Forgotten Kiss ♖ Leikn

N’étais-ce pas là ta plus grosse faiblesse, Leikn ? Le regret ? Celui d’avoir laissé un semblant de vie derrière toi, celui d’être partie sans prévenir… Tu l’avais adopté ce comportement que certains jugeraient de lâche.

La réunion.

C’était cela qui avait ramené Leikn à la raison, au monde réel. Le fait de savoir que tous seraient réunis une dernière fois, pour décider de leur sort. Aucun échappatoire n’aurait été possible. Mais maintenant que le champion de Mido avait été vaincu, maintenant que tout s’étaient réunis une dernière fois, que restait-il ? Qu’étaient-ils devenus ? Rien de plus que des loups errants, des âmes solitaires, vagabondants. Les Lazulis n’étaient plus. Le concept de solitaire était bien abstrait dorénavant… Quand bien même la meute n’existait plus, il n’en demeuraient pas moins fidèles à leurs dieux. Au fond, c’était tout ce qui leur restait. La foi.

Les galeries sont biens vides dorénavant. La longue cape de la Licorne traîna sur le sol, cette cape retravaillée durant son absence. L’absence de la louve lui avait semblé durer que quelques jours, mais force était de constater que non. Plus rien n’était et ne serait comme avant. Leikn avança avec une certaine nostalgie, passant dans les cavernes sans ne plus y retrouver quiconque. Puis vint celle où il y a peu encore, elle menait une vie normale au côté du Bélier.

La louve se stoppa nette, le regard perdu dans le vague, alors que des larmes silencieuses vinrent creuser les poils de ses joues. Pourquoi étais-ce si facile de dire bonjour, et si difficile de dire au revoir ? Pourquoi ? Le voir à la réunion fut bien plus dur que ce à quoi Leikn s’était attendu, pour la simple et bonne raison que jamais ses sentiments ne s’étaient éteints. Parce qu’il avait été sa bonne étoile, celui qui lui avait offert tant de bonheur, ce bonheur qui lui avait permit de garder la tête hors de l’eau. Sa truffe frôle le sol, alors qu’elle vint serrer les crocs. Maintenant, il devait la détester. Elle qui l’avait laissé derrière, l’avait négligé, avait piétiné son amour.

Quelle garce elle avait été.

La Licorne ne trembla pas. Ni ne protesta en l’entendant grogner. N’étais-ce pas justifié après tout ? Elle qui, n’était devenue plus que l’étrangère ?

C’était ce que tu étais maintenant Leikn, rien de plus que l’étrangère qui avait un jour mené une vie à peu près normale, loin des regrets de sa vie d’antan. Qui en partant avait tout balayé. Encore une fois.

« — … Je… »

La Licorne se redresse, ne sachant que dire. Parce que penser était bien plus facile que de formuler les mots. Leikn le regarde droit dans le yeux, pesant ses mots avec la plus grande des sincérité, parce qu’elle avait déjà trop causé de mal.

« — Je suis désolée. »

Trois petits mots. Trois mots qui ne suffisaient à exprimer à quel point elle regrettait, à quel point elle s’était dégoûtée. Leikn aurait tant voulu ajouter, mais que dire… Que dire lorsque la raison entrait en conflit avec le coeur ? Que dire qui n’aurait pas blessé plus encore Teddy ?

« — Jamais rien, ne pourra effacer ce que je t'ai fais subir, Teddy. »

Que dire qui n’aurait attisé la colère ?

C’était quand même culotté, de se pointer ici, sans même avoir laissé de carte d’adieux. Il en aurait bavé le pauvre Teddy, un véritable ascenseur émotionnel avec tout ce bazar…

Le silence. Il l’exigeait. Un droit légitime après tout. Lui qui ne voudrait sans nul doute ne plus entendre la moindre parole de sa part. Lui qui avait sûrement oublié le son de sa voix depuis ces derniers mois. Lui qui avait sûrement crû la retrouver lors de la réunion avant qu’elle ne se fonde de nouveau dans l’environnement. Leikn n’avait qu’enchaîné déception sur déception à l’égard de Teddy. Rien de bénéfique. Rien d’acceptable. Parce que tout cela était inacceptable. La manière dont-elle l’avait traité… honteuse. Après de belles paroles, voilà que ses choix avaient détruit tout ce qui fut bâti, sans transition.

Teddy s’en retourna s’allonger.

Et la torpeur s’installa dans l’esprit de la Licorne. Parce que la réalité semblait enfin la frapper de plein fouet. Parce que toute décision avait des incidences.

Cela signifiait-il la fin ? N’y aurait-il pas d’après ?

La salive s’accumule dans la gueule de Leikn, qui refoule la pire des douleurs. Celle du coeur. La seule chose que rien ne pouvait soigner.

Sa voix raisonne toutefois, en une demande, une seule.

La Licorne conserva le silence. Parce qu’elle n’avait pas les mots. Parce qu’elle ignorait quoi dire face à cela. Un instant, Leikn se contenta de l’observer, ce Bélier qui paraissait si fatiguée… si vieux. Avait-elle été absente si longtemps ? Longtemps au point de ne point assister à cela ? Au point de pas y prendre part ? La disciple d’Ao se ressaisit, s’approchant doucement de Teddy, non sans une certaine appréhension. Il était le seul qu’elle s’autorisait à toucher, le seul dont-elle était habituée à entendre les murmures, mais cela faisait si longtemps maintenant ? Seraient-il apaisés après tout ce temps ? Leikn cherche à lire les émotions qui traversent le disciple de Moiro, se demandant bien ce à quoi il pensait actuellement.

Qu’aurait-elle dû faire ?

Qu’aurait-elle dû dire ?

Qu’est-ce qu’elle était en mesure de réaliser à partir dans maintenant sans le briser un peu plus ? Rien de plus que de le regarder… Bêtement… comme au premier jour.

Tu le détruis un peu plus, ne le vois-tu pas Leikn ? Ne vois-tu pas que tu le consumes ? Que ta présence ici ne fait qu’attiser la douleur ?

Les mots sont pleins de haine. D’une haine qui surpris la louve.

« — Non… Non ! »

Ils en revenaient toujours au glowstick. Toujours. Lui ne voyait que le mal en lui, alors que Leikn voyait cela comme une balance, un tribut, car on n’avait rien sans rien, n’est-ce pas ? En soignant les autres, n’était-il pas logique que quelqu’un souffre quelque part ? Que quelqu’un hérite de la douleur ?

« — Pour vous… Ça a été toujours été pour vous, afin de vous protéger, afin de pouvoir vous sauvez. »

Afin ne de pouvoir les soigner, de savoir qu’elle pourrait les protéger. Parce que Teddy lui avait la matière rose tellement modulable et que Leikn, elle, pouvait soigner.

Tu n’es pas celle que j’aime.

Les mots lui brisent un peu plus le coeur. Il doit être en mille morceaux ce petit coeur maintenant, hein ? Le pouvoir des mots était bien trop sous-estimé. Les mots pouvait contrôler, les mots pouvaient blesser… voir même tuer. Leikn serre les crocs, ne les retenant plus ces larmes, parce que c’était trop dure. Les murmures raisonnent doucement à ses oreilles, saisissant la moindre opportunité, la moindre chance de vaincre les barrières.

Qui suis-je alors ?

Il était encore instable, Leikn, cet équilibre tu avais trouvé. Le moindre fléchissement te ferait sombrer un peu plus, de cela tu en étais consciente, mais maîtriser tes émotions était chose rude en de pareilles circonstances. Parce que la question raisonnait dans ton esprit. Qui étais-tu ? Celle qui avait a combattu pendant trop longtemps sa nature ? Celle qui avait abandonné sa famille ?

La Licorne baisse la tête, les yeux brillants, sa voix était brisée, comme si chaque mot lui causait une profonde douleur.

« — Tu as raison. Je ne suis plus cette personne, Teddy, parce trop de choses se sont passées pour que je redevienne celle que tu as connu. »

L’intégration à une meute. L’intégration à une famille. L’obtention d’un glowstick. L ‘attaque de Méluciole ou plutôt la barbarie dont-elle avait été victime. Les murmures de Teddy qui s’étaient mués en hurlements. Le monstre qui avait détraqué son esprit. Oui… tant de choses avaient eu lieu, avaient changé la licorne solitaire qui évitait le contact des autres en se camouflant sous diverses matières.

Leikn sourit tristement, sa patte venant se poser sur le joue de Teddy, sans craindre la douleur émanant de lui, parce que la sienne maintenant, elle pouvait la surmonter.

« — Le voyage… Ne s’est jamais terminé. C’est toi la destination finale, depuis le début. »

La louve brisa le contact, en se retournant, se remémorant une dernière fois la vie qui un jour résida dans cette tanière, les enfants, eux…. Tout cela n’était plus désormais. Après tout, il est toujours plus facile de détruire que de créer, et il est toujours plus difficile de s’unir que de se séparer.

« — Même si tu me hais désormais, il me fallait te revoir. »

Même si c’était la dernière fois. Parce que Leikn acceptait le fait qu’il la haïsse, le fait que désormais sa présence ne soit plus désirée.

Parce qu’elle n’était plus rien maintenant.

Nous sommes comme les feux d’artifice. Nous montons, nous brillons, et ensuite à coup sûr nous tombons, séparés et emportés par le vent.

Le cas de Koellya était exceptionnelle, parce que Leikn avait senti que sa vie n’était pas en danger. En revanche, ce jour-là, ce fameux jour, le bon sens avait basculé. Parce que lui, blessé, l’avait poussé dans ses retranchements au moment où son pouvoir n’était absolument pas maîtrisé. Certes, combien d’occasion avait-elle eu pour délaisser ce pouvoir ? Combien de fois avait-elle refusé ? Bien trop de fois…

« — Ça n’avait rien à voir ! Koellya allait survivre, mais toi… Toi quand tu es revenu ce jour-là… Après Méluciole, je ne pouvais pas supporter de vous voir souffrir encore. »

Lui n’a que reproches dans la gueule. Normal, après tout ? Après presque deux ans d’absences, n’étais-ce pas légitime ? La louve se plaça devant Teddy, lui barrant le passage, pour l’empêcher de sortir. Parce qu’elle refusait qu’ils se quittent de la sorte, pas comme ça. La Licorne grogna avec douceur, son expression plus sévère.

« — Tu as tout faux, Fausse Licorne. »

Un sourire attristé vint étirer ses babines, alors qu’elle ne se tenait plus qu’à quelques centimètres de lui.

« — Ce n’est pas pour un glowstick que je me bats et ce n’est pas ta déception qui me vaincra. Teddy, je n’ai pas peur de connaître le malheur, ce que je redoute, c’est que le bonheur passée ne revienne pas. C’est pour toi, Mister Bélier que j’ai peur, parce que mes choix te consume, encore, parce qu’encore une fois tu souffres par ma faute. »

Et cette fois, Leikn ne le laisserait pas se morfondre sur ses pensées avant qu’ils ne terminent cette discussion.

« — Ne te morfonds pas Teddy, laisse-moi t’aider. »

Même si cela veut dire évacuer la colère sur toi, parce que tu étais prête à tout hein Leikn ?

Même si une fois tombés, jamais plus ils ne refleurissent, qu’il est beau de les voir s’éparpiller comme des flammes.

Leikn l’admirait.

Ce Bélier qui se croyait invincible, ce trèfle qui ne pesait ne jamais pouvoir être cueilli. Pourtant… pourtant, quand bien même il était béni, quand bien même il était résistant, la Mort viendrait à son chevet un jour, parce que son temps se sera écoulée. Leikn serra les crocs, ses yeux masqués par des mèches roses.

« — Nous trépassons tous, la finalité de notre vie nous échappe… »

Enfin de compte, ils n’étaient que mortels et n’avait qu’un droit de passage ici bas. Les oreilles de la louve sont couchées sur son crâne, alors que lui vocifère, s’énervant toujours plus. Oui, de l’aide Leikn en aurait toujours besoin, mais c’était SON combat, lui avait beau connaître une partie du mal qui la touchait, qu’en savait-il réellement ? Ressentait-il la douleur d’autrui ? La culpabilité à la simple idée de poser ses yeux sur un cadavre ? C’était sans même en parler d’en prendre une bouchée… Jamais ce monde ne serait prêt pour permettre à des loups comme Leikn de vivre sans craindre d’être rongé par leur seconde nature. Mais tout cela n’était pas la faute du Bélier, lui ne faisait que subir. Lui qui s’agace de cette absence de contact. À quoi pensait-il ?

« — PARCE QUE TU CROIS QUE ÇA AURAIT SUFFIT ?! Que m’allonger contre toi aurait suffit à tout effacer ?! »

La Licorne marqua une pause à bout de souffle, parce que les mots lui manquait, parce que l’agacement montait en elle. Parce que son absence n’aurait pu être effacée par ce simple contact.

La brutalité du contact lui arracha un grognement de protestation. En étaient-ils arrivés à ce stade là ? Au point où les mots ne suffiraient plus ? Leikn les regardent ces ailes, sans frayeur, lécher le sommet de la caverne.

Ce que je veux…

Ce que je veux…

« — Je… Je ne sais pas… Je suis perdue sans toi, Teddy. »

Le front de la Licorne s’écrasa contre le torse du Bélier, fatiguée de tout ça, fatiguée de cette dispute, fatiguée de ne pas voir le bout du tunnel. Les larmes s’écoulent sans retenu, parce qu’il n’y avait plus de barrière à maintenir.


Ta mère Leikn, ne t’avait-elle pas appris que les sentiments étaient choses bien plus résistants que l’acier ?

Tu sanglotes, comme une enfant. Parce que dans ton monde, c’est ce que tu étais, mais ici sur punk wolf, toute ta croissance avait été accélérée.

Leikn se contente de pleurer, renifler doucement. La lueur de son glowstick brille moins fort. Cette dispute… avait atteint un stade que la louve n’aurait jamais pu imaginé, un stade où le seul moyen pour que l’autre exprime son point de vue ce soit en hurlant. La truffe de la louve s’enfouit un peu plus dans le pelage brun du mâle, ce contact qui lui avait tant manqué, dont-elle avait chéri le souvenir, mais qu’elle lui avait refusé, parce que ce n’était pas la chose à faire, parce que lui-même le savait au fond, cela n’aurait rien changé.

L’entends-tu tambouriner ce coeur dans sa poitrine Leikn ? Ce coeur, cet organe tant chéri de tous car certains viennent à penser que sans lui on ne peut ressentir.

« — Teddy… »

La voix n’est que murmure, murmure émanant d’une ombre.

« — Je t’en ai fait tellement baver… Tu n’as qu’une chose à dire et je… »

Cette fois je disparaîtrais pour de bon, cette fois je ne m’assurerais que tu n’attendes plus mon retour Teddy. Je te ferais ce dernier présent.

La Licorne sert les crocs, fermant ses paupières n’osant terminer sa phrase. Parce qu’elle accepterait son choix, mais ne voulait pas l’énerver plus encore. Parce que pour lui, elle était prête à tout, absolument tout qui pourrait lui permettre le moindre instant de bonheur. Être une entrave à sa vie, Leikn s’y refusait, parce Mister Bélier méritait le meilleur, parce qu’il avait bien trop souffert.

Que représentait donc un sacrifice si cela permettait le bonheur ?

Que représentait la vie si sa fin permettait le bonheur de l’autre ?

Tu es son trèfle.

Je m’en rappellerais Méluciole. Je ne te décevrais pas.

Le temps avait eu raison de la sauvagerie de Leikn. Jadis, jamais elle n’aurait envisagé une telle proximité avec un être vivant, ni même… plus. La queue de la louve touchait le sol, le corps las traduisant une certaine fatigue. Jamais l’ancienne solitaire n’aurait pu prétendre au glowstick de la déesse de la luxure, son apparence était trop, négligée, sauvage, à moins que sa beauté ne réside en sa sauvagerie ? En revanche Teddy, Teddy lui avait tout pour correspondre à sa déesse. Ne l’avait-elle pas oublié ? Cette beauté brute qui se dégageait de lui, avec jadis l’aura du mauvais garçon qui flottait autour de lui.

Leikn cesse ses pleurs, conservant le silence en écoutant les mots du brun.

Bien sûr qu’il avait vécu des choses qui l’avaient marqué, cela l’avait forgé, qu’était-elle à côté ? La bourrasque venu secouer les branches de sa vie ? Qu’étais-ce à côté de a tornade qui l’avait mené loin de Punk Wolf pendant plusieurs mois ? C’était bien présomptueux de la peur de la louve de prétendre être la source principale du Bélier…

« — Oui. »

La réponse fut directe. Leikn leva la tête, cherchant à croiser son regard.

« — Ce soir et les autres soirs. »

Et cette fois, cette promesse tu la tiendrais. Parce que tu n’avais plus rien qui t’empêchait de la tenir, plus rien qui ne viendrait entraver ta parole.

Ne sont-elles pas belles ces fleurs Leikn, qui se teintent de couleurs dans cet océan monotone ? Leur éclat ne t’avaient-ils pas manqué ? Te rends tu comptes que les couleurs ne sont là que lorsque tu es à ses côtés ?

La louve ferma ses paupières, collant son museau contre celui de Teddy, pour sceller cette promesse d’un baiser.

Pour sceller cette promesse dans le marbre.