Au coeur du silence [feat. Sobieski]

Hayndriel entendit des bruits de pas, et dressa les oreilles, quelqu’un venait. Pour la gronder ou l’aider ? ça elle n’en savait rien. Mais dans les deux cas, au moins, elle pourrait demander un coup de patte. Il se mit à crier et Hayndriel renfonça sa tête entre ses omoplates en plaquant les oreilles en arrière. Pourquoi hurlait-il ainsi ? Surtout pour lui proposer son aide, ça n’avait pas de sens. Elle redressa lentement les oreilles elle perçu ses mouvements et comprit qu’il commençait à ranger. Tatonnant le sol pour ramasser, et suivant ses mouvements pour ranger les affaire correctement.

Mais tout de même ça la perturbait, surtout qu’ils étaient dans la bibliothèque. Etait-il handicapé comme elle ? Elle se le demanda, mais quel handicap… Pourquoi avoir crier ? Elle se mise à réfléchir, songeant finalement à un manque d’ouïe, s’il n’entendant pas autrui, peut être qu’il n’entendait pas sa propre voix, d’où le fait qu’il crie. Il serait donc sourd ? La louve remuant nerveusement la queue, elle ne sentait pas d’animosité ou de méchanceté émaner du loup, il ne devait donc pas avoir crier par colère ou méchanceté. Elle hésita une seconde, cherchant ses oreilles en suivant le bruit du souffle du mâle, arrêtant sa truffe à quelques centimètres à peine des oreilles du mâle.

« Merci ! Vous entendez mal ? »

Lança-t-elle d’une voix forte et claire, espérant que si il était réellement sourd, il ne le soit pas complètement et qu’il est entendu son remerciement. Elle retira sa truffe de son oreille, détournant la tête, un peu gênée d’avoir osée, mais elle n’avait pas su comment faire autrement. Elle aimerait lui parler, mais comment faire si il n’entendait pas et elle ne pouvait voir ? Elle attendit une réponse, quelque chose confirmant qu’elle avait raison pour savoir comment agir avec lui ensuite. Espérant aussi ne pas l’avoir mit en colère à cause de son bazar et de ce qu’elle avait osé faire.

Hayndriel essayait de comprendre, ça avait toujours été très difficile pour la non voyante de saisir ce que faisait les voyants. Elle remuait lentement son épaisse queue, quand même ravie qu’on l’aide sans lui dire que c’est mal d’être si maladroite, ou qu’on se moque de sa personne. Elle avait voulu lui poser une question, mais il avait tourné la tête trop vite, et si elle n’avait pas reculé sous la surprise, ils se seraient retrouvés truffe contre truffe. Elle agita les oreilles avant de les mettre en arrière. Elle poussa un sourire en étirant un sourire amusé, il n’avait pas compris, mais ce n’était pas grave.

Elle agita sa patte, lui faisant signe que ça n’était pas ça question. Mais pouffant à ses paroles quand même. Il était drôle quand même, surtout avec sa fin de phrase, ça ne voulait rien dire, mais elle l’imaginait plutôt joyeux, et c’était agréable. Puis il y eut un silence, assez pesant aux yeux d’Hayndriel qui avait finit par s’asseoir, ne sachant ni quoi dire, ni même quoi faire. Quand il cria qu’il était sourd Hayndriel hocha la tête faisant signe qu’elle avait comprit, approchant son visage de lui.

« D’ACCORD ! MOI JE SUIS AVEUGLE ! »

Lui cria-t-elle pourtant très sérieuse, histoire que tout soit clair entre eux. Sinon ça risquait de devenir particulièrement difficile.

« MERCI POUR TON AIDE ! »

Puis à sa demande sur une éventuelle aide, Hayndriel se sentit très gênée. En fait elle ne cherchait rien de particulier. Juste cette atmosphère qu’elle appréciait. Elle rabattit sa queue contre ses pattes. Avant de prendre une inspiration.

« JE CHERCHE RIEN DE PARTICULIER ! JUSTE A APPRENDRE ET ECOUTER DES HISTOIRES ! »

Déclara-t-elle au mâle. Elle qui n’avait pas l’habitude d’élever la voix, c’était un exercice pour elle de parler assez fort pour être suffisamment audible pour le mâle. Elle prenait aussi la peine de bien articuler, comme ça, si lui est un voyant, il pourra peut être comprendre ces mots au mouvement de ses babines.

« JE SAIS QUE C’EST BIZARRE POUR UNE AVEUGLE, MAIS J’ADORE ENTENDRE DES HISTOIRES ! »

Oui elle adorait ça, parce qu’elle pouvait se les imaginer. Le monde qu’elle avait dans la tête ne ressemblait pas aux leurs. Mais elle aimait y mettre des choses que les loups lui comptaient. C’était tellement agréable, fantastique, presque magique à ses yeux. Elle se mit à remuer un peu la queue, juste la pointe qui s’agitait joyeusement. Espérant ne pas être trop étrange non plus aux yeux du mâle.

Hayndriel dressa les oreilles, sentant une gêne entre elle et le mâle. Sans doute c’était-elle trop rapprochée. C’est comme ça du moins qu’elle analysa la chose. Elle recula alors, détourna la tête, un peu mal à l’aise. Comment devait-elle s’y prendre avec un sourd ? La question lui paraissait difficile. Mais elle tenait à apprendre, à comprendre, et retenir. Elle ne voulait pas déranger, surtout, elle ne voulait pas être source de problème et d’encombrement. En entendant la question du loup elle secoua négativement la tête. Prenant une inspiration et se décidant à tenter une autre approche … chuchoter.

« Non… je suis née comme ça. Je n’ai jamais vu la lumière. »

Oh elle n’en était pas triste. C’était ainsi après tout. Et pas autrement. Il n’y avait rien à faire, c’était la vie qui avait voulu cela. Et elle ne s’en plaignait pas. Elle se contentait de gardait un jolie sourire, et d’aider à son niveau. C’est tout ce qu’elle voulait, et pouvait aussi. Elle n’était pas sûr d’être une grande aide, ni d’une très grande utilité. Mais elle faisait de son mieux pour le bien de tous. Elle suivait les enseignements de Raison, tentait d’aider autrui, et de s’occuper de ses congénères. Elle était assez moyenne dans tous les domaines, en plus d’être très maladroite. Mais elle se sentait tellement heureuse lorsqu’on avait besoin d’elle. Cette joie là était indéfinissable.

En l’entendant dire qu’il allait lui en raconter une, la femelle dressa les oreilles. Hayndriel étira un sourire tendre alors que sa queue s’agitait joyeusement dans son dos. Ce loup là était vraiment gentil. C’est ce qu’elle pensa en l’observant. Il était bienveillant en plus. Elle se sentait plus à son aise que d’habitude. Elle hocha la tête, sentant qu’il la touchait sans doute pour lui signifier par où aller. Elle hocha la tête et le suivit avec entrain, repliant bien ses ailes pour éviter de faire tomber autre chose.

« Merci, j’ai hâte d’entendre ton histoire ! »

Elle n’avait pas pu retenir son entrain. Elle l’avait suivit dans un lieu plus chaud, où l’odeur de braise et de fumée doux lui caressèrent la truffe. Elle se permise de s’asseoir ne sachant pas l’espace exacte qu’il y avait, elle l’avait seulement suivit, avant de comprendre qu’elle était assise juste à côté de lui. Elle se sentit couverte d’une couverture chaude et s’enfonça dessous avant de se coucher et de dresser les oreilles, tournant la tête vers lui, l’écoutant.

Le fait qu’il lui décrive autant le lieu, et les odeurs la ravie, elle était certes aveugle, mais elle connaissait les odeurs dont il lui parler, alors elle pu sans mal se les imaginer. Elle leva la truffe et ferma les yeux durant son récit, remuant lentement sa queue sur le sol dans sa tranquillité et sa quiétude, écoutant la voix forte, et pourtant douce du jeune mâle. Quand il affirma qu’elle connaissait tout maintenant, elle rouvrit les yeux et tourna la tête vers lui, humant un peu, elle releva la truffe vers lui.

« Il doit être content ton œuf, d’être autant aimé. Tu seras un peu comme un papa pour ce qui va en sortir, non ? »

Demanda-t-elle, continuant de chuchoter, espérant que cela marche, prenant le temps d’articuler comme il faut. Elle voulait savoir après tout. Elle pencha la tête, se souvenant qu’elle ne s’était pas présentée. Elle mit les oreilles à l’horizontale. Oh mince, elle ne connaissait même pas son interlocuteur. Pourtant ils avaient bien parlé avec naturel, et sans crainte, elle pouffa à cette pensée.

« J’ai oubliée de te demander comment tu t’appelles. Moi, c’est Hayndriel »

Lui dit-elle toujours en chuchotant avant de sourire doucement.

« J’ai adoré ton histoire… »

Le calme ambiant était terriblement apaisant pour Hayndriel, ça la reposait, et la déconnectait de l’agressivité et du bruit extérieure. Pour l’aveugle, c’était comme une pause, un instant entre parenthèse en quelques sortes. La femelle sombre ne se plaignait jamais de son état d’aveugle, elle se sentait seulement honteuse, mal à l’aise d’être incapable de voir, et parfois incapable de venir en aide aux autres. Elle voulait se rendre utile, mais était sans doute souvent plus une gêne qu’un soutient.

Heureux grâce à ça ? On ne peut pas grandir sans amour, sans affection, c’est ce que la louve pensait. Alors elle était convaincue que le protéger du loup était heureux. Un ami qui veille sur lui. Elle aimerait bien avoir un ami qui veille sur elle, elle aussi. Mais elle ne pouvait pas demander cela, c’était égoiste, et indigne d’elle. Elle agita doucement les oreilles, toujours souriante. C’était si agréable d’avoir passer ce temps avec lui.

La femelle elle, souhaitait avoir des enfants, même si elle les adoptait. Elle adorait s’occuper des petits, c’était intéressant, doux, et tendre à la fois. C’était tellement agréable. Mais elle n’enviait pas le loup. Un œuf était une chose qui ne faisait pas de bruit, alors elle risquait de le perdre, ou de le casser, voir de marcher dessus. Tant de choses qui auraient pu détruire ce précieux trésor.

A l’entente de son prénom elle plissa la truffe. Cherchant le prénom complet du loup. Elle l’avait peut être entendu dans les loups. Mais non, tant pis. La louve s’était présentée, car ça lui semblait important. Puis ça restait un loup de sa meute, elle voulait pouvoir le reconnaitre, et qu’il la connaisse aussi. Agitant doucement sa longue queue, la femelle mit les oreilles en arrières, les agitant alors qu’elle réfléchissait encore. Quand il lui demanda si elle avait une histoire à lui raconter, elle sortie de sa réflexion.

« Attend, je réfléchis »

Souffla-t-elle en chuchotant avant de lever la truffe vers le plafond. Elle sentait les flammes réchauffer son pelage, et la ressourcer. Le crépitement et la chaleur étaient agréables. C’était un cocon de douceur et de bien être. Elle n’avait pas toujours connu ces conditions de vie. Elle le savait très bien. Elle avait été ailleurs, elle avait grandit dans la neige, dans le froid, sous la bienveillance d’un loup froid et râleur, mais qui la protégeait quand même… Qui veillait sur elle. Elle étira un sourire immense à se souvenir. Son cœur se réchauffant à la pensée du grand mâle. Elle avait envie de se blottir dans ses pattes, de se réchauffer.

Elle baissa la truffe vers Bibi, les oreilles pointées vers lui. Un sourire aux babines, une lumière de vie et de douceur dans ses yeux pâles et gris. La louve ailée rabattit sa queue contre son corps avant d’ouvrir la bouche, chuchotant son histoire à l’attention du loup.

Elle lui raconta le froid de la neige qui s’accroche aux poils, le bruit du vent qui souffle dans une vallée peuplée d’une petite meute. Une meute tranquille, dont les membres sont de deux familles différentes. Elle lui conta les conflits entre ses grands frères, la douceur tendre et rassurante d’un loup ailé, peut être son père, peut être pas…

Mais elle lui murmura aussi la colère d’un loup qui restait souvent prêt d’elle. Cette colère froide et sourde de l’Alpha qui grondait contre une femelle. Une femelle qui la voulait elle, alors qu’elle n’était qu’une petite boule de poils de tout juste huit mois. Elle lui raconta la peur qui l’avait tétanisé, les crics qui l’avaient empêché de réfléchir, de comprendre, et l’avait poussé à se couper de tout. Elle lui raconta que soudain elle avait dû sortir la tête de l’eau, que trempée, elle avait rejoint une plage, et c’était mise à chercher ceux qu’elle aime comme une âme en peine, avant qu’enfin elle entende une voix. Un loup doux, tendre, et bienveillant, un père qu’elle n’avait jamais eus… Raison. Elle lui avait conté sa rencontre avec le loup qui lui servait de père. Elle agita les oreilles, espérant qu’elle racontait aussi bien que lui, avant d’étirer ses pattes avant en écartant un peu ses doigts.

« D’ailleurs… Il sera temps pour moi de rentrer, Raison s’inquiète quand je tarde, comme je suis aveugle, il craint toujours que je me perdes ou me fasses attaquer. »

C’était un stressé pour sa fille Raison, mais ça la touchait quand elle sentait son inquiétude. Elle se sentait aimé, et ça lui faisait tellement de bien. Qu’elle se sentait mieux à chaque fois. Il savait faire partir ses craintes et ses peurs.