Le chant de la mer. ○ Eva

Ann ; 9 mois
F  A E I

En bonne pirate, Ann avait appris à nager dès que ses pattes maladroites d'enfin étaient parvenues à se coordonner. Toutefois, il fallait plusieurs mois d'apprentissage et d'entraînement pour pouvoir quitter son île natale et traverser un bras de mer. Alors deux ! L'adolescente était exténuée, mais fière comme un paon. Il fallait être tenace pour braver l'océan avec ses courtes pattes. Bien qu'aujourd'hui il était d'un calme olympien, comme s'il avait voulu s'assurer que sa petite sorcière parvienne à destination. Evidemment, avec respect et gratitude, la femelle fit une offrande aux esprits de l'Océan pour l'avoir portée jusque là. Elle sortie avec précaution l'un des joyaux découverts dans l'épave, une pierre jaune comme le soleil et opaque presque comme une perle. Ann déposa son cadeau dans l'eau au moment où le ressac repartait en arrière, emportant avec lui le précieux don. La noiraude sourit et se détourna de l'eau pour observer ce nouveau territoire à conquérir. Une magnifique île, au sable fin et aux nombreux cocotiers. La végétation ici était dense et luxuriante, tout l'inverse de Morne-Oeil et ses collines vides de plantations. Il y avait déjà tant de choses à voir que la petite sorcière ne savait où poser ses prunelles sanguines. Ses crocs blancs éclatants, à force de mâchonner des os de seiche, se découvrirent en un sourire ravie. Peut-être pourrait-elle trouver des herbes odorantes ou aux vertus thérapeutique. Enfin... Si elle en reconnaissait quelques-unes observées vaguement dans les livres de son père... Soufflant pas les narines, la jeune femelle noire se lança à l'assaut de la jungle d'un pas décidé. Qui savait quel trésor elle découvrirait dans ce coin merveilleux ?

[Avant le déplumage par Safran (sinon c'est trop compliqué )]

Eva profitait, elle ne le savait pas encore, de ses derniers jours d'intégrité physique. Ah ! Si elle avait su ce malheur qui l'attendait sur la plage ! Si elle avait su ce qu'elle allait subir, plume après plume, sous les crocs de la louve crocodile !

Mais non. Il est encore trop tôt pour cette histoire : elle viendra plus tard. Pour l'instant Eva étendait ses longues ailes bicolore dans le soleil du midi, captant les rayons radieux et se réchauffant le corps, profitant du calme aérien qu'il y avait toujours à cette période de la journée pour se prélasser dans les airs. Que c'était agréable ! Elle appréciait beaucoup ce côté du continent, où il semblait toujours vouloir faire beau. Alors que les jours se réchauffaient, c'était un véritable plaisir que de visiter ces plages de coquillages et de sable fin.

Elle rit toute seule, plongeant vers le sol, avant de remonter vers le ciel, pour plonger à nouveau. Grisant !

Mais il finit toutefois par se poser, souple et aérienne, semblant flotter toujours malgré ses pattes touchant le sol. Elle secoua son encolure, et huma l'air, à la recherche d'un petit cours d'eau. Elle savait qu'il y en avait un, dans le coin, mais elle avait même la fainéantise de chercher où.

C'est en s'enfonçant dans la forêt à la recherche de cette source qu'elle tomba nez à nez avec une jeune louve - non plutôt une grande adolescente vu sa taille - qui vaquait d'un bon pas. Eva recula un peu, ayant failli la percuter :

Oh ! Pardon, c'est un peu encombré comme coin !

Ann ; 9 mois
F  A E I

Sous son regard vide de pupilles, un mouvement attira son attention. Ann redressa la tête, observatrice et silencieuse, sans stopper sa marche. Si discrète qu'on ne la remarqua pas. Le bruit indiqua que quelque chose s'approchait sans hésitation. Il s'agissait d'une louve. Une louve possédant deux grandes ailes pourvues de longues plumes noires et blanches. Une louve-oiseau gracile, fabuleuse. Mais pas très maligne, car elle vint dans sa direction et ne l'a vit qu'au dernier instant, juste avant de lui marcher dessus. Si les histoires rocambolesques des pirates de Morne-Oeil parlait de sirènes et de harpies, l'adolescente au poil sombre n'avait jamais imaginé rencontrer une créature aussi légendaire ainsi : lors d'un jour banal, et par hasard. Les yeux sanguins de la petite sorcière s'ancrèrent sur le museau fin de la louve. La lumière à son oreille lui indiqua qu'elle venait du continent, du côté le plus lointain, et qu'elle faisait partie de la meute du nord. Elle n'avait pourtant pas le poil très épais... Pas idéal pour vivre dans ces contrées. Ann plissa les paupières, étudiant l'animal mythique qui lui adressa la parole d'une voix tout sauf grinçante... Cela mit le doute dans l'esprit de la jeune Raeder : les sirènes n'avaient pas de belles voix pour les femelles, et les harpies hurlaient en général, non ?

« Es-tu maudite, toi aussi ? »

Fût la seule réponse de la part de la noiraude, alors qu’elle penchait sa tête sur le côté en observant l'hybride avec un mélange de curiosité et d'envie. Si elle n'était créature de contes, elle devait subir un mauvais sort ou une malédiction quelconque qui la transformait en oiseau. De la même manière que sa mère s'était transformée en poisson avant de mourir. Ses cheveux blonds frôlèrent le sol en faisant tinter les petits os, perles et autres breloques y étant attachés, tandis qu'Ann baissait un peu l'encolure pour analyser son antagoniste d'en bas. Elle n'avait aucun complexe de supériorité, ni de besoin de regarder de haut les autres. De toute façon sa taille ne lui permettait pas ce genre de jeu, et puis, étudier un corps d'en dessous apprenait bien plus de chose et offrait de nombreuses possibilités plus utiles comme découvrir les points faibles rapidement, ou découvrir un tressaillement de muscles indiquant une vieille blessure, ce genre de choses...

Eva recula, sans se rendre compte le moins du monde de l'attrait qu'elle exerçait sur la petite louve en face d'elle. Puis elle pencha la tête sur le côté, et vit ses yeux ébahis, son museau légèrement entrouvert, son air curieux et l'immobilisme de son corps paralysé. Lui faisait-elle... Peur ? Eva n'avait pas vraiment l'habitude de faire peur aux gens, elle se dandina sur ses pattes, agitant sa longue queue blanche parmi les troncs. La jeune louve avait des milliers de perles sur le corps et dans les cheveux, tout son attirail criait le mot pirate. C'était... Merde, c'était adorable, d'accord. De penser que cette meute de loup, que tout le monde prenait pour des sanguinaires, avait des p'tits louveteaux aussi mignons et d'un naturel aussi curieux. On voyait bien, que son premier réflexe n'était pas de frapper ou de mordre. Elle espérait, avec un petit pincement au coeur, qu'elle n'embrasserait pas complètement les moeurs de ses anciens, comme Tatch et sa peur du continent.

Eva rit doucement, de sa voix cristalline.

Non ! Mon peuple est ainsi fait. Là où vous communiez avec l'Océan, nous sommes guidés par le Vent. Je suis Eva. Comment l'Océan t'appelle-t-il, petite louve ?

Elle était... Contente, de la croiser là. Peut-être pourraient elles discuter un peu sans que la peur ou la haine ne se pointe.

Ann ; 9 mois
F  A E I

Ainsi l'Océan n'était pas seul entité à s'entourer d'un peuple bien à lui. C'était logique, après tout. L'adolescente se demanda s'il existait aussi des loups de terres, genre, de sous-terres, qui seraient fils de montagne au même titre qu'Eva appartenait au ciel et elle, à la mer. Pas comme ces continentaux qui vénéraient un panthéon multicolores aux valeurs absurdes et vantardes. Celà dit, la louve oiseau en vénérait une aussi, de ces déesses là. Avait-elle quitté les siens ? Était-elle une traîtresse ?  Ann fronça le museau et souffla des naseaux dans une mimique de méfiance. Pour la forme. En temps qu'appreentie sorcière, fille de des abîmes et Raeder, elle se plaisait à penser qu’elle n'avait peur de rien. Sauf de Safran. Mais c'était autre chose. Safran représentait pour elle le monde sous-marins auquel elle appartiendrait un jour tout comme Limule en représentait le lien, c'était aussi fascinant qu’impressionnant. Finalement, c'est un fin sourire qui étira les babines de la noiraude et elle releva la tête, son inspection terminée. Eva donc. Un non court mais doux, volubile. Ça collait bien à une louve-oiseau sachant voler. Si Ann était attachée à l'Océan corps et âme, son imagination investit le petit espace de liberté enfantine resté vierge de toutes frontières ou lois et elle se laissa voguer non plus sur l'eau, mais dans les cieux. Que ressentait la noire et blanche là-haut ? Sentait-elle le vent contre son corps et la force de l'air contre ses plumes comme Ann vibrait sous la brise marine ou le ressac de la houle ? Elle revint à la réalité subitement. Eva restait une continentale.

« Ton peuple ce sont les porteurs de lumière pourpre ? »

Questionna t-elle en indiquant l'oreille de la louve ailée du bout de la patte où de multiples bracelets de perles s'entrechoquèrent.

« Mon nom est... Ann. »

Queen Ann Revenge pour être exacte. Mais la jeune louvette blonde n'aimait pas user de son nom complet. D'une part parce qu'il était connu, du moins dans le monde des mythes et légendes, que posseder le nom de son ennemi était une grande arme, et également parce qu'il était bien trop long et que de toute façon, tout le monde ne retenait qu'Ann. La petite sorcière avait pour habitude de se présenter d'ailleurs sous le nom de sa jumelle, pour pouvoir échanger de place quand bon lui semblait, pour pouvoir tromper, pour pouvoir surprendre, pour pouvoir se protéger. Pourtant aujourd'hui, l'hybride mythique sous ses yeux lui inspirait trop de douceur pour être une menace. La Raeder était évidemment encore bien jeune et naïve, et peut-être se trompait-elle, toutefois elle avait une assez bonne intuition sur les autres, en général, c'est pour ça qu'elle faisait confiance à son jugement sans tergiverser avec elle même trop longtemps. Elle n'avait même pas envie de sortir sa poupée de son sac aujourd'hui. La dévote de Yurai pouvait s'estimer heureuse : elle éveillait tant la curiosité et l'attrait chez l'adolescente pirate qu'elle ne souhaitait pas l'effrayer. Du moins, pas tout de suite. Et puis, qui savait les pouvoirs que possédaient ce genre de loup ? Que ce soit par son sang de créature de légende ou par sa lumière violette, Eva pouvait aussi bien cacher son jeu. Ou pas.

« Tu sais voler ? Tourner autour du soleil et te cacher au milieu des étoiles ? Te poser sur les nuages et jouer avec la pluie ? J'ai lu dans un des livres de papa que l'orage et la grêle étaient le fait d'êtres qui vivaient au dessus des nuages, dans une contrée céleste appelée Magonie. Ces Magoniens se déplacent dans des navires aériens et ils ont la faculté de déclencher des intempéries désastreuses pour les récoltes des loups sur terre. Es-tu de ceux là ? Dans une autre légende, il est dit que ce sont les oiseaux sirènes qui symbolisent les âmes en route pour l'autre monde. Des sirènes... Cela ferait de toi une cousine en quelque sorte ! Tu es la lumière des hauteurs quand nous sommes l'ombre des tréfonds. Intéressante perce-pective. »

Elle ne savait pas ce que voulait dire ce mot, mais souvent son oncle Tatch l'utilisait quand il se parlait à lui même. L’intérêt brûlait dans les prunelles de l'enfant. Cette rencontre était sensationnelle. Ann avait trouvé un trésor plus formidable que tout ce à quoi elle aspirait en venant ici. Mary et Mavis seraient si jalouse ! Peut-être même Barth ! Elle, elle avait vu une bête mythique ! Et qui ne venait pas de l'Océan !

C'était rigolo, la façon dont la petite louve l'observait avec tant... D'efforts. C'était comme si elle essayait de voir au delà de ses plumes, au delà de son pelage, au delà de ses yeux dorés et de ce qu'elle était en tant que louve. Comme si elle essayait de voir son coeur, son âme, quelque chose de plus grand.

Malheureusement, petite louve, ces choses là ne se voient pas à l'oeil nu, quels que soient les efforts fournis. Les coeurs ne se dévoilent qu'à travers les mots et les actions. Eva se sentait sous les feux des projecteurs et piqua un fard, malgré la jeunesse de la louve en face d'elle. Elle n'avait vraiment, vraiment pas l'habitude. D'où elle venait, si les pies n'étaient pas des nuisibles, ça restait une race très commune voir pullulante. Rien à voir avec les grands rapaces, les grands aras colorés ou les paons si gracieux. Et voilà que cette louve la regardait comme si elle descendait des étoiles même !

Et son introduction, un peu léchée pour les Raeders il fallait l'avouer, avait touché juste - un peu trop peut-être ? Eva s'assit sur le sol meuble et agita en glyphes intangibles sa longue queue éthérée.

Mon peuple, les loups aviaires, les Loups du Vent, vivent bien à l'Est d'ici, bien que nous soyons plusieurs sur ce continent. Mais mon coeur a rejoint les valeurs de la déesse Yurai, qui vit au Nord, oui.

Elle espérait ne pas la braquer, de cette information. Mais qu'y pouvait-elle ? S'ils se braquaient de simples mots et d'idées, rien que les côtoyer semblait difficile.

Mais elle y croyait.

Enchantée, Ann.

Les questions qui fusèrent, ensuite, lui firent presque tourner la tête. Elle tenta toutefois de toutes les entendre et les répondre :

Je peux voler, oui. Mais les étoiles et le soleil sont loin, bien, bien plus loin que quiconque puisse s'élever. Le manque d'oxygène se fait sentir bien avant la morsure du soleil ou la caresse des étoiles. Les nuages sont intangibles, on ne se pose pas dessus ; par contre on peut voler à l'intérieur et c'est d'ailleurs très dangereux, car on perd tout de suite ses repères. On peut ressortir la tête en bas, croyait se diriger vers le sol ! Et seuls les plus forts et les plus courageux volent sous la pluie, elle alourdit notre pelage et nous entraine vers le sol, pompe nos forces.

Elle fit une petite pause pour humidifier ses babines, et se rappela qu'elle avait soif, en venant ici. Elle aurait peut-être plus besoin de boire que prévu :

L'orage et la grêle viennent aussi des nuages. Tu peux sentir l'orage qui approche, l'air se charge d'électricité. C'est dangereux, il ne faut pas rester près des arbres isolés. Je ne connais pas la Magonie, mais ça ne veut pas dire que ça n'existe pas. Mais je n'y suis jamais allée. Quand aux âmes qui nous quittent...

Elle se refusait à asséner ses réflexions à ce sujet à la petite louve.

Je pense qu'elles résident quelque part dans notre coeur, et aussi un peu partout autour de nous, dans l'univers.

Eva se gratta la truffe.

Tu connais les environs ? Tu sais où il y a une source d'eau, ou tu m'aiderais à en trouver une ?

Elle fronça les sourcils, et s'excusa :

Ah mais, tu ne bois peut-être que de l'eau de mer, toi aussi. Désolée.

Ann ; 9 mois
F  A E I

Ainsi la louve hybride oiseau avait déserté les siens pour offrir sa foi à un autre dieu. Etait-ce comparable à sa mère qui avait abandonné un peuple qui ne su l'apprécier pour embrasser la destinée des pirates et leurs légendes sous-marine ? Possible. La tête d'Ann pencha de l'autre côté en avançant de quelques pas, jusqu'à être très proche de l'adulte, cette fois pourtant, aucun son ne fût produit pas les anneaux, perles et autres petits os attachés dans ses boucles blondes tandis que ses narines palpitaient en enregistrant l'odeur de la louve. Elle découvrait la fragrance coincée dans son pelage de poil et de longues plumes noires et blanches, probablement assimilable à la meute des Nakhus, il y avait aussi une humidité semblant s'évaporer de son corps, différente de celle de la mer et de son iode. Sans doute l'odeur du ciel triste. L'odeur de l'orage à venir. Ann se détourna, cherchant à observer le ciel, du côté de la plage, mais d'ici, impossible de voir l'horizon et ses promesses de tempête.

« Tu dois avoir froid là-bas... Ton plumage n'est pas très épais, si ? »

De bien jolies plumes, certes, mais pas très utile pour se protéger des bourrasques glaciales et des flocons de neige. La noiraude avait tant de mal à comprendre pourquoi on pouvait apprécier de vivre dans le nord du continent. Déjà vivre sur terre lui était assez inconcevable... Qui pouvait aimer de passer sa vie dans un monde aussi cloîtré ? Entre deux montagnes ? Ou coincé par une rivière ? Les loups insulaires eux, avaient l'océan à perte de vie, l'immensité, l'infini qui s'étendaient sous leurs prunelles... Et la profondeur inatteignable des abysses. Cette absence de limites physiques était si grisant, si mystérieux aussi. Cela laissait place à l'imagination, à la liberté.

« Eva ? N'y a t-il plus de magie dans ton esprit qui pourtant peut voir le monde comme personne ? »

L'adolescente sourit, comme si elle était compatissante, et triste à la fois, de voir cette femelle adulte ayant perdu les joies simples d'un monde merveilleux qu'elle ne savait plus observer qu'à travers une vision limitée.

« Mais je te remercie pour ces réponses franches. »

La jeune Raeder recula enfin pour rendre à la louve-oiseau son espace vital, l'air de réfléchir. Elle fronça le museau et tourna sur elle-même quelques fois dans une attitude typiquement enfantine, avant de trouver son piétinement suffisant pour s'asseoir sur le sol entre sable et terre.

« Peu de continentaux n'usent pas de mensonges face aux pirates. Pas que j'en ai croisé beaucoup. C'est ce que disent les grands... »

Les oreilles d'Ann se redressèrent, et ses iris rouge sans pupilles vinrent s'ancra dans les yeux d'Eva. La petite sorcière détendit ses épaules pour relâcher les tensions et décida subitement de ne plus jouer à exagérer sa bizarrerie. Elle se laissa redevenir bruyante avec ses breloques teintant à chaque mouvement, et retrouvant un sourire naturel, chaleureux. Le 'aussi' employé par la fidèle de la déesse pourpre induisait qu'elle devait connaître quelqu'un de semblable à elle. Ce ne pouvait être Mary ou Mavis, l'une comme l'autre lui aurait forcément parler d'une créature légendaire volante aux si belles et longues plumes. Barthélémy sûrement aussi, bien qu'il passait plus de temps seul avec son stupide perroquet qu'avec ses soeurs... Ce devait être Abysse ou Cendrillon ? Peut-être même ses oncles ? Ou... Limule ? Eva connaissait-elle la louve blanche adorée par l'adolescente ? La pirate blonde haussa un sourcil.

« Je vais t'aider... Il est vrai que l'eau des terres est fade. En échange, m’emmènerais-tu au dessus du monde ? Ou bien alors tu peux me dire avec quel pirate tu as déjà fait affaire ? »

Ann se redressa, prête à se lancer dans cette quête d'eau, pour accompagner la louve hybride, créature mythologique dans les ailes impressionnante ne cessaient de fasciner l'adolescente au poil sombre.

Elle rit à sa première remarque, et étendit ses ailes pour lui permettre de mieux les observer, du mieux qu'elle pouvait tout du moins dans cette jungle encombrée, peu perturbée par la proximité qu'entretenait la petite louve noire. Elle était habituée à ce genre de choses - et puis c'était rigolo de la voir observer ses plumes comme si elles étaient une denrée rare. C'était amusant, mais aussi très gratifiant cette attention dont elle était le centre en ces terres. Chez elle, la pie était un aviaire très courant, plus considéré comme une nuisance ou une norme que quelque chose d'exceptionnel. Sans en tirer vanité outre mesure, ça restait curieusement agréable.

Elle essaya de revenir sur les points cités dans l'ordre, pour ne pas perdre le fil :

Non, ça va, mon plumage s'il n'est pas épais se doit d'être chaud : il ne résisterait pas sinon aux vols en altitude où l'air tout de suite se fait glacial.

Son sourire se fit plus malicieux :

Mon esprit est bourré de magie, mais connaître le monde dans lequel on vit est très important si on veut comprendre comment y évoluer. Nul besoin de cacher la réalité sous un voile : cette dernière comprend bien assez de mystères sans qu'il y ait besoin d'en rajouter. As-tu besoin d'ajouter aux mythes des profondeurs pour les rendre plus effrayants ? Ne se suffisent-ils pas à eux-mêmes ?

Oui, les cieux s'offraient à elle et elle n'avait pas le même regard sur eux que les terrestres. Mais cela voulait-il dire que la magie l'avait déserté ? Non, elle la voyait simplement ailleurs. Elle fronça le museau.

Je ne vois pas l'intérêt de te mentir. Et il ne faut pas croire tout ce que disent les grands. Continentaux, ou pirates d'ailleurs - l'âge n'a pas l'exclusivité du savoir. La haine s'est installée entre deux peuples, et personne n'en bénéficie plus depuis longtemps.

Comment lui faire comprendre l'absurdité de cette haine comme elle-même la ressentait ? Elle espérait ne pas se faire rabrouer violemment, si son âme était déjà caparaçonnée du carcan des idiomes pirates.

Merci. Je peux essayer oui - je devrais réussir à te porter, mais sur une courte distance seulement. Mes ailes ne sont pas faites pour porter plusieurs personnes. Et en guise de pirates...

Mentir, dire la vérité ?

Pourquoi mentir ?

J'ai déjà croisé Barthélémy. Tatch, aussi.

Elle commença à marcher à pas lents en s'enfonçant dans la forêt, humant l'air pour détecter une source potentielle d'eau pure à proximité.

Ajani, aussi. Et Lewis.

Ca faisait beaucoup, au final. La petite louve les connaîtrait-elle seulement ? Ou appartenaient-ils maintenant à un passé révolu, génération ancienne ?

Ann ; 9 mois
F  A E I

Lorsqu'Eva étendit ses ailes, Ann eu un pas de recul et ses yeux s'arrondirent de surprise. Loin d'elle la couardise, au contraire même -la noiraude était parfois trop téméraire pour sa propre sécurité... Drôle de souvenir que la rencontre avec Safran qui avait failli la dévorer à son sortir des abîmes, une certaine nuit de tempête- mais elle ne s'attendait vraiment pas à découvrir une telle envergure chez la Nakhu. Les étincelles d’émerveillement se rallumèrent au fond de ses prunelles sanguines. Ce devait être merveilleux de porter une coiffe de plume aussi longues ! Comme une couronne crânant vers les cieux ! Ou un plus modeste collier... Oui, elle se voyait plus avec un énième collier serti de plumes diverses et variées, toutes différentes et forcément, plus ou moins colorées. Avec l'émerveillement vint la convoitise. Ann se promet d'obtenir ces belles plumes. Et puisque l'Aviaire parlait d'un peuple entier de loup ailé, la Pirate supposa qu'il existait autant de ramage que de pelage aux loups terriens ou aux " vrais oiseaux ". Ainsi elle se promit même de porter au moins un attribut de chacun de ces différents mythes sur pattes. ce ne devait pas être trop compliqué, il suffisait de les débusquer, eux ou leur nid, probablement qu'ils perdaient des plumes de temps en temps, comme les pigeons ou les mouettes, pas vrai ? Sinon on pouvait les y aider un peu. Un sourire étrange naquit sur ses babines charbonneuses, accentué par le regard scrutateur de la louvette.

« Tes plumes tombent-elles comme les feuilles des arbres à la saison froide ? Repoussent-elles si tu les perds ? »

Le discours d'Eva sonnait bien juste.

« Tu semble sage en effet pour quelqu'un qui n'est pas si vieux. La haine a t-elle bénéficié à qui que ce soit, un jour ? »

Ann en doutait fortement. Elle comprenait la colère, face à un acte qualifié d'odieux, ou une trahison. Elle comprenait la peine également. Elle comprenait que le temps effaçait la douleur avec plus ou moins de facilité : son père ne digérait toujours pas le départ de sa mère, retournée à l'Océan. Bien sûr elle avait été triste aussi, elle adorait Sayuri. Il y avait pourtant des choses immuables comme le soleil et la pluie, comme les montagnes ou la mort. Et puis, l'Océan ne faisait que leur prêter un corps terrestres et le récupérait à sa guise. La petite sorcière ne connaissait que cela, c'était ainsi que tournait son monde. Et pourtant, dans cette simplicité de vision, elle ne pouvait admettre un sentiment aussi violent et qui perdurait aussi longtemps que la haine. La colère finissait toujours pas s'émousser avec le temps non ? Pourquoi donc les détestait-on tellement ? De son point de vue -qui n'était forcément que celui des Raeders-, elle ne pouvait deviner et se mettre à la place de ceux, bafoués, des années avant sa naissance.

« Oh ! C'est mon frère ! Et mon oncle ! Et le protégé de Papa, celui que les autres appellent Traître. Pauvre de lui, il se sera prit la foudre des Pirates tout seul, ils n'ont pas voulu écouter Creek... »

Quant à Lewis, elle s'en rappelait comme l'apprentie de son géniteur, mais qui s'était vite éclipsée du clan, à un mauvais moment pour tous. Entre Ajani et elle, selon Ann, c'était bien la louve violette la parjure. Aussi se contenta t-elle d'ignorer son nom. La colère de l’abandon n'était pas encore ravalée.

La noiraude écouta attentivement les bruits de la jungle, observant le ballets des insectes propres à ce lieu et le chant des oiseaux. Dans leur dos, à mesure que les deux femelles s'enfonçaient dans la dense végétation, le chant de la mer s'estompa au profit de la mélopée de la faune. L'humidité était palpable dans le coeur de la jungle, elle collait au poil et rendait étouffante certaines zones trop serrées. Pour la louvette blonde, le manque d'air frais, face aux habituels embruns de l'Océan, était vraiment suffocant. Elle sentit ses poumons s'étrécir, se bloquer, et elle dû s'arrêter, attendre, essayer de rationaliser son état avec plus ou moins de succès en focalisant ses oreilles sur un seul son : celui d'un bec tapant régulièrement contre un tronc. Le calme revenu à peu prêt, elle fit quelques bonds rapides vers Eva pour ne surtout pas rester seule dans un endroit aussi hostile.

Ann ; 9 mois
F  A E I

A l'instar de Marianne qui perdait ses plumes parfois en se lavant dans un plan d'eau, Eva pouvait aussi laisser derrière elle des plumes. Probablement pas les grandes. En même temps, se balader avec une si longue et imposante plume serait étrange pour un loup non Aviaire. La sorcière viserait donc plutôt des petites plumes duveteuses, celles qui étaient nombreuses dans l'encolure de la louve noire et blanche. L'adolescente opina du chef en écoutant la suite, à demie concentrée sur les attributs permettant le vol de l'animal de légende. Elle sourit même à la plaisanterie, imaginant de son côté, un loup de l'espèce de la disciple du Pourpre prêt à être passé à la broche comme un coquelet.

« Tu peux dérober sans haïr ou tuer... Il suffit d'être un bon chapardeur ! »

S'étonna la jeune noiraude, ne voyait vraiment pas d’intérêt à s'attirer les foudres de possible représailles pour gagner quelques trésors. Ou alors il fallait que la valeur de l'objet vaille de risquer son existence entière pour. Comme tout bon pirate, Ann adorait tout ce qui pouvait briller, tout ce qui était beau à voir, et à peu prêt tout ce qui pouvait se collectionner. Elle aimait beaucoup amasser des pierres précieuses, de la nacre, des perles, des os, des plumes, des bijoux, et tant d'autres choses. Comme les dragons dans les légendes, elle veillait sur ses petits tas de trésors avec convoitise. Et pourtant, elle ne voyait pas l’intérêt de mettre en péril sa liberté et sa quiétude pour quelques objets. Dans son besoin compulsif de posséder tout et rien un temps durant, elle n'était tout de même pas réellement matérialiste et pouvait même délaisser un tas de bricole pour aller ronger un os de seiche en se dorant la pilule. Dépendamment de son humeur du moment. De toute façon, elle savait bien que l'Océan reprenait toujours ce qu'il avait offert à un moment donné. A quoi bon se battre pour quelque chose qu'on n'emporterait par delà l'écume ?

« Oh si ! Sinon comment veux-tu que je sois là à te chercher de l'eau fade ? »

L'idée qu'ils soient enfermés sur l'île lui était absurde. Pourquoi chercherait-on à les empêcher de découvrir le monde sachant qu'ils pouvaient se protéger de la malédiction une fois adulte et profiter de la terre autant que de la mer avant de n'être plus que monstres des abysses ? L'Océan était aussi vaste qu'infinie, tout comme leurs voyages et imaginations.

« Les vieux ne nous retiennent pas, nous allons où nos pattes nous mènent, en nageant ou en courant ! C'est juste qu'on abandonne pas sa famille, quand elle a besoin de nous. »

Un peu d'amertume vint froncer les sourcils, pour une tout autre raison toutefois. Dans son esprit encore régis pas les sentiments de l'enfance, le souvenir de l'absence de sa mère fit son retour en fanfare. Sayuri avait abandonné ses enfants pour rejoindre l'Océan. Elle n'y pouvait rien bien sûr, mais pour Ann, cela restait une forme d'abandon. Un manque qui serrait encore son coeur, parfois.

« Je voguerais loin quand mes pattes me le permettront ! »

Aboya Ann tandis qu’elle bondissait derrière un buisson, le pas tendu. Vraiment elle n'aimait pas se sentir aussi oppressée. Elle imagina la sensation des vagues contre ses coussinets pour apaiser l'angoisse qui la menaçait et revint quelques secondes plus tard, un peu dépitée.

« Fausse alerte, pas de source ici. »