Alouette [Eva]

Pendant sa longue absence, celle d'où elle n'aurait jamais du revenir afin que l'ordre des choses ne soit brisé,  les Raeders avaient évolué. Des petits étaient nés, des loups étaient partis et au dé là de ça, l'histoire dont elle n'avait eu que le premier chapitre s'était achevée sans elle. Les Raeders avaient rempli la quête confiée par cette nouvelle puissance venu du fond de l'Océan et un précieux trésors fut une récompense à la clé. D'après ce que lui avait dit les Raeders actuels, les médaillons offerts permettrait à quiconque est frappé par la malédiction des pirates de pouvoir fouler à nouveau la terre des loups sans crainte jusqu'à leurs dix ans, au delà, le pouvoir qui le maudissait devenait trop puissant pour celui de Ceto. Safran avait besoin de savoir si c'était vrai, elle devait retourner sur le Continent pour une chose essentielle. L'Océan réclamait une vie précise, lui ou elle, ça revenait au même, il l'avait ramené et fait devenir plus que louve, qu'importe la raison profonde, elle était forcément liée à elle.
Safran avait emprunté le médaillon de sa sœur Limule, consentant très peu à ce principe de passer elle ne savait quelle épreuve farfelue. Elle estimait qu'être morte et revenu ainsi que de se retrouver avec le corps totalement métamorphosé était une preuve suffisante à son allégeance. Si la petite louve blanche avait protesté au début, il avait suffit de relever un peu les babines sur sa rangée de dents non canine et de siffler du fond de sa gorge pour obtenir le précieux objet.

Silhouette longiforme contrastant dans le contre-jour de la mer, elle se rapprocha des côtés non Raeders. Au fond de son esprit, son instinct appréhendait l'idée de les accoster, se rappelant encore de la douleur de ces instant où sa peau partait en écaille de cendre alors qu'elle approchait du moment fatidique. Si le médaillon ne marchait pas, si cette magie n'était que légende, si elle était devenue trop aquatique, elle mourait, à nouveau et tout les efforts pour la faire revenir auront été futiles. Mais si elle n'essayait pas, ils le devenaient aussi.
Safran finit par n'être qu'à quelques mètres de la plage de sable, ses ailerons crevaient déjà la surface alors que ses griffes touchèrent le sol. Pour le moment, aucun picotement, aucune douleur qui aurait pu l'avertir de l'erreur à ne plus commettre. Alors elle avança jusqu'à sortir de l'eau complètement, ses pattes palmées marquant le sable mouillé alors qu'à chaque pas, son sourire s'élargit. Sa queue, trop lourde pour qu'elle fasse l'effort de la porter, laissait un sillon derrière elle alors qu'elle souffla le trop plein d'eau par les évents de son cou dans un son de décompression alors  tandis qu'elle enfonçait joyeusement ses pattes sous le sable clair et propre, bien plus que celui de morne-oeil couvert d'algue.

Eva était en quête.

Une quête redoutable, redoutablement importante.

Elle devait aller chercher Maurice le Yucca. Parce que la présence de Maurice le Yucca était requise chez les Nakhus pour le bien être de Dame Octavia. Et Maurice le Yucca avait eu la malséance de rester dans le terrier originel de Dame Octavia, à des dizaines de kilomètres du lieu où elle résidait actuellement.

Alors lorsque Dame Octavia avait émis l'idée d'user de ses pattes pour aller le chercher, en un aller-retour bien délicat, Eva s'était insurgée.

Non ! Ca n'était pas à Dame Octavia d'aller chercher le Yucca ! Eva se sentait, en sa place, apte à réaliser la quête. Plus rapide ! Plus... Volante, surtout ! Et non pas volage, mesdames et messieurs, le concept de volage de toute façon liée au fait qu'elle puisse apprécier moins quelqu'un. Mais Eva aimait toujours trop, trop fort, trop vite - et chérissait toujours ses souvenirs à défaut de chérir le présent.

Mais son esprit n'était pas à ça, non. Il était tourné vers les Côtes de Nacre près desquelles se trouvait le terrier qu'elle avait promis d'aller trouver. Heureusement, elle avait de son côté aviaire un particulièrement bon sens de l'orientation, en partie grâce à un bon repérage nord-sud et est-ouest lié aux pôles. Il ne lui fallut que quelques heures de vol pour arriver sur les plages nacrées. En apercevant le sol brillant de mille couleurs froides, un sourire étira ses babines. C'était, après tout, le lieu préféré de Sobieski. Et en voyant ces reflets, elle ne pouvait être qu'entièrement d'accord avec lui.

Mais sur ces reflets, une ombre. Sa curiosité piquée au vif, et s'y abandonnant comme à son habitude, Eva plongea vers le sol et ouvrit grand ses ailes pour, au dernier moment, freiner sa chute. Elle s'avança à pas lents, curieuse, oreilles en avant.

Plus elle avançait, plus la curiosité la gagnait. La... Chose ? Etait-ce une chose ? Un frissonnement la prit, elle le chassa. Non. Non, ça n'était pas possible, tout simplement non, elle ne préférait pas y penser. Et si c'était une Chose, elle était de toute façon perdue - mais non, elle ne sentait pas provenir de la bête (bête ?) en face d'elle les vibrations morbides de l'Upside Down.

Elle ne sentait rien de bon venir non plus.

Elle pencha la tête sur le côté.

Bonsoir-

Inquiète, Eva s'approcha d'un pas encore, délicate. C'était un loup, c'était sûr, mais était-il bien vivant, ce loup ? Sa gorge défoncée, notamment, lui faisait peur.

Tu as besoin d'aide- tu peux parler ? As-tu besoin de soin ?

Elle avait déclamé sa dernière phrase sur un ton particulièrement détaché, écartant les syllabes au cas où il (ou elle ?) aurait eu des problèmes de compréhension. L'air sur le visage d'Eva était sincèrement effrayé.

Son corps tremblait presque. Il était évident qu'elle avait une peur bleue de ce qui se dressait en face d'elle - mais est-ce que cela avait une conscience ? Et souffrait ? Telle était la question.

Une ombre gigantesque passa au dessus d'elle avant de se poser plus loin sur la plage. Safran perdit son sourire, ses babines retombant sur ses trop nombreux crocs alors que son regard rubis s'accrocha sur la silhouette noire qui se se découpait sur le fond clair du paysage. C'était une louve, elle en avait l'odeur en plus de celle des... Nakhus ? Si elle ne se trompait pas. Elle le devina assez rapidement malgré les ailes et les longues pattes difformes par rapport à celle d'un canin lambda. Oh  Safran ne jugerait pas, elle savait que ça existait des loups aux attributs naturellement farfelus sans qu'une malédiction n'ait agi pour déformer leur corps.
Elle ne bougea pas alors que prudemment l'autre louve s'approchait, soufflant par ses évents, hérissant à chaque nouveau pas vers elle un peu plus les nageoires qui la paraient. Elle s'agaça d'autant plus lorsque l'emplumée lui parla en détachant chaque syllabe, parlant extrêmement lentement comme si elle craignait de ne pas être comprise et se voulant peut-être rassurante. Est-ce qu'elle se moquait d'elle ? Elle voulait mourir ? Le bout de la longue queue de la pirate s'agita légèrement avant que Safran ne s'approche de l'inconnue de quelques pas, laissant derrière elle le sillon de sa queue au sol. Elle souffla fortement par ses évents à la façon des cétacés à leur sortie de l'eau.

« Je viens à peine de revenir, des soins, j'espère encore pouvoir m'en passer. »

Et elle étira un nouveau sourire, déformant son visage et laissant apparaître sa dentition absurde, ses pupilles fendues rivées sur la louve en face d'elle, reconnaissant que trop bien le visage si satisfaisant de la peur. Elle était un monstre et elle était effrayante. Elle avait vaincu la mort et l'Océan l'avait forgé dans un apparence nouvelle pour faire trembler et cauchemarder ces Continentaux si arrogants avec leurs lueurs et leurs dieux.

« Mais tu peux m'aider oui, je recherche un loup... ainsi qu'un déjeuné. »

Et d'un geste brusque et vif, elle attrapa la peau de la louve noire, ses crocs se plantant quelques part entre la joue et le cou avant de tordre son corps et la faire chuter, son attaque vive et soudaine à la façon d'un crocodile. Sans perdre un instant, ne laissant pas à l'emplumée le temps de réagir, elle se positionna au dessus d'elle pour l'écraser de son poids et la maintenir dans le sable, posant une de ses pattes avant sur la tête. Sous ses restes de coussinet, Safran sentait le corps frêle de la louve, les os léger qu'elle avait l'impression de pouvoir briser d'une simple pression.
Elle se pencha en avant, mettant son museau au niveau des oreilles de la tête écrasée dans le sable.

« A toi de choisir si tu veux le rôle d'informateur ou de repas.
Le loup que je cherche est un grand mâle noir et brun à la tignasse blanche et à l'armure rouge. Il peut faire apparaître une immense lame rouge elle aussi. Est-ce que tu sais où je peux le trouver ? »

Elle décala ensuite ses pattes pour les poser à la jointure des ailes, mettant également son poids dessus bien qu'elle prit tout de même le soin de ne pas les briser tout de suite. Cependant elle se pencha au-dessus pour saisir la plus grosse poignée de plume possible qu'elle arracha d'un mouvement sec à l'aile de la louve avant de les recracher plus loin.

« Les mouettes s'envolent beaucoup moins bien quand on leur fait ça. Rien, contre toi, mais je m'assure que la petite mouette que j'ai entre les pattes n'essaye pas de me fausser compagnie avant de répondre. »

Plus l'autre approchait, plus elle avait une vue formidable sur son physique plus qu'atypique. C'était encore plus flagrant par rapport au sien, qui était son exact antipode. C'était comme regarder des deux côtés d'un miroir déformant, monstrueux, maléfique. L'endroit, et l'envers. Elle avait plusieurs rangées de dents que l'on voyait particulièrement grâce à la lumière du soir qui éclatait en diamants sur leur émail. Sa peau était recouverte de poils si fins et si ras qu'il en paraissait du cuir, et l'eau semblait glisser dessus comme sur les plumes d'un canard. Le plus impressionnant restait sa longue queue qui trainait au sol, trop lourde pour ce corps pourtant puissant, et qui à la manière d'un soc creusait de larges sillons dans le sable.

Eva recula d'un pas, réflexe qu'elle ne réussit pas à juguler malgré son envie d'ouverture d'esprit et de confiance. Elle n'était pas comme Sobieski, ou Octavia. Elle avait du mal à croire et à tendre la patte lorsqu'on ne lui avait pas prouvé que ça n'était pas dangereux. Au contraire de la plupart des loups, elle se considérait comme une proie, et non un chasseur.

Sa première phrase remplit Eva de honte et de confusion, ses joues chauffées au fer blanc. Elle la comprenait parfaitement bien, et ce qu'elle avait d'abord pris pour une maladie était en fait sa conditi-

Oh wait

La malédiction des Raeders.

Evidemment. C'était donc... Ca ? Elle sentit ses joues chauffer de plus belle - quelle... Bécasse elle faisait ! On n'avait pas fait plus con depuis... Rah !

La seconde phrase éveilla ses soupçons de nouveau. Mais elle s'était sentie tellement cruche de sa première approche qu'elle se força même à faire un pas en avant.

Un seul.

Eva était rapide, se targuait d'être leste, et pourtant l'attaque la prit totalement par surprise. Etait-ce le contexte dans lequel elle se trouvait ? Ses blessures de sa rencontre avec le cerf, qui tordait encore légèrement ses muscles ? Ou simplement un manque de chance plus que flagrant - toujours est-il que les dents s'enfoncèrent dans sa gorge comme dans du beurre, laissant éclater un jeyser de sang rouge clair sur le nacre de la plage.

Eva glapit, hurla, et tenta tout de suite de se débattre comme un lapin pris dans les serres d'un rapace, mais avec le même résultat : elle ne réussit qu'à s'entailler un peu plus, et finit par s'astreindre à l'immobilisme. La douleur lui laminait les côtes, le cou, les ailes, et elle sentait ses articulations atteindre leur point de rupture et jouer avec. Un sentiment de détresse l'envahissait toute entière.

Elle grattait le sable de ses pattes, de ses plumes, sa gueule s'emplissait de petits grains et grattaient sa gorge, emplissaient son museau et la faisaient tousser. Les paroles de la louve - c'était bien une louve-poisson - résonnaient dans son crâne, étouffées par le sol :

NoN !

Son hurlement se perd dans les bouts de coquillage, elle tousse. Elle sent son aile plier, les énormes pattes et l'armature épaisse de la Raeder atteindre le point de rupture de son corps. Ca allait casser, ça aller casser ça allait casser ça allait

Elle fermait les yeux, le plus fort possible

Elle hurla une seconde fois, plus violemment, plus fort, d'un son plus déchirant encore lorsque la gueule de son adversaire - c'en était un - s'emplit de plumes. Une partie d'elle... Une partie d'aile venait de quitter son corps. Eva gronda, cracha un mélange de sang, de bave et de sable, sentant son corps devenir poisseux sous tout ce liquide vital qu'elle perdait.

[Dé]

Elle tente de se concentrer pour relâche son pouvoir, mais sous la peur, la frustration et l'adrénaline elle ne réussit à rien. Paniquée, elle piaille et finalement réussit à se ramasser sur elle-même et, d'un mouvement fluide et graisseux, réussit à se ôter de pattes de la grande louve brune.

Je ne sais pas de qui tu parles !

Sa voix déraille sous la douleur et elle file ventre à terre, claudique, trébuche, glisse sur son propre sang en se dirigeant vers les terres. Elle a bien compris que, sur l'eau, elle n'a aucune chance. Sa lenteur l'effraye, elle jette de fréquents coups d'oeil par dessus son épaule, le poil hérissé. Son aile droite pend mollement, inutile.

L'oiseau sous ses pattes hurle et se débat, il essaye de s'enfuir, de se sauver et probablement que ça excite ses instincts prédateurs de monstre marin. Plus la louve ailée se débat et plus Safran place son poids sur ses pattes pour l'écraser dans le sable. Elle sent l'odeur de la peur qui sature l'air au delà du sel marin, le  corps qui palpite de tout ce qu'il pouvait dans cette cage thoracique qui semblait si simple à briser, et le sang qui salissait le pelage noir et blanc lui faisait se lécher les babines dans un  tic non maîtrisé.
Les oiseaux, c'était mieux de les tuer tout de suite. Ils essayaient toujours de battre des ailes, de croire qu'ils pouvaient s'envoler et s'enfuir. Ce n'était pas rare qu'on finisse par les lâcher au bout d'un moment, qu'ils réussissent à s'échapper quelques instants. Safran voulait une réponse, elle avait besoin de savoir, ce retrouver ce loup afin qu'à son tour, elle lui hôte la vie. Elle ne ferait pas la même erreur que lui, elle s'assurerait que contrairement à elle, il ne puisse revenir. Et à force d'essayer de juste maintenir l'oiseau, de ne pas l'empêcher définitivement de bouger, le voilà qui lui échappait des pattes.

La surprise laissa quelques précieuses secondes de répit à la louve emplumée pour s'éloigner de quelques mètres, misérablement, avec des gestes maladroits. Ce ne fut pas suffisant cependant, à l'instar des crocodilien, si elle était excellente dans l'eau, c'était une fatale erreur de penser qu'elle puisse être un prédateur pataud et facile à échapper sur la terre ferme. Elle siffla, mécontente de voir sa proie ainsi lui échapper avant de la rattraper d'un bond absorbé en partie par le sable.
Les crocs de la louve marine se refermèrent sur les plumes de la queue, trop fragiles dont l'élan réserva le même sort qu'aux plumes de l'aile, laissant seulement le bouquet de plume noire dans la gueule de la louve brune. Safran les recracha rageusement avant d'attraper la queue trop longue de la noire et blanche avant de la traîner un peu plus vers la plage, l'emmenant plus proche de la mer dont le ressacs des vagues gagnait du terrain avec la marée montante.
Safran tira une dernière fois, d'un coup sec pour ravoir le corps de l'emplumée à nouveau sous ses pattes, l'écrasant sans ménagement, sifflant du fond de sa gorge, ses nageoires hérissées donnant un aspect plus monstrueux encore à sa silhouette.

« Réfléchis un peu plus plus. Depuis le ciel, des loups noirs et bruns tu as du en voir quelques uns. »

Elle plaça une patte sur la gorge de l'oiseau, appuyant suffisamment pour lui faire mal, mais avec assez de retenu pour ne pas l'étouffer complètement. Safran réfléchit elle même quelques instants avant d'approcher à nouveau son visage de celui de l'autre louve, ses yeux de sang brillant à la lueur de la nuit.

« Ceux qui portent la lumière bleue, où vivent-ils ? »

Une bribe d'espoir venait de s'insinuer dans son corps, électrisant ses muscles et la poussant à accélérer encore lorsqu'elle sentit ses rectrices la tirer - une seconde et une seule. Une seule avant que la louve brunâtre (était-ce vraiment encore une louve ?) ne s'acharne dessus et lui en arrache une poignée. Elle piailla, jappa et hésita une seconde, perdant encore une mesure, la mesure fatidique.

Surtout, fais attention à ta queue, ma fille. As-tu vu sa longueur ? Si jamais on te pourchasse, elle sera assurément ton plus grand point faible. Elle contient plein de petits os faciles à briser, et si on t'attaque de cette façon, jamais tu n'arriveras à te dégager. Entoure là autour de ton corps, comme ça regarde, tu peux même faire trois tours ! Mais jamais ne la laisse trainer derrière toi. Jamais !

Elle sentit la douleur remonter le long de sa colonne et éclater dans sa nuque, et avec un ooof- de douleur, l'air chassé de ses poumons, elle s'écrasa de nouveau dans le sable. Plus proche de la forêt oui, mais pas assez pour bénéficier du couvert des arbres.

Et pas pour longtemps.

Elle se sentit trainée sur le sol et n'attendit pas pour se retourner et suivre le mouvement, alléger la traction monstrueuse sur ses épaules et sa colonne. Traction qu'elle ne pouvait supporter.

Et, de nouveau, elle se retrouva entre les pattes de la brune. Eva avait ses oreilles plaquées contre sa nuque, les babines entre ouvertes et emplies de grains de nacre qui brillaient dans le soleil couchant, tâchés de carmin. Ses yeux fous roulaient dans ses orbites.

Et la colère commença à l'emplir.

Elle n'était pas faible. Elle n'était pas une chose. Elle n'était pas prêt à mourir ni à se laisser tuer, non ! Et ça n'était pas une louve happée par la malédiction, une louve emplie d'un désir de vengeance, une louve perdue dans un chemin noir et rouge, qui n'avait plus saint auquel se vouer, qui allait lui faire la peau. Ici. Maintenant. Elle avait encore beaucoup trop de choses à vivre, oui.

Alors Eva montra les crocs. Elle puisa dans cette partie d'elle où résidait le Loup, enfouit au sein de sa psychée l'Oiseau Fuyeur, et piailla en direction du Crocodile. Cracha.

Oui ! Oui, je sais où il est, ton loup maudit, cette description lui va bien assez !

Ses yeux brillaient de colère. Elle n'était pas en bonne posture, mais elle préférait encore se battre lors de ses derniers instants que subir encore cette attitude dégradante, offrir cette compassion qui ne lui donnait rien en retour. Elle était d'accord pour apporter son concours, pour donner sans compter et toujours aider son prochain.

Elle aurait gentiment répondu à la louve brune si elle lui avait cordialement posé la question.

Mais la violence n'aurait d'elle que son opposition farouche.

Elle mordit une patte et roula sur le sol avant de s'éloigner de quelques mètres, vive et caracolant. Ses ailes baignaient de sang, son corps aussi, mais dans ses yeux brillait un feu fier et inextinguible. Cette fois, elle se tenait droite, le poil hérissé, les ailes à demi levées. Fuir ne lui avait pas réussi - sa longue queue argentée tâchée de rouge était plaquée contre sa haute stature. Elle faisait face. Tout, plutôt que se faire attaquer dans le dos de nouveau. Elle montrait les crocs, mais n'attaquerait pas, non. Elle voulait simplement une opportunité de fuir.

Mais elle était colère, et sous la colère les mots glissaient seuls entre ses crocs.

Je sais où se trouvent ceux qui portent la lumière bleue. Oh, oui ! Je le sais.

Elle cracha sur le sol, sa crête de plumes blanches fièrement dressée sur sa tête. Elle était couverte de sang, mais était loin de faire pitié à voir. Yurai et les Nakhus avaient tiré le meilleur d'elle, mais il aurait pu en être autrement. Elle siffla entre ses dents :

Une simple politesse m'aurait tiré ce renseignement, mais maintenant tu n'auras plus rien de moi. Peut-être devrais tu revoir tes manières.

Elle était prête.

L'oiseau cessa d'avoir peur se faire furieuse, elle piailla de colère et osa même lui mordre une patte. Safran siffla, mécontente, la surprise et le picotement de la blessure lui fit relever ce qui permit à sa proie de s'échapper encore une fois. Mais cette fois-ci, l'emplumée n'essaya pas de fuir, non, elle se dressa face à elle, crachant sang et provocations. Hé bien soit, la créature marine ne cherchait pas véritablement d'informateur, si ça avait été le cas, il aurait été plus simple de s'aider de ses paires directement. Elle avait laissé une chance à l'oiseau, si Safran n'était plus tout à fait louve, l'être en face d'elle, avec ses serres et ses longues ailes ne l'était pas plus qu'elle, personne ne lui en voudrait si elle en faisait véritablement son déjeuné. Une épaisse vint lécher ses babines, les nettoyant du sang qui les avait rougi alors que ses muscles se tendirent. La crête sur son dos de hérissa, voile de membrane acquis avec sa transformation.

« Hé bien soit, le choix est fait. »

D'un seul coup son corps se détendit, ses pattes la propulsa vers la louve oiseau malgré le sable qui avalait la force de l'impulsion. Elle était plus lourde qu'avant avec sa queue musclée à la façon des crocodilien mais elle était également plus puissante, elle le sentait en nageant, elle le sentait d'autant plus alors que son corps percuta celui léger de l'oiseau. Ses crocs se refermèrent sur l'épaule, n'hésitant pas à les enfoncer profondément dans la chair, ne cherchant plus à garder l'emplumée en vie, n'ayant plus grand chose à faire des informations demandées. Ah la pie pourrait piailler autant qu'elle le voulait, elle ne la lâcherait pas, même si elle se débattait. Comme pour confirmer ce bout de pensée, Safran referma encore un peu plus sa gueule alors qu'elle tentait d'utiliser l'élan de son  attaque pour faire chuter l'oiseau encore une fois. Elles auraient été dans l'eau, la maudite se serait laissé couler pour les emmener toutes les deux dans les profondeurs, éloignant l'être aérien de son ciel. A défaut, elle lui faisait bouffer la terre.

Elle était prête.

Terriblement prête, la tête légèrement baissée pour encaisser le coup et surtout protéger son col si délicat où coulait la rivière de sa vie.

Elle était prête, mais pas assez, affaiblie qu'elle était par le sang qu'elle avait déjà perdu et les nombreuses cicatrices qui parcouraient son corps, jetant hors d'elle cette vie qui lui était si précieuse. Elle était bien plus fatiguée qu'elle ne le pensait, bien plus éreintée, bien plus affaiblie. Et ce constat la frustrait.

Elle vit distinctement les deux Safran - non, sa vue se brouillait - la louve se jeter sur elle - Eva tenta de s'envoler mais trop tard, bien trop tard. Les dents s'enfoncèrent dans son épaule, ouvrant de nouveau la large cicatrice provoquée par le cerf dont elle avait brigué les bois quelques jours plus tôt. La douleur, sur la douleur, sur la douleur...

Eva tenta d'utiliser, en dernier recours, le don que Yurai lui avait offert, cette promesse d'être hors de danger, cette promesse de paix et de sérénité.

Elle échoua, lamentablement. Elle le sut à l'instant ou les tissus de son épaule se déchiraient, à l'instant ou les crocs se refermaient sur sa peau si délicate, à l'instant ou la louve brune mâchait ses os avec la ferme intention de les briser.

Eva cette fois ne laissa pas échapper une plainte. Un simple grondement sourd émanait de sa gorge, douloureux mais surtout empli de haine. Etait-ce cette haine qui empêchait le pouvoir de la déesse pourpre de se manifester ? Une pointe de culpabilité stria le coeur déjà malmené de la louve bicolore, avant qu'elle ne se reprenne d'un éclair de lucidité.

Qui était-elle pour se baser ainsi sur les autres, rejeter la faute sur autrui ? Elle était faible, et c'était l'unique raison de sa condition de proie à cet instant. Elle crachait, de rage, en sentant les crocs glisser sur ses os délicats, les malmener, tenter de les déchirer.

C'était un carnage.

Alors Eva fait la seule chose encore en son pouvoir. Misérablement, elle tente de mordre ce qui passe à sa portée. Mais sa gueule pleine de sable, douloureuse, sa mâchoire malmenée, son corps souffrant ne lui laissent pas beaucoup ce loisir, et c'est dans une douleur infinie qu'elle réussit à attraper la crête qui parcoure le dos de la Bête et de tirer dessus avec l'énergie du désespoir.

Elle, petite mouche sur le dos de l'alligator.

Il était parti seul ce jour-là, laissant les rênes de la meute à Crystal pour le temps de son absence. Il avait pleine confiance en la petite louve colorée pour veiller sur les siens, et il ressentait le besoin de s'isoler quelques heures des autres loups. Non pas que leur compagnie lui soit intolérable, mais il s'était toujours réservé des instants seul face à lui-même, depuis son plus jeune âge, pour apaiser les tourments de ses pensées. Même si les choses paraissaient aller pour le mieux chez les Nakhus ces derniers temps, il demeurait moult choses à penser et à faire pour le grand loup blanc. Dans quelques jours, il se rendrait pour la première fois à cette source cachée derrière la fontaine de la déesse Corneille pour y recevoir ses messages et lui parler. Leur dernière rencontre avait été entachée de tristesse, et alors qu'elle l'avait élevé au rang d'Oracle et de prêtre, il n'était pas encore bien certain de ce que cela signifiait. Il s'était surpris à ressentir une empathie toute particulière et très nouvelle à l'égard de ses congénères, et comptait sur cette rencontre ou cette vision pour l'éclairer à ce sujet. Peut-être était-ce juste lui qui s'était mis jusque là une barrière mentale, que la tragédie et l'accomplissement du dénouement de deux années entière avait enfin fait s'effondrer.

L'écho de sa dernière conversation avec Eva habitait ses pensées, mêlé à d'étranges émotions. Avec le recul, il avait pris conscience du nombre de ressentis qu'il avait eu dans une seule discussion, pour la majorité positives, mais également de combien il tenait à la louve bicolore. Il l'avait vue brièvement ce matin-là, échangé quelques mots, et s'était rendu compte qu'il était tout simplement heureux la plupart des moments qu'il passait à ses côtés. Oh, bien-sûr, la compagnie de tous ses camarades Nakhu lui apportait désormais un sentiment de bien-être et d'enfin avoir trouvé une place, un chez-lui, un refuge qui serait toujours l'endroit où aller trouver une âme amie. Mais avec Eva... C'était différent. Sans qu'il ne sache expliquer exactement pourquoi.

C'est ainsi qu'il fut distrait de sa mission première lorsque le vent lui apporta son odeur. Il avait quitté les terres Nakhus en longeant la côte avec l'idée de s'en aller jusqu'à l'Atoll Tropical, pour mieux se rendre compte de l'endroit précis auquel tous se rendraient bientôt - il l'espérait en tout cas. Il y était presque parvenu d'ailleurs, ses lourdes pattes le menant d'un bout à l'autre du continent plus rapidement qu'il ne l'aurait cru, lorsque le parfum familier de la louve ailée lui parvint, brièvement, porté par une bourrasque qui venait de la mer. Sous ses pattes, les mille diamants des Côtes de Nacre crissaient à chacune de ses foulées. Il s'arrêta, le nez au vent et les muscles tendus. Ce que lui apporta le cou de vent suivant fit manquer un battement à son grand coeur. Une odeur de sang. Sans hésiter, sans même se poser la moindre question, il changea complètement de direction et se précipita vers l'endroit d'où venait l'odeur.

Quelques instants plus tard, deux silhouettes entraient dans son champ de vision. Deux silhouettes souples et agiles, qui menaient un combat féroce dont les bruits secs résonnaient loin, sur l'eau et sur le sable. Les oreilles de l'Oracle se rabattirent aussitôt dans ses cheveux, alors qu'il s'élançait plus vite encore. A foulées de géant, sans chercher le moins du monde à être discret, il déboula sur la scène, sans comprendre exactement ce qui avait pu mener à une telle situation. Il y avait bien Eva. Et il y avait du sang aussi, beaucoup de sang - beaucoup trop - autour d'elle, tâchant le sable humide. Elle était aux prises avec une créature sur laquelle il ne mit pas de nom, mais ce ne fut pas ce qui importa à cet instant.
Ce qui importait était ses mâchoires, refermées sur l'épaule d'Eva.

Avec un grondement sourd, le grand loup profita de son élan et se jeta dans la mêlée, avec l'intention ferme de séparer les deux combattantes.

[Dé FOR, Ajani essaye de mettre un coup d'épaule pour faire lâcher Safran et séparer les deux louves]

Visiblement, la créature ne l'avait pas vu arriver, car il fonça droit sur elle sans qu'aucun obstacle ou esquive ne vienne interrompre sa lancée. Le coup d'épaule fut rude, mais à plat. Il ne voulait pas blesser ce qui attaquait Eva, pour la simple et bonne raison qu'elle avait la mâchoire refermée autour de ses épaules, et qu'un spasme pourrait provoquer bien plus de dégâts que d'amélioration. Il frappa à la naissance de la mâchoire, entre ce qui sembalit être une joue et les larges tenailles. Et cela fonctionna bien plus qu'il ne l'aurait cru.

La chose lâcha la silhouette d'Eva, qui tomba sur le côté, tandis que le loup blanc freina des quatre pattes, emporté par son élan, pour se jeter entre elles deux. Les oreilles rabattues, l'échine hérissée et les muscles tendus, il apraissait prendre encore plus de place qu'en temps normal - ce qui était une masse assez conséquente -, mur de neige entre la louve ailée et ce... Qu'est-ce que c'était exactement ? Mainenant qu'il lui faisait face, qu'il avait quelques secondes pour la détailler d'avantage, il distinguait une forme vaguement lupine. Des accessoires, même un vieux chapeau usé qui lui rappelait sa famile d'origine. Mais la chose trempée et éclaboussée de sang et de sable devant lui, si elle éveillait dans son esprit une étrange impression de familiarité, il ne la reconnut pas imméditament.

Il lui importait peu de la tuer, ou de la blesser. Ce qui importait actuellement, c'était de s'en débarrasser - si possible rapidement - pour pouvoir constater l'état d'Eva et l'amener à un guérisseur. Les terres Nakhus lui paraissaient si loin soudain. Et il y avait eu tant de sang dans son champ de vision. Il lutta contre l'envie de se retourner immédiatement pour voir même si elle était encore consciente. Campé sur ses patte,s la mine féroce, les babines frémissantes, il gronda :

"Allez-vous en."

Il ne comptait pas donner le premier assaut, mais plutôt régler cela au plus amiable possible. Pour la première fois depuis bien longtemps, il ressentait quelque-chose de très négatif à l'égard de cette chose-loup - peut-être un pirate transformé - pour une raison très simple : elle avait osé toucher à Eva, à sa chère Eva. Il se maudit de ne pas être intervenu plus tôt, et inspira profondément. Il devait s'imposer sans pour autant inciter à la violence, parce que la louve ailée pourrait être blessée à nouveau dans le chaos qui s'ensuivrait.

"Ou laissez-nous partir."

Sa voix était roulante, plus rauque que d'ordinaire.

Elle sentait son épaule plier sous les crocs de la louve de l'Océan. Encore un peu, et elle serait complètement démise. Eva gémit légèrement, trop fatiguée pour protester plus violemment. Elle se débattait encore du mieux qu'elle pouvait, mais plus l'attaque durait, plus ses forces la quittaient. La louve ailée battit des ailes faiblement pour tenter de les dégager, sans succès.

Le choc dans la mâchoire de la louve brune la jeta au sol, et la fit rouler dans le sable, recouvrant ses plaies de ces milliers de grains désagréables. Elle piailla, de nouveau, avant de relever faiblement la tête. Son coeur fit un bond dans sa poitrine.

Ajani !

Elle rassembla son courage et rampa derrière lui, cherchant à profiter de sa protection.

De nouveau, elle chercha à déclencher son pouvoir pour baigner les environs d'une vague douce et chaleureuse - sans succès. Elle avait envie de pleurer - de RAGE. COMMENT. Comment pouvait-elle aider les autres si elle ratait systématiquement tout ce qu'elle entreprenait ? Son poil était hérissé, ses crocs légèrement découverts, alors que son corps entier n'était qu'une plaie, une grande partie de ses plumes répandues sur le sol et entre les crocs de la louve de l'Océan. Elle tremblait, de douleur, de colère, par faiblesse, aussi.

Elle n'était plus bonne à rien. Elle ne pouvait même pas aider Ajani qui, de son intervention, venait probablement de lui sauver la vie.

La créature lui fit face sans peur, avec force sifflements et en agitant la collerette qui prolongeait sa mâchoire. Durant un instant, un long, très long instant, il eut l'impression que parler à cette chose avait été chose vaine. Elle ne parut absolument pas réagir à ses paroles, mais seulement faire montre d'une colère animale face à ce loup qui avait interrompu sa chasse. Les muscles de l'Oracle se tendirent un peu plus, alors qu'il se préparait à bondir, esquiver, riposter, n'importe quoi qui empêche la bête en face de lui d'atteindre Eva. Ses oreilles avaient disparu dans sa chevelure épaisse, ses griffes étaient fichées dans le sol à demi-meuble de la plage, ses pattes éclaboussées d'eau salie, de sable, de sang. Il suivait la créature du regard, sans bouger, guettant chacun de ses souples mouvements. Il avait la certitude qu'elle serait bien plus rapide que lui en combat, aussi si elle attaquait il devrait se montrer calme et savoir frapper au bon moment. Il n'aurait peut-être pas de seconde chance.

Mais alors qu'il était prêt à l'assaut qui ne tarderait plus, deux choses eurent lieu simultanément. La part de son cerveau qui détaillait en arrière-plan l'apparence de cette créature pour tenter, malgré l'urgence de la situation qui utilisait la majorité de ses ressources, de comprendre cette impression de familiarité fit soudain surgir devant ses yeux un visage familier, des détails impossibles à ne pas reconnaître. Et la bête s'apaisa soudain, prenant une allure plus détendue, avant d'articuler... Son nom. Il attendit un instant avant de relâcher légèrement la tension qui l'habitait. Il demeurait sur le qui-vive, mais une partie de lui-même, en reconnaissant à qui il avait affaire, n'en avait plus si peur. L'autre lui martelait qu'Eva était salement amoché, mais disons que ses chances que la situation tourne plutôt bien venaient de considérablement s'améliorer. Il redressa légèrement la tête et son échine s'aplatit à nouveau.

"Safran ?" Lança-t-il d'un ton rauque.

La tension l'empêchait d'exprimer complètement l'étonnement qui l'envahissait, face à cette rencontre pour le moins... Inattendue. Sa grande soeur était morte bien des années auparavant, tuée par un loup du continent, emportée par l'Océan à jamais. Visiblement, à jamais était une notion très relative. Il brassa l'air de sa queue, une fois, involontaire signe du trouble profond qui s'emparait de lui. Dans son esprit se mélangeaient des pensées et des émotions trop variées pour cohabiter correctement. Les deux principales étant : Safran n'était pas morte. Elle venait d'essayer de tuer Eva. La première lui aurait sans doute procuré une forme de joie si elle n'avait pas été intrinsèquement liée à la seconde.

"Toi tu as bien changé." Ajouta-t-il. "Et pas uniquement en bien... Pourquoi tu l'as attaquée ?"

Elle avait ouvert la voie à la discussion, il s'y engouffrait avec espoir.

Ses membres tremblaient. Sa respiration était sifflante, ses griffes malaxaient compulsivement le sable fin, se raccrochant à la moindre chose qui passait. Eva souffrait. Au delà de ses blessures, qui l'avaient mise à mal, elle avait perdu beaucoup de sang. La douleur pulsant par vague sur son corps et sous son crâne, et tout commençait à devenir très difficile. Sa vue se troublait légèrement, l'empêchant de bien discerner ce qu'il se passait, autre que le fait que les deux loups semblaient se connaître, et qu'ils conversaient maintenant tranquillement. A vrai dire, ça n'évoqua pas grand chose à Eva, qui à cette heure s'en fichait comme de sa première guigne. Elle n'était plus en train de se faire massacrer, c'était déjà pas mal. Mais sa vue se troublait de plus en plus, ses oreilles sifflaient. Elle était bien trop faible pour tenter, une fois de plus, d'utiliser le pouvoir de la Corneille.

De ses pattes, elle s'écroula finalement sur le sol, perdant les dernière miette de fierté qu'il lui restait. Elle ne saisit que quelques mots, proclamés par...Safran.

Tu me dois une proie, Ajani.

Comme s'il lui devait réellement quelque chose. Comme si elle avait le droit de demander quoi que ce soit. Eva eut un grondement sourd, réflexe, qui naissait au fond de sa gorge et s'écoulait comme un filet de sang sur la plage. Les oreilles plaquées contre son crâne, les yeux brillants, Eva n'avait que la force d'afficher son mécontentement.

Et sa vue, se troublait, se bordait de noir, s'assombrissait et tel un linceul la recouvrait, alors que les mots et même les sons lui échappaient.

Non ! Tu ne peux pas t'évanouir, pas comme ça, pas maintenant !

Mais ses dernières forces l'avaient abandonné quand elle avait sollicité son glowstick.

C'était trop tard.

Elle s'écroula sur la plage, dans ses fluides vitaux, dans un dernier soupir.