Toute chose à une fin ○ libre

< Geb & Horus ; Nòtt

mort de Geb

Le vieux guerrier était dans la grotte familial, allongé sur le flan et secoué de tremblement. Nòtt était penchée sur lui et s'efforçait de calmer sa fièvre. Si l'espoir de retrouver son petit dernier sain et sauf avait rendu un peu de lucidité au membre du conseil déjà bien éprouvé, la chute n'en avait été que lus terrible encore que précédemment. D'abord Sokaris, sa plus jeune fille avait a son tour disparue sans laisser la moindre trace de son passage, rappelant trop douloureusement la perte de Lüun tant d'années plus tôt. La blessure de cette absence, rouverte et à vif, empirée par l'impuissance à trouver sa plus jeune, le manque d'informations... C'était un cauchemar qui recommençait, non moins douloureux. Et puis il y avait Diantre, la dernière de ses sœurs qui avait été retrouvée sans vie dans les marais de l'Anaconda... De toute sa famille, l'hybride en avait perdu la majorité. Il n'avait plus de parents, ni d'oncles. Il n'avait de sa fratrie plus qu'un frère sur quatre. Et de ses enfants, ils en avaient perdu la moitié ! Quel père faisait-il donc ? Quel patriarche faisait-il donc à n'avoir su protéger les siens ? Seuls restaient sa compagne, Thalion, Nòtt et Horus à son chevet. Et encore... Son aîné avait désormais ses propres enfants à s'occuper, Nòtt restait fragile mais avait du pain sur la planche avec son rôle de soigneuse et le petit dernier était parti le matin sans un mot.

Presque seul dans sa grotte, malade et faible, le vieux loup au glowstick rouge fût secoué d'une quinte de toux violente qui le fit grimacer. Il n'avait plus la force de se battre. Les derniers mois de privation en sommeil et nourriture, de surmenage, avaient tant affaiblis son système immunitaire que l'hiver arrivant, il avait attrapé le premier mal causé par le froid. Son corps était trop épuisé et meurtri pour se battre assez fort et le défendre contre des microbes qui, en temps normal, ne l'auraient peut-être même pas atteint. En colère contre lui-même surtout, et la température trop haute n'aidant son délire, Geb grondait tout ce qu'il pouvait, cherchant à se relever pour continuer les recherches et ne pas abandonner Sokaris, mais les forces lui manquaient trop et Nòtt insistait pour le maintenir couché. Ce n'était pas là sa place ! Sa place était dehors, à retrouver sa fille ! Le regard furibond et le geste brusque, l'hybride renversa la guérisseuse au moment où Horus revenait, après s'être absenté de longue heure. Quelque chose avait changé chez lui que Geb ne su pas déterminer tout de suite. Il y avait comme une nouvelle lumière dans les prunelles du jeune loup, un soleil qui brillait plus fort qu'avant dans ses iris vert d'eau, si belles, qu'il tenait de sa génitrice. C'est là qu'il le vit. Le soleil pulsant au cou de l'apprenti Croquemort... Un glowstick de Kiro.

« Pas toi... Mon fils... Pas toi aussi ! »

Hachée, la voix de Geb souffrait de ses poumons malades.

« Après Nout, Nephthys, Meleth, Lüun, Grimm, Sokaris, Diantre... Il les as tous laissés mourir !! »

Grogna le vieux loup, délirant, tandis qu'Horus aidait sa grande soeur à se redresser et maintenir le malade sur sa paillasse trempée de sueur. Loin de se formaliser du ton agressif de son père, le jeune loup inspira avant de répondre avec autant de douceur qu'il le pouvait :

« Papa, je sais où est Sokaris, et elle va bien. Elle a été missionnée pour aider d'autres loups, des Lazulis. Elle fait ce que Maman et toi nous avez appris, elle apporte son aide là où elle peut être utile. Sois fier, Geb. »

Le jeune mâle baissa la voix alors que le corps de son géniteur s'affaissait au sol, apaisé. Nòtt lui ayant fait respirer des herbes pour l'endormir et le calmer avant la fin qu'elle devinait désormais proche. Elle dû inspiré profondément pour ne pas laisser le chagrin l'envahir et garder la tête haute. Il fallait réunir tout le monde avant que le vieux guerrier ne rende son dernier souffle. La respiration de l'endormi était si rauque et difficile...

« Papa ne passera peut-être pas la nuit. Va chercher Maman, et Thalion. »

Comme un automate, Horus acquiesça et obéit à sa soeur, la queue et les oreilles basses. Il ne devait pas flancher avant d'avoir effectué cette simple mission. Au moins, il espérait que le réconfort de savoir Sokaris en bonne santé apaiserait l'esprit tourmenté de son père, a défaut de savoir comment le soigner... Il n'avait plus qu'à trouver sa mère, la douce Korra, à prévenir son frère Thalion et ses enfants... peut-être voudront-ils dire au revoir à leur grand-père ? Peut-être étaient-ils trop jeune pour ça... Oh. Il lui faudrait aussi trouver Ptah et lui dire. Il fallait faire vite.

Korra
& présence de Thalion

C'est avec hâte que le jeune père se précipita dans la tanière familiale de ses parents pour y retrouver son père, souffrant. Le visage accablé de tristesse et d'inquiétude, il se coucha aussitôt près de lui, frottant sa truffe humide contre son cou. Son cœur criait de chagrin à le voir ainsi malade, impuissant et proche de la mort. Thalion était prêt à combattre la mort pour sauver son père, mais qui pouvait la vaincre ? La mort était invincible, inéluctable.
Korra arriva juste derrière leur fils aîné, plus lente, plus fatiguée. Sa respiration était bruyante, son poil grisé s'était terni. Son regard peiné se posa sur son amant et ses arcades se froncèrent si fort sous la douleur que les larmes se mirent à couler sans interruption sur ses joues. Elle fit un câlin à chacun de ses enfants et leur intima de les laisser seuls. Thalion se releva avec peine, une boule sèche lui piquant la gorge alors qu'il sortit de la petite pièce.

Elle laissa son corps se glisser contre celui de son tendre mari et lui sourit avec toute la chaleur qu'il lui restait. La douce et belle Korra, héritière de la délicatesse et du sourire de sa mère. Même avec son âge elle était toujours plaisante à regarder, ses rides restaient fins et son visage mature conservait encore son innocence et sa fragilité. Pourtant.. Dans son regard, tout se lisait : l'expérience d'une vie difficile et des épreuves douloureuses traversées. Geb était son amant depuis leur tendre enfance, c'était comme si il avait toujours été là, comme si leur amour était une chose inébranlable.

« Je promets de t'être toujours fidèle … »

Ils étaient à ce jour, le couple le plus vieux et solide des Etelkrus. Il était sa moitié, il était celui qui finissait ses phrases, celui qui devinait ses pensées d'un seul regard. Elle était celle qui apaisait ses colères, celle qui réconfortait ses chagrins. Malgré les erreurs, malgré les obstacles, ils ont su rester unis et ils en sont sortis plus forts. Ils avaient avancé ensemble dans cette société changeante, vu leur enfants grandir ainsi que leurs petits enfants naître.

«...dans la joie et dans la douleur … »

Mais là où une vie apparaît une autre s’éteint, c'est ainsi que continue le cycle éternel de la vie. Korra avait vu sa gigantesque famille s'éteindre petit à petit autour d'elle et elle savait, elle savait qu'aujourd'hui était l'heure de les rejoindre.
Car comme le destin s'obstinait à le montrer, les deux amants étaient liés pour l'éternité.

« ...dans la santé et dans la maladie … »

Et ils avaient pris l'habitude de tout partager, les plus belles choses comme les plus néfastes. Y compris la maladie. Korra n'avait lutté à aucun moment contre celle-ci, l’accueillant comme une douce étreinte, une ultime épreuve à surmonter avec lui. La fragile fleur qu'elle était avait combattu des années durant les maladies et voilà qu'aujourd'hui son combat prenait fin. C'est avec apaisement qu'elle plongea ses prunelles clairs dans celles de celui qu'elle a aimé toute une vie.

« .. de t'aimer et de t'honorer tous les jours de ma vie. »

Comme c'était beau, ils étaient l'exemple de l'amour, de la fidélité et de l'honneur. Ils étaient là depuis le commencement et n'avaient jamais hésité, jamais flanché. Etelkrus dans le sang, issus de nobles lignées désormais réunies pour ne former qu'une seule et même génération. Elle l'aimait, non plus d'un amour passionné.. mais d'un amour plus profond encore, un amour fusionnel. Car à eux deux, ils ne formaient qu'un. Car sans l'un, l'autre ne pouvait exister. Ils dépendaient l'un de l'autre, ils étaient reliés à toute une vie de souvenirs. Plus puissant encore qu'un lien fraternel, leurs cœurs resteront à jamais unis, même au delà de la mort.

A jamais... Murmura-t-elle à son oreille, sa tête effleurant la sienne contre le sol.

< Geb & Horus ; Nòtt

mort de Geb

Dans l'obscurité de son esprit fiévreux, une voix apporta la lumière. Une voix douce, aimante. Une voix merveilleuse et aimée. Les paupières de Geb s'ouvrirent lentement et ses pupilles étrécies en une mince ligne verticale s'élargirent soudain en un grand rectangle coupant les iris d'or en deux. L'émotion ressentie face à cette voix fit revenir à lui le vieux loup malade et tremblant. Il redressa le museau vers elle.  L'hybride ancra ses prunelles dans le regard si tendre de l'amour de sa vie, de son âme-soeur. Il lui sourit, de cette façon si particulière qu'il ne réservait qu'à elle, entre complicité et mutinerie. Il était à la fois l'amant et l'ami, le confident et le co-équipier. Tout comme elle avait toujours été sa compagne en tout point. Nòtt intima à Horus de sortir, sachant le moment venu. Le plus jeune, le plus naïf, le plus doux aussi de tous les enfants de Korra et Geb, la soignante voulait éviter à son cadet d'être spectateur d'un moment si douloureux. De plus, elle estimait que ses parents méritaient de garder pour eux leurs derniers instants. Elle attendit donc que tous sortent tranquillement, dis à son tour un au revoir plein d'émotion et garda l'entrée de la grotte familiale en étreignant Horus, dont la peine lui fendait le coeur plus que sa propre douleur.

Les deux amoureux, aux sentiments plus forts chaque jour depuis le premier, furent donc seuls pour profiter de la présence l'un de l'autre une dernière fois.

« L'éternité ne suffira pas à éteindre mon amour pour toi, ma noble dame. »

La voix de Geb était faible, un murmure à l'oreille de sa douce. Il ferma les yeux, posant sa truffe sur l'épaule de la belle louve au pelage clair, inspirant profondément son odeur, se délectant de son contact. Depuis toujours il avait tout aimé d'elle. Ils avaient tout vécus ensemble. Ils avaient subis la vie et ses revers, ensemble, ils avaient vaincus le chagrin, la douleur, la mort, ensemble. Ils avaient été le tout de l'autre, l'autre moitié nécessaire à leur survie.

« Merci pour tout, ma douce. »

Souffla t-il encore, après une quinte de tousse le secouant tout entier, avant de s'endormir profondément. Très profondément. Son souffle se ralentit, paisible. Ses inspirations se firent plus légères, plus longues et son corps se relâcha de toute la crispation de la souffrance. Geb le guerrier partait en paix, grâce à la présence apaisante de celle qui avait partagé sa vie depuis le tout début. Lâchant prise totalement, en parfaite confiance, la respiration finit par se suspendre. L'esprit du fils d'Aka avait rejoint son dieu en ayant retrouver l'harmonie et le bonheur auprès de Korra. Nòtt savait que malgré la tristesse de l'instant, on n'aurait pu rêver meilleur départ pour son père. Elle retint ses larmes, afin de rester là pour son jeune frère. Quand il réalisa à son tour, Horus voulu rentrer pour voir une dernier fois leur géniteur, mais l’aînée l'en empêcha, estimant qu'il fallait attendre encore un peu, afin de calmer les cœurs meurtris d'abord.

Thalion

Alors que les minutes passèrent, lentes, douloureuses.. Thalion ne bougea pas, comme un garde posté devant leur tanière, il était assis le dos rond, la tête baissée vers le sol. Le cœur meurtri, il savait qu'il s'agissait des derniers instants de ses parents et les larmes coulaient avec silence sur ses joues, tombant une par une à côté de ses pattes. Il entendit la toux de son père, et il serra les dents pour ne pas retourner les voir. Il arrêta Horus qui voulu rentrer, le visage terriblement inquiet. Leurs regards se croisèrent et les prunelles imbibées d'eau de Thalion suffirent à faire comprendre au plus jeune qu'il n'y avait plus rien à faire. C'était leur désir, celui de finir leur vie l'un contre l'autre.. De laisser leurs âmes monter ensemble loin de cette vie devenue trop difficile.

Le soleil déclina peu à peu et cet après midi était la plus interminable de toutes. La nostalgie le gagna et il se revit enfant, jouant à vouloir attraper la queue de sa mère. Il sentit même le parfum enivrant du printemps qui ensoleillait cette merveille journée. Il y avait Lüun et Nòtt qui se chamaillaient sous le regard heureux de Geb..  Il revit son père, grande silhouette forte et courageuse qui l'accompagnait pour la première fois dans le temple du Grizzli. Le doux sourire de Korra qui le soutenait et le rendait fier alors que tous les autres se moquaient de sa stupidité. Sa mère était la douceur et la gentillesse incarnée, elle était la seule louve qui ne le jugeait pas, la seule qui savait calmer ses larmes et sa colère. Son père.. oh il y a tant à dire sur son père. Son modèle, son idole.. Il est tout ce que Thalion a toujours rêvé d'être : courageux, loyal et fidèle... Comment pourra-t-il lui montrer qu'il a réussi s'il s'en va ? ...

Thalion était rongé de l'intérieur, il avait envie de déchaîner son pouvoir et de se défouler contre un arbre. Nott s'approcha de lui pour le câliner et il posa sa lourde tête sur son épaule, s'effondrant presque sur elle. Il avait tant de peine que son corps était comme une pierre, lourde, froide.. sans vie.
Et puis finalement, alors que depuis un bon moment plus aucun bruit à part celui de leur peine ne s'était manifesté, Thalion se releva et fit craquer ses os.

Des poches sous ses yeux rouge, il leva son regard sur sa fratrie mais ne put se résoudre à formuler un quelconque mot. Dans sa gorge, la salive était elle-même devenue pierre sèche, jusqu'à irradier ses poumons d'une douleur froide et amère. Il entra le premier, et constata ce qu'il avait pourtant essayé d'anticiper avec effroi et stupeur. Ses parents étaient là, deux corps sans vie collés l'un à l'autre comme s'ils étaient partis avec joie. Il pensait s'être préparé à ce moment mais aucun entraînement ne pouvait empêcher le cœur de se serrer devant une telle scène. C'était inéluctable, son cœur semblait prit au piège dans une cage électrique qui l’électrocutait à pleine puissance. Son cerveau fut d'un coup pris d'une violente décharge d'émotion et il devint rouge, si rouge que ses tempes menacèrent d'exploser. Et puis les larmes lentes devinrent un flot d'eau qui dégoulina de ses yeux, de ses narines et même de sa bouche. Comme un fleuve trop puissant qui déborde et brise le barrage de pierre en milles morceaux, toute la pression qu'il s'était juré de garder pour paraître fort s'était écroulée en un sanglot inconsolable sous la puissance de sa tristesse. Les pattes tremblantes, il s'approcha et se posa contre son père, comme un enfant trop innocent pour comprendre et accepter la triste réalité. Son museau près du sien, il ferma les yeux et pleura, encore et encore, se noyant dans ses propres larmes.

Reposez en paix, mes parents. Je vous aime.. Si seulement j'avais pu vous le dire une dernière fois.