La fin du confinement ○ Sly

< Spleen ;

Quittant la réunion des Lazulis qui ne l'étaient plus vraiment, délaissant aux autres, et surtout aux plus jeunes, de choisir où les mèneraient leurs pas futurs, Spleen avait quitté le gouffre aux faucons. Elle s'était sentie faible, épuisée. La faim la tenaillait depuis de nombreuses lunes maintenant, l'âge doucement avait aussi joué son rôle. Son pas était lent, parfois tremblant. Il lui fallu faire plusieurs pauses avant de parvenir au temple de Mido. Bien qu'elle n'était plus sa Prêtresse et lui avait rendu le merveilleux don qu'il lui avait offert des années plus tôt, la sauvant ainsi de la malédiction maternelle, et surtout, à défaut de pouvoir retrouver son compagnon qui lui manquait tant, c'était ici qu'elle voulait donner son dernier souffle. Elle sentait l'instant proche, son corps l'ayant mené jusqu'au bout de ses possibilités. Au moment où elle arriva en vue du temple du Raptor, le ciel verdâtre explosa en millions de miettes de verres qui tombèrent en une pluie lourde et dangereuse. Certains éclats touchèrent la louve blanche qui glapit en sentant sa peau se cisailler par endroits. Heureusement, elle évita les gros morceaux du dôme et parvint de justesse a se mettre à l'abri à l'entrée de la maison de Mido. Épuisée, en souffrance, Spleen se laissa tomber allongée sur le parvis, observant cette voûte céleste normale enfin retrouvée. Elle n'aurait jamais cru revoir l'azur avant sa mort. Un fin sourire étira ses babines, alors même que son souffle se faisait plus difficile. C'était si beau de revoir les nuages blancs et cotonneux, si merveilleux de sentir ce vent soudain dans ses poils, même s'il était froid. Le bonheur d'une liberté retrouvée, bien qu'elle ne puisse plus en profiter.

< Spleen ;

Et puis il y eu une voix. Cette voix. Celle qu’elle avait tant de fois rêvé d'entendre à nouveau. Celle qu'elle n’espérait plus. Elle lutta contre ses paupières pourtant si lourdes. Elle embrassa cette vue merveilleuse et souffla, d'une voix cassée mais pleine de tendresse :

« Sly... Tu m'as tant manqué. »

C'était bien lui. Là, allongé contre elle, lui offrant sa chaleur et son étreinte. Il n'y avait plus aucune colère depuis bien longtemps de son côté du Dôme. La vie, et surtout les dieux, un dieu, les avaient séparés contre leur volonté. Leur union, déjà compliquée car de meutes opposées, étaient devenue impossible sous la colère du Raptor. Spleen en était si désolée. Pourtant, il n'y eu que bonheur et amour dans le regard pâle de la vieille femelle, elle était rassurée pouvait s'alléger de la culpabilité de laisser ses enfants : leur père était là. Vanhir, Nyoka et Queen retrouvait leur père, certes, en perdant leur mère. La louve blanche était persuadée cependant qu'elle avait apporté à ses enfants tout ce qu'elle avait pu au travers de son amour et de son éducation, elle les laissait donc en toute confiance entre les pattes non moins aimantes de leur géniteur. Le sourire de l'ex-Prêtresse s'élargit.

« Je t'ai tant aimé. Tu as été le seul. Tu le seras toujours. »

Le seul ami, le seul confident, le seul amour, le seul amant. Le contact de la langue de son compagnon rendit un regain d'énergie à la femelle blanche. Une vague de bienveillance envers cette famille qui lui avait tant apporté, malgré sa dysfonctionnalité, et sa séparation forcée, elle les aimait tant, tous. Elle en était si fière. Elle s'appuya contre le mâle gris, appréciant sa chaleur une dernière fois. Elle inspira son odeur rassurante, la truffe perdu dans le poil de son cou.

« Prends soin des enfants. Ils sont formidables. Ils te ressemblent tant. Je vous aime. »

Lentement, Spleen referma les yeux et laissa son souffle s'allonger, comme si elle s'endormissait.

< Spleen ;

C'était bien un sommeil éternel et serrein qui avait emporté la femelle pâle loin des siens. Elle avait eu la joie de revoir le museau de son aimé avant de partir, elle avait eu le bonheur de savoir ses enfants auprès de leur père avant de les abandonner à leur vie de jeunes adultes. Elle s'en allait en paix, rejoignant la lumière derrière laquelle l'attendait peut-être sa mère, son père ou encore sa soeur... Nul ne sait ce que la mort réserve à ses visiteurs. C'était un aller sans retour.

< Queen ;

La jeune louve au regard de givre s'avança doucement prêt de ses frère, et de son père, qu'elle n'avait pu voir depuis si longtemps. Le temps était au chagrin, mais aussi à la liberté. Spleen leur avait raconté son histoire avant les Lazulis, celle d'avant le Dôme et désormais sa mère retrouvait la liberté. A son tour elle voulait goûter ce privilège, en compagnie de ses frères et de son père, pour honorer la mémoire de l'ex-Prêtresse. Mais d'abord, elle avait le droit, pour une fois, de laisser éclater la peine et les larmes qui embuèrent ses prunelles pâles. Queen vint s'allonger contre son père, proche de Vanhir. Ils étaient réunis une dernière fois. Trop tard pour la louve blanche, mais assez tôt pour retrouver Sly. Il avait perdu une mère et regagné un père. La vie était à la fois drôle et cruelle.