Maître Corbeau — Asclepia

Poe faisait diversion, se plaçant face à l’étranger.

Les grenouilles des terres Nakhus semblaient particulièrement vicieuses, quelque chose dans leur regard était comme déplacé. Cela changeait grandement des Poe qui accompagnait l’ancienne Raeder, celles qui logeaient non loin des côtes. Petite de taille, Lewis n’eut aucun mal à se faufiler sous la longue queue de plume de l’étranger.

« — Que tu es joli, que tu me sembles beau, sans mentir… Oups, la suite m’échappe. »

Simple p’tit poème pour embêter ce solitaire. Que faisait-il là ?

« — Drôle-D’-Oiseau-Qui-Rôde-Près-De-La-Corneille. »

Un nouveau titre, pour un nouveau loup. Lewis laissa dépasser sa tête entre plusieurs longues plumes qui composaient la queue du loup-oiseau.

Il n'aimait pas trop les Nakhus. Il les trouvait bêtes, trop gentils. Bizarres. Mais surtout stupides, oui, c'est ça qui le gênait le plus. Sous couvert de gentillesse et de sacrifice, ils faisaient croire que, lorsque le temps se ferait sentir, ça n'était pas leur peau qu'ils sauveraient en premier. Peut-être qu'un ou deux embrassaient vraiment ce concept, il y avait toujours des fous dans le monde, mais la plupart n'étaient probablement qu'un ramassis d'égoïstes refoulés. C'est toujours simple, de se dire qu'on est une bonne personne, lorsque tout va bien et qu'on a rien à prouver. Mais lorsque la faim se fait sentir ! Lorsque la douleur nous prend ! Ah ! C'est là, que les âmes se dévoilent. Que les égoïstes cachés rejoignent les égoïstes francs du collier.

Là, qu'Asclepia ricane en voyant ces bonnes âmes qui se pensent toutes meilleures que les autres rejoindre le rang des infidèles.

Mais il fallait avouer que, s'il trouvait les Nakhus stupides, leurs terres étaient particulièrement jolies et agréables à parcourir, bien qu'un peu fraîches. Il était un oiseau du sud, il n'était pas fait pour trainer trop longtemps en ces latitudes.

Mais pour l'instant, il était trop occupé pour penser au froid qui s'insinuait dans ses plumes. Penché le museau au sol, il détaillait avec attention une minuscule grenouille verte qui s'agitait devant lui. Wat. Il aurait JURE voir cette grenouille faire de grands signes pour attirer son attention. C'était BETE et même ULTRA BETE, presque un truc de Nakhu, mais il en était persuadé. Et maintenant qu'il lui reniflait le crâne, bien tenter de le lui croquer, quelque chose vient lui chatouiller les rémiges.

HiiiII-

Il fit un bond et se retourna d'une volte agile bien qu'à peine maîtrisée. Comment ce bout de loup avait bien pu se glisser là sans qu'il ne s'en rende compte ? Ses paroles, en plus, lui semblaient moqueuses. Vraiment ? Asclepia lui tira la langue.

Il fallait mieux apprendre tes leçons.

Il darda son regard sous son corps, pour voir s'il avait écrasé la grenouille au passage. Sa patte était passée à un demi-centimètre de ses gros doigts collants - bah tiens, un crapaud veinard.

C'est ta libellule ?

S'il savait pertinament que ça n'était pas une libellule, soit la louvette en rirait, soit elle s'offusquerait, et dans les deux cas ça promettait d'être intéressant. Soit, elle le prendrait pour un débile et le regarderait de haut. Meh, qui ne mets rien dans la balance, ne joue jamais.

Oupsi, Maître Corbeau ne semblait pas aimé que l’on s’amuse avec sa queue…

Un sourire amusé étira les babines de la louve mauve. Lui parlait-il comme une enfant ? Il est vrai que sa taille d’adolescente pouvait porter à confusion… L’ancienne Raeder semblait particulièrement de bonne humeur, ce n’était pas le jour qu’elle avait l’occasion d’embêter un plumé comme lui !

« — Apprendre, c’est pour ceux qui ne savent pas imaginer, Drôle-D’-Oiseau-Qui-Rôde-Près-De-La-Corneille. »

Le loup oiseau parla de libellule en désignant Poe. Ce dernier vint bondir sur l’épaule de Lewis, croassant doucement.

« — J’ai une tronche de libellule ? Et toi t’es quoi, un poulet bleu ? »

Fronçant les sourcils, la mauve n’intervint toutefois pas, se contenant de laisser parler l’amphibien. Si le paon avait quelque chose à dire, qu’ils en parlent directement. Lewis s’approcha du loup bleu sans aucune gêne, se mettant debout sur ses pattes arrière pour mieux observer les ailes de ce solitaire. C’était bien la première fois qu’elle voyait des plumes de cette couleur.

« — J’ai vu beaucoup de plumes aux couleurs multiples, mais jamais comme les tiennes. »

Asclepia eut un nouveau bond en arrière, lorsqu'une voix émergea du batracien. UH. CA AUSSI CA PARLAIT ? Il piailla avant de lui tirer la langue. Et, dans un déni total de Poe, s'adressa de nouveau uniquement à Lewis :

Ta libellule est très mal élevée ! Je ne ressemble pas du tout à un poulet. Je suis un Paon.

Et, satisfait de l'intérêt que lui portait la petite louve - était-ce vraiment un louveteau en fait ? Il en doutait maintenant - il étendit son bel empennage, glissant le bout de ses rémiges sous le cou de celle qui l'observait, l'intimant à les toucher et à y aller de plus près.

Sa joueuse avait bien l'idée que la petite pouvait lui en arracher une, mais Asclepia avait tellement de respect pour son corps qu'il n'imaginait pas un seul instant que quiconque, lui inclus, pouvait avoir cette attitude.

Et toi, qui es tu ? Tu n'as pas l'air de faire partie de- de ces Nakhus.

Il retint in extremis le "de cette bande de débiles violets" qui lui brûlait la langue.

Libellule.

Aïe le conflit entre les deux risquait de durer un moment. L’Oiseau y voyait-il réellement un insecte ? Que c’était insultant pour Poe… La grenouille croassa.

« — Oupsi, Monsieur-poulet-qui-se-prenait-pour-un-paon. »

Intriguée, Lewis passa sa patte sur les plumes soyeuses du solitaires, elles étaient d’une bien belle teinte et lui en semblait plutôt fier. Compréhensible après tout non ? Bien que les siennes ait été ramassées, Lewis chérissait aussi ses plumes. Visiblement, Maître Corbeau semblait vouloir ajouter autre chose, mais s’était retenu. Craignait qu’elle ne l’attaque si il parlait mal des Nakhus ? Un sourire étira les babines de la louve.

« — Lewis. J’en fais partie comme je n’en fais pas partie pour le moment. Disons, que je découvre. »

Une grande découverte dites donc.

« — Mais toi, Drôle-D’-Oiseau-Qui-Rôde-Près-De-La-Corneille, que fais-tu par ici ? »

Simple curiosité qui n’aurait aucune conséquence sur le comportement de la mauve.

Lewis. Qui découvrait les Nakhus sans en faire partie. Asclepia pencha la tête sur le côté et étudia la fragrance portée par le petit être. La petite louve. C'était une odeur vive, puissante, fraîche et... Salée. Elle venait de la mer. Ah ! De ces loups qui boivent du rhume dès leur plus jeune âge. Assez irresponsable, mais c'est tout ce qu'il en savait. Les Raeders Pirates.

Rien. Tout. Je visite. Disons que je n'ai pas grand chose de mieux à faire pour le moment que d'aller découvrir les alentours.

Il fit frémir ses plumes de nouveau, un sourire aux babines, avant de susurrer :

Et que souhaites tu trouver, auprès de ces Sages ?

Difficile de dire ce qu'il se cachait derrière l'intonation prononcée du dernier mot. Il se moquait, assurément, mais de quelle façon ? Et que voudrait-elle en comprendre ?

Un solitaire en quête d’une chose intéressante. Hum. Classique. N’étais-ce pas également le but recherche par Lewis ? Un chemin suffisamment intéressant pour pimenter sa vie d’ancienne pirate ? Sans développer, la mauve se contenta de réponde un sourire aux babines, alors que son regard intimé gentiment au loup-oiseau de ne pas la questionner davantage sur ce point.

« — Le chemin qui me sierra. »

Changeant d’humeur du tout au tout, la louve revint se cacher sous les plumes de la queue du loup, trouvant leur douceur fortement agréable. Si il lui était possible de n’en chiper ne serais-ce qu’une seule…

« — Dis-moi, toutes ces plumes, elles te servent à séduire les autres ? »

À défaut de le protéger, parce que ça devait quand même être sacrément encombrant dans un combat tout ça…

Curieuse, mais avare en détails lorsqu'elle même répondait. Asclepia gloussa et laissa la petite louve se cacher sous ses plumes - c'était bien rare d'avoir affaire à quelqu'un dont l'espace vital était plus réduit que le sien. Elle gigotait, sous sa grande queue de paon, comme un louveteau perdu dans une couverture. A la question qui jaillit de ses rectrices, l'aviaire pirouetta pour s'asseoir sur le côté tout en parant toujours la jeune dame du bout de ses plumes. Mais ce faisant, il put aussi poser ses deux pattes de chaque côté du corps de la louve et aller chatouiller son oreille du bout de son museau :

Peut-être. Es tu séduite ?

C'était un murmure, mais un murmure amusé. On voyait qu'il surjouait un peu, que ce n'était qu'un jeu - mais la proximité et le contact de son pelage duveteux restait bien présent.

La question du loup-oiseau arracha un rire à Lewis qui ne ressentit rien malgré cette proximité soudaine. La louve approcha son museau de celui du solitaire, un sourire amusé étirant ses babines, alors qu’elle prenait la parole, sans aucun tact.

« — Non. »

Un mot si direct, si franc… En espérant que son interlocuteur n’en fasse pas tout un flan. Lewis n’avait aucune gêne à être aussi proche de ce loup, le contact ne l’effrayait pas contrairement à d’autres.

« — Sauf peut-être en tant que repas… »
« — Poe, combien de fois t’ai-je dis de ne pas être désagréable ? »

La louve mauve vint poser sa patte sur la bouche de la grenouille qui croassa doucement pour protester. Inutile de trop blesser ce loup dans son orgueil, lui qui pensait visiblement être une bête de charme. Les autres oiseaux étaient-ils en revanche séduits par ces plumes ?

Il agita son museau, chatouillé par ce contact, et rejeta la tête en arrière pour éclater de rire. En voilà, une petite louve bien amusante. Elle lui plaisait, avec son cloporte qui râlait. Elle était drôle, et ne le prenait pas au sérieux.

Tu es trop rigolote.

Elle était, et de loin, la louve la plus maligne et intéressante qu'il ait croisé jusque là. Il finit donc, acceptant de converser avec elle et son étrange créature comme avec un pair, par lui poser la question :

Tu les trouves où, les pustules qui parlent ?

Déjà, parce qu'il allait énerver la pustule. Il en était certain ! Con qu'il était de tomber dans son illusion la tête la première mais avec beaucoup d'humour. Mais aussi parce qu'il était curieux : y avait-il vraiment des animaux qui parlaient loup, ici ?

Rigolote.

Quel mot étrange. Enfantin presque. Le regard de Lewis se fit un instant froid, n’appréciant guère d’être comparé à une gamine, quand bien même sa taille ne l’aidait guère dans cette tâche. Aucun sourire cette fois, lorsque la mauve parla.

« — Bientôt tu auras envie de pincer mes p’tits joues c’est ça ? »

Le loup-oiseau eut l’intelligence de changer de sujet pour poser des questions sur les grenouilles. Aussi qualifiés de pustules, m’enfin le sujet suffisait pour calmer la loupiote. Fallait pas déconner quand mêmes, les grenouilles c’était son point sensible. Le ton de Poe trahissait un certain agacement.

« — Qu’est-ce qui t’fais croire que c’est pas nous qui la trouvons ? »
« — C’est pas tout à fait vrai ça Poe… »

Simple p’tit don inné, offert par les prouesses de la nature et un soupçon de magie. La queue recourbée de Lewis remua doucement alors qu’elle expliquait fièrement le pourquoi du comment.

« — Je chante ! Les grenouilles répondent à mon chant et viennent à moi. »

C’est qu’elles étaient nombreuses en plus sur le continent, fallait qu’elle prenne garde à ne pas trop chanter sinon c’était une invasion…

Ooh, il l'avait vexée ! C'était dommage, il l'avait pensée plus calme que ça. Ou un certain complexe d'infériorité, qui lui faisait prendre la mouche ? Mais le sujet suivant toucha en plein dans le mille, bien plus efficace qu'il ne l'avait d'abord pensé. Et surtout bien plus intéressant. Ainsi, ça n'était pas une grenouille magique, mais une parmi tant d'autres. Cela n'expliquait toutefois pas ce qui leur donnait don de parole.

Asclepia se redressa et sautilla sur lui-même, tout excité :

Tu me montres ? S'il te plait s'il te plait s'il te plait !

Elle avait l'air plutôt contente d'en parler, peut-être ne serait-elle pas contre une petite démonstration ?

Et après, quand tu as chanté et qu'elles sont venues, tu la choisis comment ? Elles parlent toutes, celles qui viennent ?

Que c'était excitant.

La mauve remua doucement sa queue en souriant, enfin un autre loup intéressé par les grenouilles, presque autant qu’elle !

« — D’accord, mais ne leur fais pas peur. »

Posant son arrière-train sur le sol, la louve commença à chantonner, pas trop fort pour que trop de grenouilles ne viennent jusqu’à elle, mais assez pour que quelques une se pointe. Lewis s’interrompit, conservant le silence pendant plusieurs minutes, avant d’entendre un croassement. Ah ! La première ! Celle-ci avait une couleur marron assez commune sur ces terres. Deux autres la suivaient, rejoignant Poe, mais conservant leur caractère un peu plus… sauvage.

« — Elles pourraient… »
« — Si... », commença Poe.
« —Elles le...», suivit d'une deuxième.
« —Voulaient.» et d'une troisième.

Comprenait-il maintenant, Drôle-D’-Oiseau-Qui-Rôde-Près-De-La-Corneille, lui qui était probablement le premier à apprendre la chose directement.

Ne leur fais pas peur. Bon, d'accord : Asclepia allait rester calme quelques instants. Il s'assit sur le sol et s'obligea à ne plus bouger d'un pouce, alors que la louve violette se mettait à... Chanter ? C'était très étrange. Tout droit sorti de références qu'il ne connaissait pas, les comédies musicales qu'il aurait, dans un univers alternatif, fort apprécié probablement. Et, très rapidement, des grenouilles commencent à approcher dans un concert de coassements. Des petites, des grandes, des lisses et des pustuleuses : il y en a pour tous les gouts. Comme c'est rigolo ! Asclépia pencha la tête sur le côté et en touche une du bout de ses pattes, la poussant pour la faire rouler sur le dos alors qu'elle coasse de colère et se relève. Le loup-paon sourit. Quelles drôles de petites bestioles !

Et là, elles se mettent à parler, l'une après l'autre, et la petite louve violette de commenter. Il comprend, alors. Il comprend, et sa mâchoire se décroche alors qu'il se lève d'un bond et piétine l'herbe sous ses pattes, tout content :

C'est TOI ! C'est toi, Poe !

Bon, il n'avait peut-être pas tout compris. Mais c'était elle, les voix des grenouilles ! Il plissa les yeux :

Tu peux faire toutes les voix ? Oh la la c'est trop génial-

Mais le NOMBRE de bêtises qu'il pourrait faire avec ça. Oh la la.

Tu pourrais m'apprendre ?

Il est super content.

Le loup oiseau était surpris. Cela ferait-il toujours cet effet ? Lewis l’ignorait, ce loup était le premier à savoir la vérité, parce que la mauve faisait généralement de son mieux pour que rien ne trahisse son secret. Certains n’apprécieraient guère de savoir qu’elle parlait au travers de Poe… Mais Poe avait fini par développer sa propre conscience dans un coin de son esprit.

« — Non, seulement certaines ! Mais je peux essayer d’apprendre à faire la voix de quelqu’un… du moins je pense. »

Lewis n’avait jamais essayé pour tout dire… Ce serait une expérience à tenter. Elle sourit à la demande du solitaire.

« — Non. Chacun son secret, Drôle-D’-Oiseau-Qui-Rôde-Près-De-La-Corneille. »

Et chacun son talent-caché…

Mmh. Elle ne voulait pas. Asclepia se leva et lui tourna autour, prenant bien garde d'éviter de marcher sur les grenouilles qui trainaient maintenant partout - saletés. C'était drôle, mais s'il en écrasait une la louve risquait de l'engueuler grave, il le sentait. Il devait trouver un moyen, clairement, de la faire craquer.

Alleeeeez s'il te plaiiiit. Et je te rendrais service. Ou je te donnerai quelque chose.

Il avisa les plumes dans son collier et se rappela la façon dont elle observait les siennes lorsqu'elle était arrivée. Il ramena ses ailes devant lui et étala ses rémiges sous ses yeux.

Et tu pourras choisir une plume.

Pour accentuer l'effet, il les agita très légèrement pour faire osciller les yeux en une danse hypnotique. Elle se servait de son don pour faire parler une grenouille. Imaginez, tout ce qu'il était possible de faire avec, quand on s'appelle Asclepia et qu'on est insupportable !

Une plume.

Voilà ce qu’il offre, rien que ça. C’était tentant, très même, parce que ses plumes à l’Oiseau, elles étaient superbes et constitueraient une riche décoration. Mais Lewis sait voir, et a vu ô combien il y tenait à ses plumes. La mauve exécute de nouveau un mouvement négatif de sa tête.

« — C’est tentant, Drôle-D’-Oiseau-Qui-Rôde-Près-De-La-Corneille, mais ne serait-il pas plus intéressant que tu apprennes ceci de toi-même ? »

Pour comprendre la difficulté ?

Lewis avait appris ça, à cause de sa solitude, rapidement même Poe avait été le candidat idéal, c’était presque inné pour elle, alors l’expliquer aux autres… La louve ne savait pas vraiment comment y parvenir, peut-être que d’autres pourraient lui expliquer à ce loup, d’autres que Lewis ne connaissait pas ?

« — C’est long de comprendre, il te faudrait peut-être des années pour le pouvoir. »

Pour pouvoir ne serais-ce que dire parfaitement une phrase… Parce que c’était compliqué de comprendre le fonctionnement de chacun.

Ca n'était pas un non, mais c'était toujours loin d'être un oui. Asclepia fit la moue et remballa ses ailes, avant de commencer à tourner doucement autour de la louvette violette, prenant garde toutefois à ne pas marcher sur une grenouille. Il était un peu tôt, pour demander ça, reçu. Il n'avait pas grand chose d'autre qu'une plume à offrir, de toute façon, sa compagnie ne faisant visiblement ni chaud ni froid à la petite.

Malheureusement je n'ai pas des années. Tant pis.

Il ne semblait pas si déçu que ça. Si Asclepia était avide de nouveaux savoirs, il n'avait pas cette jalousie qui lui brûlait les reins dès que quelque chose n'allait pas en son sens.

C'est probablement la raison pour laquelle il n'était pas comme eux.

Il s'assit de nouveau en face de la louvette.

Mais dis moi, Poe, utilises-tu ton savoir autrement que sur cette pauvre grenouille ?

Il était curieux. Mais sentant que la petite ne se dévoilerait pas ainsi, il ajouta vivement :

Une histoire pour une histoire. Si tu parles, je t'offrirai en retour.

La vérité, un mensonge ? Une histoire, dans tous les cas.

La louve laissa échapper éclat de rire à la remarque de l’Oiseau, inclinant l’avant de son corps comme dans une position de jeu.

« — Mon nom n’est pas Poe, Maître Corbeau ! »

Pour autant, Lewis ne le révéla pas, trouvant la discussion avec le loup-oiseau assez intéressante pour le faire mijoter encore un moment. Voilà qu’il tente de l’appâter pour glaner des informations, enfin il le méritait après tout et promettait quelque chose en retour !

« — Les cadavres sont drôles à faire parler eux aussi ! Ceux de mouettes, ou de poisson ! Mais Poe, c’est le mieux, parce que les autres pensent qu’il parle réellement et que c’est contre lui qu’ils s’énervent. »

À défaut de passer leurs nerfs sur la pirate qui jouait l’innocente, c’était Poe qui prenait et qui des fois… ne s’en relevait pas.

« — À toi, racontes-moi une histoire ! »

La louve mauve tourne sur elle-même comme pour poursuivre sa queue alors que c’est simplement pour s’occuper. Poe laissa d’ailleurs échapper un croassement peu emballé par autant d’agitation. À la question du loup-oiseau, Lewis s’arrête nette.

« — Faiseuse-De-Grenouilles ! »

Un nom que Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort lui avait donné à la suite de leur petite aventure.

« — D’accord ! »

C’était une bien drôle d’histoire quand même, l’accouplement, les parties génitales… tout ça, n’évoquait pas grand chose pour Lewis qui n’en avait jamais ressenti l’intérêt.

« — C’est pour ça que tu as fini ici ? Pour échapper aux obligations de ton peuple ? »

Ou peut-être que personne ne souhaitait se reproduire avec lui ? Mais cette réflexion la louve se la garda, elle était pas suicidaire quand même…

« — Hum… Que dis-tu de ça, mon père fut alpha mais son frère l’a accusé à tort de trahison et il a donc remis son titre à une autre pour prendre sa retraite. Ensuite, pour provoquer son frère et les valeurs de sa famille il a décidé de justifié les accusations de son frère et… » Lewis fit un petit saut théâtrale. « C’est comme ça que je suis née ! Puis ma mère catin m’a abandonné pour un autre de ses enfants. »

Niveau info, faut dire que t’avais pas grand chose en réserve !

Whouah, ça semblait vraiment pourri en fait son monde d’origine à lui…

« — T’as raison, les loups trop sérieux sont biens ennuyants ! Le pire c’est qu’ils pensent se donner un style, alors que ça craint. »

Maître Corbeau demanda comment étaient les Nakhus et Lewis réfléchit un instant à la question. Ajani n’apprécierait probablement pas qu’elle dénigre la meute, mais la pirate appréciait la vérité.

« — Ils sont assez naïfs. C’est le plus effrayant chez eux je trouve Maître Corbeau. Parce qu’ils croient en la confiance, en la paix et que toute chose peut se résoudre sans conflit. » Lewis marqua une pause. « Mais ils se trompent… Et le comprendront un jour. »

Le regard de la louve se perdit vers l’horizon.

Parce que la guerre ne cessait jamais. La pirate remua sa queue recourbée.

« — Un jour peut-être tu auras l’occasion de voir comment ils sont. Ils ont tendance à ramasser tout ce qui se perd… »

Peut-être que lui aussi ils le ramasseraient.

« — En attendant, je dois me dépêcher de choper un repas avant qu’il ne fasse nuit, je compte sur toi pour que nos chemins se décroisent ! »

Plutôt que la louve ne le penserait d’ailleurs… Après un dernier sourire, la louvette disparut en trottinant, Poe sur son épaule, partant à la recherche d’un repas suffisant pour la nourrir.