Le courage parti, demeure la peur | Ortie, Annette

Au Grand Castel, l'ambiance était électrique, et une effervescence sans précédent régnait dans tous les couloirs, toutes les cours, toutes les grottes. Pour la première fois depuis le début des offensives menées contre eux, la décision de répliquer avait été prise. A l'aube, les Alphas mèneraient leurs guerriers aux portes des Raeders, qui avaient eu le culot d'enlever à sa mère l'un des petits de Bamboo. C'était la goutte d'eau qui avait fait déborder un vase déjà bien trop plein, provoquant un véritable tsunami en le faisant se renverser. Chacun se préparait, les guérisseurs s'affairaient à vérifier leurs réserves et concocter des remèdes et bandages, les combattants discutaient stratégie d'approche, technique de combats, les apprentis avaient les yeux brillants à l'idée de participer à leur première bataille. Ils avaient été formés pour cela après tout, même si pour certains il ne s'agissait que d'un rêve car ils étaient trop jeunes pour être emmenés.
Et au milieu de tout ça errait une silhouette aux yeux bleus et emplis de panique.

Tous les loups de la meute paraissaient être devenu des ombres qui se mouvaient sans cesse autour de lui, alors qu'il arpentait le castel à la recherche de quelqu'un de familier. Sa soeur, sa mère, même son père pourquoi pas. Mais tous étaient occupés, trop occupés et surtout trop introuvables. Les yeux au coin desquels brillaient des larmes parcouraient fébrilement les groupes de loups, alors qu'Elvazio se faufilait aussi discrètement que possible un peu partout. Quelques instants plus tôt, son grand frère Godric était venu le trouver. Il était dans une grande hâte, et il lui avait dit qu'il devait partir. Face à un loup si imposant et envers lequel il éprouvait tant d'admiration et de respect, le petit loup chocolat n'avait su que répondre. Alors son grand frère avait décroché la broche qui retenait sa lourde cape et l'avait déposée devant lui, en lui disant de la garder précieusement. Ce geste avait plongé l'esprit d'Elvazio dans une profonde angoisse, et sa gorge serrée n'avait pu laisser échapper un mot alors que Godric s'en allait.
Comme s'il ne reviendrait jamais.

Pris de panique, il avait attrapé la broche et s'était mis en quête de quelqu'un qu'il connaissait, mais sans trouver personne. Il se sentait écrasé par la peur et la solitude, les pattes tremblantes et les mâchoires serrées autour de la broche de chevalier. Les pupilles agrandies par l'angoisse, il se mit à trottiner en poussant des petits jappements étouffés, mais auxquels personne ne prêta trop d'intérêt. Il finit par se retrouver dans une grotte vite, et ne put retenir un sanglot de secouer ses frêles épaules, alors qu'il laissait tomber la broche devant lui. Il ne savait pas quoi faire, qui aller voir. Godric n'avait pas le droit de s'en aller tout seul, ses parents étaient occupés, sa soeur introuvable. Et ses pensées embrouillées tournaient en rond au rythme de sa respiration saccadée.

Il sursauta lorsqu'une voix jaillit derrière lui, depuis l'entrée de la grotte, et se retourna d'un bond. La nouvelle venue n'était autre qu'Ortie, la louve grise un peu vulgaire qui avait à peu près son âge et qui contrairement à nombre de ses camarades ne paraissait toujours pas décidée à avoir son pic de croissance. Si lui était un gringalet dégingandé et haut sur pattes, elle était petite et compacte, une boule de poils à l'allure féroce qui se tenait face à l'entrée de la grotte. La gorge serrée pour ne pas laisser échapper d'autre sanglots, il ne lui répondit pas alors qu'elle s'avançait vers lui. Elle parla, vite, et il ne réalisa pas exactement ce qu'elle disait. Même si elle n'était pas tout à fait le loup qu'il cherchait... Il devait bien avouer qu'il était rassurant de voir une figure familière. Il accrocha donc ses prunelles remplies de larmes aux yeux acérés de la louve grise, et saisit à peine la fin de sa phrase. ... taper sur des pirates aussi ! Il n'avait pas entendu le début, alors la panique revint. Il ne savait pas quoi répondre, il ne savait pas quoi faire, bon sang mais où étaient sa mère et sa soeur ?

Lorsqu'elle vint s'asseoir à côté de lui, en lui demandant une fois de plus si ça n'allait pas, le contact léger de leurs épaules brisa l'espèce de tétanie dans laquelle il était maintenu, et il s'effondra. Ses épaules et son cou s'affaissèrent, et il répondit d'une voix hachée :

"C'est... C'est mon frère Godric, il est... Il est parti... Il est parti comme s'il n'allait jamais... Et je... je ne sais pas qui.... Il m'a donné ça, je... Je ne sais pas quoi faire Ortie."

Sa voix se brisa sur les derniers mots, alors qu'il était secoué d'un sanglot, son petit coeur battant comme un oiseau affolé entre ses côtes. Sa respiration était haletante.

"Personne... Personne ne me voit... je ne trouve pas ma famille pour... leur dire..."

Il s'accrocha à la voix de la louve, qui était bien plus posée et assurée que la sienne. Elle créait une ligne à suivre dans la confusion qui faisait tourbillonner ses pensées. Sa gorge se serra à la première remarque qu'elle fit, parce que trouver des grands c'était ce qu'il cherchait à faire depuis un long moment déjà... Mais en vain. Personne ne le remarquait, tout le monde lui disait qu'il était occupé ou ne daignait même pas lui répondre. Il pouvait comprendre, un peu, il n'était qu'un louveteau paniqué durant l'effervescence de la préparation à une bataille. Ca faisait peur aux enfants les batailles, alors c'était aux nourrices de s'en occuper, pas aux guerriers. Il se força à inspirer pour desserrer sa gorge nouée.

Il vit Ortie se pencher sur la croix de Godric, et soudain se redresser en proposant d'aller directement voir Annette. Il était vrai que c'était le mentor de son aîné. Et elle était aussi l'alpha. Elle saurait sans aucun doute quoi faire, mais jamais il n'aurait osé seul aller déranger les plus hautes instances du clan. Elles devaient sans nul doute être occupées à organiser, avec Pepper, le déroulement du lendemain. Mais peut-être... Peut-être qu'elle aurait quelques instants à leur consacrer. Après tout, c'était son élève qui était parti sans dire pourquoi, simplement en disant au-revoir et en lui laissant sa broche. Comme s'il ne reviendrait jamais.
Cette pensée était lancinante, angoissante.
Comme s'il ne reviendrait jamais.

Il ne put répondre et hocha la tête, s'efforçant d'adresser à Ortie un petit sourire de remerciement. Il attrapa à nouveau la broche entre ses babines et tous deux s'aventurèrent dans le camp, à la recherche de l'alpha. La compagnie de la petite louve grise donnait à Elvazio un peu plus de courage, et il renifla pour essayer de chasser les sanglots qui lui secouaient encore les épaules. Bientôt, la haute silhouette de l'alpha se détacha par-dessus le reste des loups actifs, et il bondit vers elle avec un jappement étouffé, la broche entre les crocs.

Il ne se passait plus vraiment une seconde sans que son cerveau ne réfléchisse à rien. Ses pensées avaient été tournées à élaborer plusieurs plans d'attaque, ou de défense. Jusqu'ici, elle préférait ceux de défense, surtout vis à vis des intentions de Pepper pour plus tard. La formation ronde l'emportait dans sa tête.
Mais elle se vit coupée de tout cela.
Un autre drame se jouait.

Elle eu à peine le temps d'apercevoir la silhouette marron et rouge quand elle bondit vers elle. Elle se retourna précipitamment pour l’accueillir et en être en face. Elle reconnut finalement Elvazio, né de l'union de Nachos et Athelstan. Elle n'avait toujours pas compris comment ces deux là avaient réussis à se rapprocher, mais cela n'importait pas. Ce qui importait était le son qu'il venait de produire, ce qu'il avait à la gueule, et l'arrivé en trombe d'Ortie.
Qui l'informa de la situation.
Elvazio avait bel et bien la broche dans la gueule.

Anette sentit son cœur se fendre un peu, le petit chevalier en qui elle avait vu un beau potentiel avait donc disparu à son tour. Pas kidnappé, au moins, cela semblait être un départ volontaire pour avoir laissé sa broche. Quelle idée avait-il eu en tête ? Dans tous les sens de la question, elle questionnait la sûreté de cette décision mais se demandait également aussi quel objectif il avait voulu accomplir. Elle décida de fermer son cœur cependant, pour le bien des deux jeunes devant elle. Et surtout pour le jeune Elvazio qui était en détresse.

Elle se pencha vers eux et délicatement, tendit une patte pour récupérer la broche et la poser par terre. Il lui faudrait la bouche du jeune libérée pour pouvoir communiquer avec lui. Elle ne s'empressa pas et articula chaque syllabe de ce qui vint

"Ça va aller, on va tenter de le retrouver." Promit-elle.

Elle posa une patte sur l'épaule d'Elvazio, loin d'y mettre tout le poids de celle-ci. Son regard dans le sien, cherchait dans les pupilles bleues du jeune blond.

"As-t-il dit quoi que ce soit ?"

Toute information serait bonne à prendre.

Un miracle se produisit : cette fois-ci, l'adulte en question ne les envoya pas paître. Peut-être était-ce la présence d'Ortie à ses côtés, qui lui avait donné une meilleure aura - après tout, la petite louve grise, si elle ne grandissait pas, savait comment s'imposer et manifester sa présence. Annette se retourna vers eux, et après avoir écouté les mots d'Ortie, tendit une patte pour s'emparer de la broche, qu'il lui céda sans résister. Ses yeux brillants de larmes suivirent la trajectoire du bijou jusqu'à ce qu'elle ne le pose au sol, et finirent par remonter à la rencontre des prunelles noires de l'alpha. Qui fit exactement ce qu'il fallait. Comme Ortie, elle ne fit pas montre de la moindre panique, mais d'un calme rassurant qui fonctionnait très bien sur le jeune loup effarouché.

Il lui fallut inspirer plusieurs fois, chassant la panique qui s'était emparé de lui, avant de réussir à prononcer une phrase complète sans trop de heurts.

"Il... Il a dit qu'il devait partir, et que je devais garder sa broche... La garder précieusement..."

Il déglutit et renifla, s'accrochant au regard et à l'air assuré de leur cheffe, à la présence tout près de lui d'Ortie, à la patte de la grande louve posée sur son épaule. Ses parents faisaient très peu preuve d'affection envers lui - enfin, Nachos un peu, à sa manière, mais Athelstan était très distant - et ce simple geste signifiait beaucoup pour lui. Il planait dans son coeur une sorte de solitude lorsqu'il était séparée de celle avec qui il passait beaucoup de temps : sa jumelle. Alors l'impression d'être un peu entouré était précieuse, si précieuse à cet instant.

"Il ne reviendra pas, n'est-ce pas ?" Souffla-t-il, la voix blanche, les sanglots menaçants.

Garder la broche.
Il ne reviendra pas, n'est-ce pas ?

Ortie essayait de rassurer Elvazio avec quelques lèches, et Anette elle ne pouvait que désespérément accrocher son regard à celui si bleu du jeune aux portes de l'adolescence. Que cette phrase faisait mal. Elle perçait droit au travers de la carapace qu'elle avait forgé pour montrer un visage stable et assuré aux deux jeunes. Quand la jeune grise recula et sembla les laisser entre eux, elle n'eu pas l'envie de la retenir. Elle ne la suivit pas non plus vraiment des yeux filer à ses occupations.
Il restait simplement le regard et la phrase d'Elvazio qui la hantaient.

À la place de lui réaffirmer quoi que ce soit, elle choisit l'option des geste. Elle s'avança un peu des trois pattes qui lui restait, juste pour s'approcher de l'enfant et s'assit. Une pression sur l'épaule où elle avait posé sa patte pour le rapprocher et enfin elle l'entoura. Une étreinte qu'elle espérait rassurant, aussi tristement stratégique pour cacher la propre inquiétude de son visage.
Et les souvenirs du premier enfant volé.
Du second.
Des vies prises avant cela.

Tant de drames.
Paupières closes, distillant sa chaleur vers le jeune loup chocolat, elle se fit juste cocon d'un instant pour qu'il puisse écouler sa propre peine d'abord. Il en avait besoin, estimait-elle. Il venait de voir son frère le quitter.

"Laisses-toi aller, ne t'en fais pas, nous sommes là."

Un murmure.

Le geste d'Ortie lui réchauffa le coeur, et il aurait sans doute été amusé par son excuse bafouillée lorsqu'elle quitta les lieux. Mais à la place, toute son attention fut focalisée sur la chose étrange qui se passa. Après avoir erré dans le Castel en se sentant plus seul et abandonné que jamais, voilà que l'Alpha elle-même l'attirait entre ses pattes pour l'étreindre affectueusement. Il ne résista pas. Il aimait les contacts, il aurait tant aimé avoir plus de grands dans sa vie pour le rassurer et le réconforter. Il savait qu'il n'était pas toujours à la hauteur de ce qu'on attendait de lui, mais si certains s'accrochaient à ce rêve de devenir l'Etelkru idéal et y puisaient leur force, lui n'y attachait qu'une crainte grandissante. Cela ne le rendait pas fier ou ne lui donnait pas d'espoir lorsque ses parents lui disaient qu'il pouvait devenir un guerrier, devenir un combattant, ou un protecteur de la meute. Cela lui serrait le coeur d'une angoisse viscérale. Parfois il voulait simplement qu'ils fassent ce qu'Anette venait de faire spontanément, elle la cheffe à la silhouette massive et à l'aura majestueuse, elle qui n'avait aucun lien avec lui si ce n'était l'attachement qu'elle avait peut-être pour son père - mais tout le monde aimait bien son père -, elle qui avait pris comme apprenti celui qui serait à jamais un idéal inatteignable : le serrer contre elle, sans rien demander en retour, dans un geste simple et doux.

Il se laissa aller contre son large poitrail, sentant monter une nouvelle vague d'émotions. La broche cliqueta lorsqu'il la bouscula sans le faire exprès pour se blottir dans le pelage court de l'alpha, ses maigres épaules secouées par des sanglots silencieux. Il chassa la part de lui qui lui hurlait qu'il ne fallait pas pleurer devant elle, surtout pas. Elle incarnait tout ce qu'il ne serait jamais, ce serait une si grande honte si ses parents apprenaient qu'elle avait dû le consoler. Mais il n'en avait cure. Il n'éprouvait à son égard, en cet instant, qu'une profonde gratitude. Il avait l'impression d'exister un peu plus que d'ordinaire, que quelqu'un regardait dans sa direction. L'angoisse resta, mais la panique finit par refluer, à force de renifler. Son visage était caché par les mèches rougeoyantes de sa tignasse épaisse, qui se mêlaient au pelage crème d’Anette, et il dut incliner le cou pour essuyer ses larmes d'un coup de patte. Un geste à l'utilité douteuse, car elles continuaient d'emplir ses grands yeux bleus, mais qui montrait au moins qu'il tentait de chasser un peu le chagrin.

"Qu'est-ce que... je dois faire ?" Murmura-t-il, la voix cassée, sans quitter cette étreinte qui était comme un saut hors de la froide réalité.

Il coula finalement de tristesse contre elle.
Elle écouta ses larmes, chercha ce qu'il n'y disait pas ; elle ne l'avait encore jamais vu pleurer. L'avait-elle déjà seulement entendu éclater d'un rire à en disperser les notes dans tout le castel ? L'avait-elle déjà vu vivre pleinement ? Il lui fit penser à Désastre. Elle sentit soudainement que ces sanglots étaient le reflets de la tristesse certes, mais aussi de la peur et d'une retenue. Enfermés dans un coffre-fort à double tour, qui désormais débordait, craquait de tous côtés.

Que devait-il faire ?
Elle aurait bien employé la métaphore du coffre. Elle aurait bien essayé de lui raconter des histoires pour qu'il comprenne et se projette ; mais elles n'auraient été sur mesure. Plutôt accablantes à tenter de suivre. Trop obscures ! Dans toute cette pagaille s'illuminait un sentiment de perte, aussi bien d'un être que d'où se diriger. Il n'aurait posé telle question autrement. Il n'y avait qu'un seul conseil qui aurait du sens. Du moins espérait-elle qu'il en aurait.

"Vis. Soit toi-même."

Elle se détacha et l'observa à sa hauteur, sécha les larmes de sa joue à son tour.

"Les victorieux ne sont pas ceux qui n'échouent jamais, mais ceux qui persévèrent dans leurs combats, quels qu'ils soient. La force ne passe pas qu'au travers du corps... elle réside aussi dans l'esprit."

Elle sourit. "Quelle que soit la voie que tu prends, continue juste de l'aimer et deviens la version de toi que tu désires. Je ne pense pas qu'il aurait voulu quoi que ce soit d'autre."

Elle le reprit contre elle.

"Je ne voudrais moi-même pas quoi que ce soit d'autre."

Ses prunelles s'accrochèrent à ceux de l'alpha lorsqu'elle pencha la tête pour être à sa hauteur, alors qu'il buvait ses paroles jusqu'à s'y noyer. Comme si elle avait lue à travers son chagrin la peine plus grande qui l'habitait. la disparition de Godric avait été le choc suffisant pour ébranler toutes les maigres fondations sur lesquelles il tenait ces derniers temps. la respiration saccadée, il grava chacun de ces mots dans son esprit. Comme il aurait aimé que'une figure plus familière lui dise, et comme il était bon à la fois de se l'entendre dire, au moins une fois dans sa vie. Sa jeunesse se dessinait comme un complexe puzzle, une série énigmatiques d'événements auxquels il aurait à faire face pour se trouver une place dans cette meute où il ne se reconnaissait pas. Les paroles de l'alpha résonneraient souvent en lui, lorsqu'il toucherait le fond. La rencontre avec Ely lui avait suggéré un objectif, cette épreuve-là et les mots d'Anette lui apprenaient à ne pas rester en bas, à relever le menton. Ce serait bien plus difficile qu'il ne l'imaginait, mais à cet instant il y croyait, il était forcé d'y croire.

Lorsqu'elle l'étreignit de nouveau, il portait toujours une lourde peine, il avait toujours la gorge serrée par le chagrin - il demeurait un loup sensible, et le départ de Godric l'attristerait toujours autant en y repensant - mais il avait la sensation infime que les choses pouvaient s'arranger. Il finit par lancer, la voix un peu moins hâchée :

"Je ne vais pas le décevoir si je ne deviens pas... comme lui ?"

Décevoir ce frère disparu, bien-sûr, mais également ce père qui se trouvait au-dessus de lui. Sa mère, qui avait été loup avant louve, et un féroce guerrier. Ce clan tout entier, qui attendait de ses jeunes loups qu'il deviennent forts et tempétueux. Ce monde qui, il en avait la triste impression, n'était pas fait pour les loups aussi faibles que lui.

C'était une question ardue.
Elle était certaine que le jeune ex-apprenti en lequel elle avait vu du potentiel, dans sa douceur notamment envers Mildred, n'aurait pas voulu qu'Elvazio soit triste. Mais aurait-il été déçu de voir celui qui n'avait jamais été d'autre que son frère et pas demi, prendre un autre chemin ? Et si le jeune en face d'elle à ce moment là, décidait un jour de s'en aller du clan, devenir solitaire ou autre chose ? Serait-elle elle, déçue ? Anette n'avait jamais aimé mentir, et ne se mentirait pas à elle-même. Elle le serait sans doutes. Pourtant elle savait qu'au-delà de tous ces sentiments, la déception n'était pas associée au choix mais plus au manque de confiance. Avec une désertion sans mot, ou mise devant les faits accomplis comme par le passé avec Pepper, c'était de n'avoir été dans la confidence des intentions qui avait brûlé le cœur. S'ajoutait aussi, comme ce qu'il se passait avec Godric, la peur des événements potentiels.

Si elle estimait que le jeune disparut aurait juste voulu ce qu'il y avait de mieux pour sa famille, et partait du principe certes osé qu'il aurait réagit comme la plupart donc comme elle... Alors elle trouvait une réponse dans cette réflexion. Une réponse malgré tout compliquée, qui n'était pas évidente à appliquer, mais qui comportait malgré tout beaucoup de réconfort à ses yeux.

"Il ne me semble pas. Devenir toi-même signifie que tu seras forcément unique et de prndre tes propres décisions. Ne pas décevoir les autres demande de maintenir le dialogue ouvert. C'est à la fois difficile et pourtant la chose la plus évidente au monde."

Elle rejoua le même scénario de se décoller assez pour l'observer dans les yeux. Presque plus crucial qu'avant, ce contact visuel lui permettrait de lui montrer son propre visage : ses traits tirés de sérieux, ses sourcils froncés d'un accord tacite.

"Si un jour tu ressens quelconque besoin pour toi, pour ton développement : parles-en. Dis-le, explique-le, et fais-le. Mais transmet tes désirs."

Elle sourit, mais restait déterminée.

"Promis ?"