Horazon le fit décamper vers la seconde porte de la boutique, et tandis que ses bruits de pas lourd montaient un escalier grinçant, la nécromancienne se pencha de plus près vers le vieil amer.
- Que voulez-vous ?
Il grinça des dents, manquant de se mordre la lèvre. Visiblement, la fierté de ce marin en faisait sa force, et le respect dû de son équipage était non seulement admirable, mais aussi pathétique que celui dont faisait preuve les quelques membres de sa propre guilde. D'un galop sauvage, bien trop pressé pour la situation, le demi-ailé réapparut dans la pièce, cachant de sa large taille un timide, mais non moins excellent, pégase à l'arbalète armée. Son visage confus trahissait son manque d'expérience dans le combat, et la vue de tant de marins à terre par un simple sort le rendit nerveux.
Le grand mâle cracha finalement à terre, arrachant à Reverse un rictus de dégoût.
- Scusez mes manières ma bonne dame, mais c'est urgent. J'ai besoin de mercenaires, et on m'a dit que vous étiez pas des mauvais bougres. Alors, si maintenant vous pouviez nous libérer, ça s'rait fort aimable à vous.
Nouveau regard de la mage noire à ses coéquipiers. Brève dénégation. Et les petites mains se retirèrent des chairs endolories de l'équipage, disparaissant comme elle était venue au-delà du parquet. Non sans grognements, la bande, essentiellement masculine, se releva, frottant leurs articulations comme il s'agissait là du pire traitement qu'ils avaient pu observer le long de leur carrière de débardeurs.
- Continuez. - Ouais, ouais, hésita t'il en lançant quelques éclairs à Horazon, comme j'vous dit. On a un bateau, un magnifique trois mâts, le plus rapide qu'on puisse trouver dans la région. On transportait beaucoup de marchandises, si vous voyez c'que j'veux dire, mam'zelle.
Sa voix était devenue soudainement rauque, lourde d'une histoire qu'il n'appréciait guère.
- Tout allait bien jusqu'au jour où ce rat de Oeil-de-Vers à tarabiscoté nos acheteurs. C'crétin voulait un profit digne d'un roi. Sauf qu'il a oublié à qui on avait a faire. Et bordel, les marchands ils ont pas aimés qu'on leur file des pièces de bronze peintent à la place de vrai or. Ils nous ont balancés la flotte de pirates au cul, et avant même qu'on comprenne c'que l'corniaud nous avait fait, on a dû virer de bord jusqu'au DarkPledge pour les semer.
Son sabot claqua le sol, comme pour mimer la descente tragique du navire. La colère avait jailli de son visage, désormais fixé sur le bois, comme dans un élan de nostalgie
- Et donc, questionna la femelle. - Et donc on a besoin d'vous pour nous protéger des pirates, histoire qu'on s'explique avec nos acheteurs.
Il y eut un léger silence, dubitatif.
- Vous vous rendez compte que cette guilde ne compte que trois personnes et qu'elle n'a aucune qualification marine ?
Un rire s'éleva de l'attroupement de corsaires. Et quand enfin l'écho de leur soudaine hilarité se tût, le capitaine reprit d'une voix forte, sévère.
- Ouais, mais on vous demande pas de naviguer, mais de tuer.
Le froid. Le noir. Le silence.
Elle ouvrit les yeux sur un monde de vert et d'ombres. Le haut, le bas, la pesanteur n'était plus qu'une question subjective. Il y avait des flash de lumière qui venait de sa droite. Peut-être des photos. Ou des pétards d'enfants riants. Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. La lente torpeur la fit glisser au loin de ces éclats, tandis que se dessinaient les pourtours de nombreux corps. Des amis probablement. Pourquoi seraient-ils là, sinon ? Ils semblaient tout aussi en vapeurs qu'elle, comme sortant d'un profond sommeil, ou d'une cuite bien grasse, encore emmitouflés dans le chaud cocon de draps. Il y aurait sans doute une voix d'ici peu pour lui dire de se lever. Une porte qui grince, un chat qui passe et se couche à ses côtés dans un doux ronron. Et puis, l'odeur du petit déjeuner. L'odeur de l'été qui approche par la fenêtre gazouillante. Les sourires. L'innocence. Le croissant à la confiture qu'on renverse par terre. Les petits rires. Alors on s'excusait, on voulait ramasser, mais maman continuait de sourire. Après tout, ce n'était pas bien grave. Un coup de sopalin et tout sera de nouveau propre.
Tout sera de nouveau normal.
Normal.
Normal.
Sa tête émergea de l'océan en un bruit guttural de respiration, tandis que son corps, paniqué, brassait l'écume pour rester en surface. Une vague l'emporta de nouveau dans ses profondeurs nostalgiques, et elle lutta plusieurs secondes pour que l'air pénètre ses poumons engorgés. L'horizon n'était plus que déferlement, vents et marées. Le ciel, aussi noir que les abysses, se riait d'elle de ses éclairs farouches. Le chaos des ondulations marine la transportèrent dans ce qui semblait être le vide, l'absence de vie, d'objet ; la perdant au plus profond de la nuit ; l'emportant, encore et encore, dans ses tréfonds, jusqu'à ce que ses forces ne cèdent. L'océan. Puis la surface. Les vagues. La douleur salée en sa gorge. La pression en ses tempes. L'océan, encore. Toujours. Le froid. A nouveau l'air. Brisé. Battu. Roulant en ses flots comme un bibelot abandonné. Le noir. Le chambardement du tonnerre. Le silence. Soudain. Violent. L'océan. Infini.
Et puis, quelque chose la saisit par l'épaule, la remontant à la surface, tandis que ses pattes continuaient leur vain combat. Elle toussa ; cracha, hoqueta, tandis que l'air infiltrait son corps en une horreur glacée.
- Où... Où est Kylo ?
Sa voix, faible s'effila en un souffle aiguë, tandis qu'elle ouvrait de nouveau les yeux sur ce monde. La bateau avait coulé. C'était une certitude. L'équipage avait coulé. C'était une horreur. Les provisions avaient coulé. C'était dommage. Et parmi les éclairs, le reflets anthracite des vagues, les ombres s'allongeant sur les débris de bois flottants. Sur les corps tombant.
- Comment... Où ? Commença t'elle. - On va le retrouver. Accroches-toi, c'est tout.
La voix rassurante d'Horazon la calma, tandis qu'elle posait sa tête sur son flanc. Elle avait presque oublié. Il était mort. Mort depuis longtemps. Mort et vidé. Par conséquent, il était une véritable bouée vivante. Un ballon d'air putride et salvateur. Et de ses puissantes pattes, il ramait, s'avançant vers les lueurs du phare, si proche et pourtant si loin. Merde. Elle avait presque oublié. A quel point il pouvait être utile ce con.
Elle cligna des yeux, embrumés par la fatigue et le sel. Les derniers vestiges de la Mélodie Nordique sombrèrent au loin, emportant avec elle les traces de vie.
Et puis. Et puis, elle réalisa. D'un mouvement de corne, se concentrant sur son propre esprit, nonobstant la situation tragique et les spasmes de son corps transit de froid, elle afflua sa magie en une détection des vivants. Son regard balaya la zone orageuse, air et mer, avec un fin espoir. Mais les tâches rougeâtres pulsant de vie n'apparurent pas. Le monde restait désobligeamment vide et noir.
Ce n'était pas possible. Ce n'était qu'un rêve. Un cauchemar. Stainless, ce sale con maladroit, ne pouvait pas être mort. Elle était nécromancienne. Elle contrôlait la mort par définition. Alors pourquoi. Pourquoi ne pouvait-elle pas l'éloigner ? Non. Non non non. C'était impossible. Ce n'était qu'une folie. Une chimère. Il était là. Quelque part. En sécurité. Parce qu'après tout, les accidents, ça n'arrive qu'aux autres, non ? Les deuils, ce ne sont que des sentiments de lambda. Et elle n'était pas lambda. Elle ne pouvait donc pas subir la temporalité du commun des mortels. Elle était juste spectatrice de ce monde. Pas actrice. Alors pourquoi. Pourquoi ce monde restait-il désespéramment vide ? Pourquoi n'y avait-il pas de flux rougeoyants ? Pourquoi est-ce qu'elle pleurait ?
Elle ferma les yeux, ignorant si ses spasmes étaient dût au froid ou à la colère. Et quand elle les rouvrit, ce fut déterminée, poussée par la rage, par l'espoir d'une infime possibilité. Il était vivant. Quelque part.
Tout simplement parce qu'elle refusait qu'il meurt lui aussi.
Chaque vague, chaque parcelle d'eau, fut analysée, dévorée par son orgueil. Sous ses directives, Horazon changeait de cap, hurlant son nom comme s'il s'agissait là d'une prière aux dieux. Et puis, elle la vit. La petite tâche rouge de vie. La petite tâche qui restait rouge, même le sort désactivé. La petite tâche lointaine, accrochée à une planche. De toutes ses forces, le paladin nagea, luttant contre les vagues, jusqu'à atteindre le pégase comateux. De son écharpe, elle l'attrapa, le déposant à ses côtés sur le dos massif de l'étalon, qui s'empressa de regagner la rive.
L'espoir renaissait. Il était là. Ils étaient là. Ces sales cons chanceux. Ses sales cons chanceux. Affaiblis, mais vivants. Trempés, mais vivants. Riant presque de leur insolent destin. S'étouffant dans leur respiration. Balbutiant. Crachant. Mais vivants. Sauf Horazon. Mais ça, c'était normal.
Tout était normal.
Le sable fin vint caresser leurs sabots, tandis que se traînaient leurs malheureuses carcasses au souffle court. Horazon s'affaissa, déposant ses précieux passagers sur la rive sûre d'une nouvelle journée qui commençait au loin, teintant les nues désormais sereines de parme et d'or, peinture à l'huile dévalée par la tempête.
- Je veux mon lit, souffla Stainless. - Et avec quel or tu comptes rentrer, gémit pour seule réponse la femelle.
Il y eu un petit silence, bercé par les mouettes et les goélands dansant dans l'air frais et iodé du matin. Un petit rien, comme une pause dans leurs pensées, dans leurs sauvage expédition, entre les crabes clapotant et les algues déprimant.
- Et merde.
D'un souffle, il cherche à se lever, tremblant encore sur ses frêles pattes, sous le regard calme, presque tendu, du grand cadavre. Ses ailes, engourdies par l'ivresse marine, tombaient mollement sur ses flancs, tandis que son poil, d'habitude hirsute et couvert de poussière et d'éclats métalliques, était désormais collante à sa nuque, lui bloquant la vue en partie. Il redressa sa tête, humant l'air, cherchant des yeux le reste de l'équipage, de la cargaison.
Mais il n'y avait rien. Juste les débris remontés des entrailles marine, les monceaux de toiles et de bois crachés par Poséidon comme un avertissement aux simples mortels qu'ils étaient. En partie tout du moins.
- Faut qu'on bouge jusqu'à un village.... -J e vais..., commença la femelle en se levant, non sans mal, essayer.
Fermant ses yeux de roy, elle se concentra un bref instant. Ce qui, habituellement était d'une facilité déconcertante semblait désormais complexe, incompréhensible. Le silence nécessaire était chaos, questions, et images d'océan dévorant son corps. Le tonnerre roulait encore dans son crâne, les vagues déferlaient contre ses pensées, les emportant dans un tumulte irrespirable, oppressant. Tout était terminé. Physiquement, ils étaient saufs. Ils avaient vaincu le déluge, au prix de nombreuses vies. Et pourtant. Pourtant, malgré son expérience de vie, ses dons en nécromancie, elle était là, pétrifiée devant les basses-fosses de sa conscience, de ses souvenirs, comme une enfant pleurant dans un coin de la cuisine face à la colère parentale.
Elle était faible. Elle était trop faible.
Elle expira, cherchant à chasser de son souffle les démons qui la rongeaient, en vain. Elle ne fit que les repousser, juste assez pour incanter sa détection de vie. Et quand elle ouvrit les yeux, se fut un monde monochrome qui se dévoila à elle, berçant les âmes mortelles d'une aura bleuâtre.
- Tu vois quelque chose ?
Son regard se porta sur les alentours, détaillant avec bien trop d'attention ce qui, en temps normal, ne lui aurait paru qu'un simple caillou, un simple arbre. La vie grouillait, oui. Mais elle était essentiellement de la faune marine, galopant sous et sur terre, par millions. Et puis, quelque chose de plus gros semblait s'être étalé au loin, derrière les hautes herbes bordant la plage. Quelque chose. Ou quelqu'un. Peut-être même un amas de vie. L'aura était si floue, si faible, que son estimation était difficile.
- Par là.
Ses yeux se refermèrent un bref instant, désactivant son sort, tandis que ses compagnons d'infortune se dirigeaient auprès des fourrés. Ses pattes ne tremblaient pas. Son souffle était léger, chaud. Et pourtant, quelque chose la rongeait de l'intérieur ; lourde menace à ses capacités magiques. Un symbole à son soudain retour à la réalité. Car, elle l'avait que bien trop oublié. Elle aussi pouvait mourir.
Et depuis trop longtemps, les invisibles s'étaient tu. Depuis trop longtemps leurs chœurs n'avaient résonné en elle. Depuis trop longtemps, elle était seule. Entourée. Et seule.
Elle s'ébroua, chassant les démons loin de son esprit. Il ne fallait pas faiblir. Leur ouvrir les portes aurait signé le début de sa fin. Et il était hors de question de finir ainsi. Folle. Perdue. Alors, d'un pas qui se voulait serein, victorieux, elle s'avança vers ses deux camarades, dubitatifs quant à sa découverte.
- PITIÉ NE ME MANGEZ PAS !
Il y avait là un loup. Oh pas, de ce qu'elle avait l'habitude d'affronter. Ni gros. Ni gigantesque. Ni effroyablement effrayant. Non. Juste. Un loup. Plus grand qu'elle, certes, mais pas autant qu'Horazon. Un loup avec des cheveux brillants. Un pelage bleu et complexe. Et une écharpe dont le crâne orné n'était pas sans rappeler la sienne. Un loup. Qui parle.
Il y avait quelque chose qui clochait ici depuis un moment. Quelque chose en elle qui n'était pas à sa place. Et désormais, elle en était certaine. Ou presque.
Ils n'étaient plus dans leur univers.
- Donc, si j'ai bien compris, nous sommes sur des terres où l'espèce intelligente majeure est le loup. Qui ont des clans proches de ceux sauvages, autant dans leur organisation que hiérarchie. Mais avec des dieux. Au nombre de sept. Qui incarnent chacun une ou deux valeurs. Et qui peuvent vous donner un pouvoir via un glowstick. Sinon, aucun habitant n'a réellement de pouvoir.
Le loup bleu hocha la tête, tandis qu'elle jetait son regard confus sur son comparse encore en vie. Cela était presque étrange à entendre, pourtant, elle se retrouvait un peu trop dans cette description ; ce qui, en soit, pouvait expliquer le déchirement de l'univers lors de cette tempête. Probablement avait-il approché un embranchement du multi-vers, que le chaos avait ouvert via le déluge d'énergie transitoire entre ciel et mer. L'eau salée dans laquelle ils avaient plongé, bien malgré eux, avait du se charger, et donc les charger eux aussi au passage, de toute cette violence venue d'ailleurs. Et boum. Ouverture. Le monde n'aimant pas ce qui n'est pas à lui, ils avaient été éjectés vers la source de leur nouvelle vie.
- Bien. Je suppose donc que ces dieux peuvent nous aider à reprendre nos places d'origine. Allons les voir.
Un rictus presque douloureux l'a prit. La dernière fois qu'elle avait eu affaire à une entité quasi céleste... Elle avait brûlé la capitale de la nuit, pour le simple plaisir de s'amuser. L'icône de la folie, de l'anarchie, du chaos, avait été présent et, lui aussi, avait fait ce qu'il fallait pour déclencher une guerre contre le pays de la nuit. Sa reine, et déesse de la Lune, c'était donc tout naturellement interposée. Et, pour faire bref, Reverse l'avait fait explosé. Comme ça. Oh, bien sur, le combat contre sa sœur et déesse du Soleil en avait été autrement. Plus manipulatrice, plus réfléchie, elle n'avait pas ouvert le combat directement face à la petite licorne névrosée. Elle avait. Parlementé. Jusqu’à se prendre une lance d'ombre dans la joue. Un plaisir rare, que de transpercer le soleil. Vraiment. Car Reverse était de ce genre là. Parler, divertir, manipuler, jouer. Et puis, se lassant, agresser. Violenter. Tuer. Pour mieux ressusciter après.
- Hmm. Je ne suis pas sûr qu'ils acceptent de faire ça comme ça. Je veux dire, ça doit leur prendre beaucoup de magie, de puissance... Et la moitié des dieux est en colère, l'autre est... euh... vénérée par une meute tout aussi en colère. - Eh bien, fit elle sans un regard au loup qui marchait à ses cotés, une fois à terre, probablement réfléchiront-ils un peu mieux à mon transfert...
Le mâle s'étouffa, arrêtant sa course au risque de se faire percuter par l'étalon ailé derrière lui.
- Battre un dieu ? Non mais vous plaisantez ?
Un regard le transperça dans son élan. Il doutait de la puissance de la licorne. Oh, en soit, ce n'était pas idiot. Le doute était le maître mot des faibles, des vaincus, de ceux qui n'osent rien, ne tentent rien, et finissent oublier dans l'encre de l'histoire. Mais Reverse, elle, ne doutait pas. Elle se méfiait toujours certes, mais jamais ne doutait d'elle même. De ses compétences. De ses limites. Elle avait marqué l'histoire à bien des reprises, et rarement pour les bonnes raisons. Contexte de guerre, royaume militaire et intransigeant, elle avait ancré en elle cette mentalité barbare et noire, sournoise et vile. Ce qui l'avait rendu forte. Imbuvable, intolérante et asociale. Mais forte. Extrêmement forte même. Elle avait presque tué la déesse de la Nuit. Ébranlé celle du Soleil. Et son dirigeant, un tyran sombre qui avait, jadis, fait naitre la terreur même dans le cœur de ces deux alicornes, eh bien, elle lui avait arraché sa virilité pour qu'elle roule sous un meuble ; elle l'avait agenouillé à ses sabots, écrasant son royaume comme on souffle sur une bougie, réduisant à ses propres desseins son armée, et même, ô combien elle avait aimé faire ça, broyé le corps de sa fille contre le trône. Qu'il s'abreuve de sang et de larmes. Que la salle résonne d'agonie et de promesse de mort. Et ce n'était qu'un bref récit de son passé violent. Reverse. N'était pas faible. Elle était de ce danger qui rôde, qui explose, qui prend, et qui jamais ne rend.
Alors les dieux de ce monde, elle s'en contre fichait bien. Elle avait une guerre a mener, des pays à embraser, des dirigeants à soumettre. Et ce monde n'était pas dans ses plans. Pas encore en tout cas. Et si la pouliche avait survécu à tout ça, c'était aussi grâce à ses règles. Dont la première était "toujours avoir un plan et plusieurs de sauvegarde, et toujours les suivre." Sans ça, elle n'agissait pas. Elle réfléchissait.
Par conséquent, elle allait suivre, hypothétiquement, les conseils du dénommé Yersine. Elle n'allait pas tout de suite déclencher un génocide.
- Et comment les corrompt-on ? fit elle entre ses dents. - Je euh... Pas sur que corrompre soit un bon mot, mais on peut leur donner un présent. Un beau et grand présent, pour leur demander ensuite une requête. - Corrompre est donc le bon mot.
Il sembla dubitatif, mais la licorne n'en eut que faire. S'il fallait un présent, soit, elle en apporterai un. La grande question n'était donc plus "comment" mais "quoi". Que pourrait aimer un dieu ? De ce qu'elle avait compris de leurs clans, le seul dieu réellement consentant à les aider serait une dénommée Yurai. Un loup représentant la sagesse et la tempérance. Deux valeurs qu'elle incarnait, bien entendu. C'était connu, en tout cas dans son monde, que la Nécromancienne était d'une patience et d'une tolérance grande. Vraiment. Ce serait donc un plaisir de plier genoux face à un tel animal totem.
Mais avait-elle le choix ? Elle n'avait aucune carte en main, si ce n'est la certitude que sa magie fonctionnait encore en ce monde, et ce, sans l'aide divine. C'était un atout. Un grand atout. Surtout dans un hiver aussi rude que sur ces terres. Bon sang. Elle avait connu la neige, les tempêtes, et tout le bardam qui allait avec Décembre ; mais cela se limitait à quelques écharpes, bonnets et luges sur la grande route. Ses sabots s'enfonçaient dans l'épaisse couche de neige, sans aucune portance, et Horazon lui même, malgré sa cadavérique légèreté, avait du mal à se mouvoir. Non. Ce genre de temps n'était pas pour les sabots creux. Il lui aurait fallut des plats comme les rennes, ou des coussinets, comme Yersine, qui trottait avec allégresse tout en la contemplant de son unique œil.
- Il est vraiment mort ? Le cheval là, avec une seule aile... - Horazon ? Bien entendu. Je l'ai levé lors d'une bataille. Il m'a fallut plusieurs corps, d'où ce patchwork de cuir, et son aile unique.
L'animal déglutit.
- Vous... Êtes une Nécromancienne ?
Elle eut un rire. Visiblement, ce n'était pas si courant que cela en ce monde. Oh, bien sûr, la magie en soit était l'art des licornes et parfois de quelques rares terrestres ou pégases ; mais de manière générale, il était assez mal vu de pratiquer la magie noire.
- Je ne sais pas si c'était de l'excitation ou de la peur dans ta voix, fit elle, agacée. - Je suis moi-même d'une lignée de Nécromants !
La joie soudaine et débordante l’écœura un peu. Très bien, il avait un héritage. Mais qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire de cette information ? Elle s'en contre fichait. Surtout si la nécromancie d'ici dépendait de leurs dieux. Enfin, peut-être pourrait elle discuter avec cette "lignée" plutôt que cet attardé, et en apprendre un peu plus sur la magie de ce monde, tout en cherchant comment apaiser un dieu pour en obtenir quelque chose.
- Enfin, moi j'ai pas les yeux, mais eux pouvait voir les morts, et même les parler ! Il y avait Pandémonium aussi, c'était une liche, un peu chiante mais très drôle il parait, et qui aidait beaucoup en donnant des informations à mes ancêtres. Mais on ne l'a plus revu après la mort de Nephalem, et comme j'ai pas les yeux, bah je ne peux pas l'invoquer... Mais c'est pas grave parce que vous allez m'appre-
L'écharpe noire de la femelle venait de prendre vie, et, telle une main humaine aux doigts crochus, s'était refermée sur le museau de l'animal. Il se débattit légèrement, puis, voyant que cela ne faisait que resserrer la prise sur son visage, se calma, attendant avec effroi la suite.
- Premièrement, je n'apprends rien. Si tu n'as pas le don, alors tu ne l'auras jamais. Et je ne perds pas mon temps avec les tâcherons inutiles et incompétents. Deuxièmement, ouvre encore ton museau pour raconter ta vie, et je l'abrège dans la seconde qui suit.
L'écharpe sembla frémir, siffler tel un boa sur sa proie, avant de ne redevenir qu'un bout de tissu. La menace sembla avoir fait son effet, mais plus encore la dureté des mots. Les oreilles en arrière, le mâle continua son chemin vers des terres moins enneigées en compagnie du trio d'étrangers, eux-même d'un calme olympiens : ce genre d'avertissements, ils y étaient habitués. Reverse n'était pas du genre loquace, et encore moins patiente. D'autant plus dans ce genre de situation où elle n'avait aucun contrôle et devait donc réfléchir, dans le calme, à une idée, un plan, une stratégie, efficace pour se sortir de ce mauvais pétrin.
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