Chieuses sans surveillance [Feat Atsuko]

Atsuko ; 4 mois

Elle est si petite encore.
Toute recroquevillée sur elle-même, la tête posée sur ses doux flancs au poil de bébé, sa queue encore peu garnie enroulée autour d'elle en guise de protection. Les cheveux bouclés qu'elle a hérité de sa maman tombent en cascade devant ses yeux, adoucissant davantage ses traits juvéniles, grands yeux aux paupières lourdes qui luttent contre le sommeil tentateur. Alors qu'elle somnole doucement sur son coin de rocher, des carpes scintillantes magiques nagent en flottant autour d'elle, la baignant d'une chaude lueur d'or. Un léger soupir s'échappe de ses narines; fût-elle un autre louveteau, elle serait déjà partie à la recherche de sa mère, anxieuse de l'absence de sa fratrie, intimidée par les gigantesques murs de pierre froide qui semblent se pencher sur elle comme pour l'attraper, le Castel remplis d'odeurs inconnues et donc inquiétantes. Mais elle n'était pas un autre louveteau. Elle était Atsuko. Dès sa naissance, elle avait toujours eu des tendances solitaires, perdue dans un monde mental qu'elle seule semblait connaître, des rêveries qui laissait s'échapper son regard vers des horizons invisibles. Sa génitrice et son géniteur n'étant pas les parents les plus maternels, il arrivait plus qu'autrement qu'elle et ses frères restaient sans surveillance durant de longues périodes. La petite bleue n'en souffrait pas. Après tout, elle le sentait, Il était là pour veiller sur elle.

Un minuscule cliquetis de griffes sur la pierre lui fait frémir les oreilles. Quelqu'un s'approche. On pose une patte sur sa truffe, la faisant éternuer d'une exclamation aiguë, puis on chatouille son oreille qui vibre sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Atsuko lève la tête, s'attendant à y voir un visage familier, mais seul celui d'une inconnue la fixe. Sont rivés sur ce visage ses grand yeux de biche orangés, ainsi que ceux, mystérieux, de ses carpes brillantes. Elle sonde l'étrangère qui viens ainsi quémander sa présence, cherchant quelque chose dans le doré du regard de l'autre. Une bulle de poussière brillante s'échappe de la bouche d'une de ses illusions.

À la demande de l'étrangère, la petite louve penche la tête sur le côté, comme pour mieux entendre, puis se redresse sur ses pattes encore frêles. L'illusion disparaît graduellement dans un nuage doré alors que son intérêt se porte complètement sur son visiteur. Elle s’approche, la queue haute, renifle la truffe, le visage, le cou, les pattes de l'autre louveteau, sans aucun concept d'espace personnel. Renifle, renifle, renifle. Plein d'odeurs qu'elle ne reconnaît pas. Elle éternue une fois de plus. Elle murmure.

« visage rondelet
le parfum des inconnus
la Chose aime »

Un sourire s'étire sur ses babines. Elle tourne autour de l'étrangère, reniflant tout ce qu'il y a à renifler, piétinant le sol de ses petites pattes impatientes.

Meshret remuait la queue avec vivacité, fixant l’inconnue mais aussi l’élégante illusion qui se jouait au dessus d’elle. C’était si jolie, elle ne voyait pas de choses aussi délicates en générale. Elle se sentait émerveiller par la douceur de cette illusion. Et quand la petite louve se réveilla, Meshret la fixa de ses grands yeux de loupiotte curieuse, un sourire franc plaqué sur les babines. Elle vit la demoiselle la renifler et la contourner, elle leva une patte, les oreilles en arrière, s’appuyant sur ses membres arrières en défigurant la jeune louve de son regard troublé. A force de plier ses pattes arrières, Meshret se retrouva assise la truffe légèrement vers le ciel, avant que la louve ne lui réponde d’une manière peux commune.

« La chose ? Quelle chose ? »

S’interrogea la petite femelle en observant sa camarade. La jeune louve ne comprenait pas trop, mais d’après ces quelques paroles, elle semblait plaire à son acolyte, ce qui était une bonne chose pour elle. Parce qu’elle avait envie de connaître un peu cette petite louve, et de jouer avec elle. Qui sait, peut être pourraient-elles être amies et le rester dans l’avenir ?

Meshret avait remarqué qu’elle avait en fait peut d’amis. Elle en voulait pourtant, mais elle ne savait pas comment s’en faire. Elle était sans doute un peu trop brute et envahissante qui sait. Elle remuait doucement la queue, son épais pelage duveteux de louveteau tout ébouriffé et légèrement sale de ses activités précédentes. Les babines de la jeune louve relevées en un petit sourire amicale.

La beige et brune semble troublée. Son regard est incertain, elle tombe sur son arrière-train.
Ça amuse la Chose, elle le sent, la petite Atsuko.
Ce regard qui suggère la peur. La louvette ne sait pas encore ce qu'est la peur, comme elle ne l'a pas ressenti, et même si elle savait, elle ne pourrait pas s'imaginer quelqu'un d'autre le ressentir. Elle sait que c'est ce qu'il reste dans les yeux refroidis des proies que ses parents ramènent à la tanière. Ça l'excite, ça lui fait naître un sentiment étrange. Cette étrangère était-elle une proie ? Peut-être que papa serait fier si elle la rapportait à la maison, les yeux refroidis ?

Elle sourit et s'arrête un instant, le bout de sa queue frétillant d'amusement. Il est si rare que d'autres louveteaux viennent à elle, elle qui reste le plus souvent en solitaire. Celle-ci allait-elle fuir ? Ou rester ? Les possibilités étaient grandes et excitantes. Les poissons flottants sont tous tournés vers la femelle étrangère, la fixant de leurs yeux globuleux magiques. Celle dont Atsuko ne connaisait pas le nom se questionna sur la Chose, et la tigrée ricana légèrement de sa petite voix.

Elle contourna la visiteuse et, sourire étrange aux lèvres, approcha lentement son visage de celle-ci, jusqu'à ce que leurs yeux ne soit qu'à quelques centimètres l'un des autres, puis glissa vers son oreille pour y déposer un murmure.

« Odeur alléchante
Gare-à toi petit crapaud
Si la Chose te croques »

Elle bondit soudainement dans les airs, pliant son corps en arc comme fait le renard qui chasse dans la neige, et attrapant l'une des pattes de la brune dans sa gueule, serrant juste assez fort pour qu'elle ne puisse pas la retirer sans s'écorcher, son regard orangé brillant de malice.

Troublée oui, apeurée non, la peur ce n’était pas pour elle. Elle observait la bête qui la contournait en haussant un sourcil, un visage blasé et impassible commençant à se dessiner sur sa face. Elle avait envie de lui donner un coup de patte dans les flancs juste pour voir si elle était réelle tien. Elle remua doucement la queue avant de voir la louvette approcher sa truffe de son oreille en lui murmurant quelques phrases. Meshret fit rouler ses épaules sous son pelage.

« Quelle morde la chose. Ça n’est pas très grave en soit »

Remarqua-t-elle d’une voix neutre avant de voir la jeune louve bondir avant d’attraper sa patte, les crocs légèrement planté dans la chair. Meshret ne broncha pas, la fixa longuement avant d’étirer un sourire. Elle leva sa patte encore libre et décoiffa vigoureusement Atsuko, frottant bien fort le cure chevelu de la jeune louvette en ricane.

« Moh c’est bien ça, elle a des quenottes. »

Se moqua-t-elle sans vergogne. Meshret cherchait souvent des louveteaux qui n’avaient pas peur de mordre, pas peur de faire mal, et ne s’inquiétait pas de faire peur aux autres. Atsuko était tout ce qu’elle cherchait à la fois. Elle était soit, fortement étrange et rendait Meshret particulièrement perplexe. Mais cela ne  l’impressionnait pas et ne l’effrayait pas non plus.

Son mouvement avait forcé la petite à relacher la pression sur sa patte. Membre qu'elle retira de la gueule d'Atsuko avant de reculer en remuant doucement sa queue avant de se retourner en faisant un signe à sa comparse.

« A la prochaine petit Chose, j'ai des affaires en cours, mais tu me fascines alors je reviendrais »

Déclara-t-elle en s'éloignant dans le grand Castle.