Elle avait couru très, très vite. Parce que peut-être que si elle courait assez vite, alors elle n'aurait pas d'ennuis. Peut-être qu'elle réussirait à revenir assez vite pour que personne ne s'aperçoive qu'elle était partie. Peut-être que, cette fois, ils ne se feraient pas engueuler par Mamanette.

Non.

Elle. Elle était toute seule. Elle ne pourrait pas se cacher derrière Floyd, elle ne pourrait pas dire qu'elle ne savait pas, elle ne pourrait pas faire... Semblant... De quoi que ce soit. Non. Elle allait devoir être Grande et Forte. Mais elle n'était pas aussi petite que la dernière fois qu'elle était venue ! Et comme elle avait fait le chemin, elle s'en souvenait parfaitement. Tous les détails étaient gravés dans sa mémoire. Non mais ! Vous vous rendez compte ! Le chemin pour aller au TEMPLE d'AKA. Evidemment qu'elle le connaissait PAR COEUR ! Un jour, elle ferait le voyage nue et reviendrait ornée de rouge.

Elle le savait, au plus profond d'elle-même. Elle en était persuadée.

Elle n'avait pas la finesse d'esprit de ses soeurs qui aurait pu la faire prétendre à l'orange, et le jaune était hors de question avec ses manières empotées. Et sûrement pas porter le jaune à côté de Narcisse ou d'Anita. Ce serait ri-di-cule. Et puis, de toute façon, elle savait parfaitement ce qu'elle voulait devenir. Elle serait une forteresse, comme maman. Une forteresse qui protège. Une forteresse qui abrite. Un pilier pour ceux qui l'entourent. Et pour ça, elle devait être forte. Plus forte que tout le monde.

Alors, elle courait. Elle courait de toute la force de ses petites pattes à travers la forêt, suivant une sente mille fois emporté par prêtres, meutards et curieux. Une sente qui se déroulait sous ses yeux comme une partition sous les yeux d'un grand musicien : ici, le cailloux derrière lequel elle s'était cachée pour suivre Floyd, là le pin biscornu que Piclou racontait mangé par un dragon, et là

Là !

Enfin, le temple. De larges colonnades soutenaient un toit triangulaire bien curieux, surmonté d'un énorme ours en colère. La Colère du Grizzly. Alexandrine piailla et se rua à l'intérieur avant de venir se planter devant la fontaine. Ou plutôt, s'écrouler. Les poumons en feu, elle s'étala sur le sol et ahana pendant au moins une quinzaine de minutes avant de se redresser avec peine, l'esprit complètement bouffé par ce qu'elle avait à dire.

Se rendant compte qu'elle allait parler à AKA LUI MÊME PUTAIN, elle se redressa d'un bond et commença à sautiller devant la statue.

AKA !

Un frisson la parcourut. Elle l'avait dit !

Avec Anita et, non, avec TOUS LES PETITS (ça aurait plus de poids non ?), on aimerait OFFRIR UN SOURIRE DE PEPPER A DAISY, mais c'est ULTRA COMPLIQUE et on va organiser une fête aussi mais DU COUP on aimerait offrir un CADEAU à TATAPEP mais on est pas sûres de pouvoir lui offrir des grenouilles, surtout que des fois elles sont mortes, et du coup on se disait que BEN LES DIEUX VOUS ÊTES TROP COOL et même si TataPep elle est pas en rouge, et puis de toute façon elle est super forte, peut-être que tu aurais une SUPER IDEE pour qu'on puisse lui faire sa MEGA FÊTE ou un SUPER CADEAU JE SAIS PAS et puis comme ça Daisy il sera p'têtre content enfin C'EST IMPORTANT C'EST CE QU'IL VOUDRAIT LE PLUS AU MONDE je sais pas ce qu'il y a de plus important que ça...

Ouf, wow, ça parle tout plein ces bêtes là !

S'IL TE PLAIT AKA je ferai TOUT CE QUE TU VEUX AAAH et il faut rien que tu dises aux grands sinon ils vont tout gâcher...

Alexandrine tournait sur elle-même, braillait à tue tête et rassemblait des phrases qui n'avaient pas de liens entres elles, tout en gardant un oeil sur la grande statue carmin. La dernière fois, son frère l'avait fait apparaître. Y arriverait-elle ?

Ou lala, elle espérait parce que sinon, elle risquait de se faire disputer, et en plus elle aurait rien gagné. Ou la la, ça vaudrait pas le coup...

L'entrevue eut beau être brève, elle eut lieu. Et c'est tout ce que retiendrait Alexandrine. Il avait répondu ! C'était comme envoyer une lettre à son idole et recevoir une petite photo signée comme ils en envoyaient des centaines par jour. Ce sentiment d'avoir été observé, même quelques secondes, quelques minutes au milieu de l'univers, par quelqu'un que l'on estime autant. Quelqu'un que l'on veut suivre, devenir. Un modèle.

Alors lorsque les diamants rouges de la statue éclairèrent la grotte de leur éclat cramoisi, la petite Alexandrine, la gueule grande ouverte, ébahie, écouta de toute la force dont ses petites oreilles étaient capables. Oooh, il n'avait rien à lui donner. Pas même un super cadeau magique qui ferait tout à sa place ? Mais comment allaient-elles faire, alors, si elle devaient travailler d'elles-même à ce but ?

Mais les dires du grizzly ne s'arrêtaient pas là.

L'obtenir par la présence de ceux qui le permettent.

C'est le moment qui doit être bon.

Elle n'avait pas compris le truc avec les potes, parce que bon, c'est un peu toujours l'heure de faire une soirée entre potes, même en plein jour. Mais c'était pas tout le temps la bonne heure de faire une fête pour TataPep, visiblement.

Sur les derniers mots du Grizzly, lors que la statue redevenait le bout de pierre inerte et mat que dans un monde classique il aurait du rester, Alexandrine fit un bond en avant et alla se frotter de joie contre la pierre.

MERCI TONTON AKA ! TU ES VRAIMENT LE MEILLEUR DES MEILLEURS ! Je promets je viendrai plus t'embêter ! LA PROCHAINE FOIS, CA SERA POUR PASSER MON EPREUVE DE GLOWSTICK, et je serai enfin ta disciple !

Il ne faisait aucun doute, à la petite, qu'elle viendrait un beau matin gravir ces pierres, et qu'elle en repartirait ornée de la lueur flamboyante de l'Ours.

Maintenant, elle avait besoin de réfléchir. Mais réfléchir, c'était un peu compliqué et surtout Tita était bien meilleure qu'elle - ou dans tous les cas en était-elle persuadée. A elles-deux, elles réussiraient bien à faire quelque chose ! Alexandrine tourna encore une fois ou deux dans le temple, piaillant de bonheur d'être ici et qu'Aka ait répondu à son appel - elle ne l'avait pas vu, mais qu'importait ?

Et elle ressortit en courant, de toute la vitesse de ses petites pattes, bondissant et planant parfois sur de très courtes distances pour rentrer au Grand Castel le plus vite possible.

Peut-être personne ne se serait aperçu de son absence ?

Si ce lapin n'avait pas décidé de venir ici, Hollyock ne serait pas là.
Après tout, même si elle respectait Aka et toutes les divinités propres aux Etelkrus, là n'était pas sa place, en tant que disciple dévouée de la renarde. Mais comme sa joueuse l'a précisé plus haut, tout en haut de son rp, même, la jeune louve avait pourchassé un jeune lagomorphe qui avait mené ses pas jusqu'ici. Il avait fallu un moment durant lequel elle était arrêtée, écoutant la petite voix qui braillait auprès du dieu rouge, pour que sa proie en profite pour s’éclipser. Ce qui n'était pas grave, elle le retrouverait plus tard. Lui, ou un autre. Là, elle tendit l'oreille, attentive, observant ce tout petit être bien trop bavard quémander un sourire de l'Alpha Pepper pour ce qui devait être l'un de ses amis.
C'était si doux, comme requête, à mille lieux de ce que pouvait souhaiter un adulte censé.

Contre toute attente, la divinité accorda un peu de son temps et de ses paroles à l'enfant. L'échange fut bref mais la gamine ravie, s'exclamant à nouveau, lui promettant de devenir sa disciple lorsqu'elle serait grande. Bon, pour ça, il y avait le temps étant donné la taille du lardon. C'était laquelle, d'ailleurs, déjà ? Hollyock fronça ce qui lui servait de sourcils. A coup sûr, c'était l'une des gosses de l'Alpha Anette. Elle chercha leurs noms, leurs foutus noms, il y avait Anita, proche de sa mère niveau patronyme et l'ailée... ? Alexandrine, cela lui revenait, comme une évidence.
Et Alexandrine allait se faire remonter un peu les bretelles, tiens. Elle la héla en la voyant trottiner vers le camp.

- Eh, Alexandrine.

C'était parti pour le moment adulte-reloue respectueuse des règles de la meute. Surtout lorsque ça concernait ces si fragiles petits êtres qu'étaient les enfants.
Surtout lorsqu'elle, savait ce que les prédateurs pouvaient leur faire. D'un bond, elle rattrapa l'enfant.

- Je doute que tes parents soient d'accord pour que tu ailles voir Aka toute seule, n'est ce pas ? C'est dangereux d'errer seule, certains animaux pourraient ne faire qu'une bouchée de toi.

Alex se jetait dans les rochers à s'en rompre le cou. Vite vite vite vite ! Il ne fallait pas que quelqu'un se rende compte qu'elle était partie, sinon, ça allait bardeeeer ! Oups- elle manqua louper un gros caillou, mais se reprit au dernier moment, évitant la chute. Enfin, ses pattes touchèrent une surface plus plane et allongé sur laquelle elle allait pouvoir accéler-

Oh nooooooooooon

Son nom crié à travers les pierres l'arrêta net. La louve bleue ! Hollymachinchouette que tout le monde appelait Holly. Alex fronça les sourcils, suspicieuse, avant de ronchonner et regarder de côté, s'approchant à pas lents. Elle attendit patiemment les reproches et... Ils vinrent, mais pas aussi durs que ceux auquel elle s'attendait. Et puis... Oh ! Elle avait une idée. C'était peut-être super cool en fait qu'elle soit là ! Et d'ailleurs, elle aurait du lui demander avant, ça aurait été plus simple et plus facile :

Bah Holly ! C'est pas grave, vu que tu m'accompagnais de toute façon ! Et tu es une Grande Responsable, pas comme la Grosse Bamboo, donc on a le droit ! Hein ? Hein ?

Elle se repliait sur elle-même et remuait sa longue queue vipérine à une vitesse hallucinante, les oreilles pointées en avant et un sourire charmeur sur ses babines. Holly allait l'aider, hein ?

L'enfant, loin de prendre ses reproches en considération se mit à piailler d'un ton joyeux.
Et l'incroyable se produisit. Hollyock se mit à rire, sincèrement (!!) en entendant le nom de la grosse Bamboo. Les enfants pouvaient être si cruels, sans le vouloir. Ils étaient si innocents, à dire ce qu'ils pensaient sans penser que leurs paroles pourraient être blessantes pour les concernés. La louve bleue reprit cependant un air un peu plus sérieux, se penchant en avant pour être à la hauteur de la petite et poser ses prunelles claires dans les siennes.

- Ce n'est pas très gentil de l'appeler la grosse Bamboo. Ça pourrait lui faire de la peine. Bamboo, c'est suffisant.

C'est fou comme elle pouvait aimer les gamins, en fait. Ils étaient les seuls êtres sur cette terre, pour le moment, capables de faire naître dans son cœur autre chose que l'indifférence, le mépris ou la dévotion. S'installant a même le sol, puisqu'elle n'allait pas rester cent ans penchée en avant, ce n'était pas très confortable, elle reprit la parole.

- D'ailleurs, je ne t'accompagnais pas, je chassais dans les environs. Je suis venue quand j'ai entendu ta bruyante requête auprès d'Aka. Et donc, oui, effectivement, je me suis dit que je n'allais pas te laisser seule. Enfin, maintenant qu'on est là toutes les deux, je peux bien continuer de veiller sur toi.

Elle la ramènerait au camp plus tard. Là, avec elle, la petite ne risquait rien, de toutes manières.

Alexandrine fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas. Elle devait faire SEMBLANT de l'avoir accompagné, mais comme ça elle se ferait pas disputer. Mais au moins, si elle restait avec elle, elle ne risquait rien pour le retour et tout le monde serait content. Alexandrine s'approcha de l'oreille d'Holly et se dressa sur ses pattes arrière pour lui murmurer à l'oreille :

Si tu dis aux autres Grands que tu étais avec moi tout le temps, je t'offrirai une libellule.

Elle recula et s'assit, tout sourire, pour reprendre tout fort :

Alors, qu'est-ce que tu en dis ?

Elle ne pouvait pas dire non. Tout le monde adorait les libellules, après tout. Elle réfléchit ensuite à ce qu'elle avait dit avant :

Mais c'est pas méchant. Bamboo elle est grosse. Pourquoi j'aurais pas le droit de le dire, si c'est vrai ?

Allez, bon courage.

Et du coup, t'as tout entendu ?

Ses yeux s'arrondirent, elle se redressa d'un bond et hurla :

T'AS ENTENDU QU'AKA IL EST VENU ET TOUT ????

Et, papillonnante, changea de sujet :

TU VAS NOUS AIDER A FAIRE SOURIRE TATA PEP ???

Oh la la Alexandrine que tu es fatigante. Mignonne, mais fatigante.

Soupir.
Haussement d'épaule.

- Ça me convient. A la condition seulement que je ne te retrouve plus jamais en train de te promener toute seule.

Du moins, pas tant qu'elle était encore petite.
Pour le reste, elle ne pouvait se montrer trop autoritaire, déjà par ce qu'elle n'avait pas vraiment le tempérament pour mais aussi par ce qu'elle n'avait pas toujours été une enfant modèle, quelques mois plus tôt. Cependant, en cas de récidive, il lui faudrait durcir afin que des mesures soient prises.

- Par ce que, c'est vexant pour quelqu'un d'entendre que l'on est gros. Même si c'est vrai, il y a des choses qu'il vaut mieux garder pour soi.

Difficile d'expliquer ce genre de choses à un petit... Hollyock espérait que la dénommée Bamboo n'était si susceptible, ni complexée par son corps.

- Oui, j'ai entendu que Aka il est venu et tout. Par contre, malheureusement je doute d'être capable de vous aider à faire sourire Pepper.

Hollyock ou comment briser les rêves des enfants...

Yes ! Yes yes yes yes ! La prochaine fois, elle avait qu'à juste être plus maligne qu'elle, comme de tous les autres adultes, et le tour était joué. De toute façon, elle avait l'habitude de se faire disputer : tant qu'on ne fait pas de trop grosses bêtises, et qu'il ne se passe rien de grave, c'est pas très dérangeant. Alexandrine fronça les sourcils, en entendant la réponse de la louve bleue. Très emmerdante, elle répondit :

Mais c'est pas mentir ça ? Mentir par-

Comment disait Tita déjà ? Comme quand elle partait en disant qu'elle allait jouer avec des Petits, quand en fait elle allait s'entrainer avec Daisy. Ah oui !

Par momission. C'est pas bien de mentir.

Quand ça l'arrange, en tout cas. A la réponse de la louve bleue, elle fronça les sourcils, embêtée.

Mais si même toi tu ne peux pas faire sourire Tata Pep, qui pourra nous aider ? Les Grands, ça sert vraiment à rien.

Le ton était ronchon, un peu provocateur. Peut-être que si elle l'embêtait un peu, elle réfléchirait un peu plus fort ? Floyd, c'était toujours comme ça. Quand on lui disait qu'il pouvait pas faire un truc, il s'entêtait à se taper la gueule contre les rochers, jusqu'à prouver le contraire. Il était fort, Floyd. Mais Alexandrine ne pouvait pas ronchonner longtemps : ses oreilles se redressèrent et elle piailla :

On voulait faire une fête, mais Pepper elle est AVEUGLE. Comment on fait une fête pour quelqu'un qui ne voit pas ?

Peut-être que c'était plus facile, comme question ?

- Par omission. Et parfois, il vaut mieux mentir que dire la vérité, lorsque celle ci peut vexer.

Enfin, elle pensait, ne s'étant jamais trop intéressée à ces facettes là de la personnalité canine. Mais elle partait du principe que la plupart des individus n'appréciaient pas trop de voir leurs défauts soulevés, donc le mensonge par omission, c'était très bien, la petite Alexandrine n'avait pas non plus à la complimenter à outrance sur sa taille de guêpe inexistante.
Hollyock haussa les épaules.

- Effectivement, il y a des choses pour lesquelles même les grands ne peuvent rien faire. Nous sommes adultes, c'est tout. Porter un glowstick ne nous rend pas égaux aux dieux.

Elle même ne se sentait pas toute puissante, ni puissante tout court. Inutile donc de rentrer dans son jeu histoire de sauver son honneur ou elle ne savait quoi. La petite le comprendrait assez vite, parfois, tous les efforts du monde ne suffisaient pas pour atteindre l'objectif que l'on s'était fixé. C'était donc important de se fixer un but atteignable si l'on ne voulait rien lâcher.

- Je ne sais pas si une fête ferait plaisir à Pepper. Si vous voulez la rendre contente, soyez obéissants, écoutez ce que vous disent les grands, ne vous mettez pas en danger et faites en sorte de devenir des adultes dévoués au clan.

C'était tout de même bien moins fun qu'une fête, mais bon ! Elle ne pourrait pas lui donner plus de conseils que ça, n'étant elle même pas particulièrement proche de son Alpha, se contentant d'obéir aux directives données.

Alexandrine fit la moue. Ainsi, cette Grande là disait qu'il fallait parfois mieux mentir. Mais son visage soudain s'éclaira : elle comprenait parfaitement, en fait :

C'EST COMME QUAND TU FAIS UNE BÊTISE PAS GRAVE ! Tu le dis pas pour pas te faire disputer. Parce que c'est pas grave.

Ben oui hein. N'allons pas chercher le bâton pour se faire battre. Par contre, la suite de la réponse de la Grande ne la satisfaisait pas-du-tout. Elle réfléchissait déjà comme une Grande très Grande, et elle n'était pas très drôle. Elle se contentait de répéter des banalités, sans chercher à aller voir au delà. Alexandrine pencha la tête sur le côté et questionna, curieuse :

Peut-être, mais si on sait pas, on peut toujours essayer. On risque rien ! Et puis, on est déjà tous très obéissants et très fort.

Forts, peut-être. Obéissants...

Bon, c'est un peu nul comme discussion. Tu joues avec moi ? Oh ! Tu pourrais m'apprendre des trucs ! Je suis sûre que tu connais des tas de trucs !

Elle hésita un peu, avant d'ajouter, polissonne :

Pour la meute ! Pour que je puisse mieux la servir !

Hollyock eut une petite grimace sceptique.

- Non, enfin quand tu mens pour ne pas te faire gronder c'est par ce que ça t'arrange toi. L'objectif est bien moins bienveillant. Mais ce n'est pas grave, je pense que tu as compris le principe.

Ou pas, mais elles n'allaient pas rester à polémiquer pendant cent sept ans sur le pourquoi, parfois, il valait bien s'abstenir de dire la vérité. Les enfants, c'était très mignon mais parfois un peu fatiguant. La louve bleue ne pouvait qu'applaudir les parents mentalement, pour réussir à s'en occuper presque toute la journée. Même si parfois, ça dormait ces petites choses là. Tiens d'ailleurs, elle n'était pas fatiguée, Alexandrine ? Juste au cas où...
Mais non, visiblement.

- Oui, vous pouvez toujours tenter. Quant à l'obéissance, permet moi d'en douter...

Pour le force, elle ne demandait qu'à voir... En tout cas, cette gamine là était très forte pour parvenir à ses fins. C'était dingue, tant de fourberie dans une si petite tête.
Hollyock hocha la tête.

- Très bien. Nous allons voir si tu es capable de suivre une trace... Tu vas fermer les yeux, te retourner et compter jusqu'à cent. Pendant ce temps là, je vais aller me cacher et tu devras me retrouver.

Un petit cache-cache improvisé, ça pouvait être rigolo.

Les explications et reproches semblèrent passer au dessus de la tête de la gamine, lui en toucher une sans faire bouger l'autre. Enfin, si elle en avait eu. Mais vous me comprenez. Mais bon, c'est pas grave, dans la vie on ne pouvait pas être d'accord avec tout le monde ! C'était pas sa faute si Holly était têtue.

Mais oh ! Elle voulait bien jouer ! Ca c'était génial. Un sourire fleurit sur les babines de la louvette qui se mit à trépigner et tourner sur elle-même. Et en plus, elle avait des idées de jeu géniales !

D'accord ! Je ferme les yeux très fort, dépêche toi !

Et elle se retourna, le nez dans le sable et le cul en l'air, avant de se mettre à compter. Evidemment, elle comptait très fort, pour qu'Holly sache où elle en était : elle aimait bien gagner, mais tricher la mettait mal à l'aise. Mettre "toutes les chances de son côté", comme disaient certains petits, aussi.

UN. DEUX. TROIS. QUATRE.

...

QURANTNEUF. CINQUANTE. CIQUANTUN. CINQUANTDEUX.

...

CENT !

Alexandrine ôta les pattes de son museau et se retourna avant de s'arrêter. Mmh. Autant commencer d'où Holly s'était tenu ! Elle huma l'air longuement, inspirant les fragrances un long moment. Une piste, diffuse, semblait se diriger vers le camp. Une autre, plus fraîche, s'éloignait entre les rochers. En criant de joie, Alex prit cette direction.

Plusieurs fois elle perdit la pistes à grands cris et dut revenir en arrière pour la retrouver, victime de son excitation - mais elle la remontait ! L'odeur se précisait de plus en plus !

L'enfant fut partante pour la partie de cache cache et se retourna, cul en l'air, fermant les yeux.
Hollyock la laissa compter à haute voix, s'éloignant silencieusement, comme une ombre, jetant un dernier regard par dessus son épaule. Il n'était pas question de trop s'éloigner d'Alexandrine. Si la petite louve se retrouvait en danger, d'une façon ou d'une autre, il lui faudrait agir vite.
Elle était encore si jeune, si vulnérable.

La femelle bleue fureta dans les environs, à la recherche d'une cachette, et finit par se glisser derrière un imposant rocher, tendant l'oreille pour voir où en était Alexandrine dans son décompte. Lorsque le dernier nombre fut prononcé, Holly ne fit plus un bruit, restant immobile telle une statue. Et maintenant ? Saurait-elle la retrouver ? N'allait-elle pas se perdre en chemin ? Holly se permit de jeter un petit coup d’œil, et fut rassurée en la voyant fouiller, dos à elle mais pas si loin.
Allez, Alexandrine, fait demi-tour.

Hop, elle se cacha de nouveau, histoire de ne pas se trahir. Puis l'odeur de l'enfant se fit sentir et la louve sut qu'elle avait bien fait, de lui faire confiance. Elle s'approchait, elle avait trouvé sa piste, à en juger par le cri de joie qu'elle pouvait entendre.
Et par sa petite tête qu'elle put bientôt voir. Holly hocha la tête, plutôt satisfaite.
Carrément fière d'elle, au fond.

- C'est super Alexandrine, tu seras une super chasseresse. Sans aucun doute...

Sa gueule s'approcha de l'oreille de la môme et elle poursuivit en murmurant, comme un secret.

- Si tu réussis à ne pas crier de joie quand tu es sur la bonne piste. Les proies risqueraient de se rendre compte de ta présence.

Étant donné son jeune âge, elle n'était pas encore la meilleure en la matière... Ce qui ne l'empêchait pas de prodiguer quelques conseils de base à une louvette.

Alexandrine leva le museau au dessus d'une pierre et - JOIE ! Holly était là ! Un cri de victoire, évidemment, alors qu'elle recule pour laisser l'adulte sortir de sa cachette. Et... Et Holly lui faisait des compliments ! C'était... C'était doux. Chaud. Agréable. Ca faisait naître des papillons dans le ventre de la petite louve qui avait plus l'habitude de se rétamer sur le sol avec ses grandes ailes que de parvenir à trouver quoi que ce soit. Non pas qu'elle soit bête ou particulièrement mauvaise, mais la concurrence était rude, et contrairement à ses adelphes elle avait bien du mal à s'habituer au donc que la nature lui avait fait.

C'est avec un nouveau cri de joie qu'elle se jette sur la louve bleutée pour l'entourer de ses pattes et de ses ailes en une embrassade chaleureuse.

Merci Holly ! T'es géniale !

Et elle recula d'un pas.

MAINTENANT C'EST TOI QUI COMPTE !

Et elle fit demi-tour avant de partir en courant à toute vitesse. Pas de temps à perdre ! Un adulte, ça compte jusque cent à toute vitesse !

- Dé -

Et elle courait vite, Alexandrine ! Mais en voulant courir vite, elle oubliait d'en faire attention où elle mettait les pattes, et traçait en ligne droite complètement devant elle. NyyyyYYYOOOOm, un petit avion sonique qui cassait des branches sur son passage.

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Le dé 1 signifie la distance à laquelle elle va :
- Réussite Critique : Très loin très vite
- Réussite : Dans les environs
- Echec : Elle tourne sur elle même sans s'en rendre compte et revient assez proche
- Echec critique : Elle. Se. Perd.


Le dé 2 montre sa capacité à cacher sa piste :
- Réussite critique : Roublarde, il sera très difficile de la remonter ! Elle est passée plusieurs fois au même endroit, et faisait des bonds aidée de ses ailes pour espacer les odeurs au sol.
- Réussite : Il y a quelques idées, la mise en oeuvre n'est pas parfaite cependant
- Echec : Un peu pataud, l'Alex...
- Echec Critique : Des grosses traces de patte dans la boue. Mince !

Encore une fois, la petite louve se mit à crier de joie... Et vint lui faire un câlin, là, spontanément.
Hollyock en fut surprise, à en avoir les yeux ronds comme des soucoupes, n'étant pas habituée à recevoir tant d'affection de la part d'autrui. Mais ce n'était pas désagréable, loin de là, ça faisait naître quelque dans son cœur quelque chose de chaud, de doux. Ce sentiment que l'on nommait affection et qu'elle n'avait pas ressenti depuis un moment.
Pour une fois, elle ne fonctionnait pas uniquement en automatique. Plus que ça, Holly se sentait, un peu, vivante. D'un geste distrait mais doux, elle vint tapoter affectueusement le crâne de l'enfant de l'une de ses pattes avant, jusqu'à ce que celle ci décide de reculer d'un pas pour reprendre le jeu.

- D'accord, je vais compter.

La femelle ferma ses yeux à son tour, tendant l'oreille lorsqu'elle entendit les petites pattes d'Alexandrine s'éloigner d'elle, priant pour qu'elle n'aille pas trop loin. Elle compta, ne se faisant pas trop rapide histoire de laisser une chance à la petite louve de trouver une bonne cachette.

- Cent.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, le spectacle la consterna.
Il était, limite, inutile qu'elle s'embête à baisser sa truffe au sol afin de flairer la piste laissée par Alexandrine : Il n'y avait qu'à passer par les endroits où les branches d'arbres jonchaient le sol. Elle avait bien entendu quelques craquements, lorsque l'enfant était encore proche... Mais ne s'attendait pas à un tel carnage botanique sur toute la durée du parcours.
C'est donc tranquillement qu'elle pu aller la chercher, flairant tout de même sa trace lorsqu'un léger doute se faisait sentir, finissant par la déloger de l'endroit où elle s'était cachée.

- Trouvée. Comment tu as fait pour casser toutes les branches sur ton passage ?

Bouh, qu'elle était vilaine !

Merde. MERDE. ELLE L'ENTENDAIT ARRIVER. ELLE ETAIT JUSTE DERRIERE. AH. ELLE DEVAIT PAS BOUGER. SI ELLE BOUGEAIT ELLE ALLAIT FAIRE DU BRUIT. AH. NON. CHUT. CHUT.

Trouvé.

Alex jaillit de sa cachette en faisant la moue.

Elles étaient devant moi. J'ai du les pousser pour pouvoir passer !

Bon, elle exagérait un peu, elle savait bien qu'elle n'aurait pas du, qu'elle aurait du baisser la tête, passer à côté... Mais c'était plus fort qu'elle : elle n'y pensait pas, quand elle courait dans les bois, elle voulait juste aller plus loin, et plus vite. Ils s'étaient d'ailleurs bien enfoncé dans la forêt, les aiguilles de pin chatouillant leurs coussinets. Alexandrine piailla et fit des bonds autour d'Holly :

Comme tu m'as trouvé tu peux choisir le prochain jeu !

Alors, qu'allaient-elles faire maintenant ? Encore se cacher ? Courir, attraper ? Trouver des trucs ? Cacher des trucs ? Elle avait hâte.

La femelle bleue haussa les épaules.

- Tu pouvais aussi les esquiver... Mais c'est peut-être trop demander à un micro tank ~

Chose rare, elle, d'habitude si impassible, se fit malicieuse et vint doucement poquer la joue de l'enfant de la patte.
Enfin, Hollyock était gagnante dans l'histoire : Elle avait le droit de se creuser les méninges, une fois de plus, pour trouver le prochain jeu. Qu'est ce qui pourrait amuser un enfant ? Une idée toute simple germa dans son esprit peu inspiré et elle se pencha en avant, les antérieurs sur le sol, l'arrière train en l'air dans un appel au jeu.

- Attrape moi, si tu peux.

D'un bon, elle tâcha de s'éloigner de l'enfant. Mais par ce que ce serait trop facile de la distancer, étant donné leur différence de longueur de pattes, elle prit le partie de venir la chercher, revenant parfois près d'elle, lui tournant autour...

Réussite critique : Holly est très rapide et habile, la toucher sera très difficile.
Réussite : Elle est rapide mais il y a moyen de l'avoir en rusant.
Echec : Holly trébuche mais parvient à retomber sur ses pattes. Une faille idéale !
Echec critique : Holly se rétame de tout son long : A L'ATTAAAQUE

Un micro tank. Oui, c'était exactement ça : l'agilité serait de toute façon à jamais le domaine où elle aurait des lacunes, en grandissant. On ne peut pas taper fort, réfléchir (même si ça semblait difficile pour Alexandrine), encaisser les coups et les éviter avec grâce : au bout d'un moment, il faut choisir. Et la nature avait choisi pour elle. Aux paroles d'Holly, elle rit et sautilla en tournant sur elle-même.

Le jeu lui plut aussitôt.

Surtout lorsque, à peine l'ayant énoncé, Holly s'écrasa de tout son long sur le sol. Le cri de joie que poussa Alexandrine à se constat dut s'entendre sur des kilomètres, folle euphorie qui venait mourir dans un éclat de rire qui l'empêcha presque de profiter de la situation. Mais après la seconde où elle resta interdite devant sa nouvelle Grande Soeur étalée au sol, elle n'attendit pas : forte de sa réussite elle se jeta de tout son long sur Holly pour l'écraser de son poids. Elle lui mordilla les oreilles, marcha sur son dos, lui donna un coup d'aile dans l'épaule et sur les reins, bref.

Une bonne petite brute très joyeuse.

Lorsqu'elle en eut assez, elle s'éloigna aidée d'un mouvement de cuir, bondissant particulièrement loin pour partir en courant dans la forêt, allant au hasard.

TU M'ATTRAPERAS PAAAAAAS-

Mince.
A peine Hollyock avait-elle commencé à se mouvoir qu'elle sentit ses pattes arrières glisser sur les aiguilles de pin.
Son corps bascula et c'est à plat ventre, par terre, qu'elle se retrouva. L'enfant, cruelle, poussa un énième cris de joie face à ce constat... Et fondit sur elle, l'écrasant, lui mordillant les oreilles, lui donnant des coups d'aile. Holly se débattit, en vain, commençant à rire elle aussi.

- Aïe ! Quel manque de délicatesse ! Tu m'écrases !

Fort heureusement, la gamine finit par se lasser et se relever.
Le jeu reprenait, dans le sens inverse : C'était désormais à son tour d'attraper Alexandrine. Alors la louve bleue s'élança à sa suite... Mais Alexandrine était survoltée, rapide, et elle fatiguée après s'être faite marcher dessus. Grands Dieux, elle n'était pas encore toute à fait adulte qu'elle ne connaissait déjà plus l'énergie inépuisable des enfants et se traînait à sa suite, ne parvenant à la rattraper.
La honte.

Elle tenta d'accélérer, dans un ultime effort mais, puisque ce n'était décidément pas son jour, la femelle sentit l'une de ses pattes arrières accrochée par une ratine... Et encore une fois, elle tomba.