Ombres matérielles | Harlow

Combien d’années s’étaient écoulées ? Suffisamment. La louve brune avait un peu perdu espoir. Des mois à sillonner le vaste monde en quête de son père et de sa mère pour faire chou blanc. Quand elle se décida enfin à rentrer au pays, et bien elle était plus sombre, moins enjouée, enfin ça ne l’empêchait pas de vivre. Pourtant une sorte de mélancolie la prenait périodiquement.

Harlow secoua la tête pour faire fuir les sombres pensées. Elle ne devait pas s’apitoyer, elle avait encore des amis, peu mais de bons amis. La guerrière se plaisait en ce jour à observer les allers et retours des mères et pères affolés par leurs premiers louveteaux. Avait-elle jamais été comme ça sa mère ? La brune ne le savait pas, elle se souvenait vaguement de beaucoup d’amour et de trop de protection. Comment le monde pouvait-il changer si vite ?

La louve se leva et sortit silencieusement de la grotte qu’occupait sa mère auparavant ; rien n’avait changé ici à part son odeur plus ténue au fil des années. Le chapeau fermement fixé sur son crâne, de fait on voyait à peine ses yeux aux teintes glacées, elle se collait le long des parois. La fraîcheur des murs lui fouettait suffisamment le sang pour qu’elle avance, plus vite, toujours plus vite. Sans s’en rendre compte, le feu du dieu rouge s’était allumé en elle, ses pattes flamboyait de sa lumière divine. Puis vint la douleur, elle ne s’était pas servie de ça depuis trop longtemps.

Le vent lui porta un message, les odeurs de plantes séchées, les guérisseurs. Enfin le guérisseur pour le coup, la louve laissa son pouvoir s’éteindre puis fonçant bille en tête vers la tanière d’un vieil ami. Quand elle le vit depuis l’entrée, elle remarqua une sorte de joie, qu’elle partageait d’ailleurs. Bien que son sourire était plus visible que les tortillements du mâle gris.

« Bonjour Lympha’, ça faisait un bail que je t’avais pas parlé ! Ça va et toi ? »

Ils avaient bien changé, les louveteaux insouciants n’avaient plus rien de mignon désormais. Et lui et Pepper avait beaucoup de travail, les voir était devenu plus… compliqué. Harlow le déplorait, et ça lui manquait fortement. Aussi, elle s’empressa d’aller faire un gros câlin au guérisseur, toute contente puis s’en détacha pour lui répondre avec un sourire d’enfant :

« Dis t’aurais pas un truc contre les brûlures musculaires ? Genre les brûlures pas naturelles tu vois ? Comme si Aka te brûlait quoi ! »

Ce n’était peut-être pas assez clair, enfin elle s’efforçait de rester naturelle. Ce n’était pas son truc le blabla pour sa santé. Encore moins son truc de revenir voir quelqu’un à qui elle n’avait pas parlé pendant des années. La louve brune s’assit, agitant sa queue au sol.